Check Mate DxD

Chapitre 130 : Les Mystères d'en dessous/Chika no Shinbi

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Avec un soupir, Dean éloigna la lame de son corps. Sa main, crispée sur la poignée, se détendit. Puis, il prit le poignard rituel dans l'autre afin de dégourdir ses doigts. Ses muscles étaient raides. Ceux de sa main, mais également de son bras et aussi de ses jambes croisées en tailleurs. Il voulait les décontracter un peu, mais d'abord, il devait s'occuper de son outil.

Il attrapa alors le fourreau en forme de cône qui traînait toujours à côté de lui. Son extrémité était close à l'exception d'une fente pour la lame. Si le liquide contenu à l'intérieur ne s'était pas déversé, c'était parce que celui-ci était enchanté pour empêcher cela. Dean approcha le poignard et tenta de le faire entrer dans la fente. C'était assez difficile puisqu'il tremblait un peu. Finalement, la lame ensanglantée glissa dans un chuintement jusqu'à la garde qui se bloqua une fois au bout. Dean secoua alors le fourreau pour que le liquide purifie le métal.

Selon les écrits qu'il avait lus, nettoyer sa lame était très important. Le Sang Sorcier pouvait finir par corroder la matière dont elle était faite, la rendant fragile. Voire même friable. Des couteaux rituels mal entretenus ne duraient pas longtemps. Dans le meilleur des cas. Ils se brisaient au moment de sortir de leur fourreau et dans le pire… pendant le rituel ce qui pouvait coûter la vie à son propriétaire.

C'est pour cela que Dean faisait bien attention à rapidement rengainer la lame pour éviter que le sang ne sèche. Une fois chez lui il lui faudrait dévisser la base circulaire afin de vider le liquide et de le changer. Normalement, il pouvait attendre d'avoir pratiqué 2 ou 3 autres rituels pour cela. Que celui-ci soit vraiment souillé, mais il préférait s'abstenir. C'était plus sûr et, selon Hariel, plus hygiénique (il lui avait même conseillé de nettoyer le métal avec de l'antiseptique à ce moment-là).

Autrefois, une telle prudence aurait été moins évidente puisqu'il fallait pouvoir se procurer une assez grande quantité de purifiant ce qui n'était pas donné à tout le monde. Mais aujourd'hui, c'était différent. Pour des lames ordinaires, le plus efficace était de l'eau de source. Et si à une certaine époque, ce n'était pas monnaie courante (à moins d'habiter près de l'une d'elles), de nos jours, il suffisait d'en acheter un pack de 6 bouteilles d'1L dans la supérette du coin. Se montrer prudent (et soucieux de ne pas attraper une septicémie) ne coûtait pas plus cher.

Son arme protégée, Dean entreprit de se relever. Il commença par décroiser puis étendre ses jambes, gémissant en sentant ses muscles se décrisper. Il ne savait pas depuis combien de temps il était dans cette position. Peut-être des heures. Ses membres avaient eu le temps de s'engourdir. Il finit par réussir à se remettre sur pieds, chancelant. Il ressentait un faible picotement sur son torse incisé ainsi qu'une légère nausée qui lui indiquait que son organisme était en hypoglycémie. Probablement à cause de la perte de sang.

Il prit une grande respiration et tenta de se concentrer pour rassembler sa magie. Il sentait quelque chose de nouveau dans le flux de Mana qui traversait son corps. Cela devait être le circuit qu'il venait de tracer. Celui-ci ouvrait de nouvelles voies dans son système, mais pour le moment, il allait éviter d'y toucher. Pas tant que les marques extérieures ne se seraient pas dissipées. Lesdites marques ressemblaient toujours à des lignes ensanglantées d'où coulait le précieux liquide tout le long de son torse et, à présent, de ses jambes. Il faudrait donc rapidement qu'il se nettoie. Mais avant cela…

Il lui fallut s'y reprendre à plusieurs reprises pour parvenir à accéder à sa Poche Dimensionnelle et à en tirer ce qu'il cherchait (juré, la prochaine fois il le sortirait à l'avance). À la hâte, il ouvrit l'emballage de papier et mordit dans le morceau de chocolat qu'il contenait. Il commença à se sentir mieux dès que le sucre se mit à lui chatouiller les papilles. Il se mit à mâcher, gémissant de plaisir au goût riche de la douceur magique puis poussa un soupir de soulagement au moment où il avala. Le glucose semblait faire pétiller son cerveau, chassant la brume qui s'y était installée.

À présent que sa nausée s'était calmée et qu'il pouvait penser plus clairement, il entreprit regarder autour de lui. La salle était sombre et circulaire, recouverte de symboles à peine visibles. On pouvait cependant voir qu'ils formaient une spirale partant de la clé de voûte, au sommet, se continuant sur les parois et le sol et s'achevant au centre de la pièce où se trouvait Dean.

Toutefois, ce que celui-ci cherchait ne semblait pas être en vue. Les murs étaient lisses en continu alors que tout à l'heure, il était entré par une porte. Porte, qu'il ne voyait à présent plus du tout.

Au moment où il se demandait comment il allait bien pouvoir sortir, un rectangle fait de lignes d'un blanc lumineux apparut alors sur l'une des parois. Celle-ci commença à glisser, ouvrant un passage sur une pièce immaculée. Dean s'avança et passa la tête à l'intérieur. Il reconnut aussitôt l'espèce d'antichambre qu'il avait traversée avant d'entrer dans la salle de rituel. Juste à sa gauche se trouvait le vestiaire où il avait laissé l'intégralité de ses vêtements. Il y avait également une douche et, tout au fond, la machine aux allures de cabine à UV qui avait tracé son circuit sur son corps.

Dean s'avança alors en direction de la douche. Sans qu'il s'en rende compte, des gouttes de sang tombèrent au sol sur son passage. Toutefois, au moment où elles touchaient la matière blanche qui le composait, celles-ci se mettaient à onduler et à se retourner. Ou plutôt, c'était les petits cubes qui basculaient sur eux-mêmes en emportant le liquide afin de conserver leur aspect immaculé.

La température de l'eau était parfaite. Dean sentait ses muscles se détendre sous la chaleur ainsi que sous la pression du jet. Les yeux clos, Dean se mit à passer ses mains dans ses cheveux, sur son visage et ses bras tout en évitant soigneusement la zone de son torse. Il ne savait pas s'il était prudent d'y toucher ou pas. Même si le picotement avait cessé.

Finalement, il avait été moins terrible de s'inciser la peau que ce qu'il ne le pensait. La lame, dont l'extrémité était courbée, avait facilement glissé sur son corps en suivant les lignes. C'était étrange, voir même légèrement effrayant, mais pas vraiment douloureux. Ou alors peut-être qu'il était trop concentré pour avoir mal. Cependant, à présent qu'il ne l'était plus. Il craignait une sorte de retour de bâton. Mais pour l'instant, il n'y avait rien.

Rouvrant les paupières, il posa une seconde fois sa main sur l'empreinte lumineuse au mur qui lui avait permis de faire couler l'eau afin, cette fois, de l'éteindre. Regardant autour de lui, il jura intérieurement en se rendant compte qu'il n'avait pas vraiment prévu de serviettes. Il allait donc devoir attendre d'être sec pour pouvoir enfiler ses vêtements.

Toutefois, à ce moment-là, il entendit un léger chuintement venir d'en haut. Il leva les yeux et vit qu'une sorte de grand anneau qui émettait une lueur bleutée vers l'intérieur était apparu juste au-dessus de lui, probablement du plafond. Celui-ci se mit à descendre sur Dean qui remarqua que, sur son passage, l'eau dans ses cheveux et son corps semblait chassée vers le bas. Finalement, l'anneau arriva au pied de Dean avant de remonter rapidement et de disparaitre à nouveau. Avec quelques tâtonnements étonnés, le garçon se rendit compte qu'il était totalement sec. Avec surprise, il constata que la douche l'était aussi. L'eau qui avait coulé avait également disparu, comme absorbée par le sol.

Comme il s'inspectait lui-même, son regard tomba sur son torse. Son torse lisse. Il tendit la main pour la passer dessus, hésita quelques instants puis se décida à poser ses doigts sur sa peau. Celle-ci était douce, sans aucune marque de coupure.

« Que… » balbutia-t-il.

Comme il tentait de mieux se voir, il perçut un mouvement du coin de l'œil. Il sursauta, mais ce n'était que le mur le plus proche qui avait changé, passant du blanc immaculé à une surface réfléchissante. Il avait donc été surpris par son propre reflet. Se tournant finalement vers le miroir, il put constater que son torse était intact. Sans la moindre marque d'incision. Pourtant, le circuit était bien là, il le sentait. Pour preuve, il se concentra dessus pour l'activer. Des lignes de lumière blanche irisée, sa couleur magique, apparurent alors sur son buste, reproduisant exactement le tracé qu'il venait de faire lors du rituel.

Se rapprochant, il s'aperçut que les lignes scintillaient non pas sur sa peau, mais juste en dessous, entre deux couches de derme. À la façon des tatouages. C'était comme si la peau s'était reconstituée d'elle-même sans laisser le temps à un tissu cicatriciel de se développer. Est-ce que cela venait de sa magie ? Ou peut-être, un effet du rituel ? Ou même encore que c'était à cause du chocolat. Toujours était-il que, finalement, il n'effrayerait pas ses parents en rentrant avec un torse sanguinolent.

D'ailleurs, en parlant de ses parents, il espérait qu'ils n'étaient pas trop inquiets. Il avait oublié de leur laisser un mot. Mais avec un peu de chance, ils dormaient peut-être encore, se dit le jeune garçon en fouillant ses affaires à la recherche de sa montre. Une lueur dans sa vision périphérique attira alors son attention. Il tourna la tête et vit que des chiffres étaient apparus sur le mur tout proche. Quatre chiffres séparés par deux-points. C'était une heure. Et s'il s'agissait bien de l'heure exact, alors il était plus de 10 h du matin.

Non seulement le rituel avait duré près de 5 h consécutives, mais à cette heure-ci, Dean était certain que ses parents étaient bien réveillés. Rapidement, il chercha son téléphone dans sa poche. Il avait plusieurs messages et appels en absence de leur part pour lui demander où il était et s'il allait bien. Il composa une réponse vite fait pour les rassurer et attendit quelques secondes pour la leur.

« Ne rentre pas trop tard »

Il soupira puis leur envoya un « promis » avant d'éteindre son téléphone. À présent, son attention tout entière était tournée vers les chiffres sur le mur. Ils étaient apparus au moment où il en avait besoin. Tout comme la porte, l'anneau de séchage et le miroir. Il lui avait suffi d'une pensée pour…

Dean se frappa le front. Bien sûr ! C'était ça ! Pourquoi ne s'en était-il pas rendu compte plus tôt ? La technologie alterane était contrôlable grâce aux impulsions nerveuses et psychiques. Grâce aux pensées. C'est pour cela qu'à chaque fois qu'il avait eu besoin de quelque chose, c'était apparu. Toutefois, il restait un mystère. Jusque-là, la majorité de ce type de technologie nécessitait un contact physique direct pour se déclencher. Comment donc était-il possible que…

« Tes pieds » lui dit alors Ahiram.

Dean baissa les yeux. En effet, ses pieds nus touchaient bien le sol. Est-ce que c'était à cause de ça ? Curieux, il caressa la surface lisse du bout des orteils. Celle-ci commença à frémir. Les cubes qui le composaient se mirent à monter et descendre, formant des petites ondes sous lui. Dean fit ensuite la même chose sur le mur à l'endroit des chiffres avec un résultat similaire.

Donc, que ce soit les murs ou le sol, ici, dans la salle de rituel ou le reste de la cité et quel que soit leur apparence, tout était construit à l'aide de ces cubes, les Unigos. C'était le nom qu'avait trouvé Hariel. « Uni » à la fois pour « unique » et « union » puisqu'ils étaient des entités séparées travaillant en symbiose et « go » pour « Légo » la marque de jeu de construction puisqu'ils agissaient comme les petites briques de plastiques et permettaient de former une architecture modulaire. À présent, il était également évident qu'ils pouvaient servir d'interface technologique universelle.

Toutefois, Dean et Ahiram avaient beau avoir cherché dans la base de données alterane, ils n'avaient jamais trouvé aucune mention d'eux. La seule solution était donc qu'ils avaient été conçus par Merlin lui-même après son retour… ou bien qu'il n'avait jamais partagé son invention avec les autres. Il était alors possible qu'on en trouve nulle part ailleurs qu'à Camelot.

Toujours était-il que la Cité était vraiment un bijou de la technologie. Qu'elle ait été destinée à être plus que la capitale d'une nation médiévale, cela avait déjà été établi. Cependant, il était difficile pour Dean de comprendre en quoi lui ou Hariel pourraient un jour avoir besoin de tout l'arsenal dont disposait la ville. Enfin, il parlait d'"arsenal", mais il ne s'agissait pas seulement de l'armement… en fait, il ne s'agissait pas du tout de l'armement.

Bon, oui, l'armement était effectivement quelque chose sur ce vaisseau. Drones, canons à énergie, modules d'explorations, chasseurs… Comme il l'avait déjà constaté, la Cité était prête pour une guerre de niveau interstellaire. Mais il n'y avait pas que cela. Loin de là.

L'incursion qu'il avait faite dans la base de données centrale pour trouver la salle de rituel avait été extrêmement instructive. Elle avait révélé que l'assise en partie immergée de l'île artificielle pouvait être comparée à une « ville sous la ville ». Plongeant à une profondeur d'environ 500 m, on pouvait calculer que son volume total avoisinait les 10 km2… du moins en apparence.

En effet, s'il était possible de créer des subespaces pour que l'intérieur de valises ou de coffres puisse contenir des maisons entières (voir plus), alors le faire dans une Cité conçue par l'un des fondateurs de la Magie Humaine l'était également. Dean n'était pas sûr, mais il supposait que ses véritables dimensions devaient être 10 voire même 100 fois plus importantes.

Cette incertitude venait du fait qu'il s'agissait non pas d'un unique subespace, mais d'un ensemble complexe de plusieurs couches de réalités qui s'entremêlaient les uns dans les autres. C'était comme si Merlin n'avait pas vraiment eu d'idée précise de ce qu'il voulait exactement entreprendre. Il semblait avoir élaboré un concept assez global et créé plusieurs vastes dimensions internes, mais par la suite, il avait fait des rajouts, des troncatures ou avait isolé certaines pièces en leur aménageant leur propre dimension qu'il avait ensuite repoussée dans des branes plus profondes de la réalité.

C'était un peu comme quelqu'un qui préparait un voyage en rajoutant perpétuellement quelque chose à ses bagages en se disant que ça pourrait peut-être servir. Au final, on avait un bric-à-brac branlant maintenu par des bouts de ficelle. Bon, fort heureusement, le système de Merlin paraissait plus stable que cela, mais cela restait de la bricole. Tout ce que Dean pouvait imaginer était que son ancêtre avait construit la ville au fil de ses différentes visions de l'avenir et d'hypothèses qu'il aurait échafaudées. Il avait vu ce dont Hariel et lui pourraient avoir besoin dans le futur (quoi que ce soit) et y avait ajouté d'autres choses par précaution.

Fort heureusement, il semblerait que la répartition globale des secteurs ait été assez claire pour lui dès le départ. Et pour cause, elle était assez semblable à celle des Cité-Vaisseaux alterans d'origine. Chacune des 6 branches de la cité abritait l'un d'eux : département magique, scientifique et technique, entrepôts, manufactures, aires de combat et enfin, chantier spatial.

Le premier était donc le seul que Dean avait pu visiter depuis son arrivée. C'était bien entendu là que se situait la salle de rituel où il se trouvait toujours. Elle n'était toutefois pas un cas unique. Il y en avait plusieurs dizaines dans ce seul secteur et cela ne représentait même pas 5 % du volume global des lieux.

Dean n'était pas allé jusqu'à tous lire en détail, il y avait bien trop d'entrées différentes. Cependant, il avait tout de même retenu quelques noms : Oculus (apparemment un endroit lié à la Divination), ateliers de Potions, terrain de test, bibliothèque (Dean ne savait pas si elle était composée de livres ou de données, pourtant, si c'était la seconde solution, alors l'I.A. de Merlin aurait dû avoir accès à plus d'informations sur la magie), planétarium, forges, ateliers de cristaux…

Entre lui et le secteur scientifique et technique, le nombre de laboratoires, particulièrement ceux qui étaient protégés semblait aberrant. Dean ne pouvait que se demander quel genre d'expériences dangereuses il était possible de faire là-bas. Et puis, pourquoi autant de laboratoires différents ? Des dizaines de milliers de personnes pouvaient travailler là. Est-ce que dans l'avenir Hariel allait engager l'intégralité de la population magique mondiale ? Sinon, il ne voyait pas pourquoi un espace aussi volumineux.

Toutefois, il n'y avait pas non plus que des laboratoires dans le second secteur. Apparemment, il y avait également différents centres techniques (avec des robots autonomes chargés de la maintenance dans toute la cité) et même un collisionneur. Il y a quelques années Dean n'aurait même pas su ce que c'était (et encore moins qu'il y en avait sur Terre), mais à présent que son intelligence avait été augmentée et que son cousin en avait profité pour lui donner des cours de rattrapage en science terrestres, il savait que c'était une machine dont le but était d'accélérer et de faire entrer en collision des atomes afin d'étudier le résultat. Apparemment, cela pouvait être assez dangereux (pas étonnant que le subespace où il se trouvait était aussi profondément enfoncé au travers des branes).

Le secteur de manufacture était visiblement un centre névralgique important puisque c'était lui qui construisait les pièces de rechange de l'île afin que celle-ci soit autonome. Quand on parlait de pièce de rechange, il y avait bien sûr des composants cristallins (ce qui semblait être une récurrence dans les technologies non terrestres), mais également divers matériaux dont, bien entendu, le plus important, les Unigos. Apparemment, il y avait dans ce coin-là, une usine entière qui fabriquait en permanence ces petits cubes blancs sensibles avant de les distribuer ou de les stocker dans le secteur des entrepôts.

Ces deux secteurs, rattachés l'un à l'autre, devaient, à pleine utilisation des fonctions de la Cité, générer un flux constant d'échanges. Les matières premières partaient d'un côté puis seraient transformées avant que les produits finis ne soient ramenés dans les entrepôts et stockés. Cristaux, Unigos inutilisées, composants divers. Un nombre important de Potentas étaient présents assurant ainsi la pérennité énergétique de l'île pour les milliers d'années à venir. Il y avait également des denrées alimentaires en stases et des ingrédients de potion. Apparemment, il était possible d'employer les machines des manufactures pour préparer des potions de manière industrielle et donc, en grande quantité. Entre autres choses.

Le secteur appelé « aire de combat » était divisé en deux parties. Une dédiée à l'armement pur avec des zones d'entraînement, des casernes, des armureries, etc. Et l'autre aux soins. Il s'agissait en fait d'un large hôpital capable de soigner simultanément des milliers de patients. Cela, plus que le reste, inquiétait Dean. Quel avenir leur était réservé s'il était nécessaire que la ville dispose d'autant de lits ? Une Guerre ? Sans doute. Et elle ne serait pas sur Terre alors, si on en croyait le dernier secteur.

C'était celui du chantier spatial. Un nom à prendre au pied de la lettre puisque c'était le plus vaste de tous. L'ensemble était composé d'immenses hangars prêts à accueillir des vaisseaux de taille phénoménale. L'un des docks était même déjà occupé par la carcasse titanesque d'un navire. Au vu de l'avancement, il était possible que les travaux aient commencé dès le départ de la ville de Dakara. Toujours était-il qu'une fois que celui-ci et les autres seraient terminés, ils seraient en possession d'une armada au pouvoir destructeur assez inquiétant.

Dean ne pouvait que se demander la raison pour laquelle il leur serait nécessaire dans l'avenir. Est-ce que Merlin les voyait combattre les Goa'ulds pour ramener la paix dans la Voie Lactée ? Ou pire ! Est-ce que les ennemis qui les avaient chassés de leur galaxie d'origine allaient trouver le chemin de la leur ? Tout ce mystère était assez angoissant et il devait avouer qu'il n'avait pas vraiment envie de savoir. Il n'était pas non plus partant pour aller visiter ces immenses zones.

Toutefois, il existait bien un endroit qu'il voudrait bien voir. Il s'agissait d'un 7e secteur simplement appelé « Le Jardin ». Situé juste en dessous du Château, il était plus vaste encore que la zone des quais. En vérité, malgré son emplacement, il composait plus de la moitié de la totalité de la superficie disponible dans le socle. C'était un secteur avec un environnement extérieur recréé dans un espace illusoire. Ou plusieurs environnements. En effet, le Jardin était composé de différentes parties ou Biomes, chacun ayant son propre climat ainsi que sa flore.

L'ensemble devait être… magnifique.

Toutefois, une nouvelle sonnerie du téléphone de Dean le ramena soudain à la réalité. Se rendant compte qu'il s'était perdu dans ses pensées pendant pas mal de temps et que ses parents s'étaient de nouveau inquiétés, il se rhabilla rapidement avant de se téléporter. Cependant, l'endroit où il réapparut n'était pas chez lui. Avant de rentrer, il avait voulu faire un petit crochet par la Plateforme d'Observation de la Tour de Merlin. Il s'agissait en fait d'un titre assez ronflant pour un large balcon situé au-dessus de la salle de la porte.

Là, il activa sa rune et aspira à pleins poumons. L'air marin était pur et odorant. Jamais encore il ne l'avait ressenti de cette façon. Jamais encore il n'avait respiré aussi sereinement. Il aspira à nouveau puis encore une fois sans jamais s'étouffer. Il sourit content qu'avec son souffle ses problèmes se soient envolés.

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Cédric et Viktor se tenaient debout sur les rives du lac Juvvatnet. Le paysage autour d'eux n'avait pas vraiment changé. Il faut dire aussi que cela ne faisait que trois jours depuis leur escapade au sommet du Galdhøpiggen. Toutefois, ceux-ci avaient été bien remplis.

D'abord, dès leur retour, Cédric avait été amené à l'infirmerie du Château de Kamala. Il ne savait pas vraiment ce qui était le plus douloureux, les soins plus que musclés d'Averroès ou son assez longue diatribe au sujet de leur inconscience. Par certains côtés, il rappelait à l'ancien Poufsouffle Madame Pomfresh. Toutefois, contrairement à elle, il ne l'avait pas consigné au lit pour le temps de sa rémission.

« Une convalescence ? Pour des os fissurés et des ecchymoses ? Et puis quoi encore ? Un coma artificiel ? » Avait-il dit en roulant des yeux.

Il n'avait (heureusement) pas fallu très longtemps au Guérisseur Démoniaque pour appliquer une réparation magique aux blessures de Cédric. Il avait, ensuite, utilisé un Sort d'Entrave spécial qui avait créé une attelle de Mana pour bloquer les mouvements du bras de Cédric avant de le renvoyer. Tant qu'il gardait son attelle pendant les trois jours de sa rémission, son épaule serait totalement remise. C'était donc un Cédric assez soulagé qui était sorti de l'infirmerie sur ses deux jambes.

Et heureusement, car, comme il en avait été question plus tôt, ils n'avaient pas vraiment chômé pendant ces trois jours. En effet, il avait fallu préparer leur expédition. Hors de questions qu'ils repartent une nouvelle fois sans prendre aucune précaution : vivres, potions, munitions (dans le cas de Cédric), moyen de communication de secours… Tout cela avait été rassemblé et divisé entre leurs deux Dimensions de Poche. Leurs tenus de combat avaient également été réparés et leurs Enchantements, renouvelés.

Le 3e jour, ils étaient prêts. Quelques minutes plus tôt, Hariel était venu leur souhaiter bonne chance en coup de vent. C'était la veille de la rentrée scolaire, il devait donc être à la garde de King's Cross pour 11 h. Il avait tout de même tenu à les voir avant de partir.

« Toujours décidé à m'accompagner ? » Demanda Viktor.

Cédric ricana.

« Demande-moi encore ça et tu vas vraiment te débrouiller seul » dit-il.

Viktor sourit et posa sa main sur l'épaule de son ami. Cédric frémit et sentit ses joues chauffer un peu. Viktor, qui ne savait pas trop bien pourquoi il avait fait ça ni que faire après, ouvrit la bouche plusieurs fois avant de la refermer. En définitive, il se mit à lui tapoter l'épaule et hocha la tête avant de retirer sa main. Il se tourna ensuite à nouveau vers le lac pour dissimuler sa gêne.

« On… euh… on devrait y aller, non ? » Demanda-t-il finalement.

« Oui… » répondit timidement Cédric. « Oui, il serait… il serait temps. »

Les deux garçons passèrent alors leur main devant leur visage et leur corps en un ample mouvement. L'air autour d'eux sembla frémir un instant, mais il ne se passa rien d'autre de plus. Du moins en apparence.

Ce n'était bien sûr toujours pas la haute saison, mais c'était à présent le weekend donc on pouvait apercevoir ça et là des promeneurs venus admirer le paysage. Ils auraient certainement remarqué deux garçons habillés en noir qui plongeaient dans le lac et ne remontaient pas. Ceux-ci avaient donc décidé de commencer par se jeter un Sort d'Occlusion Mentale. Ils étaient toujours visibles, mais rien de ce qu'ils faisaient n'intéressait les gens. Ils étaient incapables de se concentrer sur eux.

« Et maintenant, l'heure de vérité » souffla Viktor comme pour lui-même en avançant dans l'eau.

Ce n'était pas très profond. Il en avait à peine jusqu'au-dessus du pied. En plus des bottes étaient magiquement imperméables donc il n'y avait aucun risque qu'elles soient mouillées. Enfin pour le moment. Après tout, lui et Cédric allaient plonger dans le lac. L'eau devait fatalement rentrer même malgré les Sorts. Sauf si bien sûr, ils faisaient quelque chose pour que cela ne se produise pas.

C'était cet autre point qui les avait tenus occupés durant ces fameux trois jours. Une fois dans l'eau, comment faire pour respirer et se déplacer ? Au départ, Cédric avait proposé le Charme Têtenbulle. C'était la solution qui demeurait la plus pratique. Même Viktor en avait convenu. Certes, sa semi-métamorphose en requin lors de la Seconde Tâche l'année précédente ne l'avait pas vraiment desservi, mais cette fois, il aurait sans doute besoin de pouvoir communiquer (chose très improbable quand on a trois rangées de mâchoires dans la bouche sans compter le manque de cordes vocales).

Toutefois, ce simple Sort ne résolvait pas le second problème qui était de savoir comment se déplacer efficacement sous la surface. L'idée du matériel de plongée (notamment de palmes) avait été évoquée. Mais ils ignoraient à quel genre d'accueil ils allaient avoir affaire à leur arrivée. Il était donc préférable qu'ils puissent être rapidement prêts au combat.

Au final, la solution avait été assez simple puisque la responsable de la Bibliothèque du Château les avait simplement orientés vers un livre de Sort Démoniaque pour la plongée sous-marine (intitulé simplement « Plonger, Admirer, Remonter : Guide des Sortilèges de Base de la Plongée Sous-Marine »).

Dans de très nombreux domaines, les Démons (et la majorité des communautés mythiques ou magiques) avaient littéralement des centaines d'années d'avance sur le Monde Sorcier. Au niveau social notamment. Vivant en presque symbiose avec le Monde Sapiant, ils adaptaient souvent et presque systématiquement leurs avancées à leur propre Monde, généralement en utilisant la Magie.

Par exemple, dans ce livre, l'un des Sortilèges de base avait pour fonction de remplacer totalement l'équipement de plongée. Il avait quelques points communs avec le Charme Têtenbulle, notamment la respiration et la vision aquatique. Cependant, la différence venait du fait que la bulle créée par le Sort s'étendait sur tout le corps pour empêcher l'eau de rentrer, une enveloppe pourvue d'excroissances au niveau des pieds et des mains pour servir à la locomotion.

Bien sûr, il n'y avait pas que celui-là. On pouvait également trouver un Sort pour préserver de froid (inutile grâce à leurs tenues), un autre pour protéger l'organisme de la pression des fonds marins ou pour équilibrer automatiquement les taux d'azote et d'hélium selon la profondeur, un pour créer des lumières suivant l'invocateur, etc. Bref, un livre assez utile pour préparer leur expédition.

Toutefois, apprendre un Sort aussi complexe que celui de ce livre en seulement trois jours avait été une gageure. Tant Victor que Cédric (qui avait reçu la permission d'Averroès) s'étaient énormément entraînés, non seulement à pratiquer le sort, mais également à le maintenir. Finalement, après être parvenu à rester plusieurs heures en continu sous l'eau sans manquer d'air, il avait estimé qu'il était temps pour eux de repartir.

Viktor prit la petite sphère magique que lui tendait son camarade et l'introduisit dans son oreille. De son côté, Cédric fit de même avec la sienne. Une fois sous l'eau, ils pourraient donc communiquer même à distance. Ils se regardèrent et hochèrent la tête simultanément pour signifier qu'ils étaient prêts.

Ils fermèrent les yeux pour se concentrer sur la matrice du Sort. Deux cercles rouges apparurent alors à leurs pieds, en dessous de la surface. Sous l'effet de la Magie, celle-ci se mit à clapoter un peu plus fort oui, comme prise d'une vie propre, commença à ramper le long des jambes des deux garçons.

Bientôt, celle-ci atteignit leurs hanches, puis leur ventre, leur poitrine, leur cou pour finalement les englober tout entier. Par réflexe, ils prirent chacun une grande inspiration en sentant le liquide recouvrir leur bouche. Face à la trop importante concentration d'oxygène dans leurs poumons, ils chancelèrent avant de moduler légèrement l'apport gazeux pour l'adapter à leur environnement.

La différence fondamentale entre le Têtenbulle et ce Sort-ci venait du fait que le premier créait un champ de force invisible autour de la bouche, du nez et des yeux du lanceur alors que le second utilisait l'eau présente comme filtre. Ils avaient cependant tous les deux le même défaut qui était que jeté dans un environnement oxygéné il allait provoquer une hyperoxie puisque celui-ci fonctionnerait à plein tube. Il était donc nécessaire de le moduler en extérieur puis à nouveau une fois dans l'eau.

Les garçons auraient pu plonger immédiatement pour éviter d'avoir à passer par cette procédure, mais ils devaient vérifier tout d'abord l'étanchéité de leur « costume ». Chacun sonda la pellicule liquide qui les recouvrait pour s'assurer qu'elle soit bien uniforme. Ils regardèrent aussi leur main où le fluide avait créé des membranes entre chacun de leurs doigts pour aider à la nage. Au niveau de leurs pieds (qu'ils examinèrent également), celui-ci avait formé de longs appendices dont la forme rappelait (et pour cause) celles de palmes.

« C'est bon de mon côté » dit Cédric alors que sa voix était directement retransmise à l'oreille de Viktor.

« Du mien aussi » répondit son compagnon.

« Bon » souffla alors le premier. « Dans ce cas, je suppose qu'on va y aller. »

L'autre se contenta de hocher la tête avant de se mettre à avancer. C'était assez compliqué parce que même si leurs « palmes » étaient faites d'eau, elles avaient été rendues rigides par le sort et donc ils devaient se débrouiller pour se déplacer avec. Cela donnait une démarche de canard assez grotesque. Cédric rit en voyant son ami tenter de marcher puis se mit lui aussi en route.

Finalement, au bout d'un moment, ils parvinrent à une profondeur suffisante pour leur permettre de plonger.

L'eau n'était pas très claire. Des particules de vases et d'algues rendaient leur avancée difficile. Heureusement, à mesure qu'ils s'enfonçaient, ils parvenaient à mieux discerner le fond.

« Par où on commence ? » Demanda Cédric.

Viktor s'immobilisa. Il sortit l'écaille de Svalinn de sa poche et invoqua sa boussole. La flèche pointait vers la gauche, la direction du Galdhøpiggen. Cependant, il avait appris à relativiser quand il s'agissait de l'instrument magique. Après tout, quel était son point géographique précis ? Est-ce qu'elle indiquait le centre de la zone ou est-ce qu'elle s'agitait dès qu'on arrivait à la limite ? Non, à ce niveau-là, ils ne pouvaient plus se fier à elle, mais à la légende. Si celle-ci disait que les Esprits ou les Faes émergeaient du lac, c'était donc là qu'ils devaient chercher.

Le problème c'est que cela faisait une surface très importante à couvrir.

« Ta Vision Magique est en marche ? » Demanda Viktor.

« Tu crois qu'on va en avoir besoin ? »

« Si les Sapiants n'ont jamais rien remarqué, l'entrée doit être dissimulée par une illusion. »

« Et la Vision Magique permet de percer ce genre de mirage. Comprit. »

Cédric se concentra pour amener la Mana jusqu'à ses yeux. Des lumières commencèrent à danser devant son regard, comme des voiles bleus, verts et marrons. C'était normal. Il y avait toujours un peu d'énergie dans l'atmosphère, même sous l'eau. Mais lui cherchait quelque chose d'un peu plus fort et aussi de plus artificiel.

« On devrait se séparer » dit Viktor.

Cédric hocha la tête puis se mit en route de son côté en observant attentivement le sol en dessous de lui. Le fond du Lac était composé de pierres. Cela venait probablement d'éboulement du Galdhøpiggen durant des siècles. Bien entendu, l'érosion avait fait son œuvre. Les plus grosses s'étaient brisées et les plus petites s'étaient transformées en sable sombre. Tout cela, la pierre, le sable, l'eau, mais aussi la vase, les algues et tous les micro-organismes émettaient un peu de magie. C'était subtil, voire même pratiquement imperceptible, mais également sauvage.

Cédric ne savait pas comment l'expliquer, mais il y avait une différence entre la Mana à l'état naturel et celle utilisée pour un sort. Il parvenait à saisir cette différence, mais pas exactement à la décrire. C'était plus… une sensation.

Malheureusement, cette sensation ne l'aidait pas beaucoup puisqu'il n'arrivait pas à trouver la moindre petite fluctuation qui indiquerait un passage après plusieurs heures de recherches. Il avait dépassé depuis longtemps la durée maximum qu'ils avaient expérimentée Viktor et lui. Mais, pour le moment, tout allait bien. Le Sort était stable et ils avaient de l'énergie à revendre.

« Toujours rien ? » Appela soudain la voix de son camarade dans sa tête.

« Non, rien » répondit-il.

« Tu es où ? »

« Côté Ouest. Je n'ai pas complètement fini cette zone. »

« Je te rejoins. »

Il fallut à peine quelques minutes pour que Cédric aperçoive Viktor qui venait dans sa direction.

« Arrête-toi ! » S'exclama-t-il soudainement.

« Quoi ? Demanda Viktor en se figeant.

« J'ai vu quelque chose… » dit Cédric.

C'était fugace. Il n'avait pu le discerner que pendant quelques microsecondes, mais il était sûr que c'était un éclat de magie "domestiquée".

« Recule… encore… stop ! Maintenant, regarde le fond sur ta gauche. Tu vois quelque chose ? »

Viktor obéit à son compagnon et se tourna dans la direction que celui-ci lui avait indiquée. Ses yeux d'Attrapeur ne mirent pas longtemps à saisir ce qu'avait perçu Cédric. Intrigué il s'avança vers l'étincelle magique. À son approche, d'autres apparaissaient. Elles délimitaient une sorte de cercle scintillant au fond de l'eau. À cet endroit, les pierres sombres avaient un aspect assez étrange, presque effacé.

« Je n'avais pas vu ça tout à l'heure » dit Cédric en rejoignant son coéquipier.

Donc c'était en quelque sorte Viktor qui l'avait fait apparaître. Lui ou… pris d'une inspiration soudaine, il sortit l'écaille de Svalinn de sa poche.

« Tu penses que c'est grâce à elle ? » Demanda Cédric.

« Elle doit avoir la magie de Svalinn. C'est pour ça. »

« Sauf que toi aussi, je te signale. Ce n'était pas assez fort pour faire un Sort de Recherche, mais… »

Viktor fronça les sourcils puis tendit l'écaille à son ami. Comprenant ce qu'il voulait, celui-ci se mit à s'éloigner. Au bout d'un instant, il se retourna. Le cercle d'étincelles magiques était toujours visible.

« Donc c'est bien à toi qu'il réagisse. »

« Mmm… » répondit Viktor.

Il s'éloigna à son tour et Cédric vit le cercle disparaitre à nouveau.

« Il réagit à nous deux, apparemment. »

Cédric s'avança une nouvelle fois avec l'écaille et le cercle réapparut alors même que Viktor se trouvait encore au loin.

« Effectivement » dit Cédric.

Il attendit que son ami le rejoigne et lui tendit l'écaille. Celui-ci repoussa sa main.

« On ne sait pas ce qui pourrait arriver. Visiblement, mon sang à l'air de faire réagir la magie de Svalinn. Mieux vaut que tu en aies un peu trop aussi pour ne pas te retrouver coincé quelque part. »

Cédric hocha la tête avec un sourire puis il rangea précieusement l'objet dans sa poche. Viktor, lui s'avança et posa sa main sur les rochers à l'intérieur du cercle. Celle-ci les traversa comme s'ils n'existaient pas. Comme l'avait dit Viktor, une illusion protégeait bien l'entrée du monde des Svalinnkin.

« En avant ? » Dit-il en se tournant vers Cédric.

Celui-ci hocha la tête. Viktor plongea alors au travers du mirage et Cédric le suivit. En dessous, il y avait un large tunnel qui s'enfonçait de façon rectiligne dans le sol à la verticale. En regardant bien, les deux garçons se rendirent compte qu'il y avait quelque chose de brillant tout au fond. Ils se mirent donc à avancer dans sa direction.

À mesure de leur progression, celle-ci se mit à grossir de plus en plus. Quand ils arrivèrent à son niveau, près d'une demi-heure après, ils réalisèrent que la lueur était celle d'une flaque de lumière. Il semblait y avoir quelque chose au-delà, mais c'était difficile à cause des remous. Les deux garçons se regardèrent puis Cédric avança sa main. Il hésita puis la fit passer au travers.

« C'est… bizarre » dit-il en fronçant les sourcils.

« Quoi ? » Demanda Cédric.

« Je sens… comme de l'air. »

« Tu veux dire que cette flaque mène à l'extérieur ? »

Viktor ouvrit la bouche pour répondre, mais il ne savait pas que dire.

« J'imagine qu'il n'y a qu'un seul moyen de le savoir… » dit-il finalement.

Il battit des pieds et sa tête passa au travers de la flaque. Cédric le suivit immédiatement. Il y avait bien de l'air de l'autre côté. En fait, ils se trouvaient au fond d'un large puits naturel, nageant dans un étang ayant exactement la même taille que la flaque. Cédric regarda autour de lui avec surprise. Ils avaient pourtant descendu tout du long, toujours tout droit et toujours plus profond, à aucun moment ils n'étaient remontés. Alors comment pouvaient-ils se trouver à l'air libre ?

« Le Pays à l'Envers » marmonna Viktor avant de se tourner vers son camarade. « C'est ça, c'est le Pays à l'Envers de l'histoire ! On a nagé droit vers le fond et on se retrouve à la surface. Ça veut dire que le monde des Svalinnkin… »

« … est inversé ! » S'écria Cédric qui venait de comprendre. « Donc ça veut dire qu'on a réussi ! on a trouvé la bonne dimension ! »

« En même temps, j'imagine mal qu'il y en ait plusieurs dans le même lac » ironisa Viktor. « Allez viens, on sort. »

À proximité, il y avait un rebord menant à un couloir qui s'enfonçait dans la roche. Les deux garçons se hissèrent sur la terre ferme et retirèrent le Sort de Plongée sans oublier celui d'Occlusion Mentale. La fine pellicule d'eau se mit à glisser le long de leur corps demeuré sec jusqu'à tacher la pierre en dessous d'eux. Alors que Cédric regardait autour de lui, Viktor s'accroupit au niveau du sol. Là, dans l'ombre du tunnel humide se trouvaient des sortes d'algues semblables à des nœuds faits de vers.

« Qu'est-ce que c'est ? » Demanda Cédric.

« On dirait de la Branchiflore. »

« On n'en trouve pas qu'en Méditerranée. »

« C'est peut-être une espèce locale… et oubliée » répondit Viktor.

Cédric hocha la tête en regardant les plantes à son tour. Il n'y avait pas beaucoup de végétation dans le puits. Beaucoup de mousse, bien sûr, les Branchiflores et puis des fleurs. C'étaient de petites fleurs mauves qui poussaient dans les aspérités des parois. Étrangement, il n'y en avait que dans la partie la plus basse de la cavité. De l'intérieur de l'eau, il pouvait probablement atteindre les plus hautes en tendant à peine le bras. Mais cela pouvait aussi être parce qu'elles avaient besoin d'humidité.

Quand il se tira enfin de son observation de leur environnement, il se rendit compte que Viktor, lui, fixait obstinément l'entrée du tunnel.

« Tu veux qu'on y aille ? » Demanda son camarade.

« Puisqu'on est là, j'imagine que oui. »

Les deux garçons s'enfoncèrent dans le couloir qui s'avéra être assez sombre. Une odeur étrange y régnait, à la fois sucrée et douceâtre, un peu comme des fleurs pourries. Au bout de quelque temps, la luminosité de l'entrée ne se fit plus du tout percevoir et Cédric décida de faire apparaître une lueur magique. Cela allait tout de suite déjà mieux. Il remarqua alors que le les murs et le plafond de pierre étaient garnis d'une grande quantité de champignons. C'était peut-être d'eux que provenait l'odeur. Il continua à avancer à la suite de Viktor jusqu'à ce que celui-ci s'arrête.

« Qu'est-ce qu'il y a ? » Demanda Cédric.

« Je ne sais pas, ça fait pas mal de temps qu'on marche, non ? »

« Je crois oui. »

En fait, Cédric n'était pas sûr. Il avait un peu perdu la notion du temps. Il faut dire aussi que l'atmosphère s'était faite assez lourde. Une chape d'humidité s'était installée et l'odeur entêtante des champignons n'arrangeait rien. Cédric sentait un mal de tête commencer à faire son apparition. Il souffla et passa son bras sur son front pour en essuyer la sueur. Même avec leurs vêtements de protection, il transpirait abondamment.

« Ce n'est pas normal… » murmura Viktor. « On ne devrait pas avoir si chaud. Et cette odeur… »

« Ouais, je sais. Je trouvais ça assez agréable au début, mais là t'en as trop » dit Cédric en riant.

Soudain, il se mit à chanceler.

« Ça va ? » Demanda Viktor d'une voix légèrement paniquée.

« Je ne sais pas. Ma tête tourne. Cette odeur est vraiment… »

« Ça doit être ces maudits champignons ! » cracha Viktor. « Leur odeur doit agir sur l'esprit ou quelque chose comme ça. Il faut sortir rapidement d'ici ! »

Il se saisit de la main de Cédric et se mit à courir. Ce dernier tenta bien de le suivre, mais ses vertiges étaient de plus en plus forts et une sorte de langueur commençait à se diffuser dans son organisme. À cause de cela, il finit par trébucher et s'effondra sur le sol.

« Merde ! » S'écria Viktor.

La vision de Cédric était floue. Son corps était lourd et il avait envie de dormir.

« Tiens bon ! » Entendit-il lui crier Viktor.

Sa voix semblait lointaine. Il sentit cependant des mains se poser sur lui et l'aider à se redresser. Puis ses pieds quittèrent le sol et il se retrouva pressé contre un corps chaud. Sa tête se faisait plus lourde. Il sentait qu'il s'était remis en mouvement alors que la voix de Viktor lui criait de ne pas s'endormir. Il aurait bien voulu lui obéir, mais il avait tellement sommeil. Tellement sommeil…

0o0o0

Viktor se réveilla brusquement et se redressa. Une douleur dans sa tête ainsi que la forte luminosité ambiante le forcèrent à refermer aussitôt les yeux tout en pressant l'une de ses mains contre son crâne. À cause de cela, il lui fallut quelque temps pour rassembler ses idées. Il respira profondément, espérant éloigner la douleur. Cela prit quelques instants, mais il parvint finalement à la tenir à distance.

La dernière chose dont il se souvenait, c'était le tunnel. Et l'odeur des champignons. Cédric qui tombe, lui qui le porte pour avancer plus vite puis l'odeur qui se fait de plus en plus présente jusqu'à… jusqu'à ce que lui aussi s'évanouisse et qu'il se réveille… d'ailleurs, où est-ce qu'il venait de se réveiller ?

Derrière ses paupières closes, il sentait le soleil briller, mais il faisait doux autour de lui. Il était à présent assis sur une surface moelleuse. Probablement un lit. Et son mouvement brusque de précédemment avait chassé la couverture douce qui le recouvrait. Il sentait qu'il portait des vêtements, mais il ne ressentait pas la même sensation qu'avec sa tenue de combat.

Lentement, il ouvrit les yeux. Il les papillonna quelques instants pour qu'ils s'habituent à la lumière avant de regarder autour de lui.

Il se trouvait bien dans un lit, à l'intérieur d'une chambre. Enfin, en quelque sorte. Cela ressemblait plus à une grande loggia. Deux des parois étaient fermées, non par des murs, mais par des colonnades. C'est de là que venait la lumière. Fort heureusement, celle-ci était en partie occultée par des voilages suspendus entre chaque colonne et qui flottaient doucement sous la brise.

Le lit sur lequel il se trouvait était vaste. Presque autant que celui qu'il avait à Kamala. Sa tête était en bois clair verni. Elle était assez haute et en ogive avec des rainures sculptées. L'ensemble paraissait assez familier à Viktor, mais il ne savait pas où il l'avait vu.

Il n'y avait rien d'autre dans la pièce. Comme si celle-ci avait été faite seulement pour qu'il se repose et pas pour y faire vivre quelqu'un.

Lentement, il s'approcha du bord et passa ses jambes par-dessus, s'asseyant sur le matelas. À ses pieds, il y avait la fourrure douce d'un animal qui devait servir de descente de lit. Le sol en dessous, lui, était en marbre blanc. En fait, tout semblait être fait de marbre. Le sol, les murs, les colonnes… un festival lisse, clair et brillant.

Une seule autre couleur dominait. Le doré. Il y en avait sur les frises dessinées sur les parois, rehaussant les volutes des chapiteaux et même la porte étaient dorés à la feuille. Les parures de son lit semblaient également cousues de fils d'or. C'était aussi le cas de ses nouveaux habits.

Il était vêtu d'un pantalon bouffant, une sorte de sarouel couleur crème avec des éclats dorés maintenus à la taille par une ceinture en lamé or, des chaussons plats de la même couleur et agrémenté de passepoils brillants. Il était torse nu, mais portait par-dessus une veste mi-longue aux manches larges ouvertes sur le devant en mousseline crème tramée d'or. L'ensemble était loin de ce qu'il pourrait habituellement. La seule personne qu'il pourrait voir avec était Hariel.

Un bruit attira alors son attention. La porte monumentale et scintillante s'ouvrit et une femme pénétra dans la chambre. Elle portait une simple robe de voilage blanc à bretelles avec une chaîne d'or en guise de ceinture et des bijoux du même métal. Ses cheveux étaient blonds. Non, pas blonds. Dorés. Et ils s'accordaient à la perfection à son teint cuivré.

Elle n'avait pas remarqué Viktor, trop occupé à surveiller le plateau qu'elle portait pour veiller à ne rien renverser. Cela échoua lamentablement puisque quand finalement elle leva les yeux et aperçut Viktor qui la regardait, elle poussa un petit cri et le lâcha.

Un silence suivit le fracas du plateau qui s'était écrasé sur le sol. Viktor voulut parler, mais avant qu'il ne puisse prononcer un seul mot, la jeune femme tourna les talons et s'enfuit en courant. Viktor voulut se relever pour la rattraper, mais dès qu'il se mit debout il se rendit compte que ce ne serait sans doute pas possible. En effet, ses jambes étaient trop faibles. Il chancela, mais parvint à se maintenir droit tout en sachant qu'il s'était pour le moment pas en état de se lancer à sa poursuite.

Ayant récupéré un peu plus d'assurance, il s'avança vers la porte, mais, avant qu'il ne puisse l'atteindre, celle-ci s'ouvrit à nouveau et une autre femme pénétra dans la pièce. Elle avait de nombreux points communs avec la première. Une robe blanche bien que moins simple et énormément de bijoux en or.

Elle possédait également les mêmes cheveux dorés, la même teinte de peau cuivrée et aussi, lui semblait-il, les mêmes yeux. Viktor n'avait fait qu'entrapercevoir ceux de la première femme, mais il s'était rendu compte qu'ils étaient bleus. À présent qu'il pouvait voir ceux de la nouvelle arrivante, il s'apercevait qu'ils n'étaient pas simplement bleus, ils étaient bleu glacier. Ce n'était pas que son regard était froid, bien au contraire. Mais la couleur de ses iris rappelait à Viktor celle de la glace. Une glace scintillante.

Un grand sourire sur le visage, la femme s'approcha de Viktor, les bras écartés. Les voiles de sa robe flottaient derrière elle alors qu'elle avançait.

« Mon Frère ! » Dit-elle d'une voix chaleureuse en posant ses mains chaudes sur les biceps de Viktor.

Celui-ci cligna des yeux, surpris, et se mit à la fixer tout en cherchant quoi lui répondre. Toutefois, malgré son état de stupeur, il parvint à remarquer quelque chose. C'était à peine visible, à la base du cou de la femme du côté droit. En regardant mieux, il s'aperçut qu'il y en avait d'autres, au creux de l'une de ses clavicules ou le long de son poignet. C'était assez subtil, car le contour se fondait avec la couleur de sa peau. Pourtant, leur léger chatoiement était bien présent. Quant à leur forme, Viktor se rendit rapidement compte que cela ressemblait… à des écailles.

L'histoire que le Roi Odin lui avait racontée sur Svalinn lui revient en tête et il sut immédiatement ce qu'était la femme.

« Svalinnkin… » murmura-t-il.

Elle sourit.

« Et toi tu es le fils de Katya » dit-elle.

Viktor frémit en entendant le nom de sa mère.

« Vous savez… » dit-il simplement sans que d'autres mots ne parviennent à sortir de sa gorge.

Le regard de la femme se fit plus mélancolique.

« Elle est la seule qui n'est pas revenue. Une personne en qui le sang de notre Mère à Tous résonnent aussi fort ne peut être que son Fils. »

« Et vous, vous êtes… »

« Je m'appelle Ida. Je suis ta Sœur. »

« Ma… » s'étrangla Viktor.

Son cœur commençait à battre à tout rompre en entendant ces mots et un fin espoir naquit en lui. Celui d'une famille.

« Tous les Anciens sont nos Grands-Pères et Grands-Mères » reprit-elle. « Nous considérons tous leurs enfants ainsi que leurs conjoints comme nos Pères et Mères, les enfants de ceux-ci et leurs conjoints comme nos Frères et Sœurs et les enfants de ces derniers comme nos Fils et nos Filles. »

« Ah… » dit simplement Viktor avec déception.

Donc il s'agissait plus d'une tradition que de véritables liens de sang.

« Il est dommage que Mère Katya ne soit plus parmi nous » dit-elle ensuite.

« Vous savez, alors… »

« Nous avons… senti sa mort, en effet » dit Ida avec un sourire triste. « Il est dommage cependant qu'elle soit partie avant de te parler de ton peuple, cela t'aurait évité de succomber aux ombres odorantes. »

Les derniers mots de la jeune femme éveillèrent quelque chose dans les souvenirs de Viktor. « La petite fleur violette mâchée, en sécurité dans les Ombres Odorantes il sera possible d'entrer. Prends garde, car si la fleur est oubliée, à jamais dans les ténèbres enfermées ». Ou quelque chose comme ça. C'était dans la chanson de sa mère. Il était tellement content d'avoir trouvé comment accéder au Pays à l'Envers, qu'il n'avait pas réfléchi au reste des paroles. C'était pourtant des instructions. Les fleurs violettes qu'ils avaient aperçues dans le puits devaient être un antidote pour les spores odorantes des champignons. Il devait aussi y en avoir de l'autre côté du tunnel.

« Elle me l'a dit » avoua-t-il finalement. « Mais je crois que je n'ai pas bien écouté. »

La femme eut un petit rire.

« Cela nous arrive à tous de ne pas écouter de temps en temps. »

« Comme quand je t'ai dit de ne pas aller le voir, il me semble » dit alors une voix froide.

Viktor releva les yeux et aperçut un homme. Celui-ci se tenait sur le pas de la porte et le fixait d'un regard noir. Celui-ci était très différent d'Ida. Ses cheveux étaient non pas dorés, mais argentés. Longs, ils étaient attachés au-dessus de sa tête. Sa peau, elle, n'était pas seulement pâle, elle était blanche. Comme le marbre qui recouvrait le sol. Au contraire, ses yeux n'avaient pas le bleu de la femme, mais ils étaient d'un rouge orangé qui brillait comme de la lave en fusion. Il portait une tunique blanche rehaussée de broderie d'or et beaucoup de bijoux.

Puis celui-ci referma la porte derrière lui et s'avança vers Viktor. Celui-ci se rendit alors compte que les dissemblances étaient seulement de l'ordre de la teinte. En effet, à mesure qu'il se rapprochait, Viktor s'aperçut que son visage était presque identique à celui d'Ida. Même forme, même courbure de la mâchoire, même nez droit. Seules ses lèvres étaient légèrement plus fines et ses joues moins pleines. Des jumeaux ?

Ida soupira.

« Je ne t'ai pas écouté parce que je pense que tu as tort au sujet de notre Frère, mon Frère » dit-elle.

« Et moi je dis que sa présence représente un danger pour nous » cracha l'homme comme si Viktor n'était pas là.

« C'est notre Frère, Leaf ! Le Sang est puissant en lui, ne le sens-tu pas ? »

« Tout ce que je sens, c'est la puanteur que ce Démon a laissée sur lui ! »

La culpabilité se mit alors à déferler sur Viktor. Cédric. Il avait complètement oublié Cédric. Les événements qui avaient suivi son réveil avaient été si étranges qu'il n'avait pas eu le temps de se demander où il était, dans quelle chambre il avait été installé. Pourtant, à ses yeux, ce n'était pas une excuse. Encore une fois, il avait fait les frais de son obsession et il l'avait ignoré.

« Nous ne savons pas s'il… » commença Ida avant que Viktor ne l'interrompe.

« Où est-ce qu'il est ? » Demanda-t-il. « Est-ce qu'il va bien ? »

« Ah ! Tu vois ! » S'exclama Leaf en direction d'Ida qui fixait à présent Viktor avec un regard incertain. « Il est avec lui ! C'est un traître qui a amené cette souillure démoniaque avec lui pour nous envahir ! »

« Arrête de raconter des conneries et dis-moi où est Cédric ! » S'écria Viktor qui sentait la fureur monter.

« Il est enfermé dans nos cachots dont nul ennemi ne peut sortir ! » Cracha Leaf en se tournant vers lui. « Et quand tu l'auras rejoint, vous serez tous les deux exécutés ! »

Viktor plissa les yeux de colère.

« Ça, c'est de qu'on va voir » dit-il en bousculant l'autre homme pour se diriger vers la porte.

« Tu ne pourras pas sortir d'ici, traître ! » S'écria Leaf.

Sans l'écouter, Viktor posa ses mains sur les battants pour les pousser. Il les trouva anormalement lourdes. Pas verrouillés ou barrés, simplement inamovibles. Puis il sentit quelque chose dans son corps réagir. C'était comme des courants électriques dans ses veines. Dans son sang. Ceux-ci descendaient le long de ses bras jusqu'à ses paumes plaquées sur la porte. Et soudain, comme si celles-ci avaient reçu un signal, elles devinrent légères. Si légères que Viktor trébucha quand elles se dérobèrent.

Il fit quelques pas lourds et réussit à rester sur ses pieds. Il allait repartir quand une main se posa sur son épaule et entreprit de la serrer.

« Tu n'iras pas plus loin ! » Lui cria Leaf.

« Arrête, mon Frère ! » S'écria Ida. « Tu vois bien qu'il a ouvert la porte ! Il est de notre sang ! »

« Cela n'en fait pas moins un traître ! » Siffla Leaf en resserrant son emprise.

Il était fort. Plus qu'un Humain ordinaire. La pression de sa main était telle qu'elle aurait été capable de broyer l'épaule de n'importe qui… sauf de Viktor. Celui-ci était une Tour. Il était bien plus résistant que le commun des mortels. Il avait même été prouvé que le sang de Svalinn faisait qu'il était plus résistant que le commun des Démons.

D'une ruade, il se dégagea de l'étreinte de Leaf puis se tourna vers lui avec colère. Il remarqua à peine l'expression choquée de son « Frère » et posa sa main sur son torse pour le repousser. Leaf s'envola littéralement dans les airs avant d'atterrir sur le lit, plusieurs mètres derrière lui. Sa vélocité le fit rouler sur le matelas et il retomba de l'autre côté avec un bruit sourd.

« Leaf ! » S'écria Ida en se précipitant vers lui.

Viktor, lui, n'attendit même pas de savoir s'il allait bien et se rua dans le vaste couloir qui s'étendait au-delà de la porte. Comme sa chambre, celui-ci était fermé sur l'un des côtés par une simple colonnade. Sauf que celle-ci n'avait pas de voilage pour bloquer la clarté extérieure.

À cause de cela, le spectacle qui s'offrait à présent au regard de Viktor le fit se figer sur place.

Au-dessous de lui s'étalait une immense vallée luxuriante. Partout où il pouvait poser les yeux, il pouvait voir de très hautes collines recouvertes de verdure qui brillait d'un éclat émeraude sous le soleil. Celui-ci semblait énorme. Plus que ce dont avait l'habitude Viktor. Mais c'était sans doute normal puisqu'il n'était plus vraiment sur Terre. Toujours était-il que ses puissants rayons balayaient le fond de la vallée et se reflétaient sur le marbre blanc et l'or d'une myriade de bâtiments. Hautes tours, coupoles, péristyles, cloîtres… de là où il était, Viktor pouvait voir des dizaines et des dizaines de styles hétéroclites rassemblés ici, mais tous construisent dans le même marbre que le lieu où il se trouvait et décoré d'or scintillant.

C'était donc cela, le Pays à l'Envers.

Soudain, un son fort et strident retentit autour de lui, le tirant de sa contemplation. Il n'y avait que deux possibilités quant à son origine. Soit Leaf avait sonné l'alarme après de son départ soit… c'était à cause de Cédric.

Rapidement, Viktor se remit à courir en espérant que son camarade allait bien.

0o0o0

L'endroit dans lequel il s'était réveillé était sombre. Plus que sombre même puisque c'était le noir complet. Invoquant quelques lumières, il avait pu ainsi remarquer qu'il se trouvait dans une pièce assez petite remplie d'un bric-à-brac d'objets ménagers, de tapis, de pots de fleurs vides et de meubles, grands et moins grands.

Cela ressemblait à une sorte de débarras ou de placard à balais… un placard à balais dont les murs ainsi que le sol étaient faits de marbre et la porte, d'or massif. Ou alors juste de plaqué. Une porte qui était par ailleurs dépourvue de poignée ou de trou de serrure et qui était pourtant verrouillée.

C'était assez étrange. Pourquoi verrouiller un placard ? Parce qu'il y était ? Appartement, il était assez clair qu'il avait été enfermé ici. La raison lui échappait, mais s'il se trouvait là-dedans au lieu d'un cachot, cela voulait sans doute dire qu'ils n'en possédaient pas (ou pas d'accessible). Cela n'expliquait cependant pas pourquoi quelqu'un avait éprouvé la nécessité qu'un placard puisse se verrouiller. Et surtout, comment ?

Sa Vision Magique n'était pas suffisante pour comprendre le mécanisme derrière les Sortilèges de la porte. Où même si ça en était bien un. Après tout, il n'était pas Hermione.

« Il y a quelqu'un ? » Cria-t-il en tapant fortement sur le panneau doré. « Hey oh ! »

Il devait retrouver Viktor. Il n'avait pas le temps d'attendre qu'on vienne le chercher. Sans savoir comment la magie fonctionnait ou même s'il pouvait la défaire, tout ce qu'il lui restait, c'était appeler… ou utiliser la force. Il était un Démon après tout et même si les Cavaliers ne se démarquent pas vraiment par leur puissance physique, il était tout de même plus fort qu'un Humain normal. Il tapa donc plus fort sur la porte puis commença à donner des coups d'épaules dedans. Malheureusement, celle-ci semblait plus solide que ce qu'il pensait.

Il recula alors de quelques mètres pour prendre de l'élan puis se mit à courir en direction du panneau, épaule en avant. Le choc ainsi que la douleur qui en résultèrent lui coupèrent le souffle. En plus, c'était sa mauvaise épaule, celle qui venait juste de guérir. Si jamais il se l'abîmait à nouveau, il n'allait pas finir d'en entendre parler. Mais pour le moment, tout ce qu'il pouvait faire, c'était de presser sa main sur son épaule douloureuse pour calmer l'élancement tout en s'appuyant sur la porte pour rester debout.

C'était le plan jusqu'à ce que, soudain, celle-ci s'ouvre brusquement et que Cédric s'effondre sur le sol, de l'autre côté.

« Ça va laisser des traces » grommela-t-il alors qu'il tentait de reprendre son souffle.

Il entreprit de se relever et c'est à ce moment-là qu'il se rendit compte qu'il n'était pas seul. Face à lui, figés de surprise, se tenaient une dizaine d'hommes et de femmes, certains assis autour de tables en bois, d'autres debout. Il remarqua rapidement que les femmes avaient toutes des cheveux dorés, une peau tannée et des yeux bleu clair alors que les hommes étaient très pâles avec des cheveux argentés et des yeux orange. Ils portaient également des tenues similaires en lin blanc recouvertes de cuirasses de bronzes décorées de motifs dorés et argentés. Ça, ainsi que les armes sur les murs et les chopes et assiettes pleines posées sur les tables en bois lui firent comprendre qu'il devait se trouver dans une sorte de caserne. Plus particulièrement dans le réfectoire.

« Bonjour » dit-il simplement alors qu'il était encore à genoux au sol.

Il regretta rapidement d'avoir fait son « Hariel » quand les gardes se reprirent soudainement.

« Aux armes ! Le prisonnier s'échappe ! » Cria quelqu'un.

L'un des hommes fit face à Cédric et joignit ses mains au niveau de son torse. Celui-ci vit une boule de feu apparaître dans l'espace entre les deux alors que ses yeux se mettaient à briller. L'homme projeta les bras devant lui et la sphère se précipita dans sa direction. Ses réflexes d'Attrapeur lui permirent de réagir au quart de tour. Il se jeta ainsi sur le côté et roula sur le sol. Une fois de nouveau à l'endroit, il commença à se remettre debout tout en portant ses mains à ses pistolets. Malheureusement, ses doigts ne rencontrèrent que le vide. Surpris, il baissa les yeux et vit que ses armes avaient disparu.

Dire qu'il n'avait même pas vérifié en reprenant conscience. Pourtant c'était évident. Qui laisserait un prisonnier armé ?

Il évita deux nouvelles boules de feu ainsi qu'une de glace lancée par une femme. Apparemment, les hommes jetaient du feu et les femmes de la glace. Pour des descendants d'un dragon de feu et de glace, c'était logique. Parce qu'il ne faisait aucun doute pour Cédric que ces personnes étaient des Svalinnkin. Il esquiva encore projectile enflammé, mais l'une des gardes, plus maline, envoya son attaque sur le sol, sous ses pieds. Le marbre se recouvrit de gel et Cédric dérapa. Cependant, cette fois, il était prêt. Avant que son dos ne touche brutalement le pavage, il fit jaillir ses ailes pour ralentir sa chute puis se redresser. Mais à ce moment-là, il vit une nouvelle boule de feu se précipiter dans sa direction.

Normalement, un Cavalier pouvait esquiver même dans les airs. Toutefois, Cédric s'était plus entraîné au maniement de ses armes qu'à développer ses techniques de déplacement.

« Protego ! » S'exclama-t-il en ramenant ses bras devant son visage.

Le Charme du Bouclier fonctionna à la perfection. La boule de feu le heurta durement avant de se dissiper. Cédric se remit sur ses pieds et jeta un Sort d'adhérence à ses chaussures pour éviter de glisser à nouveau. Il pointa ensuite ses mains en direction de l'adversaire le plus proche et lui envoya le Maléfice du Saucisson. Malheureusement, le Sort rata la femme d'un bon mètre. Cédric jura tout en roulant sur le sol pour esquiver la riposte glaciale de celle-ci. Il était passé de l'utilisation d'une baguette à celle de ses armes assez rapidement. Il n'avait pas vraiment eu le temps d'apprendre à adapter sa visée au manque de médium. Il devait absolument les retrouver.

« Accio pistolets ! » Murmura-t-il.

À ces mots, il entendit quelque chose. Comme quelque chose qui frappait du bois à plusieurs reprises. Alors qu'il continuait à éviter les attaques, il jeta un coup d'œil autour de lui pour déterminer la source du bruit. Il découvrit vite que cela venait d'un coffre. Ses armes devaient se trouver à l'intérieur, mais si celui-ci était verrouillé alors ça serait difficile pour les pistolets de le rejoindre. Le problème, c'était qu'il était placé derrière ses adversaires. Tant pis, il allait devoir s'en passer.

En désespoir de cause, il fit ce que font tous les enfants qui s'amusent au gendarme et aux voleurs et referma ses poings en pointant seulement son index à l'horizontale et son pouce à la verticale. Comme à l'entraînement, il fit circuler l'énergie magique à l'intérieur de son corps, mais au lieu de la diriger vers la paume de sa main, il l'envoya jusqu'au bout de son doigt.

« Petrificus Totalus ! » S'écria-t-il en direction de son ennemi le plus proche.

Cette fois-ci, cela fonctionna. L'homme touché par le Sort se raidit soudain, ses bras se collèrent le long de son corps, ses jambes l'une à l'autre et il tomba en arrière avant de s'effondrer sur le sol. Un de moins.

À partir de là, ce fut plus facile. À cause de son manque d'entraînement, la portée de ses Sorts était moindre, mais en se rapprochant suffisamment de ses cibles, il parvenait à les atteindre. Cela l'aidait aussi que la pièce ne soit pas si grand que ça.

« Incarcerous ! »

Des cordes se matérialisèrent alors juste devant son doigt et se précipitèrent vers la femme. Celle-ci voulut invoquer une nouvelle boule de glace, mais ses mains se retrouvèrent rapidement liées l'une à l'autre. Les attaches s'enroulèrent ensuite sur le reste de son corps et elle s'effondra sur le sol aux côtés des autres. C'était la dernière.

Cédric soupira finalement de soulagement. Il reprit son souffle pendant quelques instants puis se précipita en direction du coffre. Il y avait eu pas mal de bruit durant le combat donc il préférait partir au plus vite avant d'attirer des renforts. Et puis il devait retrouver Viktor. Malheureusement, en arrivant vers lui, il se rendit compte que, comme la porte précédemment, il n'y avait ni poignée ni serrure. Il tenta bien de soulever le couvercle, mais en vain.

« Inutile de te fatiguer pour ça, engeance démoniaque ! » Cracha la femme qu'il venait d'attacher. « Seule une personne dont le sang porte le pouvoir de Notre Mère Svalinn peut l'ouvrir ! »

Donc la magie de la Dragonne était nécessaire pour récupérer ses biens. Et apparemment, compte tenu des ressemblances entre les deux, il était probable que ce soit la même chose pour la porte de son « cachot »… sauf que lui ne possédait pas le pouvoir de Svalinn dans son sang. À moins que…

Rapidement, il fouilla dans sa poche et en sortit l'écaille que Viktor lui avait donnée au cas où il serait « coincé quelque part » et la présenta au coffre. Il sentit la magie frémir puis le couvercle se libéra.

« C… Comment… » balbutia la femme.

Comme Cédric le pensait, l'écaille avait suffisamment de pouvoir pour débloquer le verrou. De la même façon qu'elle avait révélé le passage. Et puis ouvert la porte du placard à balais aussi. Quand il s'était pressé contre le battant suite à sa tentative ratée de la forcer, il avait appuyé la poche dans laquelle se trouvait l'écaille contre elle. Ce qui l'avait déverrouillée.

Rapidement, il prit ses armes et vérifia leur état. Il soupira de soulagement. Elles n'étaient pas abîmées. Il en rangea alors une dans son holster puis se redressa avant de pointer sa main devant lui.

« Pointe Viktor Krum »

À suivre…

Désolé pour le retard tout le monde ! J'ai mis un peu plus de temps à l'écrire que ce que je voulais.

La suite des aventures de Cédric et Viktor au prochain chapitre plus un petit retour du côté de Camelot, mais sans Hariel et les autres. Je vous laisse la surprise.

En tous les cas, n'hésitez pas à me laisser des commentaires et je vous dis à la prochaine fois.