Mes petits chats,

Je tente de rattraper mon retard sur mes histoires et de reprendre mon rythme de publication habituel. Donc aujourd'hui, mercredi, je vous propose la suite de "Asgard Luxury Cruises".

Je sais que vous bouillonnez d'impatience concernant le rapprochement amorcé entre nos deux héros dans la partie précédente MAIS les lignes ci-dessous sont plutôt un interlude dans la trame narrative de ALC. J'ai hésité à vous le proposer parce que j'ai aussi hâte de vous faire découvrir la suite ; toutefois, je me suis beaucoup attachée à tous mes personnages et la Saint-Valentin est pour tout le monde :)

Ceux qui seraient un peu rebutés par cette petite pause dans le récit, ne vous oblige à lire cette publication. Elle ne contient aucun élément d'importance et vous pourrez suivre à nouveau les aventures de nos héros la semaine prochaine. Pour les autres, je vous souhaite une agréable lecture :)

Chère Marry, un grand merci pour tes commentaires toujours aussi enthousiastes. J'espère que la suite sera à ton goût :)

Bien à vous,

ChatonLakmé


Asgard Luxury Cruises

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Onzième partie


Assise dans le salon de la maison familiale des Barton, Mariana boit une gorgée de vin.

Elle a ouvert une bouteille de Beaulieu Vineyard, un nom plutôt prestigieux que Clint a acheté il y a un an à un salon dédié aux vins de Californie à Palo Alto.

Depuis le canapé, la jeune femme observe distraitement les photos posées sur le manteau de la cheminée, dans des cadres un peu dépareillés. Il y a celui couvert de coquillages collés que Cameron a fait quand il avait six ans à leur retour de vacances à Sanibel Island en Floride un autre en argent massif que ses beaux-parents lui ont offert à leur mariage et un dernier en marqueterie que Clint a fait l'année où il avait décidé de s'essayer à l'ébénisterie.

Mariana esquisse un sourire triste.

Entre tous ces cadres présentant des photos de famille, il y a une enveloppe soigneusement fermée une adresse écrite d'une manière encore un peu balbutiante sur l'avant.

Hope a eu un atelier de carte de Saint-Valentin aujourd'hui à l'école. Elle en a fait une pour Benjamin Jones, parce que le fait qu'il sache faire le poirier – et sans s'aider d'un mur, s'il vous plaît – est vraiment très cool.

L'autre carte est pour son père.

« Maman ? La Saint-Valentin, c'est une fête pour les gens qu'on aime, pas vrai ? Alors j'ai fait une carte pour papa. Je l'aime aussi. On pourra la poster demain ? »

Mariana a acquiescé, le cœur un peu pincé.

Elle boit une gorgée et grimace légèrement. Le vin est trop fruité à son goût. Sa robe est très foncée, d'un pourpre presque noir pourtant il est très doux. Tout en contraste. Un peu comme Clint.

La jeune femme se mord les joues.

Elle a longuement réfléchi avant de demander le divorce, elle a pesé le pour et le contre jusqu'à être certaine de ne pas faire d'erreur. Alors pourquoi se sent-elle aussi mal, précisément ce soir-là ? Sans doute parce que son ex-mari a toujours rendu leurs Saint-Valentin intéressantes et douces. Et qu'il est un homme bien.

Maintenant, elle est seule.

Elle paye un avocat deux cents dollars de l'heure pour de mauvais conseils Melissa lui donne gratuitement les siens. C'est heureux, ils sont encore pires.

Mariana se mord les joues.

Elle a été tellement influençable, tellement facile à convaincre. Sa passion avec Clint s'était un peu émoussée en neuf ans de mariage mais elle était heureuse. Sa vie était jolie et sa famille, sa grande fierté. Elle se sentait comblée tant que Natasha restait loin de leur maison et de son bonheur.

Natasha. Trop belle et trop intelligente, trop parfaite.

Mariana sait qu'elle plaît encore, le jeune employé de la supérette sur N Street est toujours empressé à porter ses courses jusqu'à la voiture pour elle tout en sachant qu'elle est mariée. Mais Natasha… ? Quarante ans – comme elle – et toujours un visage et un corps de déesse. Mariana a eu deux enfants. Elle a un travail un peu stressant, elle mange mal les midis avec ses collègues et n'a pas le temps de faire de sport. Son corps a été un peu marqué par ses grossesses, elle commence à avoir des rides du sourire de part et d'autre du nez. Clint lui souriait tendrement en lui disant qu'elle était belle.

Quand elle se regarde dans le miroir de la salle de bain le matin, elle a l'impression d'avoir aussi des plis au coin de la bouche. Des sillons pleins d'amertume.

Mariana fronce les sourcils, elle se ressert un verre de ce vin trop fruité.

Elle a eu peur à cette époque, tellement peur. Elle craignait que Clint ne s'éloigne d'elle après tout ils faisaient l'amour mais juste un peu et sans la fougue de leurs débuts. Ils s'embrassaient le matin et le soir comme un geste machinal.

Maintenant, elle est une femme presque divorcée et son mari lui manque.

Melissa l'a faite rêver en lui parlant de sa nouvelle vie de femme célibataire et aisée. Aux cours d'aquagym – Mariana s'y est inscrite avec elle quand elle lui a certifié que c'était excellent contre la cellulite – son amie porte des diamants aux oreilles. Finalement, ces boucles d'oreille sont de simples brillants et Melissa surjoue son bonheur. La jeune femme sait qu'elle espionne son mari sur les réseaux sociaux, qu'elle ne lui pardonne pas de montrer sa nouvelle vie de félicité avec cette collègue qu'il a épousé moins d'un an après leur divorce. À l'époque, Melissa avait entamé une liaison avec son jeune jardinier, un étudiant de l'université de Cincinnati. Un véritable épisode de Desperated Housewives. Clint avait éclaté de rire sans se cacher, Mariana avait seulement esquissé une moue désapprobatrice. On pouvait vouloir se venger sans se ridiculiser au passage.

La jeune femme est plus lucide maintenant. Elle peut admettre qu'elle s'est engagée sur le mauvais chemin. Mariana avait peur de ce qu'elle pouvait perdre. Elle a préféré être la première à rompre pour ne pas souffrir parce que voir Clint partir aurait été trop douloureux. Elle l'a fait souffrir en premier alors qu'il ne le méritait pas.

Mariana se mord les joues et essuie ses yeux, soudain un peu humides.

Et maintenant ?

Clint a des raisons de la haïr elle s'est montrée vindicative et mauvaise depuis des mois. Elle sait que son mari ne l'aurait jamais trompé – avec Natasha moins que tout autre femme – parce qu'il est un homme honnête et droit. Pourtant, il est parti pour douze jours de croisière dans les Caraïbes. Avec Elle. Ça lui a fait mal de l'apprendre, ça l'a rendu atrocement jalouse. Ça l'a rendu mauvaise en le menaçant de demander la garde exclusive de Cameron et Hope. Ça l'a rendu horriblement triste et elle a pleuré en l'apprenant.

Le cœur serré, Mariana soupire et passe une main dans ses longs cheveux noirs.

Elle n'a même pas envie d'argent et de pension alimentaire pour leurs enfants. Dieu merci, elle a un bon travail et rien à reprocher à son ex-mari. … Cela aurait été une manière de garder un autre lien avec Clint, même maladroit parce que parler d'argent n'est jamais gage de sérénité.

La jeune femme avale le fond de son verre cul-sec avant de le poser presque brusquement sur la table basse.

Il faut que les choses changent.

Elle va se séparer de Maître Walker, étudier les choses par elle-même, à tête reposée et sans mauvais génie penchée sur son épaule. Clint rentre dans quatre jours, elle va le laisser tranquille et profiter de sa croisière de rêve. Sans amertume ni rancœur. L'homme qui est encore son mari et qu'elle aime ne mérite pas ça.

L'escalier craque doucement dans son dos. Mariana se tourne, se penche sur le bras du canapé.

— « Cameron ? Tu ne dors pas ? »

L'adolescent apparaît dans l'embrasure de la porte du salon, la main de sa petite sœur glissée dans la sienne. Elle termine de boire un verre de lait, sa lèvre supérieure est couverte d'une mignonne moustache.

— « Hope s'est réveillée, elle a fait un cauchemar. Je m'en occupe », dit-il.

— « Merci mon grand. Remontez vous coucher, vous avez école demain. »

Le garçon hoche la tête, il essuie la moustache de lait de sa sœur de son pouce et prend le verre vide.

Mariana se frotte les yeux, elle voit sa fille regarder la cheminée. L'enveloppe.

— « … On va la poster demain, hein maman ? »

— « Bien sûr mon chat. Tu voudras appeler papa pour lui dire que tu lui as fait une surprise ? »

— « … Je pourrais le faire avec la caméra ? », demande timidement la fillette.

La jeune femme hoche la tête, un sourire tendre aux lèvres. Cameron hausse un sourcil un peu étonné mais elle l'aperçoit à peine, les enfants sont déjà en train de remonter l'escalier vers leurs chambres.

Mariana se lève, ramène la bouteille de vin et son verre dans la cuisine. Son fils a rangé le lait dans le frigo, le verre nettoyé est sur l'égouttoir, il a aussi nettoyé le pourtour de l'évier d'un coup d'éponge. Cameron est un enfant adorable, Hope est sa joie et son bonheur. Ils étaient heureux tous ensemble et elle a tout gâché.

— « Joyeuse Saint-Valentin », souffle-t-elle, un pincement au cœur.


— « J'ai bien fait de faire cette carte, hein Cam' ? »

— « Bien sûr, c'est très gentil de ta part. »

— « … Je voulais en faire une aussi pour toi mais je n'ai pas eu le temps. Tu aurais pu l'offrir à Annabel, je trouve que c'est dommage de ne plus faire de cartes de Saint-Valentin à l'école quand on est grand. »

Le petit visage de Hope se froisse sous l'effet de la concentration. Cameron continue à la border avec soin, il tire les draps avec application mais il se sent rougir un peu.

— « Comment tu sais pour Ann' ? », demande-t-il en lui jetant un regard en coin.

— « … Tu ris d'une manière très bizarre quand tu l'appelles. Et tu souris un peu comme un idiot. »

— « Arrête ça et dors maintenant. »

L'adolescent lui pince doucement le nez et sa sœur gigote en riant sur son lit. Il lisse gentiment son front de son pouce puis ses fines paupières pour l'inviter au sommeil. Hope sourit doucement, se pelotonne contre ses oreillers.

— « … Je veux que papa sache que je l'aime encore plus que tout, je peux l'aimer autant que maman et moi réunis si ça lui fait plaisir », marmonne-t-elle d'une voix déjà un peu lourde.

— « Tu es une sœur géniale. Bonne nuit, Hope. »

Cameron met sa veilleuse, il observe un instant la danse des étoiles et des planètes sur le plafond avant de quitter la chambre.

Le garçon gagne silencieusement la sienne. Il laisse la porte entrouverte pour entendre sa sœur pleurer si elle fait encore un cauchemar et il se glisse dans ses draps. Dans le noir, il se mord les joues. Bien sûr qu'il craque pour Annabel, elle est jolie et géniale, elle chante comme un ange et elle sait jouer de la guitare électrique. Non, plus que ça. Cameron est amoureux d'elle, vraiment. Il le sent dans sa tête dans il la voit, dans son ventre quand elle lui parle et lui sourit.

L'adolescent s'enroule dans ses draps et ferme les yeux. Il aurait aimé que son père soit avec lui pour le conseiller, pour lui expliquer les choses. C'est quoi, tomber amoureux ?


Si Clint était avec lui à cet instant, assis sur le bord de son lit dans la maison familiale des Barton, il serait trop ivre pour lui répondre d'une manière réellement constructive.

Allongé sur son lit dans sa cabine, le blond ronfle doucement, le sommeil lourd. Il tient son portable serré dans sa main droite, enfoui sous son oreiller.

Il ne pourrait pas lui répondre à cet instant précis mais plus tard, il lui dirait que c'est à la fois un coup dans l'estomac et comme manger la chose qu'on aime le plus au monde. Ça rend heureux et un peu bizarre. C'est ce qu'il a ressenti la première fois qu'il a vu Mariana, ses longs cheveux noirs remontés en une queue de cheval un peu floue et vêtue d'une robe bleue. Il lui dirait que ça provoque des réactions dans le corps entier, des trucs chimiques, des trucs épidermiques qui rendent à la fois euphorique et un peu timide.

C'est tout ça et plus encore ça pourrait être ça parce que tomber amoureux est finalement propre à chacun.

Clint dirait aussi à son fils qu'Annabel est plutôt cool, qu'il a aussi eu sa période guitare électrique au lycée et qu'il n'a jamais réussi qu'à jouer les premiers accords du moindre morceau parce qu'il était très mauvais.

Plus encore, il lui dirait qu'il sera toujours à ses côtés quoi qu'il se passe. S'ils se marient ou s'ils se séparent. Parce que l'amour, ça fait aussi mal parfois.


Quand la porte de la cabine s'ouvre, Nadia cligne des yeux. Elle se redresse légèrement sur sa couchette, voit Jessica se glisser à l'intérieur dans un rai de lumière du couloir. Le radio réveil numérique posé sur le petit bureau à côté de son lit affiche deux heures et quart du matin. Elle repousse une longue mèche de cheveux sur son front.

— « Tu ne rentres que maintenant ? », souffle-t-elle avec étonnement.

Sa colocataire de cabine allume la petite lampe de chevet pour retirer rapidement sa robe légère et enfiler le large tee-shirt qui lui sert de pyjama. Quand elle se retrouve brièvement nue, Nadia détourne pudiquement les yeux. Jessica a des suçons de la taille de pièces d'un cent sur la poitrine et les reins. Elle lui jette un regard, un sourire malicieux aux lèvres.

— « C'est la Saint-Valentin, je t'ai dit que j'allais retrouver Charles. On est amoureux, c'est ce que les gens font quand ils s'aiment. Ils se câlinent très fort et très longtemps. »

Nadia roule des yeux et lui jette un oreiller. Son amie éclate de rire avant de ranger sa robe dans la petite penderie. La blonde se laisse à nouveau tomber sur le matelas, elle se frotte le visage et étouffe un bâillement dans sa paume.

— « … On dirait qu'il y a de l'animation dans le navire. »

— « Des clients sont rentrés presque ivres morts de Puerto Limón. Le capitaine Laufeyson a donné des ordres pour surveiller les couloirs mais certains se sont oubliés sur le pont extérieur. Le voisin de la cabine de Charles est hors de lui. Il dit qu'il a l'impression qu'il va sentir le vomi jusqu'à notre retour à Miami. »

— « Charmant… », grimace la jeune femme.

Jessica lui rend son oreiller en roulant des yeux et se met au lit.

— « Tu aurais dû venir avec nous. Nous avons organisé une petite soirée dans la cabine de Grayson, c'était bien », reprend-elle en lissant les draps sur sa poitrine. « … Kyle aurait été heureux de te voir, il avait même prévu du champagne français pour toi. Tu aimes ça, n'est-ce pas ? »

La blonde hausse légèrement les épaules.

— « C'est attentionné de sa part », admet-elle doucement.

— « C'est tout ce que ça t'inspire ? Tu sais combien est payé un commis de cuisine ici ? C'est presque hors de ses moyens… Tu ne le trouves pas assez bien pour toi ? »

— « Tu deviens blessante. Je croyais que tu ne prêtais pas attention aux rumeurs du personnel de bord », souffle Nadia.

— « Bien sûr que je ne le fais pas. Je partage la même cabine que toi depuis des mois, je sais que tu cherches juste à te protéger mais c'est dommage de garder loin de toi toutes les personnes qui aimeraient t'approcher, en tout bien tout honneur », énonce doctement Jessica en enfonçant sa tête dans son oreiller dans un soupir de plaisir. « C'est ce que ferait Kyle pour toi, tu sais. Il est très respectueux et il est amoureux de toi depuis au moins deux ans. On a presque dû l'enfermer dans sa cabine quand tu as eu cette histoire avec le client de la suite premium. Je suis sûr qu'il l'aurait jeté par-dessus bord pour te venger. »

La jeune femme esquisse un sourire un peu timide. C'est vrai qu'il avait été galant, presque chevaleresque.

Nadia avait refusé de pleurer devant quiconque, elle n'avait cédé que dans le bureau du capitaine Laufeyson, devant lui et son second, le capitaine Stark, alors que l'adrénaline redescendait dans ses veines. Et devant Kyle. Le jeune homme lui avait assuré qu'il garderait la porte de sa cabine le temps dont elle aurait besoin et qu'il veillerait à ce que personne ne la dérange. Nadia s'y était enfermée jusqu'à ce que le capitaine Laufeyson s'assure de débarquer le client à Kingston lors de l'escale du Naglfari en Jamaïque. La blonde avait eu tellement peur, elle ne pouvait pas prendre le risque de le recroiser sur le navire. Elle se souvenait encore de son parfum hors de prix, du bracelet en acier glacé de sa montre qui appuyait sur sa poitrine. De l'odeur du bois ciré de la cabine d'essayage où il l'avait attiré parce que « vous êtes si belle. Je sais que je vous plais. Je suis riche, je peux vous entretenir sans que ma femme n'en sache rien. Vous serez une vraie princesse si vous me donnez ce que je veux. Et je le veux maintenant ». Malheureusement pour lui, Nadia a hérité du caractère volcanique de sa mère, une Sibérienne au profil de déesse grecque. Elle s'est mordue la langue jusqu'au sang pour réagir à la douleur puis elle a frappé son assaillant. Assez fort pour le faire grogner comme un animal assez puissamment pour l'éloigner d'elle, lui permettre de se précipiter au comptoir et d'appeler à l'aide.

La jeune femme gratte machinalement son poignet droit. Si elle baisse les yeux, elle pense qu'elle va revoir sa peau contusionnée et la marque bleuie de ses doigts sur elle.

— « Nadia ? »

La blonde se frotte le visage puis passe une main dans ses cheveux.

— « Kyle est gentil, plutôt charmant, mais je ne suis pas encore prête. »

— « Alors tu devrais lui dire, ce n'est pas très correct de ta part de le laisser espérer et de le garder dans l'attente de quelque chose qui pourrait ne jamais arriver. Bonne nuit, Nadejda. »

— « Bonne nuit, Jessica. »

Nadia sent son cœur se serrer un peu tandis qu'elle tourne le dos à sa colocataire et s'enroule dans ses draps.

Quand elle ferme les paupières, elle pense brièvement à Thor Odinson. Beau, très beau. Son parfum délicat, ses manières respectueuses et cette fragilité discrète qu'elle sent en lui. C'est le genre d'homme qui lui plaît. C'est pour ça qu'elle pense beaucoup à lui depuis que Joseph l'a amené à sa boutique. Dieu, il était si impressionnant en costume. Dommage qu'il soit attiré par les hommes et uniquement par eux la jeune femme l'a bien compris quand il s'est prestement excusé auprès d'elle. Il ne la regardera jamais.

Nadia esquisse un sourire triste. Pour une fois, sa beauté – la même que celle de Daria Belinskaïa – ne lui est d'aucune utilité.


Assis au poste de pilotage, Tony termine avec application de plier sa cocotte en papier. Il lisse soigneusement le bec, la queue puis la pose sur le tableau de bord avant de prendre une belle photo, les lumières du pont extérieur en arrière-plan.

Le brun sourit.

Ce modèle est différent de celui de l'année passée, comme celui de l'année passée et encore celui de l'année passée. À chaque Saint-Valentin passée loin de Pepper, il plie pour elle une cocotte en papier qu'il décore avec un stylo bic selon son inspiration. Celle de l'année est ornée de cœurs à l'encre rouge, entourés de traits. Le style est naïf, pop et coloré, un peu à la manière de Keith Haring. Pepper et lui sont allés voir une exposition au MoMA de New York à l'automne dernier. C'est un clin d'œil.

À Pepper. Envoyé à 2h28.

Je t'aime et je pense à toi.

Il range son portable dans la poche de son uniforme. Tony sait que Pepper est en train de dormir mais elle trouvera son message à son réveil. Elle lui enverra alors la photo d'une grue en papier, aussi décorée. Son épouse adorée est très mauvaise pour le pliage mais elle persiste et s'obstine. C'est adorable et Tony l'aime plus que tout. Les tiroirs de leurs tables de nuit sont remplis d'origami.


Joseph regagne sa cabine d'un pas lent. La nuit a été longue, il défait le bouton de son col mao d'une main tandis qu'il se glisse dans la petite pièce. Llyod, son binôme et colocataire, est en train de terminer de s'habiller pour prendre son service. Il le salue d'un sourire.

— « Nuit difficile ? »

— « Nuit de Saint-Valentin. C'est soit le Nirvana soit l'Apocalypse mon ami », soupire Joseph.

Le jeune homme lisse le tissu sur ses épaules et épingle bien droit son badge doré à son nom. Llyod le remercie et tire sur ses manches sur terminer d'ajuster sa mise.

— « Ton portable a sonné plusieurs fois, je pense que c'est important. À plus tard, Joseph. »

Le majordome lui répond d'un air distrait. Il est déjà assis sur le bord de son lit, son portable à la main.

Skype. Cinq appels manqués.

Joseph grimace légèrement. Il se connecte et lance immédiatement l'appel vidéo.

Après une courte sonnerie, le visage d'une femme aux cheveux noirs apparaît. Elle tient un bébé assis sur ses genoux, une petite tête bouclée et des yeux très noirs bordés de longs cils. Joseph sourit tendrement.

— « Holà corazòn. Vous ne dormez pas ? »

« Andrea s'est réveillée, elle avait faim. Tu avais dit que tu appelais à deux heures, je m'inquiétais. »

— « Je suis désolé ma douce. Je viens à peine de finir mon service, la nuit a été très longue », grimace-t-il.

« Est-ce que tu vas bien ? Tes clients te traitent bien ? »

La voix de sa femme est déjà brûlante d'indignation, de fougue. Joseph rit joyeusement. Il l'aime tellement. Volcànico. Il secoue lentement la tête.

— « Je suis plus chanceux que Jean. Il s'occupe du couple insupportable de la suite premium et je suis persuadé qu'il ne laissera même pas de pourboire. »

« Les tiens, si ? »

— « Je suis sûr que Mr. Odinson le fera, c'est un homme bien et respectueux. Si ce n'est pas le cas, tant pis. Je serai déjà heureux qu'il ait passé un bon moment à bord et qu'il se soit changé les idées. »

Maribel fronce légèrement le nez. Joseph a envie de caresser l'écran de son portable pour sentir cette petite moue sous ses doigts. Il l'aime aussi tellement.

« C'est le beau célibataire ? »

— « Il ressemble à un acteur de cinéma », acquiesce Joseph avec une pointe de fierté.

C'est un peu grâce à lui. Et à Nadia. Son épouse berce doucement le bébé sur ses genoux et Joseph le voit dodeliner un peu de la tête. Il sent son cœur se pincer. Il est à si proche et si loin d'eux à la fois. Maribel et Andrea lui manquent. Sa maison, sa famille lui manquent. Son foyer.

— « Tu lui as parlé de Luis ? Vous accostez à Key West dans deux jours, n'est-ce pas ? Ils pourraient se rencontrer grâce à toi. Il a le cœur brisé, ça pourrait être bien pour lui. »

Joseph est un homme fondamentalement altruiste. Il aime rendre les gens autour de lui heureux, peu importe que ce soit grâce à une chemise parfaitement repassée ou en acceptant de faire un prêt à un lointain cousin pour lui permettre d'ouvrir une petite affaire à Georges Town. Pourtant, cette fois il grimace discrètement. Luis est un gentil garçon mais il n'est pas le bon pour Thor Odinson. Et Thor Odinson n'est pas non plus le genre d'homme à se distraire comme ça. Ça ne fonctionnerait pas alors il élude habilement. Maribel adore son neveu.

Au même moment, Andrea commence à pleurer doucement et à gigoter sur les genoux de sa mère. Maribel prend la petite fille dans ses bras et le berce tendrement en fredonnant une berceuse en espagnol. Joseph la connaît par cœur aussi, sa grand-mère lui chantait la même pour l'endormir.

— « Vous me manquez tellement », souffle-t-il douloureusement.

« Toi aussi cariño, tu nous manques. Te quiero y felíz dia de San Valentin. »

— « Felíz dia de San Valentin. »

Il commence aussi à fredonner, sa voix se mêle à celle de Maribel. Joseph ne sait pas si c'est vraiment grâce à lui mais Andrea se met à gazouiller puis à sommeiller contre sa mère. Joseph chante encore. Il chante pour sa femme et elle le sait. Elle lui sourit avec toute la tendresse du monde tandis qu'elle effleure l'écran d'une main. Ils sont ensemble, même séparés.


Natasha et Bruce marchent lentement sur le pont huit, faisant le tour du Naglfari par le couloir de promenade extérieur. Ils viennent de quitter leur table au Valhalla et ils prennent un peu l'air avant de retourner à leur cabine.

Le brun donne son bras à sa femme. Natasha a glissé sa main dans le creux de son coude, sa tête est posée sur son épaule. Ils sont silencieux, agréablement pressés l'un contre l'autre. Ils sentent leur chaleur, leur respiration lente et tranquille. Ils sont silencieux et Bruce a beaucoup réfléchi depuis qu'ils cheminent l'un avec l'autre. Le silence l'a toujours aidé.

— « Tu es bien pensif. Est-ce que tu as été déçu par la cuisine du Valhalla ? »

Le brun tourne la tête. Natasha le regarde avec attention. Ses yeux clairs sont délicatement ourlés de khôl noir, le modelé de ses lèvres pleines est souligné par un rouge à lèvres rosé, ses cheveux sont coiffés en un élégant chignon. Elle est si belle que Bruce en a le cœur serré. Il sourit.

— « J'envie plutôt Thor d'y avoir déjà mangé deux fois, tout était excellent. »

— « Thor a beaucoup de chance dans cette croisière. J'ai discuté avec la coiffeuse du salon au pont sept quand elle faisait mon chignon, elle m'a dit qu'être invité deux fois de suite à la table du capitaine était très rare. » Natasha esquisse un sourire. « Elle m'a demandé s'il n'était pas quelqu'un de connu. »

— « Habillé de ce costume, toute personne censée penserait qu'il est un acteur. »

— « Ou un prince. »

Le couple échange un regard complice avant de rire. La rousse frotte doucement sa joue sur son épaule et Bruce enveloppe sa main sur son coude de la sienne. Ils continuent à marcher du même pas. Les talons aiguilles de Natasha claquent doucement sur le pont. Le brun ressent sa démarche chaloupée presque dans ses os, l'ondulation de ses hanches, les mouvements de son bassin. Il déglutit. Ralentit inconsciemment ses pas. Natasha lui jette un regard interrogateur.

— « Bruce ? »

Le brun la contemple. Le ciel est clair, la lune est en croissant mais elle nimbe quand même le pont d'une lumière douce et argentée. Bruce effleure son visage et Natasha embrasse sa paume en souriant tendrement. Il se mord les joues. Oui, le silence l'a aidé à réfléchir.

— « Je pense que nous devrions arrêter. »

La rousse écarquille les yeux de surprise. Elle s'éloigne de lui. Sa bouche qu'il aime tant embrasser n'a plus cette belle couleur de fleur, elle est pâle et forme une ligne fine et serrée.

— « Tu veux – Pourquoi ? », demande-t-elle d'un ton défait.

Bruce cligne des yeux – une fois, deux fois – avant de s'agiter vivement. Il prend la main de la jeune femme dans la sienne et la serre fort.

— « Non, attends tu m'as mal compris. Je ne veux pas arrêter nous, notre mariage. Seigneur, je ne veux jamais être séparé de toi Tasha ! Je t'aime ! »

— « Alors précise ta pensée parce que je ne comprends rien de ce que tu es en train de me dire », siffle la rousse.

Bruce soupire et passe une main dans sa nuque. Il remarque un banc un peu plus loin, il entraîne lentement Natasha pour s'y asseoir. La jeune femme lutte un peu mais elle finit par obtempérer, les épaules raides et les lèvres pincées. Le brun s'assoit à côté d'elle et prend ses mains dans les siennes. Il les serre, fort, et cherche son regard.

— « Natasha, je te jure que je te dis la vérité. Je ne veux pas te quitter. »

— « Alors qu'est-ce qu'on devrait arrêter ? », demande la rousse d'une voix un peu étranglée.

Le jeune homme se mord les joues. Il y a réfléchi, encore et encore, mais laisser ces mots passer la barrière de ses lèvres est difficile. Si Natasha est d'accord avec lui, cela signifie qu'ils seront en deuil de quelque chose et ils souffriront. Bruce préfère que ce soit ensemble.

— « Bruce, s'il te plaît… Qu'est-ce qu'on devrait arrêter ? »

— « … Les procédures médicales de fertilité. On devrait tout arrêter », souffle-t-il d'une voix étranglée.

Natasha exhale un souffle un peu tremblant mais il rugit comme une tornade de culpabilité dans la poitrine du brun. Il enlace leurs doigts, observe leurs alliances qui brillent doucement. Non, il a réfléchi et il est sûr de lui.

— « Tu ne veux plus d'enfant avec moi ? »

Le brun relève les yeux sur elle, sa si magnifique épouse. L'amour de sa vie depuis la première fois qu'il l'a vu dans ce café, le cœur battant et les mains moites. Le soir-même, il avait annoncé à la table familiale des Banner qu'il était tombé amoureux et qu'il allait être heureux pour le reste de ses jours. Avec Elle. Il se penche et embrasse tendrement sa tempe. Natasha frissonne contre lui.

— « Je veux toujours un enfant avec toi Tasha, c'est notre vœu le plus cher à tous les deux, mais je refuse que ce soit au prix de tes souffrances. Les traitements ne fonctionnent pas, tu es la seule à en supporter les effets secondaires et je ne peux plus l'accepter. »

— « Ce n'est pas grand-chose si je peux tomber enceinte », proteste la jeune femme.

Bruce se rapproche d'elle sur le banc.

— « Ma chérie, on avait un planning pour faire l'amour. La dernière fois que nous l'avons fait, ni toi ni moi n'en avions réellement envie. Comment veux-tu que cela fonctionne ? Ça ne peut pas fonctionner. »

— « … Le Dr Monroe a dit qu'il fallait persévérer. »

— « Même si cela te fait pleurer quand tu penses que je ne t'entends pas ? Que tu en perds le sommeil à cause du stress parce que tu penses que c'est de ta faute ? Natasha, je t'aime et c'est pour ça que j'aimerai qu'on en reparle. Ensemble. »

Natasha déglutit. Elle baisse les yeux sur leurs mains mais Bruce voit que ses prunelles sont noyées par les larmes. Il enroule un bras autour de ses épaules et l'attire tendrement à lui. La rousse se laisse faire, écrasée par ce qu'il vient de dire. Bruce le sait mais il a commencé, il doit finir.

— « Nous sommes venus ici pour nous changer les idées mais je sais que tu consultes encore tous les jours ton calendrier d'ovulation. Tu étais effondrée quand Mariana à appeler et plus encore, je sais que tu en as parlé à Thor plus facilement qu'à moi. »

— « Ce n'est pas – », croasse-t-elle.

— « Je ne t'en veux pas Tasha », sourit-il gentiment. « Je te comprends aussi mais c'est exactement la raison pour laquelle je me dis que nous faisons fausse route. Nous ne nous cachions rien avant mais toute cette procédure nous stresse beaucoup trop. Même ce soir, je sentais ta nervosité parce que tu pensais au moment où nous rentrions dans notre cabine et où on ferait l'amour, n'est-ce pas ? »

Natasha pâlit un peu. Elle se mord les joues avant de hocher lentement la tête. Bruce la serre plus fort contre lui et il enfouit son nez dans ses cheveux. Parfum de fleurs et d'écorces. La fragrance qu'il lui a offerte pour son anniversaire il y a deux ans. Il embrasse son crâne.

— « Nous ne sommes pas obligés de faire l'amour ce soir. Nous pouvons aussi juste dormir ensemble. »

— « … C'est cette nuit, ma meilleure période d'ovulation », souffle Natasha.

— « Ce n'est pas la question ma chérie. Est-ce que tu en as envie ? Tu as envie de moi ? »

Le silence est long, écrasant. La jeune femme frotte son nez contre son épaule.

— « … Non. … Et toi ? », admet-elle dans un chuchotement.

— « Pas vraiment non plus, pas cette nuit et pas comme ça. J'espère que tu sais que ça ne veut absolument pas dire que je ne t'aime plus, n'est-ce pas ? »

Ils se jettent un regard avant de se sourire maladroitement. Natasha inspire profondément tandis qu'elle se love contre lui.

— « J'aimerais tellement que ça fonctionne. »

— « Moi aussi mais un bébé n'est pas un projet médical. C'est le résultat de l'amour. »

— « Tu es poète. Il est difficile de croire que tu as fait une thèse en biologie. Ça paraît tellement… aride », pouffe la rousse.

— « Je t'assure qu'il y a de la poésie dans tout ce qui nous entoure. »

— « Bien entendu. Je me souviens que tu m'as séduite en me disant que tu donnerais un jour mon prénom à une moisissure inconnue. … Je dois aussi avoir beaucoup de poésie en moi pour avoir trouvé ça adorable », roule-t-elle des yeux.

Bruce rit joyeusement. Il se penche vers elle et l'embrasse profondément, ses mains sur ses joues. Natasha lui répond voluptueusement, son corps cambré contre le sien. Ils se séparent, se sourient tendrement.

— « J'aurais sincèrement aimé pouvoir t'offrir cette croisière all inclusive pour la Saint-Valentin. Tu mérites tout ça Tasha », avoue Bruce.

— « Je taquinais Thor tu sais, je ne suis pas envieuse. Notre cabine me convient parfaitement et la procédure médicale coûte très cher. Tout est une question de choix. »

— « J'ai quand même le droit de le regretter. »

Natasha l'embrasse langoureusement, chaude, douce et parfumée contre lui. Bruce déglutit un peu. Il l'aime tellement.

— « Allons nous coucher, Bruce. J'ai envie de dormir contre toi. Juste dormir », précise-t-elle en souriant d'un air entendu.

Le brun rit légèrement. Il se lève en lui tendant la main et le couple regagne sa cabine, à nouveau pressé l'un contre l'autre.

Ils se préparent pour la nuit, comme chez eux, l'un après l'autre. Bruce est déjà couché quand Natasha sort de la salle d'eau. Il remonte ses lunettes sur son nez. Sa femme a revêtu une longue nuisette en soie au décolleté en dentelle, elle a détaché ses cheveux. Plus de maquillage, plus d'artifice mais il n'a jamais été aussi amoureux. Elle marche jusqu'au lit, jusqu'à lui. Bruce enlace sa taille et enfonce son visage dans son ventre, couvert de soie.

— « Tu es tellement belle… Tu me suffis pour être heureux Tasha », souffle-t-il avec admiration.

— « Merci mon chéri. »

La rousse caresse gentiment ses cheveux. Elle ouvre les draps, se glisse sur le matelas, à côté de lui. Bruce l'entoure de ses bras, l'embrasse avant de fermer les yeux. Natasha glisse ses mains sous son haut de nuit pour toucher sa peau, toujours si chaude. Elle l'embrasse avant de fermer les yeux aussi.

Dans leur sommeil, ils sourient.


La chambre est plongée dans l'obscurité.

Sur le dos et les mains derrière sa tête, Aidan contemple le dos nu d'Ethan. Il écoute sa respiration lourde de sommeil, observe les mouvements imperceptibles de ses muscles sous la peau.

Le châtain se mord les joues.

Il tourne la tête, regarde le plafond, juste une seconde avant de contempler à nouveau Ethan. Son petit-ami dort d'un sommeil lourd et tranquille et Aidan esquisse un rictus. Ce n'est même pas celui qui suit du bon sexe, ils n'ont pas couché ensemble en rentrant du Florida Grand Opera.

Les deux hommes se sont chauffés toute la soirée, s'accordant quelques caresses passionnées dans une cabine des toilettes du troisième étage. La respiration brûlante d'Ethan dans son cou, sa main sur son sexe, l'excitation de pouvoir être entendu voire surpris, ça a incendié son bas-ventre.

Le sexe avec Ethan est bon. Spontané, facile. Un peu dévergondé aussi. Ils s'envoient des messages, des photos chaudes, ils se chuchotent des mots un peu sales parfois. Aidan a l'impression d'avoir à nouveau vingt ans et d'être encore à l'université, il aime ça. Ethan est inventif, curieux, sensuel.

Quand il a suggéré qu'ils ne fassent pas l'amour le soir de la Saint-Valentin, le châtain a trouvé que c'était une bonne idée. C'était un peu crâne, une manière de ne pas faire comme tout le monde. C'était cool.

Maintenant qu'il entend Ethan dormir à côté de lui, il regrette un peu. Lui aussi est d'un tempérament sensuel, il aurait bien aimé qu'ils le fassent finalement. Ça n'avait pas besoin d'être spectaculaire, le sexe n'est pas une compétition mais une autre manière de se dire « je t'aime. » Et il est amoureux d'Ethan.

Aidan tend une main, effleure le haut de son dos du bout des doigts. Son compagnon grogne doucement dans son sommeil et le repousse d'un geste vague.

Le châtain pince les lèvres.

Oui, ça n'a pas besoin d'être spectaculaire. Ça ne l'était jamais avec Thor pendant ce jour si spécial. Ils se faisaient livrer à dîner à la maison et mangeaient sur le canapé, les membres emmêlés. Aidan aurait bien été en peine de savoir où ils feraient l'amour dans la maison, Thor était aussi un amant imaginatif. L'année dernière, ils avaient à nouveau baptisé le comptoir de la cuisine. … Ça avait été délicieux aussi. Le blond était si vigoureux et puissant. Aidan se souvient avec une acuité brûlante de la sueur sur ses tempes, de l'éclat fauve de ses yeux bleus. Thor considérait son plaisir avant le sien, se faisant une profession de foi de le faire jouir avant. C'était agréable de compter autant pour une autre personne.

Aidan s'assombrit tandis que son ventre se tord désagréablement.

Il fronce les sourcils. Très fort.

Il comptait pour lui.

Thor est parti dans les Caraïbes seul, sans lui, avec son cadeau. Et il semble avoir rencontré quelqu'un à bord. Merde. Un bel homme brun, avec de l'allure. Thor aussi avait de l'allure sur cette photo, dans ce costume en lin grège. Aidan ne le connaît pas, c'est un nouvel achat. Pour Lui ?

Il se mord douloureusement les joues.

Foutu menteur.

Foutue photo.

Foutu #meilleuresoiréedemavie.

Thor ne poste presque rien sur les réseaux sociaux alors cette photo est importante pour lui. Cet homme brun aussi.

La jalousie le taraude, il ne cesse de se demander qui il est depuis des heures.

Le très léger ronflement d'Ethan à ses côtés lui est soudain insupportable.

Aidan se tourne brusquement du côté opposé et tire les draps sur lui. Malgré l'heure avancée, il peine à trouver le sommeil.

Il ne cesse de penser à Thor.

Pas à l'Autre, ça fait naître des pensées trop laides en lui.


La chambre d'hôtel de leur lune de miel est plutôt une suite en réalité. Elle n'est pas très grande mais bien agencée. C'est une sorte de bungalow en bois, posé sur pilotis sur un bout de plage à Puerto Limón. Personne alentour même si le personnel de l'établissement se tient à leur disposition vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il a un bouton d'appel pour ça.

Le bungalow peut être ouvert sur tous ses côtés grâce à des panneaux coulissants.

Ceux de la chambre sont entrouverts, la brise marine joue des voilages en lin qui flottent doucement.

La lune est claire, ses rayons entre dans la pièce par les claustras. Elle fait briller le corps en sueur de Bucky d'une manière irréellement belle.

C'est en tout cas ce que pense Steve, éperdu d'admiration.

Allongé sur le lit, une main sur sa hanche, l'autre serrée dans les draps, il contemple son mari onduler voluptueusement sur son sexe. Le brun s'appuie sur son torse à deux mains pour se soulever et retomber sur son bassin.

Steve glisse sa main jusqu'à ses reins, il effleure la peau moite et le fin duvet. Bucky se cambre sous la caresse. Il gémit et bouge plus fort sur lui. Plus vite.

— « Bu – Bucky, doucement. Tu n'as pas à te presser, nous avons toute la nuit. Le Naglfari ne lève l'ancre qu'à dix-huit heures demain », souffle le blond.

Le jeune homme se mord les joues. Il dodeline de la tête, rut plus encore sur son érection. Steve serre les dents. Bucky est tellement brûlant, tellement… parfait. Il creuse encore les reins pour l'accueillir plus profondément en lui. Il frissonne de plaisir quand le sexe de son mari heurte régulièrement sa prostate. Steve grogne.

— « Est-ce que tu as entendu ce que je t'ai dit ? »

— « Je t'ai entendu Stevie mais je ne suis pas obligé d'être d'accord. »

— « Je t'assure que le Naglfari ne part qu'à – »

Bucky fronce les sourcils et resserre brusquement ses muscles internes. Steve halète et couine de plaisir. Le brun effleure son torse en sueur puis son bras gauche jusqu'à sa main. Il enlace tendrement leurs mains et leurs alliances avant de la poser mutinement sur son sexe en une invitation à le caresser.

Les yeux de son mari brûlent de désir et Bucky recommence à bouger.

Le plaisir vrille ses reins, son bas-ventre. Son corps entier.

— « Je sais qu'il part à dix-huit heures mais je veux jouir maintenant. Je veux jouir vite et très fort pour pouvoir recommencer à nouveau avec toi », ahane-t-il.

— « …Ce que tu dis n'a pas de sens », grogne le blond.

— « Quoi donc ? Vouloir faire l'amour avec toi pendant toute notre nuit de noce ? »

Steve roule des yeux, un sourire tendre aux lèvres. Il frotte habilement ses phalanges sur son sexe turgescent, Bucky sursaute de surprise et de plaisir. Ce dernier frissonne, se penche vers son mari pour l'embrasser langoureusement. Le blond en profite pour enrouler un bras autour de sa taille et les renverser dans les draps. Bucky halète de surprise avant de gémir bruyamment. Son mari vient de le pénétrer à nouveau d'une seule poussée, longue et parfaite. Il s'agrippe à lui comme un perdu tandis qu'il noue ses jambes à son bassin.

— « Je décide du rythme. Si je veux venir en toi jusqu'à te faire supplier de te laisser jouir, je le fais », grogne le blond.

— « Oh Stevie, j'aime tellement quand tu es directif au lit », roucoule Bucky en riant.

— « Tu es juste trop gourmand, tu veux toujours faire les choses trop vite. Profite un peu et prend ton temps. »

Steve hausse un sourcil défiant et fait d'habiles mouvements en huit avec son bassin. Bucky hoquette lourdement. Seigneur, il veut jouir. Il sent son orgasme couver dans son ventre, ramper comme un incendie. Le brun prend son visage en coupe et lui vole un baiser brûlant et dévorant. Steve enfonce son bassin dans le sien et Bucky roule des yeux de plaisir. Faire l'amour avec Steve, c'est comme tout redécouvrir à chaque fois. Maintenant, ils sont mariés alors c'est pour l'éternité.

— « Je t'aime tellement », souffle le brun contre sa bouche.

— « Moi aussi Buck'. »

Steve se tortille un peu, prend sa main dans la sienne et embrasse son alliance. Bucky a envie de pleurer de bonheur. Il se cambre un peu, faisant entrer encore un peu plus son mari en lui.

— « S'il te plaît Steve, je veux jouir. Crois-moi j'apprécierai vraiment de prendre mon temps mais il y a encore trop de choses que je veux faire avec toi. »

— « À quoi penses-tu ? »

Bucky sourit malicieusement. Il descend un peu sur le matelas, faufile une de ses mains jusqu'aux fesses de mari. Il frôle son périnée et le blond a un délicieux et incontrôlable sursaut de ses hanches en gémissant bruyamment.

— « Bucky… », soupire-t-il lourdement.

Le brun effleure ses testicules, il sent la peau se contracter légèrement, les prémisses de son orgasme. Bucky plonge ses yeux bleus dans les siens tandis qu'il pousse sa main encore un peu plus loin. Suffisamment pour se glisser entre ses fesses et effleurer son intimité. Cette fois, Steve émet un râle de pur plaisir. Ça vrille quelque chose de presque douloureux dans ses reins.

— « Je veux aussi te faire l'amour Steve. Je sais qu'on ne le fait pas souvent de cette manière mais j'aimerai vraiment le faire », chuchote-t-il contre sa bouche.

Le brun effleure, appuie délicatement sur la peau plissée et Steve halète lourdement, sa tête dans son cou. Il frissonne si violemment contre lui que Bucky hausse un sourcil un peu inquiet et arrête ses caresses.

— « Non, continue s'il te plaît… », ahane Steve tout en embrassant dévotement sa gorge. « Je pensais juste que tu préférais… comme ça. »

— « Tu en as envie aussi ? »

— « Bucky, la première fois qu'on a fait l'amour je te rappelle que c'est toi qui m'as pénétré », lui dit gentiment le blond.

Bucky sourit d'un air béatement stupide. Comment oublier. Il frotte tendrement son nez contre sa tempe et l'embrasse doucement.

— « Alors tu veux bien me faire jouir pour que je vienne ensuite en toi ? », chuchote-t-il à son oreille.

Steve hoche la tête. Il reprend ses pénétrations, profondes. Le rythme de ses hanches est parfait, l'angle, excellent. Il frotte sa prostate à chaque mouvement. Bucky n'est plus qu'une boule de nerfs à vif. Il enroule à nouveau ses bras autour de son cou et l'accompagne en ondulant sensuellement sous lui.

La brise marine entre toujours dans la chambre et fait voler les fins voilages. Leurs peaux luisent de sueur. La rumeur de leurs gémissements, de leurs soupirs se confond avec le roulis des vagues qui viennent mourir juste sous leur terrasse.


Thor passe la fin de sa Saint-Valentin de célibataire plongé dans un sommeil lourd et alcoolisé mais il rêve de Loki.

Étendu sur son lit, les draps repoussés sur son bas-ventre, il se voit avec le brun au lobby bar. Les deux hommes sont assis côte à côte au comptoir, comme lors de son pathétique spectacle d'apitoiement sur lui-même et sa chute au fond du gouffre de l'autodépréciation.

Loki a posé sa main sur son portable, puis il effleure sa mâchoire du bout des doigts. Thor le voit sourire doucement il l'entend lui dire de douces paroles de réconfort tandis qu'il glisse sa main à sa nuque. Bouche contre bouche, les doigts enroulés dans les petits cheveux qui effleurent son cou, le brun souffle qu'il le trouve beau et qu'il serait flatté de sortir avec lui. Avant de l'embrasser.

Loki sent bon, sa bouche est douce.

Dans son sommeil lourd et alcoolisé, Thor sourit imperceptiblement. Son front plissé se défroisse enfin.


Loki est écrasé de fatigue et il dort d'un sommeil particulièrement profond.

Les membres las, enroulé sur lui-même et son visage dans l'oreiller, il rêve de Thor.

Le blond et lui sont à Yggdrasil sur le pont huit mais ils ont quitté le comptoir. La pièce est vide, les deux hommes se sont déplacés dans un des confortables canapés en cuir couleur cognac.

Loki est à califourchon sur les cuisses musclées du blond, sa casquette sur la moquette sa veste et sa chemise sont largement ouvertes sur son torse nu. Il a l'air délicieusement débraillé, Thor aussi.

Leurs mains s'agrippent, se palpent tandis que leurs bouches se dévorent. C'est brûlant, c'est bon.

Loki effleure sa braguette du bout des doigts et le blond grogne contre sa bouche.

Dans son sommeil, le brun frotte inconsciemment ses cuisses l'une contre l'autre, le creux de son ventre un peu chaud.

Il soupire doucement, crispe ses doigts sur la taie de son oreiller.

Il sourit de plaisir. De désir.

Lucas n'a jamais été aussi loin de ses pensées depuis trois ans.