Check Mate DxD

Chapitre 131 : Infiltration/Sennyū

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« Cédric ? »

Celui-ci se figea en entendant la voix dans sa tête.

« Viktor ? » Répondit-il en portant la main à son oreille.

Il avait complètement oublié les transmetteurs. Les Gardes lui avaient pris ses pistolets, mais comme ils n'avaient pas trouvé l'écaille de Svalinn dans sa poche, il était clair qu'ils ne l'avaient pas fouillé. Toutefois, l'auraient-ils fait, il était peu probable qu'ils les découvrent. En effet, ces communicateurs étaient des sortes de Sortilèges. Quand les garçons les avaient mis dans leurs oreilles, ceux-ci s'étaient, en quelque sorte, fondus en eux et s'ils ne les retiraient pas eux-mêmes, ils se dissiperaient à un moment ou à un autre. En attendant, ils étaient toujours là.

« Où est-ce que tu es ? »

« Difficile à dire. Je me suis réveillé dans un placard. J'ai réussi à en sortir grâce à l'écaille de Svalinn, mais je suis tombé sur des Gardes. »

« Est-ce qu'ils… euh… est-ce que tout va bien ? » Demanda Viktor d'une voix hésitante.

Cédric mit quelques instants à en comprendre la raison.

« Je ne leur ai pas fait de mal, ne t'inquiète pas » dit-il finalement. « Je me suis dit que ce serait la meilleure façon de causer un incident diplomatique… et puis… ce sont tes semblables. »

« Merci » dit Viktor avec une voix chaleureuse qui fit se tordre les entrailles de Cédric. « Et toi ? Comment tu vas ? »

« J'ai été un peu surpris au départ, mais ça va mieux maintenant. Apparemment, tes congénères peuvent pratiquer la magie. »

« J'ai vu ça, oui » répondit Viktor. « Les hommes lancent du feu et les femmes de la glace. »

Cédric grimaça. Cela voulait dire que lui aussi avait été attaqué. Devoir se battre contre ceux qu'il cherchait depuis plus de 6 mois, ne devait pas être agréable. Plutôt loin des retrouvailles qu'il avait imaginées.

« Et… euh… est-ce que l'un d'eux a créé un… bouclier ou quelque chose ? » Demanda-t-il finalement.

La réponse tarda à venir. Cédric s'en inquiéta.

« Viktor ? »

« … Non » répondit-il finalement. « À chaque fois, ils se sont protégés avec des boucliers de bronze. »

« Je vois. »

Viktor était venu ici principalement pour trouver de l'aide avec la maîtrise de ces étranges boucliers qu'il avait déjà invoquée par deux fois. Le fait que cela provienne du sang de Svalinn était une certitude. Toutefois, si personne ne semblait pouvoir utiliser ce pouvoir alors tout cela aurait été fait en vain…

Non ! Pas en vain ! Viktor avait retrouvé les siens. Tout un pan de son passé s'était ouvert à lui à la seconde où ils étaient arrivés dans cet endroit. C'était le peuple de sa mère. La famille de sa mère. Peut-être avait-elle eu des frères et sœurs, des cousins, des neveux ou nièces… Peut-être même que ses grands-parents étaient toujours en vie ! Et puis, même en dehors de ça, que personne n'ait créé de bouclier ne voulait rien dire. Si cela se trouvait, ce n'était pas une capacité commune à leur race. Peut-être que seulement quelques-uns pouvaient l'utiliser. Tant qu'ils n'étaient pas certains, il y avait encore de l'espoir.

« Où est-ce que tu es ? » Demanda alors Viktor.

« Je ne suis pas sûr » répondit Cédric. « Un grand bâtiment. Une sorte de palais. Tout est en marbre avec des dorures. »

Il entendit un grognement au travers de la liaison.

« Ça ne va pas nous aider. D'après ce que j'ai vu, l'intégralité de cette ville est faite de marbre et d'or. »

« Toute la ville ? Sérieux ? » Demanda Cédric, incrédule.

« Ouais. Et si on veut pouvoir se retrouver, il va falloir… »

Mais il ne termina pas sa phrase, car la communication se coupa brusquement.

« Viktor ? Viktor ! » Appela Cédric, en vain.

« Il est là ! » Cria alors une voix dans son dos.

Par réflexe, Cédric se retourna et tira dans la direction de celle-ci. La balle d'énergie démoniaque à haute vélocité fusa vers un Garde qui la para avec son bouclier. La sphère atteignit le disque concave légèrement au-dessus du centre et rebondit vers le plafond. Elle le heurta un peu au niveau de l'endroit où se trouvait Cédric qui dut se jeter sur le côté pour éviter sa propre attaque.

C'est pas encore ça… se dit-il à lui-même.

Il se redressa et jeta un coup d'œil à son adversaire. Malheureusement, à cause de son cri, il avait déjà été rejoint par plusieurs de ses camarades. Ils étaient cinq en tout, hommes et femmes, boucliers dressés devant eux et épées dirigées vers lui.

Cédric sortit alors son second pistolet puis pointa les deux dans la direction de ses opposants. Toutefois, il ne visait pas les boucliers ou même les têtes à peine visibles des Gardes, mais plus basses, au niveau de la ceinture. Il se concentra brièvement, marmonna quelque chose pour lui-même puis pressa les gâchettes. Rien n'émergea des canons, pourtant, deux des Gardes s'effondrèrent au sol, raides comme des planches, les bras le long du corps.

À la base, les armes de Cédric étaient des médiums, exactement comme l'avait été sa baguette. Cependant, si la première n'était pas capable de canaliser sa magie démoniaque, la réciproque n'était pas exacte avec les pistolets. Cela avait demandé un peu d'entraînement, mais Cédric avait appris à diriger sa magie humaine dans les chargeurs comme il le faisait avec le Maryoku. Non seulement cela, mais il pouvait les transformer en Sort qu'il pouvait stocker à l'intérieur à la manière de balles spéciales. Il pouvait ainsi préparer plusieurs fois le Sort à l'intérieur de ses armes et les jeter simultanément.

De plus, s'il avait choisi le Sortilège du Saucisson plus qu'aucun autre, c'était parce qu'il était quasi invisible au moment du lancement. Certes, il était aisé pour un Sorcier entraîné de s'en défaire, raison pour laquelle le Stupefix était généralement préféré. Cependant, contre des personnes qui ne le connaissaient pas, c'était idéal.

Malheureusement, c'était sans compter la réactivité de ses adversaires. Comprenant que leurs protections étaient inefficaces contre lui et que la meilleure défense était, somme toute, l'attaque, ils avaient laissé tomber boucliers et épées pour avoir recours à la magie. Cédric vit l'une des femmes lui envoyer une boule de glace et il décida de faire quelque chose de totalement fou. Il chargea une nouvelle balle d'énergie démoniaque et fit feu directement sur la sphère qui se dirigeait vers lui.

Les deux Sorts se percutèrent, mais, au lieu de s'annihiler l'une l'autre dans une explosion, la nature particulière des munitions de Cédric fit que l'attaque de son adversaire fut simplement repoussée dans sa direction. La femme se jeta sur le côté pour y échapper et Cédric fit de même avec la sienne. Il fallait vraiment qu'il pense à un moyen d'éviter de se retrouver dans une telle situation, à esquiver ses propres attaques… ou qu'il trouve une manière de les récupérer pour les lancer à nouveau par exemple.

Toutefois, son action avait eu un avantage. La balle de glace détournée avait fini par heurter le sol, créant une couche de gel comme elle l'avait fait précédemment. Voyant l'un des Gardes glisser dessus comme lui l'avait fait, il pointa à nouveau ses armes sur le sol et prépara plusieurs Sortilèges de Gel dans chacun de ses chargeurs qu'il vida sur le sol et les murs. Les Gardes se mirent alors à déraper sur la glace, perdant d'abord l'équilibre puis tombant lourdement sur le sol. Comme Cédric l'avait prévu, certains tentèrent de se relever en s'aidant des parois, mais elles étaient également trop instables pour tenir.

Puisque ses adversaires étaient immobilisés, Cédric ne voyait plus la nécessité de continuer le combat. Il tourna donc les talons et s'enfuit.

0o0o0

Le canot pneumatique noir comme la nuit autour de lui accosta contre l'un des gigantesques murs d'assise de la Cité. À son bord, six silhouettes vêtues des pieds à la tête de la même couleur sombrent. Seuls leurs yeux étaient visibles, leurs prunelles scintillant d'un éclat verdâtre.

Ils avaient pris le parti d'arriver par l'Ouest, à l'opposé de l'entrée du château où, ils le supposaient, des Aurors britanniques montaient la garde. Ils s'étaient engagés entre les quais Ouest et Nord-Ouest afin d'aborder un peu à quelques centaines de mètres de distance de la place triangulaire au centre de l'île où se dressait l'énorme bâtiment. Venait à présent la partie délicate qui consistait à se hisser jusqu'en haut.

L'une des silhouettes parmi les plus petites se redressa, posant ses pieds sur le fond mou de l'embarcation. Elle chancela, mais parvint à trouver un équilibre qui, même s'il était précaire, serait amplement suffisant. L'un de ses compagnons lui donna alors un paquet qu'elle serra contre elle puis deux autres se tournèrent vers elle. Ils tenaient quelque chose à la main.

« Prête, Valdés ? » Demanda l'un des derniers hommes présents d'une voix rauque.

« Paré, Chef » dit la femme.

Ce dernier fit alors un signe de tête aux deux qui visait sa subordonnée. Ceux-ci hochèrent la tête à leur tour et concentrèrent sur elle. Ils firent quelques gestes gracieux avec les objets qu'ils tenaient à la main et qui s'avéraient être des bouts de bois. La silhouette de la femme se mit à s'élever dans les airs alors que son corps était presque poussé contre la paroi.

Les autres autour d'eux étaient silencieux. Mieux valait ne pas déranger des Sorciers en plein Sortilège, surtout quand ils devaient agir à plusieurs sur la même cible. La coordination magique nécessitait une concentration extrême ainsi qu'énormément d'entraînement. La moindre fluctuation du Mana entre les deux pouvait faire (au mieux) échouer le Sort. Au pire…

Finalement, le Lieutenant Joanna Valdés arriva au niveau du rebord. Dès que son corps dépassa de moitié, elle jeta le paquet qu'elle tenait entre ses mains. Arrivée à une altitude suffisante, elle leva la jambe et posa le pied sur le sol de la Cité. Elle appuya dessus et se hissa sur la surface blanche échappant ainsi à la poussée provoquée par le sort. Tout s'était passé comme prévu. De la même façon qu'à l'entraînement.

Rapidement, la femme s'accroupit et regarda autour d'elle. Sa vision nocturne, résultat de l'absorption d'une potion magique peu avant le début de la mission, lui permettait de voir clairement son entourage. Tout était dans des niveaux de gris, mais le degré de précision était supérieur à n'importe quelle lunette spéciale.

Après s'être assurée qu'il n'y avait aucun danger, elle s'avança vers le paquet qu'elle avait jeté plus tôt, l'ouvrit et en déballa le contenu. Il y avait une sangle à cliquets, un grappin, des cordes, des mousquetons et une échelle de corde. Elle regarda autour d'elle et avisa un bâtiment en ruine tout proche. Elle prit la sangle et marcha rapidement dans sa direction. Il ne restait plus qu'un mur percé d'une fenêtre, mais ça ferait l'affaire. Elle passa l'extrémité métallique par l'ouverture de la fenêtre puis contourna le mur pour la récupérer et la ramener devant. Elle fit ensuite passer l'autre extrémité dans les cliquets et serra jusqu'à ce qu'elle soit tendue. Elle éprouva enfin la solidité de l'ensemble puis, satisfaite, retourna au matériel.

Délaissant le grappin qui lui était finalement inutile, elle prit la corde et les mousquetons. Elle en fixa un à la sangle, y glissa la corde puis, tenant les deux extrémités, elle s'approcha du bord de la plateforme. Ayant la bonne longueur, elle les noua solidement entre elles puis y accrocha un second mousqueton. Elle y arrima alors l'échelle qu'elle jeta ensuite par-dessus le rebord.

À nouveau, elle regarda autour d'elle, mais il n'y avait toujours aucune menace à l'horizon. Elle porta donc la main à son casque et appuya sur le bouton qui commandait le communicateur intégré.

« R.A.S. » dit-elle. « Vous pouvez monter. »

Quelque seconde plus tard, la corde se rendit brusquement signe que quelqu'un avait pris pied sur l'échelle et entreprit de la grimper. Le Lieutenant Valdés continua à scruter les lieux autour d'elle. Jusque-là, ils n'avaient rencontré aucune patrouille de surveillance. Leurs renseignements disaient qu'il n'y en avait pas, mais la formation militaire de la jeune femme l'avait préparé à toujours se méfier.

Le seul moment où elle tourna les yeux, ce fut pour aider le Major Elspeth Farnsworth à prendre pied sur la plateforme. Aucun mot ne fut échangé. Dès que cette dernière fut à son tour sur ses pieds, elle sortit sa baguette pour jeter des Sorts, certains pour dissimuler leur présence et d'autres pour détecter des ennemis ou même des pièges alentour.

Les deux femmes furent rapidement rejointes par les Sous Lieutenant Carter Williams, Thésée Pendrick et Gatien Montrose, ces deux derniers étant ceux qui avaient (entre autres) hissé par Magie leurs supérieurs, le Lieutenant Valdés quelques instants plus tôt. Avec le Major Farnsworth, ils étaient les seuls Sorciers de l'unité. Les trois autres étaient des Sapiants, ou plutôt des « Non-Maj » selon la terminologie américaine. Cela incluait bien entendu, le chef de leur escadron qui venait à son tour de poser pied sur le sol de la Cité de Camelot.

Le Capitaine Jake Montoya était un ancien Béret Vert, un membre des Forces Spéciales des US Army qui avait été recruté par la CIA et posté à la tête de ce groupe particulier composé de deux races distinctes, sous le commandement de deux agences distinctes sous l'égide de deux gouvernements distincts.

C'était le premier directeur du FBI J. Edgar Hoover qui avait, le premier, suggéré la création d'un service mixte Non-Maj/Sorcier afin de faciliter certaine d'investigation à cheval entre les deux mondes. Bien entendu, son but était de pouvoir profiter des avantages qu'offrait la Magie pour sa lutte contre les menaces internes aux États-Unis (notamment les Communistes).

Cela ne lui plaisait pas du tout que le leur territoire soit ainsi partagé entre deux gouvernements, mais il savait quand il avait besoin de traiter avec un "ennemi". Il espérait également que cette coopération se solde par un rapprochement toujours plus important de la société Sorcière jusqu'à ce que chacun puisse être considéré comme n'importe quel américain. Un américain dont les capacités en faisaient un atout au service de l'État, bien entendu.

La propension à l'isolationnisme des Sorciers avait complètement fait échouer cette perspective. Toutefois, la division spéciale créée au sein du Bureau avait fonctionné à merveille au point que d'autres agences, notamment la CIA, les avaient imitées. Les différentes équipes que comptait ce service recevaient des ordres de mission de la Maison-Blanche ou du MACUSA en fonction de la situation.

Cette fois, c'était le Conseil Magique qui avait requis ses services. L'arrivée de Camelot avait eu l'effet d'un raz-de-marée à travers le monde et dans toutes les sociétés magiques. À cause de cela, le MACUSA craignait que le fragile équilibre entre les différents gouvernements Sorciers ne soit ébranlé par cette apparition soudaine.

Les Américains voulaient déposer une requête formelle auprès de la Confédération Internationale pour que l'île soit placée sous son égide. Ils espéraient ainsi pouvoir, par la suite, d'obtenir la permission d'envoyer des chercheurs afin de percer ses secrets. Bien entendu, il en aurait été hors de question si Albus Dumbledore était toujours Manitou Suprême. La perte de sa crédibilité durant l'été l'avait forcé à se retirer, laissant la place à l'Ougandais Babajide Akibgbade, déjà bien plus conciliant.

Toutefois, il n'était pas possible de déposer cette requête sans information sur la Cité, sa magie et surtout, ses dangers. Si le MACUSA voulait affirmer que Camelot était trop puissante pour appartenir à une seule nation, ils devaient en apporter la preuve. C'est pour cela qu'ils avaient fait appel à l'équipe du Capitaine Montoya. Leur but était de s'infiltrer sur l'île, d'observer le système mis en place par les Britanniques pour surveiller les lieux et également s'y introduire pour analyser les défenses de la Cité. Et s'ils pouvaient aussi faire un rapport sur ce qui se trouvait à l'intérieur, ce serait un bonus non négligeable.

Mais bien entendu, cette mission devait rester secrète. C'est la raison pour laquelle l'équipe avait été conduite en avion jusqu'à destination. Le fait que tout transport magique soit impossible sur toute l'étendue de l'île était déjà connu. Bien entendu, ils auraient pu descendre en parachute directement sur la Cité, mais ils avaient préféré une approche plus discrète encore.

En effet, après avoir sauté avec tout leur matériel, ils avaient tous saisi un portoloin qui les avait amenés à quelques mètres de la surface de l'eau qui avait amorti leur chute. Une fois remontés, ils avaient utilisé la magie pour gonfler un canot de sauvetage. Après être montés à bord, ils s'étaient séchés puis les Sous Lieutenant Pendrick et Montrose s'étaient occupés de faire avancer le bateau silencieusement sur la surface sombre de la mer.

« Bien, tout le monde est paré ? » Demanda le Capitaine Montoya une fois les deux pieds sur la plateforme. « Valdés ? »

« Paré, Capitaine » dit la jeune femme.

« Montrose ? »

« Paré. »

« Williams ? »

« Paré. »

« Pendrick ? »

« Paré, Monsieur. »

« Farnsworth ? »

Il attendit quelques secondes, mais il n'eut aucune réponse en provenance de la jeune femme.

« Farnsworth, vous dormez ou quoi ? »

Il se tourna vers elle et vit qu'elle était à quatre pattes sur le sol. Elle avait retiré ses gants et les passait sur la pierre blanche et lisse.

« Mais qu'est-ce que vous fabriquez, Farnsworth ? » Soupira le Capitaine Montoya.

« Ce n'est pas minéral » dit presque distraitement la femme. « Le sol. Il n'est pas composé de matière minérale. C'est… étrange. C'est comme si c'était… vivant. »

Le Capitaine Montoya fronça les sourcils. Des trois Sorciers, Farnsworth était celle qui avait la plus grande sensibilité à l'énergie magique. C'était pour cela que c'était elle qui était chargée de la surveillance. À de nombreuses reprises, son expertise les avait empêchés de mettre le pied ou de poser la main là où il ne fallait pas. Ce n'était donc pas aujourd'hui qu'il allait ignorer ses paroles.

« C'est dangereux ? » Demanda-t-il en s'accroupissant près d'elle.

« Difficile à dire. Je ressens une pulsation. De l'énergie. Mais ce n'est pas magique. Enfin pas vraiment. C'est… compliqué à expliquer. Quant à savoir si ça peut nous faire du mal, je ne perçois aucune hostilité. Mais ça ne veut pas dire grand-chose. »

« Qu'est-ce que vous conseillez ? »

« D'être prudent. Pour le moment, rien de plus. »

« Très bien » dit le Capitaine en se redressant. « Je vous laisse seul juge de ce qu'il fait faire, Farnsworth. Si vous dites que ça devient trop dangereux, j'avorte la mission. »

« Bien, Monsieur » dit la jeune femme en acceptant la main que celui-ci lui tendait pour se relever.

« À présent, tout le monde en formation » reprit le commandant de l'escadron en s'adressant au reste de son équipe.

Les autres se mirent alors aussitôt en mouvement. Montoya hocha la tête avec appréciation. C'était une bonne équipe. Il savait qu'il pouvait compter sur eux. Maintenant, tout ce qu'ils avaient à faire, c'était gagner le Château.

0o0o0

« Désolé pour la coupure. J'ai rencontré des Gardes » dit Viktor.

« Moi aussi » lui répondit son camarade.

« Il faut qu'on se rejoigne rapidement. »

« Oui. Et après ? »

Après, Viktor n'en avait pas la moindre idée. En fait, il avait été tellement obnubilé par le fait de trouver son peuple qu'il n'avait pas vraiment réfléchi à ce qui se passerait après. Il avait plus ou moins imaginé être accueilli à bras ouvert par des gens qui lui ressemblaient ou même qui avaient une vague ressemblance avec les quelques souvenirs qu'il avait de sa mère. Quand à la suite… c'était moins clair. Il n'avait même pas pris sa nature de Démon en compte.

Il ne savait donc pas du tout ce qu'il allait bien pouvoir faire par la suite. C'est pour ça que, pour le moment, tout ce à quoi il pouvait penser, c'était retrouver Cédric. Il avança alors sa main, paume vers le haut, et fit apparaître un cercle magique couleur bordeaux en forme de boussole. Il se mit ensuite à tenter de susciter une image de Cédric dans son esprit. Rapidement, un souvenir extrêmement précis du garçon s'ancra en lui.

Elle était assez récente, deux jours à peine. Alors qu'ils étaient tous les deux installés sur une table reculée de la bibliothèque du château de Kamala. Viktor avait relevé la tête après avoir essayé de comprendre un texte assez cryptique (et dont il était sûr qu'il leur serait inutile). Fatigué, il s'était massé les paupières avant de regarder autour de lui. Les lieux étaient sombres. Il était en fait assez tard et Viktor était épuisé. Il s'était tourné vers Cédric pour lui proposer d'aller se coucher, mais la vision de son camarade l'en avait empêché.

Cédric était penché sur un livre qu'il examinait avec attention à la lumière d'une lampe. L'abat-jour de celle-ci était en verre coloré et jetait des éclats jaune d'or sur son visage. Le jeu des ombres rendait ses pommettes plus saillantes et ses cheveux, d'un blond plus riche. Sous la lueur mordorée, ses yeux luisaient presque. Viktor pouvait les voir tourner de gauche à droite à mesure qu'il suivait les lignes du texte qu'il lisait alors que ses lèvres mimaient silencieusement les mots.

Il avait fallu une dizaine de minutes à Viktor pour s'apercevoir qu'il fixait son ami. Toutefois, il n'avait pas pu s'en empêcher. Il appréciait vraiment l'expression que faisait Cédric quand il était ainsi concentré. Ses yeux qui ne cillaient pas, sa bouche qui, au contraire, ne cessait de remuer, ses sourcils froncés et puis, de temps en temps, ce petit mouvement de la tête sur le côté quand il essayait de comprendre quelque chose. C'était cette image-là qui s'était imposée à l'esprit de Viktor quand il avait pensé à Cédric.

À ce moment-là, au lieu de simplement tourner, la flèche de la boussole bondit dans la direction en face de lui. Sachant que, là où il se trouvait, Cédric faisait de même, il se mit donc à courir sans cette direction en regardant autour de lui. C'était pour repérer la présence de nouveaux Gardes, mais pas seulement. Même si par le plus grand des hasards Cédric était aussi dans ce palais, il lui avait dit qu'il était au niveau du rez-de-chaussée. Il fallait donc que Viktor trouve un moyen de descendre.

« Wow ! » S'écria soudain Cédric sans sa tête.

« Quoi ? » Demanda Viktor.

« La… la flèche a brusquement changé de direction. De ton côté ? »

Viktor baissa les yeux et se rendit alors compte que c'était également son cas.

« Qu'est-ce que ça veut dire… » murmura-t-il.

Est-ce que Cédric avait d'un coup été téléporté ailleurs ? Où est-ce que, comme à Poudlard, certains endroits pouvaient se déplacer selon leur propre volonté ?

« Attends ! » S'écria Cédric, coupant court au discours de son camarade. « J'essaie quelque chose. Ne bouge pas ! »

Viktor obéit. Il ne vit d'abord rien puis la flèche se remit à obliquer lentement avant de faire des tours sur elle-même sans s'arrêter.

« C'est comme au sommet de la montagne » dit Cédric.

« Ce qui veut dire… » comprit alors Viktor, « que nous sommes au même endroit, mais pas au même étage ! »

« Je suis passé dans une grande salle avec une cage d'escalier y'a pas 5 minutes. »

Viktor se rapprocha de la fenêtre et se pencha. La première fois, il n'avait fait attention qu'au paysage et pas au lieu lui-même. Apparemment, il se trouvait dans l'une des ailes d'un bâtiment en « U ». À gauche se trouvait vraisemblablement le corps du logis, plus haut de deux ou trois étages avec deux tours aux extrémités. La seconde aile, en face, était plus basse, seulement deux niveaux. Cela permettait de voir le paysage au-delà, ce qui était sans doute la raison de cette dissymétrie. En dessous se trouvait un vaste court rectangulaire décoré de plantes en fleur et d'un large bassin à l'eau miroitante sur presque toute la longueur.

Il était au 4e niveau, le dernier. Il devrait donc pas mal descendre pour parvenir jusqu'au rez-de-chaussée. Il allait se remettre en route dans la direction que lui avait indiquée Cédric quand un bruit attira son oreille. Il jura en voyant débarquer plusieurs Gardes de l'une des portes latérales. Leaf était à leur tête.

« Je crois que je vais mettre un peu de temps à te rejoindre » marmonna-t-il entre ses dents à son camarade.

« C'est une assez mauvaise nouvelle » fit remarquer Cédric. « Parce que là, j'aurais vraiment besoin de toi. »

0o0o0

La progression du groupe était lente, mais régulière. Hors de question de prendre des risques. Le Capitaine Montoya était en tête il guidait son équipe en suivant les indications du Major Farnsworth.

Celle-ci se trouvait juste derrière lui, au centre de la formation. Pour une mission de reconnaissance, elle était l'élément décisif qui permettait à l'escadron de rester sous les radars. Ses capacités de concentration et sa sensibilité psychique hors du commun en faisaient un allié de poids pour la surveillance du périmètre. La moindre présence physique ou magique, même dissimulée pouvait aisément être détectée et, avec un peu de temps supplémentaire, analysée par quelques Sorts.

Toutefois, ce périmètre demeurait inférieur à son champ de vision. Sans compter que cette intense concentration pouvait la rendre vulnérable et diminuer ses réflexes. C'est la raison pour laquelle elle se tenait au centre. De chaque côté se trouvaient les Sous Lieutenant Williams et Pendrick et, derrière elle, le Sous Lieutenant Montrose et le Lieutenant Valdés. Cette dernière, comme les deux autres Sapiants, était armée d'un P90, un pistolet mitrailleur belge de la FN Herstal, connus sa taille réduite et sa très forte cadence de tir.

En temps normal, pour une mission aussi secrète, l'ajout d'un silencieux aurait été de mise. Mais cela aurait affaibli la puissance de feu. À la place, les armes du commando du Capitaine Montoya avaient été modifiées à l'aide de Runes. Une série autour de la chambre réduisait le bruit de détonation. Une autre diminuait fortement le recul et une troisième éjectait automatiquement le chargeur une fois celui-ci vide. Des tentatives pour en ajouter davantage avaient été faites, mais la pression du flux magique supplémentaire déformait le métal, les rendant inutilisables. De plus, les Sapiants n'ayant pas de Mana en eux, il était nécessaire de "réapprovisionner" assez fréquemment les Runes en énergie. Mais même ainsi, elles s'épuisaient rapidement.

L'équipe avançait donc sans le moindre problème, mais toujours en demeurant sur le qui-vive. Le Major Farnsworth avait enlevé ses chaussures afin de rester en contact avec la matière qui composait le sol. Elle pouvait ressentir les influx d'énergies et prenait bien garde à surveiller toute fluctuation qui pourrait indiquer une activité quelconque ou un danger.

Le mystère que représentait cette matière la fascinait. Les pulsions qu'elle sentait au travers de sa peau lui faisaient penser à un code. Comme le morse. C'était comme si elle était composée de centaines d'organismes qui communiquaient entre eux par impulsions. Comme des neurones. Malheureusement, elle était tellement absorbée qu'elle ne ressentit l'intrusion rapide de son périmètre que quelques millisecondes trop tard.

La balle se ficha dans un colombage à quelque pas d'eux après avoir frôlé le visage du Capitaine Montoya.

« À couvert ! » Ordonna aussitôt celui-ci.

Le groupe se divisa en deux, de part et d'autre de la rue, se cachant derrière des pans de murs qu'ils espéraient solides.

« T'es mort, Montoya ? Ou je t'ai manqué ? » Cria alors une voix dans la nuit.

Elle était basse et profonde et mangeait quelques voyelles tout en roulant ses « r ». Un accent d'Europe de l'Est. De Russie plus précisément puisque le Capitaine avait reconnu son propriétaire.

« Toujours en vie, Fedorov ! » Cria-t-il en retour en espérant que son intonation paraisse décontracter. « Tu diras à Orlov que sa vue baisse ! »

Le russe invisible éclata d'un rire sauvage. "Orlov" était le nom de l'un de ses hommes. Un surnom en fait. Cela signifiait « aigle ». Il l'avait reçu à cause de sa vision que l'on pouvait presque qualifier de surnaturelle et qui en faisait un tireur d'élite d'exception.

La présence de ces deux-là n'était pas vraiment une bonne nouvelle pour l'équipe de Montoya. Cela voulait dire que la Russie avait envoyé sa propre équipe sur les lieux et ce en même temps qu'eux. Il était d'ailleurs probable que leur objectif était le même : trouver des renseignements afin d'avoir la main haute pour les négociations avec la CIS au sujet de la Cité.

Les Sorciers Russes étaient assez différents des Américains. Cela venait du fait que, ce que Hoover n'était pas parvenu à faire, Staline l'avait réussi quelques décennies plus tôt. Au début du siècle dernier, comme en Angleterre, le souverain, c'est-à-dire le Tsar, était à la fois à la tête de la Russie Magique et Sapiante. La différence était qu'il existait bien du sang magique dans la lignée impériale.

En effet, de nombreux Romanov (mais pas tous) étaient nées avec des pouvoirs. Toutefois, en 1917, cela faisait déjà plusieurs décennies qu'aucun Sorcier n'était né parmi la royauté. Les liens entre les Sapiants et eux étaient donc assez distendus au moment de la révolution si bien qu'aucun Magicien n'a levé le doigt pour sauver le Tsar Nicholas II et sa famille. Ultérieurement, ils avaient néanmoins participé à la capture et à l'exécution de l'un des principaux responsables de la Guerre Civile, c'est-à-dire le Magicien Noir (pas un Sorcier donc) Grigori Raspoutine.

Par la suite, ils seraient tenus à l'écart du nouveau régime, coupant tous les ponts avec les Sapiants comme l'avaient fait plus tard les Chinois après la Révolution Culturelle dans les années 20. Ils s'étaient repliés totalement sur eux-mêmes, s'enfermant avec leurs traditions séculaires extrêmement contraignantes. Toutefois, les idées communistes avaient commencé à faire leur chemin parmi la jeunesse opprimée par ces mêmes traditions. C'est ainsi que vers la fin des années 40, ils avaient entrepris de collaborer avec le gouvernement de Staline.

À cause des raids nazis sur les peuplades Sorcières européennes, notamment à l'Est, les anciens avaient été effrayés de ce que pourraient faire les Sapiants s'ils n'étaient pas protégés. Ainsi, alors qu'ils avaient toujours repoussé les tentatives du gouvernement d'établir de nouveaux contacts, ils n'avaient plus réagi et laissé les plus jeunes décider (avec énormément de persuasion, voire de coercition, de leur part). À partir de là, la population Sorcière avait été totalement intégré à son homologue Sapiante. La Magie demeurait un secret, mais les Magiciens étaient devenus des citoyens comme les autres, des citoyens dont les capacités furent très largement employées par Staline et ses successeurs à la tête du parti. En d'autres termes, tout Sorcier bolchevik devenait un outil à utiliser pour le développement de l'URSS.

Dans les années 90, avec sa dissolution progressive, la nouvelle jeunesse magique russe avait commencé à remettre en cause le système qui faisait que par leur seule naissance ils étaient destinés à donner leur sang pour la patrie. Les contestations avaient distendu les liens qui existaient, mais sans jamais que la séparation soit à nouveau clairement actée. Des institutions, purement sorcières, avaient vu le jour permettant à ceux-ci de vivre parmi les leurs et d'être jugés par eux, mais celles-ci, bien qu'occultes, étaient toujours des organes du gouvernement actuel.

Toutefois, les anciennes divisions du KGB (aujourd'hui FSB) demeuraient toujours actives et de très nombreuses équipes d'espionnage, de contre-espionnage et d'intervention étaient mixtes. C'était le cas de celle commandée par le Major Général Liev Federov.

« On est mal » cracha le Capitaine Montoya alors que lui et son équipe essuyaient des tirs. « Si Federov est arrivé avant nous, on aura du mal à avancer. Il nous tirera comme des lapins plutôt que de nous laisser accomplir la mission. »

En effet, le Major Général était assez connu pour son côté « franc-tireur ». En fait, pour qui l'avait déjà rencontré, c'était un cinglé de première. On le comparait souvent au Colonel Kurtz, ce militaire fou de la guerre du Vietnam joué par Marlon Brando dans le film Apocalypse Now. Le comble pour un russe d'être comparé à un américain.

« Farnsworth ! Dites-moi où ils sont ! » Cria Montoya pour couvrir le bruit des impacts de balle.

Si son champ d'action était limité en détection omnidirectionnelle, une fois qu'elle savait à peu près vers quoi chercher, le Major pouvait percevoir à plus d'une centaine de mètres.

« À 70 m droits devant, Monsieur ! » S'exclama la femme. « Mais je ne capte que cinq présences ! »

Et l'équipe de Federov en comptait normalement sept. Il pouvait y avoir des absents, mais il y pouvait en fait y avoir une tout autre explication. Les deux membres manquants avaient été envoyés en avant pour pénétrer dans le château et accomplir la mission alors que les autres retenaient l'équipe de Montoya.

« Et merde ! » Jura celui-ci.

« Capitaine, faisons comme eux ! » Dit alors Valdés qui avait commencé à tirer dans la direction que leur avait donnée leur coéquipière. « Vous et le Major faites le tour pour atteindre la cible pendant que nous retenons Federov et ses hommes ici. »

« Je peux créer des illusions de vous suffisamment convaincantes pour que même leur expert n'y voie que du feu » rajouta Montrose. « Et Pendrick peut donner le change avec sa baguette. »

Pendrick était un spécialiste du tir rapide. Il ne lui serait pas difficile de faire croire aux Russes qu'ils étaient attaqués par trois Sorciers au lieu d'un seul. Quant à Montrose, ses illusions étaient si parfaites qu'elles pouvaient même tromper les sorts de détection. Enfin, pendant un temps.

« Très bien » dit finalement le capitaine en acceptant la proposition de ses subordonnés. « Mais je vous interdis de garder cette position pendant plus de dix minutes. Passé ce délai, je vous ordonne de commencer à vous replier. Montrose, si maintenir les illusions vous empêche de faire ça, vous avez alors ordre de laisser tomber, c'est bien compris ? »

« Oui, Capitaine ! »

« Bien. Que tout le monde ait son portoloin d'urgence à portée de main » Ordonna le Capitaine Montoya en plongeant la main dans son col.

Il en sortit une chaîne sur laquelle étaient accrochées deux plaques d'identification de l'armée américaine. L'une d'elles était, comme il l'avait dit, un portoloin d'urgence à utiliser par l'agent pour se tirer d'une situation difficile. Il suffisait à celui-ci de le saisir et de prononcer son mot de passe personnel. Le second était également un portoloin, mais il ne s'enclenchait qu'à la mort de son porteur afin de rapatrier son corps.

Le Capitaine posa donc les plaques sur sa poitrine à portée de main et ses subordonnés firent de même. Les Sous Lieutenant Valdés et Williams se remirent à faire feu en direction des Russes couverts par Pendrick qui enchaînait les sorts à une vitesse hallucinante. Montrose, lui, se concentrait en agitant sa baguette et en remuant les lèvres. Deux silhouettes commencèrent à se matérialiser dans les airs. Elles devinrent de plus en plus claires et tangibles jusqu'à ce que des images parfaites du Capitaine Montoya et du Major Farnsworth se trouvent à leur côté. Ceux-ci prirent la place des vrais alors que ceux-ci se tenaient à l'écart.

« J'ai emporté quelque chose qui pourrait nous être utile » dit alors Farnsworth en tirant quelque chose de gros de sa poche.

Montoya, habitué à la magie depuis toutes ses années de service, reconnut immédiatement l'artefact. Il s'agissait d'une cape d'invisibilité. Il se rapprocha donc de sa subordonnée et la laissa les recouvrir du tissu qui fit disparaître leurs deux corps.

À présent certains qu'ils ne seraient pas vus, ils partirent au travers des rues de la ville de Camelot en faisant bien attention à contourner l'équipe de leurs adversaires outre-Atlantique.

0o0o0

Il avait mal calculé son coup. Alors qu'il allait faire demi-tour, il avait entendu des bruits en provenance de l'une des portes. Apparemment, plusieurs Gardes se trouvaient justes derrière. Or il n'avait pas vraiment d'endroit où se cacher. La partie interne des ailes était composée d'un unique et long couloir quasi ininterrompu. Les ouvertures sur le côté en faisaient une sorte de déambulatoire clos. Toujours était-il que si les hommes armés débarquaient, ils le verraient à coup sûr.

À ce moment-là, il aurait dû user d'un Sort d'Occlusion Mentale afin de se dissimuler. Toutefois, il avait remis cette opération à plus tard. Il comptait d'abord atteindre les escaliers où Viktor devait le rejoindre puis se poster en embuscade. En effet, outre le Charme, il pouvait utiliser les quelques meubles et imposantes jardinières pour se mettre à couvert et dégager la voie.

Malheureusement, le destin semblait vouloir s'acharner sur lui, car à peine était-il parvenu dans la monumentale volée de marches qu'une seconde escouade avait surgi juste en face de lui et, à leur expression furibonde, il devait s'agir du groupe qu'il avait précédemment laissé à déraper sur la glace.

À ce moment-là, il n'avait plus que deux solutions : se battre ou fuir par l'un des accès restants c'est-à-dire l'escalier à sa gauche ou la porte cochère donnant sur la cour, à sa droite. La troupe de Gardes en face de lui était assez peu nombreuse, cinq ou six, pas plus, toutefois, celle qui débarquait dans son dos était bien plus importante, près d'une vingtaine. Trop pour s'en occuper seul. Mais il ne pouvait pas non plus s'échapper du bâtiment, car Viktor arriverait bientôt et alors tous se retourneraient contre lui.

Il se maudit. Pourquoi est-ce qu'il n'avait pas tout simplement conseillé à son ami de passer par les ouvertures pour planer jusqu'au sol. Tous deux étaient encore trop habitués à ne pouvoir voler qu'avec un balai pour penser autrement. C'était un handicap qu'ils payaient à présent.

Le plus sûr pour eux dorénavant était qu'il fuit en direction des étages. Il pourrait retrouver Viktor et déployer leurs ailes. Ce n'était pas comme s'ils ne savaient pas qu'ils étaient des Démons.

Malheureusement, il avait mis trop de temps pour parvenir à cette conclusion. Les Gardes s'étaient dispersés afin de l'encercler, lui coupant à la fois la route de la porte et celle de l'escalier. Toutefois, Cédric avait beau avoir du mal à s'accoutumer à ses capacités en tant que Démon, il maîtrisait parfaitement celle qu'il possédait en tant que Sorcier. Il concentra donc son attention sur les marches, au-delà des Gardes et transplana.

Il sentit alors son corps se compresser pour être aspiré dans un trou minuscule comme il en avait l'habitude, mais, juste après, il se sentit expulsé et il tomba en arrière sur le marbre froid.

« Que… » balbutia-t-il.

À ce moment-là, il entendit quelque chose arriver sur lui. Il se retourna et vit que l'un des Gardes envoyait une boule de feu dans sa direction. Il roula sur lui-même afin de l'esquiver, mais celle-ci parvint tout de même à effleurer son bras. Une douleur diffuse le fit glapir de surprise et porter sa main à l'endroit où elle était passée. Malgré toutes ses protections magiques, la chemise avait brûlé. Elle avait malgré tout réussi à préserver un peu la peau de Cédric qui était rouge comme s'il s'était pris un coup de soleil. Apparemment, les capacités élémentaires des Svalinnkins étaient bien plus puissantes qu'il ne le pensait.

Rapidement, il se releva. C'était trop dangereux de rester au sol. Sans trop y croire, il tenta d'invoquer un cercle de téléportation, mais celui-ci se brisa avant qu'il ne parvienne à se former totalement. Donc le lieu était protégé contre les transports magiques. Ce n'était pas vraiment une bonne nouvelle. Il avait toujours ses ailes, mais, dans les airs, il serait trop vulnérable aux attaques. Il ne maîtrisait pas encore assez ce type de vol pour les éviter toutes. Il était pris au piège.

« Je crois que je vais mettre un peu de temps à te rejoindre » entendit-il Viktor lui annoncer dans sa tête.

« C'est une assez mauvaise nouvelle » fit remarquer Cédric. « Parce que là, j'aurais vraiment besoin de toi. »

« Je me dépêche » dit son ami avec une voix tendue après qu'il lui ait expliqué sa situation.

En l'attendant, Cédric devait se débrouiller. Malheureusement, avec un aussi grand nombre d'adversaires, une bavure voir un tir fratricide était à envisager ce qu'il voulait absolument éviter s'ils désiraient jamais pouvoir dissiper ce malentendu et avoir des relations avec les Svalinnkins. Donc, il fallait que Cédric parvienne à maintenir le statu quo jusqu'à l'arrivée de son camarade… et pour ça, il allait avoir besoin de renfort.

Avec stupéfaction, les Gardes virent l'image du Démon se dédoubler. Ils clignèrent des yeux, croyant loucher, mais ils se rendirent vite compte que ce n'était pas le cas. Alors que la silhouette du jeune homme continuait à se tordre, un second, identique, apparut devant eux. Il fut rapidement suivi d'un troisième, d'un quatrième et enfin d'un cinquième. Sans comprendre comment ni pourquoi, il y avait à présent cinq Démons totalement semblables au milieu du cercle qu'ils formaient. Tous étaient dos à dos afin de ne pas laisser la moindre ouverture et tous possédaient ces armes étranges qui tiraient de la magie, armes qui étaient actuellement braquées sur eux. Cédric, de son côté, était assez content de son effet. Il était également heureux d'avoir réussi à maîtriser ce pouvoir apparu lors du combat contre Trihexa et les Dragons Maléfiques.

Mad Doppelganger.

C'était le nom de son Sacred Gear. Celui-ci lui donnait la capacité de créer des répliques de lui-même. Toutes les copies étaient autonomes puisqu'elles possédaient une partie de la conscience de Cédric. Cette conscience divisée était ce qui avait vraiment perturbé Cédric, ce sentiment d'être à la fois soi et une autre qui était aussi soi, celui de capter le monde avec ses propres sens tout en partageant ceux d'autres lui-même ainsi que le souvenir de cette expérience.

Peut-être était-ce à cause de sa magie humaine, mais il n'avait pas été détecté par les Démons avant de se manifester en décembre dernier. Depuis, Cédric avait suffisamment appris à maîtriser son pouvoir pour qu'il lui soit utile lors d'une bataille. En effet, Mad Doppelganger lui permettait de se dupliquer lui-même, mais également ce qu'il avait sur lui. Tous ses doubles étaient donc armés et, puisqu'ils étaient lui, prêts au combat.

Tout ce qu'il espérait à présent était que la menace serait suffisante pour empêcher les Gardes d'attaquer…

0o0o0

Chacun des six bras de la Cité se rejoignait au centre, autour d'une vaste esplanade triangulaire, trois à chacune des pointes et trois au milieu de chacun de ses côtés. De l'une de ces pointes à la base, celle-ci devait faire environ 1 km.

Le palais royal d'Arthur en était la seule construction. Il était loin d'en occuper tout l'espace. Depuis le centre, sa superficie devait à peine correspondre au tiers de celle de la place. Toutefois, la muraille, elle, de forme circulaire, était presque totalement inscrite sur la surface triangulaire. La distance entre la base des bras transversaux et elle ne devait être que d'une petite cinquantaine de mètres.

C'était aussi la raison pour laquelle l'équipe du Capitaine Montoya avait abordé à proximité du bras Ouest qui était raccordé à l'un des côtés de l'esplanade. Cela aurait bien entendu été plus rapide d'arriver directement sur la place, mais ils auraient été à découvert. Si tout s'était passé normalement, ils se seraient abrités à la lisière, derrière un bâtiment et auraient attendu que Farnsworth leur dise que la voie était libre.

Mais à présent que les Russes les avaient coincés, ils n'avaient plus trop le choix. Heureusement, le Major était toujours là et sa cape pouvait les dissimuler le temps qu'ils parviennent au mur d'enceinte. Cela restait tout de même risqué. En effet, l'objet magique de la jeune femme avait beau être pratique et leur assurer de ne pas être repéré, quelques détections bien placées suffiraient à les découvrir. Pourtant elle était faite en poil de Demiguise. C'était donc la meilleure qualité que l'on pouvait trouver sur le marché.

Les artefacts qui vous rendait invisible voir imperceptible même aux yeux des divinités, cela n'existait que dans les contes et les légendes.

Rapidement, les deux agents de la CIA parcoururent la cinquantaine de mètres jusqu'au mur d'enceinte. Alors que le Major Farnsworth maintenait la cape devant eux pour leur donner un semblant de dissimulation, le Capitaine Montoya faisait tourner un grappin attaché au bout d'un filin. Une fois qu'il sentit que la vitesse était suffisante, il le lança en l'air en priant pour qu'il passe par-dessus la muraille.

Il y parvint.

L'homme ramena alors doucement sur la corde jusqu'à ce qu'elle se bloque. Il tira quelques coups secs pour être sûr que cela tenait puis commença à grimper. Il ne s'agissait pas de goujaterie, mais d'efficacité. En montant le premier, il s'exposait aux ennemis potentiellement présents. De plus, une fois en haut, il pourrait aider le Major à escalader voir la hisser avec lui.

Le mur d'un blanc pur, le même que le sol sous eux faisait près d'une quinzaine de mètres de hauteur. Mais le Capitaine Montoya était un militaire entraîné. Il lui fallut donc à peine plus de quelques minutes pour atteindre le sommet. Il passa par-dessus le rebord et atterrit sur un chemin de ronde pratiqué dans la largeur de la muraille. Celui-ci devait faire 1 min 5 de large et était bordé de murets d'environ 1 m de haut. En regardant au loin, Montoya vit que le chemin de ronde courrait tout le long de l'enceinte (du moins de la partie qu'il pouvait voir). À intervalles réguliers, se trouvait de petites tours carrés surmontés de plateformes.

De l'autre côté s'étendait un vaste parc duquel dépassaient les hautes tours blanches du palais. Certains des arbres étaient plus élevés que les parois, mais aucun à proximité. Grâce à sa vision nocturne, il pouvait apercevoir des plans d'eaux, des fontaines, des kiosques et des bosquets. Le Capitaine Montoya aurait dit qu'il s'agissait de jardins à l'anglaise… s'ils n'étaient pas censés avoir été créés 1200 ans avant leur invention. Un détail important était que la végétation semblait extrêmement vive au contraire de celle qu'ils avaient trouvée en ville (en fait de végétation, il s'agissait surtout de jardinières emplies de terre sèche et de pierre sans trace d'aucun vestige de plante ou d'arbre).

Ayant terminé de vérifier les alentours, l'homme se pencha et fit signe au Major Farnsworth de le rejoindre. Celle-ci rangea sa cape et se saisit de la corde. Ayant eu un entraînement physique bien moins conséquent que son supérieur, elle mit un peu plus de cinq minutes à atteindre le sommet même aidé par celui-ci. Alors que, à bout de souffle, elle basculait finalement de l'autre côté du muret, Montoya acheva de récupérer le filin et le grappin.

« Et… et ensuite ? » Demanda Farnsworth, haletante. « On descend de la même façon ? »

« Je ne suis pas sûr » répondit son supérieur. « Peut-être qu'il existe des escaliers. Comment est la situation ? »

Le major Farnsworth termina de reprendre sa respiration et se concentra. Il n'y avait rien à signaler. Après l'avoir aidé à se relever, Montoya se dirigea donc vers la tour de garde la plus proche. Comme il l'avait prévu, un accès permettait de monter jusqu'au sommet et un autre de descendre au niveau du sol. Le Major Farnsworth, suivant toujours son chef, en fut soulagé. Jouer les singes suspendus n'était pas vraiment son truc.

Malheureusement, au moment où ils posèrent le pied à l'intérieur du parc, une force mystérieuse arracha son fusil à Montoya et sa baguette à Farnsworth. Deux pistolets et quelques couteaux dissimulés dans les tenues de combat des deux militaires les suivirent.

« Que… » balbutia le Capitaine en voyant leurs armes tomber en tas par terre à quelques mètres d'eux.

L'air à proximité se mit à onduler et trois silhouettes apparurent alors. Une portait un fusil d'assaut et les deux autres des baguettes. Les trois étaient cependant braquées droit sur les agents de la CIA.

« Raskolnikov » cracha Montoya à l'adresse de l'un des Sorciers.

Contrairement aux Américains, ils ne s'étaient pas embarrassés de porter des tenues de camouflage si bien que leurs traits étaient parfaitement visibles. Il avait donc été assez facile pour Montoya de reconnaître le second du Major Général Federov de même que le Sapiant armé qui répondait au nom de Sorokin. Le troisième homme et membre excédentaire de l'équipe Russe lui était inconnu. Toutefois, cela n'était pas le cas du Major Farnsworth.

« Trabalov » cracha-t-elle au Sorcier dégingandé qui la regardait avec un sourire triomphant. « C'est pour ça que je ne vous ai pas senti. »

Si Farnsworth était doté d'une sensibilité à la magie importante, la subtilité des Sorts de dissimulation de Trabalov était telle qu'il était l'un des rares à pouvoir échapper à ses sens. En fait, à ce jour, elle n'avait rencontré que deux personnes qui en étaient capables. Trabalov était l'un d'eux.

« Quand Federov a su qu'on risquait de tomber sur vous, il a eu l'idée de me recruter » dit celui-ci avec son accent à couper au couteau. « Je vois qu'il a bien fait. »

« Et donc, qu'est-ce que vous allez faire de nous ? » Interrompit Montoya.

« Allons, Capitaine, ne craignez rien ! » ronronna Raskolnikov avec un sourire. « On ne va pas vous tuer. Peut-être juste un peu vous effacez quelques souvenirs pour éviter que vous racontiez que vous nous avez vus ici, c'est tout. »

Montoya frémit. Chez lui, le surnom de Raskolnikov était Myasnik Pamyati. Le Boucher de Mémoire. Il était connu pour ses redoutables sorts d'oubli qui saccageait l'esprit de ses victimes pour qu'il soit certain qu'elles ne puissent plus se rappeler ce qu'il ne désirait pas qu'ils se rappellent.

Le Russe se mit ensuite à avancer vers les deux Américains alors que ses deux compatriotes les tenaient toujours en joue. Montoya, lui, cherchait frénétiquement une solution pour s'en sortir. Hors de question que son équipe se laisse avoir par cet homme. Pas sans se battre du moins. Avec un peu de chance, il pouvait les occuper suffisamment de temps pour que Farnsworth trouve le moyen de s'enfuir et après… après, il n'était sûr de rien.

Il se préparait à s'élancer sur l'adversaire en face de lui dans un geste désespéré quand un bruit attira leur attention. Raskolnikov se retourna pour voir ses deux camarades s'effondrer sur le sol. Le Capitaine Montoya en profita pour se jeter sur lui et lui coincer le coup avec son bras alors que son autre main cherchait à lui enlever la baguette.

Le Major Farnsworth, de son côté et après un petit instant d'hésitation, plongea en direction de leurs armes posées par terre. Elle récupéra sa baguette et la pointa sur le Russe en lançant un Stupefix. Voyant le rayon de lumière rouge arriver sur lui, Montoya se jeta sur le sol. Le Sort frappa donc Raskolnikov qui s'effondra.

« Qu'est-ce que… qu'est-ce qui s'est passé ? » Demanda Montoya en se relevant.

« Je me suis peut-être dit que vous pourriez avoir besoin d'aide » dit alors une voix qui semblait venir de partout et nulle part à la fois.

Son anglais était parfait, mais on discernait une pointe d'accent probablement asiatique.

« Hēimāo ! » S'exclama Farnsworth. « Montrez-vous ! Je sais que vous êtes là ! »

« Je me demande bien comment » interrogea à nouveau la voix.

Cette fois-ci, les deux Américains se tournèrent dans sa direction. Une silhouette sembla alors émerger des ombres. Il s'agissait d'un jeune homme vêtu d'une ancienne tunique chinoise noire et dorée. Ses cheveux étaient bruns et courts et il portait sur les yeux un demi-masque de chat des mêmes couleurs que sa tenue.

« Je pensais pourtant que ma magie de dissimulation serait suffisante » ajouta-t-il sur un ton ennuyé.

« Justement. Je savais que vous étiez là, mais je n'arrivais pas à vous localiser. Je ne connais que deux personnes capables de ça et vous avez assommé l'une d'elles. »

« Logique » dit le jeune homme avec un léger rire.

« Et on peut savoir ce que le Maître du Zodiaque peut vouloir bien faire ici ? » Demanda le Capitaine Montoya, méfiant.

La bouche du jeune homme s'étira. Son sourire ressemblait à celui d'un chat, le même chat représenté par son masque et qui lui avait donné son nom, Hēimāo, le "Chat Noir".

« La même chose que vous, j'imagine » dit-il.

Puis il rit.

« Des Américains, des Russes et des Chinois se rencontrent sur une île Anglaise… on dirait le début d'une mauvaise blague vous ne trouvez pas ? »

« Pas vraiment » dit Montoya, la mâchoire serrée.

S'il doutait d'avoir des chances de se débarrasser des trois Russes de tout à l'heure, contre Hēimāo, il savait que c'était impossible. Peu de gens connaissaient l'existence des "Génies du Zodiaque", ce groupe d'élite formé de jeunes Magiciens surdoués en qui l'Impératrice avait fondé tous les espoirs de l'avenir de son peuple. Et même pour les rares aficionados, leurs capacités étaient entourées de mystère. En fait, après que l'Impératrice de Chine ait totalement désolidarisé sa communauté magique après la Guerre Civile chinoise, le pays tout entier s'était nimbé de mystère. La force de la Garde Impériale pouvait tout autant être une réalité que de la poudre aux yeux. Toutefois, Montoya ne se sentait pas prêt à le vérifier ce soir-là. Surtout contre Hēimāo. Après tout, il n'était pas considéré comme le "Génie des génies" pour rien.

Pourtant, on ne savait pas grand-chose d'eux.

« Si j'étais vous, je donnerais l'ordre à mon équipe de battre en retraite » reprit l'homme en blanc. « La Garde va bientôt débarrasser l'île de ses "gêneurs" pour mener ses propres investigations. »

« Vous n'êtes pas sérieux ? »

Hēimāo sourit sans dire un seul mot. Montoya grimaça. Il porta ses doigts à son casque et enclencha le communicateur pour donner l'ordre du retrait. Aucune réponse ne lui parvint. Soit les Chinois les avaient déjà débusqués, soit ils avaient évacué comme il en avait été convenu.

« On dirait que cela sera toujours cela de moins à s'occuper. L'un de mes subordonnés va venir chercher les corps de ces trois-là. Je compte sur vous pour l'accompagner sans résister. Je pense qu'ils auront déjà un peu de fil à retordre avec le Major Général Federov et le reste de ses hommes. Ne leur compliquez pas plus la tâche. Ce ne serait pas dans votre intérêt. »

« Une autre solution serait également que vous partiez tous d'ici. »

La voix soudaine avait fait sursauter les trois personnes présentes. Encore une fois, le Major Farnsworth n'avait rien senti venir. Mais le plus déconcertant, c'était que Hēimāo non plus. L'Américaine savait que sa propre perception était loin d'être au niveau de celle du jeune homme et pourtant le nouvel arrivant était parvenu à le surprendre.

Tous les trois se retournèrent alors vers la silhouette d'un vieillard en robe et à longue barbe blanche qui se tenait debout à quelques mètres d'eux. Son regard pétillant de malice et un petit sourire ornaient ses lèvres. Pour un peu, le Major Farnsworth aurait cru qu'il s'agissait d'Albus Dumbledore. Pourtant elle savait que c'était faux. Elle ne l'avait jamais rencontré personnellement, mais elle avait bien entendu vu sa photo dans la presse internationale à de nombreuses reprises. Toutefois, l'homme qui se trouvait face à eux était différent. Peut-être à cause de ses pouvoirs, elle s'était toujours méfiée du directeur. Elle trouvait son personnage artificiel. Le sourire de cet homme semblait également simulé, mais pas de la même façon. Comme un miroir dont le reflet ne faisait qu'imiter l'expression d'une véritable personne.

Rapidement remis de sa confusion, Hēimāo se précipita sur l'inconnu à la vitesse de l'éclair. Il courba son bras recouvert par sa manche espérant ainsi asséner un coup afin de le neutraliser comme il l'avait fait avec Sorokin et Trabalov. Mais sa main traversa le corps l'intrus sans le toucher.

« Une illusion ? Impossible ! » S'exclama le jeune homme qui, sur le coup de la surprise, avait repris sa langue natale.

L'inconnu tendit alors simplement la sienne vers lui. Une lumière blanche se mit à émaner du corps d'Hēimāo avant que celui-ci ne disparaisse dans les airs.

« Si j'ai un conseil à vous donner, ce serait de ne pas revenir » dit ensuite le Mage aux deux Américains. « Je vous ai laissé aller jusqu'ici cette fois, mais si vous deviez tenter à nouveau de vous infiltrer ici, je vous renverrai au moment même où vous poserez le pied sur l'île. »

Il tendit alors la main vers eux et la même lumière que précédemment les entoura. Montoya sentit son corps devenir léger et se dissoudre dans les airs. Finalement, avant de disparaître, il entendit Farnsworth dire un mot. Un seul.

« Merlin »

0o0o0

Un sentiment d'urgence fit bouillir le sang de Viktor qui s'élança dans le couloir.

« Arrête-toi, traître ! » Lui cria Leaf sans que cela ne le ralentisse ne serait-ce qu'une seconde.

Il arriva finalement dans une salle circulaire semblable à celle où était Cédric. Sur sa gauche se trouvait une large cage d'escalier à double révolution enserrée entre quatre colonnes massives nervurées d'or. Sans regarder derrière lui, il se précipita pour descendre. Qu'il soit pourchassé par une troupe de gens d'armes assez conséquente n'avait pour lui pas la moindre devait rejoindre Cédric. Le rejoindre et surtout le protéger.

Il avalait les marches quatre à quatre, sautant même les dernières à chaque palier. Après avoir finalement dépassé le 1er étage, il arriva au niveau du rez-de-chaussée. Il se figea alors quand il vit la scène, les 5 Cédric entourés des hommes et des femmes de la Garde, chacun avec des balles de feu et de glaces prêtes à fuser dans la direction de son camarade.

Viktor ne sentait pas d'énergie aux extrémités des armes, donc Cédric comptait seulement jouer sur l'effet de dissuasion. Toutefois, son expression l'inquiétait. Il hésitait. Il hésitait à faire feu, probablement même pour sauver sa vie. Il savait que Cédric se refuserait à blesser les Svalinnkins et risquer de causer un incident. Pour lui.

« Cédric ! » S'écria-t-il autant pour interpeller son ami que pour distraire les Gardes.

Il grimpa sur la rampe de marbre lisse de l'escalier puis se propulsa dans les airs en direction de son camarade. La force dans ses jambes lui permet de franchir les quelques 3 ou 4 mètres qui le séparaient de Cédric et de ses doubles. Il atterrit lourdement sur le sol, fendant les dalles sous lui puis se redressa pour rejoindre le cercle.

« Et maintenant ? » Demanda le double à sa gauche.

« Résister… je suppose » dit Viktor.

Encore une fois, il n'avait pas réfléchi plus que cela.

« Fais attention aux boules de feu » dit le double à sa droite.

« Elles ont réussi à percer mon armure » dit un autre.

« Je sais que tu es plus robuste que la normale, mais… » termina un 3e.

« Ok… » souffla Viktor.

La situation n'était pas brillante. Et malheureusement, cela n'allait pas s'arranger. En effet, à ce moment-là, la troupe qui suivait Viktor auparavant déboula au pied de l'escalier. Rapidement, ils vinrent grossir les rangs de ceux déjà présents autour des deux Démons.

« Mon Frère ! » S'exclama Ida, penchée sur la rambarde à l'endroit même où Viktor s'était élancé quelques instants plus tôt. « Je t'en prie, rends-toi avec ton ami ! Il faut éviter d'aggraver la situation ! »

« C'est trop tard ! » S'écria Leaf avec rage. « Nous devons les éliminer tous les deux ! Tirez ! »

« Non ! »

Le cri de la jeune femme fut couvert par le bruit des nombreuses balles de feu et de glace qui se dirigeaient vers les deux garçons au milieu du cercle.

« Merde ! » Jura Cédric. « Je suis désolé, Viktor. Je vais devoir… »

Celui-ci, grâce à sa Vision Magique, perçut l'énergie de rassembler au niveau du canon des armes de son camarade. Il savait que cette fois, il allait tirer.

Il ne voulait pas ça. Il ne voulait pas que cela se passe comme ça. Il ne voulait pas que Cédric blesse les Svalinnkins, mais il ne voulait pas non plus que les Svalinnkins blessent Cédric. Les Svalinnkins étaient ses racines, ils détenaient les réponses de son passé et de son identité. Mais Cédric, c'était son coéquipier, son ami, son… en fait, il ne savait pas trop ce qu'il était pour lui. Il savait qu'il avait des sentiments forts pour lui, mais il ne savait pas encore comment les définir. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il voulait que Cédric soit présent dans son futur.

C'est pour cela que pour concilier passé et avenir, il devait protéger les deux.

Une chaleur se répandit alors dans sa poitrine et se diffusa dans son corps. C'était une sensation qu'il connaissait. Il l'avait ressenti pleinement plus tôt, quand il avait ouvert la porte de sa chambre. Il l'avait également ressenti ce jour-là, sur Agraes, quand il avait séparé Sirius et Draco et aussi lors du combat contre les Dragons Artificiels. Il savait ce que c'était. C'était son pouvoir. Celui qu'il avait hérité de Svalinn. Un pouvoir qui ne demandait qu'à être utilisé pour faire ce qu'il faisait le mieux : protéger.

L'énergie se répandit dans son organisme et fit éjecter au-delà de son corps par les moindres pores de sa peau. Il y eut alors plusieurs détonations. C'était le bruit des balles de glaces et de feu s'écrasant sur la surface dure et luminescente de la demi-sphère d'un doré brillant décorée d'un dragon stylisé qui entourait à présent Viktor, Cédric et les doubles.

Au travers du voile scintillant, Viktor put apercevoir les expressions des Gardes. L'étonnement, voir même la stupeur déformait presque leurs traits. Certains avaient également des visages où se mêlaient la crainte et une sorte d'admiration. Puis, à sa grande surprise, il vit l'un d'eux mettre un genou à terre et incliner respectueusement la tête. Il fut rapidement suivi par tous les autres jusqu'à ce que finalement, seul Leaf reste encore debout. Même Ida s'était inclinée profondément.

Elle se redressa ensuite et s'avança parmi les Gardes agenouillés jusqu'à la frontière du bouclier. Son sourire était rayonnant.

« Mon Frère ! » S'exclama-t-elle d'une voix chaude et vibrante. « Toi qui as été béni par Notre Mère à tous, ne crains plus rien. Ni pour toi ni pour ton ami. Tu peux baisser ta garde. »

« Je ne comprends pas… » dit Viktor, méfiant.

« Chaque enfant de Svalinn détient un peu de son pouvoir, que ce soit le feu du Soleil ou la glace qui faisait sa Nature profonde. Mais seul un parmi nous tous possède son vrai pouvoir, celui de protéger. Celui-ci fait de toi quelqu'un d'à part qui sera vénéré par chacun ici-bas. »

« Et… et Cédric. »

« Si tu nous assures qu'il est avec toi et que tu réponds de lui, alors il ne risque rien. Maintenant, je t'en prie. Abaisse ta barrière. Nous avons à parler. »

« Je… je ne sais pas comment faire. La première fois que j'ai utilisé ce pouvoir, il s'est dispersé de lui-même et la seconde, il a explosé. »

Il ne voulait pas à nouveau créer une onde de choc comme celle qui avait traversé le ciel de la Mer du Nord en décembre dernier.

« En ce cas, ferme les yeux » dit la jeune femme en faisant de même. « Trouve en toi sa Source. »

Viktor obéit. Paupières closes, il inspira puis expira plusieurs fois. Ce que disait Ida faisait écho à quelque chose dont leur avait parlé Hariel, mais qu'il n'avait encore jamais essayé. Selon lui, la magie pouvait se visualiser. Il fallait se concentrer et plonger au plus profond de soi-même en suivant sa propre énergie.

Peu habitué à l'exercice, il fallut quelques minutes à Viktor pour y parvenir. Les yeux toujours clos, il avait l'impression de flotter dans les ténèbres. Face à lui se trouvaient trois sphères. L'une d'elles était d'un rouge bordeaux. Reconnaissant sa couleur magique, il en conclut qu'il devait s'agir de sa Magie Humaine. Celle de couleur écarlate devait être sa Magie Démoniaque. Quant à la dernière… son scintillement doré, le même que le bouclier, ne laissait aucun doute. C'était la Magie qu'il avait héritée de Svalinn.

S'approchant de cette dernière il tenta de l'effleurer mentalement. Il eut alors l'impression de l'entendre ronronner. Se nourrissant des sentiments et pensées de ses hôtes, la Magie avait tendance à acquérir une personnalité qui lui était propre.

« J'y suis » dit-il.

« C'est bien, mon Frère » répondit Ida. « À présent, demande-lui de se dissiper. Tout simplement. »

Non. Viktor savait que ce n'était pas aussi simple. La Magie avait beau être consciente, elle ne se commandait pas comme on donne des ordres à un animal bien dressé. Même les Sorts étaient plus des guides que de véritables injonctions. Plus subtil, il continua à la « caresser » tout en tentant de lui faire comprendre ce qu'il voulait. Il la sentit regimber quelque peu pour finalement se plier à sa volonté et se clamer.

Rouvrant les yeux, il aperçut alors le voile doré onduler puis se dissiper. Ida lui sourit une nouvelle fois et s'avança vers lui.

« Tu as bien fait, mon Frère » dit-elle en le serrant contre elle.

« Merci » répondit simplement celui-ci.

Ida le lâcha puis se tourna vers les Cédric.

« Quant à ton ami. Si tu te portes garant de lui et que tu le souhaites, nous l'accepterons parmi nous. »

« C'est ce que je souhaite » dit Viktor alors que Cédric, sentant le danger passé, baissait ses armes.

Les images de ses doubles devinrent rapidement floues puis se mirent à osciller en direction de Cédric avant de se superposer à lui et de disparaître, le laissant seul.

« Pourquoi ? » Cracha alors soudainement une voix.

C'était Leaf. Contrairement aux autres, il ne s'était pas incliné. Au contraire, il était resté debout, raide, une expression de pure haine sur le visage.

« Pourquoi quoi ? » Demanda Viktor.

« Pourquoi est-ce que tu protèges cette… abomination ? » Dit-il en désignant Cédric.

« Tu ne fais que l'appeler comme ça et dire que c'est une engeance démoniaque. Qu'est-ce qu'il t'a fait ? »

« C'est un Démon ! » Cria Leaf comme si c'était une évidence. « Il est le mal incarné. Il n'est pas digne d'être protégé par l'un de nos Frères et encore plus s'il s'agit de celui qui possède les pouvoirs de notre Mère à Tous. »

« C'est stupide ! » S'exclama Viktor. « Les Démons ne sont pas le "mal" ! Ce n'est qu'un vieux cliché ! Une croyance absurde ! »

« Tu te trompes ! Cette sale engeance souille ce monde et il te souillera aussi malgré la bénédiction de Svalinn ! »

Viktor fixait à présent le jeune homme avec un regard furieux.

« Et si moi aussi j'en suis un ? » siffla-t-il.

Il y eut alors un claquement et les deux ailes noires, effilées comme des lames, surgirent dans son dos.

À suivre…

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Et voilà. Pas d'Hariel pour ce chapitre. J'espère qu'il vous a quand même plu. Comme j'ai changé mes horaires au travail, mes chapitres ne seront plus publiés le dimanche, mais probablement plus le mercredi. J'espère que vous ne serez pas trop désorienté.

Les armes qu'utilisent les Américains sont les mêmes qui sont utilisés par les équipes SG dans la série Stargate à partir de la Saison 4.

Je sais pas si vous vous en êtes rendu compte, mais j'adore mélanger l'histoire réelle avec la magie.

En tous les cas, nous voilà avec un tas de nouveaux personnages. Si vous avez aimé, tant mieux, parce qu'on va les revoir 😉.

N'hésitez pas à me laisser des commentaires et je vous dis à la prochaine fois.