Résumé du chapitre précédent : Après avoir fui le Manoir, Draco passe les vacances de Noël chez Andromeda.
Potter est grièvement blessé pendant un raid. Il apprend à Draco que le Bureau des Aurors est en infériorité numérique face à ce qu'il reste de Mangemorts et sympathisants en liberté, et que les Apprentis Aurors sont envoyés sur le terrain depuis le mois de Septembre pour palier au manque d'effectif, et cela malgré leur manque d'entraînement.
L'anxiété de Draco atteint un dangereux pic à son retour à Poudlard. Il n'a aucune nouvelle de ses parents, il est enseveli sous les devoirs et les révisions, Blaise et lui ne se parlent plus, et il développe une peur pas si irrationnelle de revoir les Mangemorts débarquer à Poudlard. La Directrice McGonagall le garde à la fin d'un de ses cours pour le persuader de parler avec l'infirmière scolaire. Celle-ci propose à Draco de rentrer chez lui les week-ends, comme de nombreux autres élèves souffrant des suites de la guerre. Draco arrive à se convaincre de contacter Andromeda pour s'avoir s'il peut les passer chez elle, et sa tante accepte.
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Se retrouver debout dans la cuisine à essuyer la vaisselle fut presque réconfortant, après trois semaines d'angoisse à Poudlard. Potter avait l'air bien plus stable sur ses jambes, et ses gestes étaient plus énergiques et précis.
« Comment va ta hanche ? » Demanda-t-il après un long moment de silence.
« Hm ? » Émit distraitement Potter, comme s'il l'avait arraché à ses pensées, avant de tourner brièvement la tête vers lui. « Comme neuve. Enfin, avec une superbe cicatrice, mais j'ai pu reprendre les entraînements. »
Draco empila les assiettes et les rangea dans leur placard. Il ravala le « balafré » qui lui était venu à la bouche.
« Toujours pas d'idée de ce que tu veux faire après Poudlard ? » Interrogea Potter en déposant une poignée de couverts humides à côté de l'évier.
Draco attrapa une fourchette pour la sécher, appuyant sa hanche contre le comptoir en réfléchissant. Il doutait d'avoir besoin d'une potion pour s'endormir ce soir. Il était lessivé.
« Non, pas vraiment. » Admit-il. « J'ai un peu de mal à y réfléchir. C'est un peu... Une chose à la fois, en ce moment. »
Potter haussa un sourcil dans sa direction.
« Tu veux dire, dix ASPICs à la fois ? »
« Neuf. » Corrigea Draco sans le regarder. Il posa la fourchette et attrapa la cuillère d'Edward.
« Neuf ? Lesquels tu ne passes pas ? Étude des Moldus, Divination ... ? »
« Soin aux créatures magiques. »
Potter eut un petit rire en déposant un bol sur le comptoir.
« Quoi ? » Interrogea Draco en lui glissant un regard suspicieux.
« J'aurais dû y penser. Tu es vraiment nul avec les créatures magiques. » Se moqua le Survivant, et, curieusement, il n'en fut pas vexé. Son commentaire était un euphémisme.
« Pas qu'avec les créatures magiques. Même les chats me détestent. » Précisa-t-il, provoquant un nouveau rire.
« Pas de carrière vétérinaire alors. »
Draco frissonna de dégoût.
« Si tu avais une idée plus précise, tu pourrais abandonner quelques matières. » Poursuivit Potter plus sérieusement. « A quoi ça va te servir, de passer l'ASPIC d'Histoire de la Magie ? »
Draco essuya deux couteaux en même temps en haussant les épaules.
« Il y a beaucoup de postes au Ministère qui le demandent. »
« Des postes qui t'intéressent ? » S'étonna l'apprenti Auror, et Draco sentit poindre son irritation.
« Potter, je ne peux pas me permettre de faire la fine bouche. » Grogna-t-il avec humiliation.
L'interpellé tourna la tête vers lui, les mains dans l'eau savonneuse, et lui envoya un regard qu'il ne sut pas interpréter. Consternation ? Pitié ? Rien qu'il n'ait envie de voir en tout cas. Il fixa délibérément ses couteaux déjà secs et les frotta inutilement.
« On est qu'en janvier, Malfoy. Tu vas craquer si tu continues comme ça. »
Draco écarquilla les yeux puis tourna la tête pour baisser sur lui un regard furieux.
« Mêle-toi de ce qui te regarde. » Cracha-t-il. Il claqua les couteaux et le torchon sur le comptoir et quitta la cuisine.
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Draco ouvrit les yeux, hagard, puis s'assit en réalisant que ce qui l'avait réveillé étaient les pleurs d'Edward à côté de lui. Il balança les jambes hors de son lit en soulevant les draps et se redressa en s'appuyant sur le berceau, les membres encore endormis.
« Qu'est-ce qui se passe ? » Murmura-t-il à son cousin, qu'il pouvait à peine distinguer dans la pénombre. Il posa une main sur le tissu doux de son pyjama, et se pencha pour attraper sa baguette sous son oreiller.
« Lumos. » Prononça-t-il, avant de jeter sa baguette sur son lit pour diriger le faisceau vers le mur et éviter qu'elle ne les éblouisse.
Teddy tendit les bras avec un sanglot et il le sortit du berceau pour le serrer contre lui, avant de réaliser qu'il avait le bas de pyjama trempé.
« Ah, ça ne doit pas être agréable de dormir là-dedans... » Concéda-t-il en supposant que sa couche avait débordé.
Il entendit le lit de Potter grincer alors qu'il posait Edward sur sa table à langer, et soupira à l'idée de devoir lui adresser la parole après leur échange de la veille. La porte s'ouvrit dans son dos alors qu'il dénouait les langes de son cousin. Il avait envie de lui aboyer qu'il pouvait retourner se coucher et qu'il était capable de s'occuper de Teddy sans son intervention, mais il se contint par souci de ne pas aggraver les pleurs du bébé.
« Qu'est-ce qu'il a ? »
« Il est juste mouillé. » Répondit-il entre ses dents. Il le nettoya rapidement, guettant un bruit qui indiquerait que Potter était parti, sans succès.
« Qu'est-ce que tu fais Harry ? Tu vas attraper froid comme ça. » Fit la voix basse d'Andromeda. Draco tourna la tête pour la voir apparaître dans l'encadrement de la porte, en peignoir gris à fleurs blanches, à côté de Potter qui ne portait qu'un caleçon vert.
« Vous pouvez vous recoucher, je m'en occupe. » Dit Draco en essayant de masquer son irritation. Edward cessa de pleurer comme pour souligner son propos, et il quitta les muscles du ventre de Potter et la cicatrice qui sortait de son caleçon des yeux pour se réintéresser à lui.
Il lui enfila une nouvelle couche et le débarrassa du reste de son pyjama pour lui en mettre un autre.
« Désolée qu'il t'ait réveillé. » Chuchota Andromeda. « Il dort moins bien ces derniers temps. »
« Ce n'est rien. » Répondit sincèrement Draco, qui préférait être réveillé par Edward que par ses propres cauchemars. Son cousin lui avait probablement rendu service.
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Février 1999
Son irritation envers Potter, alimenté par sa propre humiliation, ne sembla pas perturber le moins du monde le Survivant, qui sembla égal à lui-même tout au long du week-end. Draco retourna à Poudlard, revigoré mais anxieux, n'ayant pas pu aussi bien se préparer à la semaine suivante qu'il l'aurait souhaité.
Malgré lui, les mots de Potter le taraudèrent au cours des jours suivants. Y avait-il un moyen d'alléger son quotidien tout en sécurisant son futur ? Était-il réaliste de penser qu'il pouvait tenir le coup pendant les cinq prochains mois qui le séparaient des ASPICs ?
L'état dans lequel il se mettait à l'approche d'un examen d'Étude des Runes lui disait que non, s'il était honnête avec lui-même, comme cela lui arrivait rarement. Les jambes tressautant sous une table de la bibliothèque, incapable de lire quoi que ce soit, le cœur au bord des lèvres avec l'impression d'avoir oublié la totalité du cursus d'une de ses matières préférées, il n'osait imaginer comment il se sentirait à l'approche de l'épreuve finale.
Il s'était forcé à aller dîner, ayant sauté le déjeuner pour terminer un devoir d'Arithmancie dans sa salle commune déserte. Son manque d'appétit l'avait néanmoins moins inquiété que l'idée soudaine de rester à Poudlard le week-end suivant pour avoir le temps de travailler correctement.
Quelque chose devait changer.
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Draco s'arrêta à côté d'Andromeda dans le couloir à l'étage de la maison sans comprendre ce qu'il voyait. Une porte avait poussé entre celle de la chambre d'Edward et celle de Potter, décalant cette dernière vers la droite.
« J'ai fait venir une architecte. » Lui expliqua sa tante. « Elle a divisé la chambre de Dor ... La chambre de Harry. Il avait deux fenêtres, c'était idéal. »
Draco obéit à son geste lui proposant d'ouvrir la porte, et tourna la poignée pour découvrir une chambre étroite mais profonde et lumineuse, aux murs blancs et nus. Le parquet d'orme était le même que celui du reste de l'étage. Des rideaux bleus étaient accrochés à la fenêtre au-dessus du lit. Un long bureau ancien courait le long du mur de droite, et une haute malle se trouvait au bout du lit.
« Elle n'est pas très grande, mais tu seras plus tranquille pour travailler. »
Draco la regarda alors que des émotions contradictoires l'envahissaient. Il était incroyablement touché et gêné que sa tante lui offre un tel espace personnel chez elle, qu'il se sentait très loin de mériter. Il se demanda combien l'agencement avait pu lui coûter et s'il allait pouvoir la rembourser. Il pensa au fait que la chambre de Potter avait été celle de sa fille et à quel point cela devait être difficile pour elle de la voir ainsi transformée. Enfin, il était triste de ne plus pouvoir être bercé par la respiration d'Edward en dormant ici.
« Je pensais te mettre de l'autre côté pour que tu entendes moins Teddy s'il se réveille, mais Harry m'a dit que tu préférerais sans doute être à côté de lui. » Ajouta-t-elle avec un petit sourire.
Draco ferma la bouche de surprise. Il s'apprêtait justement à demander si l'aménagement n'était pas trop pénible pour Potter, qui apparemment vivait de façon permanente chez Andromeda. Il ne s'attendait pas à ce que le Survivant fasse partie de la décision ayant mené à cette nouvelle organisation. Il ne savait pas quoi faire de cette information.
« Merci. » Dit-il finalement, puisque sa reconnaissance était la seule émotion qui importait vraiment. « Je ... Je ne sais pas si je peux vous rembourser. »
« Oh, Draco. » Sourit Andromeda. « Ne t'inquiète pas pour ça. C'est Harry qui a payé de toute façon, et je doute qu'il te laisse faire même si tu essayais. Je n'ai jamais réussi moi-même. »
Draco eut l'impression de s'être pris un coup de poing dans le sternum. Payé par Potter ? Il tourna la tête vers la chambre, la regardant soudainement d'un autre œil. Il était hors de question qu'il lui doive quoi que ce soit.
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Draco ne réussit à coincer Potter seul que le dimanche en début d'après-midi. L'apprenti Auror n'était rentré qu'au cours de la nuit précédente, le réveillant de son pas lourd dans la chambre à côté de celle dans laquelle il dormait, le corps tendu et les dents serrées.
Il l'entendit descendre les escaliers pendant la sieste de Teddy. Andromeda était montée s'allonger elle-aussi pour profiter du calme, et Draco s'acharnait sur ses cours d'Étude des Runes à son bureau avec un thé déjà froid. Il repoussa sa chaise en silence et quitta sa chambre.
Il le trouva assis devant un bol de céréales et la Gazette du Sorcier dans la cuisine, un pansement dépassant du col de son T-shirt.
« Alors, bien installé ? » Osa-t-il lui demander en levant la tête vers lui, et Draco grinça des dents.
« Je veux te rembourser. » Réussit-il à dire, et Potter souffla en fermant les yeux derrière ses lunettes, l'air déjà excédé par cette conversation.
« Je savais que j'aurais dû lui demander de ne rien te dire. »
« Potter. » Grogna Draco avec frustration. « Combien tu as payé. »
« Je ne sais même pas, et pour être franc, je m'en fous un peu. » Grommela le Survivant en plongeant sa cuillère dans son bol.
« Je ne veux pas t'être redevable. » Insista Draco, passant le « financièrement » sous silence. Il était douloureusement conscient de déjà lui devoir sa vie, ce qui était déjà bien plus que ce qu'il était capable de gérer psychologiquement.
Potter mâcha ses céréales en faisant semblant de lire le journal, ne lui jetant qu'un bref coup d'œil avant de relever sa cuillère vers sa bouche. Draco serra les poings.
« Deux galions alors. »
Un verre éclata au bord de l'évier, le faisant sursauter et renverser du lait sur la Gazette.
« Ne te fous pas de moi. » Gronda Draco.
« C'est quoi ton problème Malfoy ? Tu ne peux pas juste gracieusement accepter, dire merci et passer à autre chose ? » Siffla Potter, soudainement en colère.
« Je dépends déjà trop de vous ! » Déborda Draco, sa voix et ses mots lui échappant, et il réalisa que plus que l'irritation de lui être encore redevable, il était terrifié. Terrifié de ne pas réussir à être indépendant, de s'être laissé mettre un nouveau boulet au pied, de passer du joug de son père à devoir faire des courbettes à Potter.
Le visage de ce dernier se tordit, et il posa sa cuillère pour retirer ses lunettes et se frotter le visage avec fatigue.
« D'accord. Alors vois les choses comme ça. Disons que c'est pour m'excuser pour le Sectumsempra. Ou pour te remercier d'avoir fait semblant de ne pas me reconnaître au Manoir Malfoy. Choisis celui qui apaisera le mieux ta fierté. » Déclara-t-il avant de passer la main au-dessus de la tâche de lait pour la faire disparaître sans baguette.
L'humiliation s'ajouta à sa colère et à sa peur. Il avait envie de lui mettre le poing dans la figure pour avoir osé lui rappeler ces horribles événements, mais aussi de s'enfuir pour échapper à son insupportable magnanimité. Saint-Potter et ses poches pleines, assez pour offrir un refuge à l'un de ses pires ennemis avec une bienveillance hautaine.
Il le vit regretter ses paroles en étudiant son visage, puis soupirer en mettant sa tête dans ses mains.
« Sérieusement Draco, je l'ai juste fait parce que je trouvais qu'Andy avait eu une bonne idée. » Il releva la tête avec un air fatigué. « C'est plus pratique pour tout le monde, ça ne dérange personne, ce n'était pas compliqué à mettre en place, et je n'attends rien de ta part en échange. »
Potter reprit sa cuillère mais la fit nerveusement tourner dans ses mains plutôt que de la plonger dans son bol.
« Rien n'est jamais gratuit. » Murmura Draco, les poings toujours serrés.
Potter lui envoya un regard surpris, avant de grimacer.
« Je sais que tu vis dans ce genre de monde-là, mais ce n'est pas comme ça que la plupart des gens fonctionnent. »
« C'est de la naïveté que de croire ça. »
Potter souffla et s'appuya plus lourdement sur son dossier.
« Peut-être. Mais ce n'est pas comme ça que j'ai envie de vivre. » Il lui adressa un regard franc et déterminé. « Je ne veux rien en échange, je ne veux même pas un merci d'ailleurs. Il fallait le faire alors je l'ai fait. »
Draco déglutit et détourna le regard, le parallèle avec la vie de Potter impossible à ignorer. Il fallait tuer Voldemort alors il l'avait fait. Il fallait se débarrasser des Mangemorts, alors il le faisait. Il fallait protéger Weasley alors il s'était mis devant lui. Rien en échange, pas de remerciement.
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Mars 1999
Draco fit face à la gargouille protégeant le bureau de la Directrice de Poudlard et mit quelques secondes à retrouver le mot de passe, anxieux qu'il était de savoir ce qu'elle pouvait bien lui vouloir. Ses semaines à l'école étaient toujours difficiles, il croulait toujours sous les devoirs et les révisions, mais il ne se sentait pas aussi mal qu'au mois de janvier et ne croyait pas que son état actuel justifie de provoquer une nouvelle intervention.
« Corne de brume. » Déclara-t-il, activant la statue.
Sortir chaque week-end du château, avoir sa propre chambre pour deux jours, s'autoriser quelques potions quand le stress était trop grand, tout cela avait participé à l'apaiser assez pour résister deux mois de plus à ses études. Il était toujours aussi mal à l'aise du geste de Potter, mais il avait essayé de ranger sa fierté dans un endroit de sa tête où elle ne pouvait pas trop le déconcentrer.
Il commença à gravir les escaliers lorsque la première marche se posa enfin au sol, et toqua à la porte une fois en haut.
Il entra lorsqu'il y fut invité, et fit face à Luna Lovegood. Perplexe, il chercha la directrice du regard, et la trouva agenouillée devant sa cheminée, la tête dans les flammes vertes.
« Bonsoir Draco. » Sourit Lovegood. Il vérifia sa montre. Il était bien l'heure du déjeuner.
« Bonsoir. » Répéta-t-il, n'ayant pas l'énergie de la contredire.
Le Professeur McGonagall se redressa en s'époussetant les genoux et se tourna vers eux.
« Ah, Monsieur Malfoy, parfait. »
« Directrice. Vous vouliez me parler ? »
« Oh non, c'était moi. » S'égaya Lovegood. « Harry m'a demandé de te donner ça. » Dit-elle inexplicablement en lui tendant un bout de papier, qu'il attrapa avec perplexité en regardant tour à tour les deux sorcières.
« Potter ? » Demanda-t-il à préciser. Autant qu'il sache, seule Granger était au courant que Draco passait ses week-ends chez Andromeda, avec l'aléatoire compagnie de Potter. Il était assez mal à l'aise en imaginant la Directrice et cet étrange personnage qu'était Lovegood être au courant qu'il abusait de l'hospitalité de leur Survivant.
« Maintenant que tu le dis, c'est vrai que je connais plusieurs Harry. »
« La maison de Monsieur Potter a été la cible d'une attaque. » Intervint la Directrice, le faisant écarquiller les yeux alors qu'une sourde panique s'insinuait en lui. « Il a fait placer celle de votre tante sous Fidelus. »
Le cœur au bord des lèvres à l'idée qu'Edward soit en danger, il leva le bout de parchemin pour y lire l'adresse d'Andromeda inscrite dans une étrange écriture penchée et bouclée. Le papier se consuma soudainement entre ses doigts, et il le lâcha. Il disparut avant de toucher le tapis persan.
« Est-ce que ma tante et mon cousin vont bien ? » Réussit-il à demander d'une voix étranglée.
« Oh, oui, bien sûr, je suis désolée Monsieur Malfoy, je ne voulais pas vous inquiéter. » S'alarma McGonagall. « C'est la maison de Londres de Monsieur Potter qui a été attaquée. »
Draco n'avait aucune idée qu'il avait une résidence à Londres et ne sut pas quoi faire de cette information au-delà de son soulagement de comprendre qu'Andromeda et Edward n'avaient pas été ciblés.
« Et lui ... ? »
« Il n'était pas sur place. » Le renseigna la Directrice. Son malaise persista malgré sa légère détente à cette assurance. Il n'avait bizarrement jamais pensé au fait que Potter puisse être la cible directe d'une attaque. C'était complètement stupide. Bien sûr qu'il avait une cible dans le dos. Il était probablement encore aujourd'hui la plus grosse épine dans le pied des Mangemorts.
Il tourna les yeux vers Luna, qui s'était mise à tripoter un télescope doré et regardait dedans du mauvais côté.
« Et donc, tu es leur gardien du secret ? » Demanda-t-il, surpris que Potter confie une tâche aussi importante à Lovegood, parmi tous ses amis.
« Oh oui, je suis vraiment touchée qu'il ait fait appel à moi. Mais j'espère que ça ne l'empêchera pas de me nommer marraine d'un de ses enfants un jour. Il faudra que tu lui glisses un mot en ma faveur. » Termina-t-elle en remettant son œil contre la lentille du télescope.
Draco haussa un sourcil, la bizarrerie de Lovegood un peu trop difficile à gérer pour lui à cet instant. La Directrice et lui échangèrent un regard circonspect, puis elle lui adressa un sourire tendu.
« Monsieur Malfoy, je n'ai pas de doute quant à votre envie de protéger de votre petit-cousin, mais j'aimerais vous rappeler l'importance de ne pas divulguer l'identité du gardien sur secret. » Lui dit-elle sérieusement.
Il hocha la tête avec détermination. Il n'était pas sûr qu'on le croirait, même s'il le faisait. C'était peut-être bien là la raison d'avoir choisi Lovegood.
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Il transplana comme d'habitude le vendredi suivant. A peine arrivé, il sentit une nouvelle pression magique entourer la propriété. En levant la main vers la barrière invisible pour la sentir du bout des doigts, il put presque la distinguer, tel un arc-en-ciel mouvant dans la lumière du soleil couchant.
Potter sortit de la maison, en uniforme et la baguette à la main. Draco ne nota pas de nouvelle blessure sur lui, en tout cas aucune de discernable avec sa lourde robe pourpre sur le dos.
« Tu arrives à passer ? » Lui demanda-t-il, et Draco tendit la main, qui traversa sans dommage la barrière malgré un fourmillement qui lui rappela celui qu'il ressentait en sortant des protections de Poudlard.
« C'est une véritable forteresse. » Commenta-t-il en faisant traverser le reste de son corps, sentant une étrange pression appuyer sur sa peau.
« J'aurais dû le faire plus tôt. J'ai été complètement stupide. » Grogna Potter en s'arrêtant près de lui. Draco partageait son avis, mais n'y ayant pas pensé lui-même plus tôt, il ne commenta pas.
« McGonagall m'a dit pour ta maison. » L'informa-t-il à la place.
« Heureusement que je n'y suis jamais. » Souffla Potter. « Tu sais qu'ils ont tué mon elfe, ces malades ? »
« Oh... Désolé. » Grimaça Draco.
« On ne pouvait pas se supporter, mais il ne méritait pas de finir comme ça... » Dit-il tristement. Il se demanda si c'était ce que Potter dirait un jour à sa mort.
« Et la maison, elle est en quel état ? »
« Elle était déjà à moitié délabrée, donc ce n'est pas une grosse perte, pour être honnête. » Déclara le Survivant, ses larges épaules tombant malgré tout. Il sembla percevoir son incompréhension. « C'était la maison des parents de Sirius. Le QG de l'Ordre. Bien moins glorieux que ce qu'on imagine. Je détestais y aller. » Précisa-t-il successivement.
« Elle n'était pas protégée ? » S'étonna Draco. Si elle avait été le quartier général de l'Ordre du Phoenix, elle aurait dû pouvoir soutenir une attaque de Mangemorts.
« Le Fidelus a sauté à la mort de Dumbledore. On ne s'en est plus vraiment servi après ça. »
Mal à l'aise à la mention de l'ancien Directeur de Poudlard, Draco préféra rediriger la discussion.
« Ils ont été assez stupides d'attaquer alors que tu étais absent. Quel est l'intérêt de détruire une vieille maison, à part te faire comprendre qu'ils en ont après toi ? »
Potter le fixa avec les lèvres pincées, puis détourna le regard.
« Il y avait quelque chose dans la maison ? » Supposa Draco.
« Désolé, je ne peux pas en dire plus. » S'excusa Potter avec son habituelle gêne lorsqu'il frôlait la limite de la confidentialité imposée par le Département de la Justice Magique. « De toute façon je suis déjà en retard, je ne suis venu que pour être sûr que tu puisses passer la barrière. »
Embarrassé comme à chaque fois qu'il faisait quelque chose pour lui, Draco contint une grimace et se décala sur le chemin pour le laisser passer.
« Merci. » Réussit-il à dire néanmoins.
Potter lui adressa un bref sourire qui n'atteint pas ses yeux, puis traversa la barrière avant de disparaître.
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Avril 1999
Edward avait bientôt un an, et il trottinait à travers la maison à la poursuite de ses jouets bondissants. Fatigué de le suivre, Draco réussit à le canaliser sur le tapis du salon devant un petit miroir, où il s'amusa à le coiffer et le décoiffer à coup de baguette.
Son cousin poussait des cris ravis et observait les couleurs et les coiffures changeantes de ses propres cheveux avec des rires stridents.
« Quel petit animal fait tout ce bruit ? » Demanda la voix de Potter dans l'entrée, et Edward poussa le miroir dans sa précipitation à rejoindre son parrain. Sachant que Potter allait lui voler la vedette pour la fin de journée, Draco se releva dans un craquement de genoux, le cerveau déjà dans le devoir de Potions qu'il devait finir pour lundi.
« Qu'est-ce que c'est que cette coupe ? » Pouffa Potter, qui avait dû réceptionner Teddy dans l'entrée. « Non, ne dis rien, je parie que c'est Dada. »
Draco pinça les lèvres, amusé malgré lui.
« On dirait un Mini-Malfoy en première année. » Poursuivit Potter, et en arrivant à la porte du salon, Draco le vit avec Edward dans les bras, qui lui avait attrapé le menton avec ses cheveux blonds rabattus en arrières.
Il leva sa baguette et lui infligea la même coupe.
Potter sursauta en levant les yeux vers lui, puis tourna la tête vers le miroir de l'entrée sous le rire hystérique de Teddy.
« Oh. Hey, mais ça me va bien. » Rigola Potter en passant une main sur sa tête. « Mieux qu'à vous deux. »
Andromeda sortit de la cuisine et éclata de rire en les voyant ainsi coiffés.
« Je pense que tu devrais essayer aussi. » Proposa Potter dans sa direction, et elle recula avec horreur.
« Non merci ! »
« Allez Malfoy, coiffe-la. » Rit Potter en tournant la tête vers lui. Son visage était étrange, avec le front ainsi découvert, sa cicatrice un éclair blanc au milieu de sa peau mate. Il n'avait pas tort. Ça lui allait bien mieux que le nid qu'il avait habituellement sur la tête.
Draco hésita, jeta un œil à sa tante qui semblait avoir déjà accepté son sort, et leva la baguette pour rabattre ses cheveux châtains à la mode Malfoy.
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Potter avait gardé sa nouvelle coupe pour le dîner, l'ayant oubliée ou étant juste fier d'être coiffé pour une fois, et Draco avait eu du mal à prendre ses réflexions au sérieux malgré la gravité du sujet. Le Département de la Justice Magique tremblait sous de nouvelles tensions, l'influence des Mangemorts semblant s'étendre malgré l'absence d'indices visibles dans la Gazette du Sorcier. Draco tomba des nues. Il avait eu l'impression que ces derniers mois avaient été constellés d'arrestations en tout genre, mais il devait se rendre à l'évidence. Que pouvaient faire une dizaine d'Aurors face à un tel groupe d'extrémistes ?
Il tenta de reléguer ses inquiétudes à l'arrière-plan de son esprit pour se concentrer sur ce qu'il voulait demander à Andromeda. Potter était monté se coucher sitôt la vaisselle terminée, et Draco et sa tante s'étaient installés dans le salon, auprès du feu ronflant dans la cheminée.
Nerveux, Draco tira sur la fine laine peignée de son pantalon pour en lisser des plis inexistants, puis leva les yeux vers Andromeda qui tourna doucement la page de son roman.
« Qu'est-ce que tu voudrais me demander ? » Dit-elle sans lever les yeux, et Draco grimaça. Était-il si transparent ?
« Potter... Harry m'a dit il a quelques mois que vous pourriez m'écrire une recommandation pour Ste-Mangouste. » Commença-t-il à voix basse.
Il avait eu beau retourner la question dans tous les sens, réfléchir, se documenter, planifier, il en revenait toujours au même point. Le chemin le plus certain était la Médicomagie. Il aimait les potions, la botanique, les sortilèges et l'arithmencie. Il n'était pas certain de vouloir devenir guérisseur, mais il y avait une multitude de métiers auxquels il pourrait se former s'il était accepté à l'hôpital sorcier. Les inscriptions au cours supplémentaire de Médicomagie de Poudlard arrivaient à grand pas afin de préparer les élèves souhaitant se diriger vers une carrière médicale, et si Draco pouvait avoir la certitude d'être accepté à Ste-Mangouste après ses ASPICs, le temps de cours en plus dans son agenda déjà chargé serait plus facile à avaler, au moins psychologiquement.
« Bien sûr Draco. » Sourit sa tante en levant les yeux vers lui. « C'est une excellente idée. »
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Mai 1999
L'ambiance de la Grande Salle était particulière, en ce lendemain du premier anniversaire de la bataille de Poudlard. Des petits groupes d'élèves discutaient, excités, de l'apparition de Potter à l'école la veille, accompagnant Shaklebolt et ses collègues Aurors pour une cérémonie à laquelle Draco s'était bien gardé d'assister. Il avait passé son dimanche chez Andromeda et avait tenté de savourer sa journée avec Edward malgré la culpabilité qui lui rongeait l'estomac.
La une de la Gazette sur Sorcier montrait les derniers membres vivants de l'Ordre du Phoenix et la totalité des membres du Département de la Justice Magique, l'air grave sur les marches du perron principal de l'école. Draco avait du mal à croire que les quatre apprentis aient le même âge que lui. Weasley et Londubat avaient poussé comme des mauvaises herbes, atteignant presque la carrure de Shaklebolt. Potter, toujours le plus petit du lot, ce qui était étonnant vu la taille de ses propres parents, remplissait son uniforme d'une façon qui le rendait presque intimidant. Draco pouvait quasiment sentir la magie émaner de lui comme la chaleur d'une fournaise. Susan Bones, l'élève qui avait combattu avec eux et dont la famille avait été décimée par Voldemort au cours de ses deux périodes de pouvoir, dégageait une rage à peine contenue, et Draco ne doutait pas qu'elle soit au moins aussi dangereuse que les trois autres, ancienne Poufsouffle ou pas.
Mais ils n'étaient que des enfants. L'entraînement intensif qu'ils suivaient rigoureusement ne pouvait pas remplacer les années d'expérience des cinq Aurors titulaires qui se tenaient derrière eux sur les marches. Et si la Gazette ne faisait pas mention de la difficulté dans laquelle se trouvait le département, elle relayait néanmoins son appel à rejoindre ses rangs. En relevant les yeux, Draco se demanda qui parmi les Septième-Années allait tenter d'enfiler l'uniforme.
Son regard croisa celui, mauvais, de la plus jeune Weasley de l'autre côté de la Grande Salle. Elle tenait elle aussi la Gazette dans ses mains. Draco se demanda si elle le ciblait parce que le journal avait nominalement relevé son absence parmi les élèves à la cérémonie. Qu'était-il sensé faire ? Se mêler aux victorieux pleurant leurs morts ? N'était-ce pas pire que de ne pas y assister ?
Il savait que même s'il avait été à Poudlard, il serait resté dans sa salle commune comme beaucoup d'autres Serpentards.
Il la quitta des yeux lorsque les hautes fenêtres de la Grande Salle s'ouvrirent pour laisser entrer les hiboux. Comme tous les matins depuis plusieurs semaines, il guetta l'arrivée d'une réponse de Ste-Mangouste, le cœur serré à l'idée de recevoir un refus. Mais au moins cela lui permettrait-il de mettre en place d'autres plans pour son avenir.
Il avait cessé d'attendre un signe de vie de ses parents. Il n'avait plus l'espace nécessaire dans son esprit pour leur accorder une arrière-pensée.
Une chouette hulotte plana jusqu'à lui et se posa adroitement à côté de sa tasse de thé.
« Du courrier Draco ? Quelqu'un s'est souvenu de ton existence ? » Railla cruellement Zabini à quelques places de lui.
« Ça doit être à cause de la Gazette. » Rit Warrington.
Draco les ignora pour accepter l'enveloppe attachée à la patte de la chouette. Il avait été le seul absent mentionné. Ni Blaise ni Cassius, qui étaient restés dans les donjons, n'avaient été nommés malgré l'implication de ce dernier dans la Brigade Inquisitoriale et son rôle dans le mauvais côté de la bataille. Ayant été mineur à l'époque, il avait pu poursuivre sa scolarité sans être inquiété.
La chouette sautilla jusqu'au bord de la table puis s'envola à nouveau sans attendre de réponse. Draco vida sa tasse de thé d'une traite avant de se lever. Il quitta la Grande Salle en sentant le regard moqueur des Serpentards sur lui, et celui, tel des griffes lacérant son dos, des autres élèves ayant participé à la bataille.
Il gravit les quelques marches du hall d'accueil menant à l'aile de l'infirmerie et appuya son dos contre un mur à l'abri des regards, la main tremblant autour de l'enveloppe. Le cachet de cire verte, une baguette et un os croisés, était bien celui de Ste-Mangouste. Il tenta de se raisonner pour ravaler son angoisse. Peu importait la réponse. Il pourrait avancer quoiqu'il arrive. Il trouverait d'autres options. Il contacterait Gringotts malgré sa peur irrationnelle des Goblins. Il s'inscrirait pour passer un Master de Potions malgré son angoisse de passer sa vie à faire tourner une spatule dans un chaudron. Il postulerait au Ministère, même pour leurs pires et plus ennuyeux métiers au milieu d'une foule qui le détestait. Il ferait tout pour pouvoir être indépendant et rester près d'Edward. Il ne fuirait plus.
Il décacheta l'enveloppe malgré sa nausée et sortit le courrier de ses doigts tremblants. Des larmes qu'il n'avait pas senti arriver embrouillèrent sa vision, et il cligna des yeux en lisant en diagonale, les laissant rouler sur ses joues. Les jambes faibles, il mit tout son poids sur le mur derrière lui, puis serra la lettre contre lui. Il était pris.
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Bien sûr, il fallait que Michael Corner fasse partie du peu d'élèves inscrits aux cours supplémentaires de Médicomagie. Draco soutint son regard agacé, puis tourna le visage avec un soupir. C'était une punition appropriée. Qui de mieux pour le remettre à sa place que Corner, qui avait été torturé l'année dernière à cause de lui ? Oh il n'avait pas lancé l'Endoloris, mais il était celui qui l'avait attrapé alors qu'il tentait de faire sortir un élève de retenue.
Le peu de joie qu'il avait ressenti à l'idée de faire un pas aussi important vers son avenir s'évapora dans les bouillonnements de sa honte. Il allait passer ses études, et peut-être même sa carrière à côté d'une de ses victimes. Il l'avait bien mérité.
Draco tenta de se concentrer sur le cours théorique de Madame Pomfrey. C'était étrange de la voir dans un contexte aussi scolaire. Elle portait toujours sa robe et sa coiffe blanche et agitait sa baguette devant un tableau noir, commandant une craie qui traçait différentes parties du corps humain. Draco prit machinalement des notes, l'exercice tellement encré en lui qu'il arrivait à le faire en n'accordant que peu d'attention à ses mots.
Son regard ne cessait de se tourner vers les longs cheveux noirs et brillants de Corner, qui, assis un peu plus loin devant lui, grattait furieusement son parchemin avec avidité.
Pourquoi diable était-il là ? Pourquoi ne se concentrait-il pas sur les potions, lui qui avait passé sa scolarité à rivaliser avec lui à la place de meilleur élève de Snape puis de Sloghorn ? Draco n'avait plus assez d'estime de lui-même pour croire que le Serdaigle n'était là que pour lui casser les pieds et lui renvoyer ses crimes à la figure. Il ne restait plus qu'à accuser le hasard ou le destin qui voulait lui rappeler qui il était. Un Mangemort déguisé en élève.
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Potter posa ses coudes sur la table de la cuisine, torse nu et tourné vers Edward qui mangeait des petits bouquets de brocolis avec ses mains. Draco avisa la brûlure magique qu'il avait sur l'omoplate, et se demanda s'il avait complètement renoncé à utiliser des protego sur le terrain.
« Bien. » Commença Andromeda, debout à côté de lui. « Première étape, désinfection des mains et de la baguette. »
Draco prononça les sorts appropriés, la magie lui chatouillant les paumes et le bout des doigts, puis se tint prêt à continuer ce cours improvisé à la faveur d'une énième blessure de Potter. Celui-ci pencha la tête dans sa main, puis fit léviter un morceau de poulet pour encourager Teddy à l'attraper et le manger. Son cousin avait toujours besoin de motivation pour manger de la viande.
« Normalement, de l'essence de Dictame suffirait pour ce genre de blessure, mais ça n'a rien d'amusant. »
« Ah. Ah. » Prononça Potter avec ironie. « Si vous pouviez vous dépêcher, ça me brûle, et je commence à avoir froid. »
Draco ne releva pas l'incohérence de son propos et fixa la blessure d'une dizaine de centimètres avec intérêt. Les bords brûlés étaient légèrement noircis, et la chair au centre était suintante. Il avait déjà été désinfecté, mais comme le disait Andromeda, appliquer des potions n'avait rien d'intéressant.
« Donc, dans l'ordre. Anesthésie, désinfection, accélération de la régénération. On s'arrêtera là pour aujourd'hui. Le sort de cicatrisation risque de lui laisser, et bien, une cicatrice. Un peu de Dictame et il sera comme neuf demain. » Poursuivit Andromeda d'un ton enjoué.
Draco se rapprocha de son cobaye, dont les muscles du dos nu se contractèrent d'anticipation.
« Tu as peur, Potter ? » Railla-t-il.
« Non. J'ai froid. » Mentit celui-ci sans tourner la tête vers lui.
Draco dirigea sa baguette vers son omoplate, le bois a quelques millimètres de sa peau, et encercla la blessure dans un sortilège d'anesthésie. Potter frissonna mais ne bougea pas.
« Parfait. » Commenta Andromeda.
Il appliqua ensuite le sortilège de désinfection qu'elle lui avait appris, et vit sa mâchoire se contracter.
« Ça fait mal ? » S'alarma-t-il. Il était pourtant sûr d'avoir réussi l'anesthésie.
« Non, je sens juste la magie, c'est une sensation bizarre. » Expliqua Potter, qui pourtant devait avoir l'habitude de ce genre de traitement. Draco plissa les yeux avec suspicion, mais ne releva sa baguette que lorsqu'il eut terminé.
« Excellent. L'accélération de la régénération, maintenant. Regarde bien la couleur de la plaie. »
Draco leva sa main droite à côté de sa baguette en prononçant le sortilège suivant, utilisant la sensibilité de ses doigts à la magie pour jauger de l'intensité nécessaire à l'appel des cellules. Il eut la sensation de devoir tirer un poids mort et enfonça les pieds dans le sol.
« Mais qu'est-ce qu'il fait, Dada ? » Commenta Potter en direction de Teddy. Le bébé répéta ses dernières syllabes puis souffla avec la bouche. « Heu, j'ai l'impression d'avoir un hameçon dans le dos. »
« C'est normal. » Le rassura Andromeda. « La vasoconstriction avait déjà commencé, c'est un peu plus difficile. »
« Si tu le dis. » Rit Potter avec malaise.
L'œil rivé sur la plaie, Draco les ignora et intensifia progressivement son sort, jusqu'à sentir un relâchement. La brûlure se mit à fourmiller alors que les cellules appelées se mettaient au travail, la chair rouge rosissant et se remplissant alors que les bords noircis pâlissaient. Il baissa sa baguette avec un soupir.
« Excellent travail Draco ! » S'extasia sa tante.
« Merci. » Répondit-il en reculant d'un pas, satisfait. Les heures passées devant ses manuels de Médicomagie semblaient avoir payé. « Je lève l'anesthésie ? »
« Après l'essence de Dictame, s'il-vous-plaît, cette horreur me brûle encore plus qu'un Incendio. » Plaida Potter en tournant la tête comme pour essayer de voir sa blessure par-dessus son épaule.
Il n'y avait bien que lui pour savoir l'effet direct d'un Incendio sur la peau.
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Juin 1999
Le matin du premier samedi de Juin trouva Draco étalé sur le dos dans son lit chez Andromeda. Il avait presque douloureusement envie d'aller aux toilettes, mais aucune motivation à quitter ses draps. Le jour était levé depuis quelques heures, filtrant à travers les rideaux azurs et lui donnant l'impression d'être sous l'eau en colorant les murs blancs de la pièce d'une lueur bleuté.
Son bureau était jonché de paquets de parchemins à étudier et il avait accroché son plan de révision sur la tapisserie juste devant, pour essayer d'organiser ses dernières semaines avant le passage des ASPICs. Il était déjà en retard.
Potter l'avait réveillé en rentrant dans la maison au milieu de la nuit, lui donnant l'impression de tituber jusqu'à son lit. Puis Edward s'était mis à hurler une heure plus tard et il n'avait pas réussi à le rendormir. Andromeda avait fini par le renvoyer dans sa chambre et était descendu avec son petit-fils qui paraissait trop énervé pour se calmer de sitôt.
Draco avait longtemps tourné avant de réussir à se rendormir en percevant les légers ronflements de Potter qui n'avait pas bougé malgré les cris de Teddy. Et il se trouvait à présent sous des draps trop chauds, avec l'envie d'uriner et aucune énergie pour se lever.
Quelqu'un frappa à sa porte, le forçant à se redresser.
« Oui ? »
« Est-ce que Teddy peut rentrer ? » Demanda la voix d'Andromeda.
« Oui, bien sûr. » Répondit-il avec un froncement de sourcils.
La porte s'ouvrit, sa tante laissant son cousin entrer et se diriger d'un pas rapide vers son lit en contournant sa chaise de bureau sur laquelle trônait un tas de linge sale. Il tenait un bout de parchemin dans sa main potelée, qu'il abandonna sur les draps en tendant les bras pour que Draco le porte.
Il s'exécuta avec un rire, acceptant son câlin en l'enlaçant.
« Joyeux anniversaire Draco. » Lui souhaita sa tante, toujours à la porte. Il leva les yeux vers elle avec un sourire tordu, touché.
« Merci. »
« C'est le cadeau de Teddy. » Ajouta-t-elle en pointant le morceau de papier traînant sur les draps blancs. Il l'attrapa alors que son cousin se mettait à gigoter pour échapper à sa poigne. Il le laissa gambader à quatre pattes sur son lit, et sourit en regardant l'amas de lignes irrégulières tracées en rouge et bleu sur le bout de parchemin, et le petit « Joyeux anniversaire Dada » écrit à la plume par Andromeda en-dessous.
« Merci Teddy. C'est du grand art. Je n'ai jamais reçu un plus beau cadeau. » Rit-il en direction d'Edward qui le regardait, la tête à l'envers entre ses jambes, comme s'il s'apprêtait à faire une pirouette sur son oreiller.
« C'est vrai qu'il m'a mis la pression pour mon propre cadeau. » Commenta Andromeda, et il la regarda lui adresser un clin d'œil, étrangement gêné à l'idée d'encore recevoir quelque chose de sa part, comme si elle ne lui donnait déjà pas assez.
/
Potter était déjà dans la cuisine lorsque Draco y entra, alléché par une odeur de pâtisserie. Surpris de le voir, ne l'ayant pas entendu se lever, il le regarda retourner un pancake avant de se diriger vers la table pour se servir un thé.
« Bonjour. » Salua-t-il avant de tirer une chaise.
Potter sursauta violemment, le faisant écarquiller les yeux dans sa direction, avant de tourner la tête vers lui avec ce qui ressemblait à de l'effroi. Il se contrôla et retourna son attention vers la cuisinière.
« Je continue de croire que l'espionnage aurait été une meilleure idée que la Médicomagie. » Dit-il avec un rire surpris.
« Tu ne m'as pas entendu arriver ? » Supposa Draco en attrapant la théière pour se servir.
« Non, mais je vais mettre ça sur le compte de ma semaine de merde. » Grommela Potter.
Il ne chercha pas à en savoir plus. Le Survivant était de plus en plus avare de détails concernant ses activités d'Auror, et Draco n'était pas pressé d'apprendre si le Ministère était au bord de l'effondrement.
« Pancake ? » Lui demanda-t-il alors que Teddy déboulait dans la cuisine avec un cri de guerre pour venir s'accrocher à sa jambe.
« Heu, oui, merci. » Hésita Draco.
Potter marcha difficilement jusqu'à la table avec les bras de son filleul autour de sa cuisse et ses chaussons sur son pied, et déposa une assiette fumante vers lui.
« Tant mieux parce que c'est mon cadeau. Bon anniversaire. »
Gêné, Draco quitta le pancake des yeux pour le regarder, mais Potter s'était déjà baissé pour attraper Teddy sous les aisselles et le soulever.
« Merci... » Murmura-t-il en les observant retourner à la cuisinière pour préparer la fournée suivante, la tête d'Edward posée sur l'épaule du Survivant, ses cheveux quittant progressivement le noir corbeau pour prendre la couleur de la pâte à pancake dans la poêle.
Il ne s'était pas attendu à recevoir de cadeau de la part de Potter, et il doutait qu'il aurait supporté qu'il lui offre quoi que ce soit. Mais de la nourriture... C'était acceptable. Il nappa son petit déjeuner du chocolat fondu qu'il trouva dans un petit pichet au milieu de la table, et en coupa un morceau qu'il posa dans sa bouche. Très acceptable, s'il était honnête.
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Le rire d'Edward perturba sa concentration, et Draco quitta son cours de botanique des yeux pour tourner la tête vers la fenêtre entrouverte de sa chambre. Il résista environ trois secondes avant de se lever pour l'ouvrir en grand et voir son cousin arracher des fleurs violettes dans le jardin malgré les protestations d'Andromeda. Elle tenta de détourner son attention en le chatouillant, mais le garçon s'échappa, marchant allégrement dans les parterres entretenus par sa tante en riant.
Ses cheveux étaient aussi bleus que le ciel, jurant avec sa petite tunique sorcière orangée. Il ressemblait à un bonbon farceur du magasin des Weasley. Ses pieds nus semblaient couverts de terre. Draco eut un rire surpris en le voyant se jeter dans un bosquet de Plumeaux Malicieux, qui s'agitèrent autour de lui pour lui chatouiller les jambes, et il rit de plus belle en voyant Andromeda écarter les longues feuilles blanches et mouvantes, peinant à l'attraper tant elle s'esclaffait.
Il brûlait de les rejoindre pour profiter de la chaleur de l'après-midi et de leur présence, mais son plan de révisions ne lui laissait que peu de répit, et il n'avait pas encore pu rattraper son retard de la matinée. Il retourna tristement à son bureau et caressa du doigt la boîte de velours bleu marine qu'Andromeda lui avait offert, qui contenait des instruments magiques et anciens utilisés par les Médicomages et dont elle s'était servie pendant sa propre carrière. Elle avait accompagné son cadeau de deux demandes. Il devait les transmettre à Teddy, quand bien même il ne se dirigerait pas vers la médecine. Et il ne devait pas hésiter à les lui rendre, s'il choisissait de changer de voie, retirant ainsi l'énorme pression qu'il avait ressenti en ouvrant son cadeau.
Un dessin, des pancakes, un héritage pour l'accompagner sur le chemin qu'il avait choisi. Une plume s'accommodant à sa sensibilité, un refuge et aucune contrainte à être quelqu'un d'autre que lui-même, à souiller son âme pour prouver sa valeur aux mauvaises personnes.
Draco était conscient d'avoir été gâté en cadeaux au cours de sa vie. Mais ceux-là étaient sans aucun doute les plus précieux.
Les rires de Teddy et Andromeda furent momentanément couverts par une exclamation suivie d'un juron de Potter au milieu du vacarme d'une chute d'objets dans la chambre d'à côté. Il avait dû être réveillé de sa sieste par le bruit dans le jardin. Draco se demanda s'il était tombé de son lit.
Un calme relatif retomba et il réussit à se concentrer sur ses cours, jusqu'à ce qu'on toque à la porte de sa chambre.
« Oui ? »
« Je peux ouvrir ? » Fit la voix de Potter, qui semblait avoir enfin appris les bonnes manières. Draco répondit par l'affirmative en fronçant légèrement les sourcils, et regarda sa tête décoiffée apparaître dans l'encadrement de la porte.
« Je vais aller voler un peu, et j'ai un deuxième balai, si tu veux venir. »
Draco contint une grimace. La proposition était presque aussi tentante que l'idée de passer du temps avec sa tante et son cousin dans le jardin, mais il se força à secouer la tête.
« Non merci. Trop de révisions. »
Potter afficha une moue vaguement déçue, puis esquissa un sourire étroit.
« Ok. Bon courage. » Lâcha-t-il avant de refermer la porte.
Draco s'appuya contre le dossier de sa chaise avec un soupir. Il savait, pour avoir passé des étés seul dans le parc du Manoir, que jouer l'attrapeur sans compétition était vite ennuyeux, ce qui expliquait la réaction de Potter. Mais il avait plus important à faire que lui tenir compagnie. Et il savait qu'il n'avait aucune chance de le battre. Il n'avait pas volé depuis plus d'un an, et son corps était devenu bien faible avec le temps qu'il passait assis à un bureau la tête penchée sur ses cours. Et Draco jouait pour gagner.
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Draco quitta le cours supplémentaire de Médicomagie avec une migraine. Il avait passés la soirée de la veille à relire compulsivement son cours de métamorphoses à la lueur de sa baguette derrière les rideaux de son lit, et son manque de sommeil était en train de le rattraper.
Recevoir un courrier de sa mère le matin de son retour à Poudlard lui souhaitant un bon anniversaire avec un colis de friandises, comme s'il ne s'était rien passé avant Noël, l'avait fait dérailler de son programme et il ne pouvait plus se permettre de prendre du retard. Il avait choisi de sacrifier un peu de sommeil plutôt qu'un repas pour travailler, mais il commençait à se demander si cela avait été le meilleur choix à faire.
« Malfoy. » L'interpella Corner, soudainement à côté de lui. Draco sentit son sang ne faire qu'un tour et son pas ralentit, permettant au Serdaigle de le dépasser légèrement et de s'arrêter devant lui.
Il n'était pas beaucoup moins grand que lui. Ses cheveux noirs et lisses jusqu'à ses épaules et ses yeux sombres lui faisaient penser à Snape, bien que son nez soit bien moins proéminant. Seul le bleu de sa cravate lui donnait un peu de couleur, entouré qu'il était du noir de sa robe qu'il portait malgré la relative chaleur.
Il avait l'air d'une chauve-souris furieuse.
« Tu vas sérieusement étudier à Ste-Mangouste ? » Lui demanda-t-il avec hargne.
C'était le troisième cours supplémentaire qu'ils passaient dans la même classe, et il avait probablement espéré voir Draco disparaître.
« Oui. » Répondit-il le plus calmement possible.
Corner serra visiblement les dents, les muscles de sa mâchoire s'agitant sous ses pommettes. D'autres élèves les contournèrent en leur jetant des coups d'œil avant de s'éloigner, et Draco se tendit en préparation du coup, au moins psychologique, qui n'allait sans doute pas tarder à suivre.
« C'est pas assez que tu nous pourrisses la vie à Poudlard, en revenant comme si tu n'avais rien fait ? » Commença le Serdaigle entre ses dents. « Pourquoi tu ne peux pas aller te planquer dans un trou comme Parkinson et nous épargner ta présence ? » Cracha-t-il plus fort.
Draco soutint son regard, les lambeaux de sa fierté l'empêchant de baisser les yeux, mais il n'avait rien à répondre. La mâchoire contractée, il se sentit déglutir. Il vit l'épaule de Corner bouger, comme s'il s'apprêtait à le frapper, mais son bras se détendit alors qu'il soufflait par le nez comme un dragon. Il se détourna et s'éloigna d'un pas furieux, sa robe ondulant devant ses chevilles.
Draco le regarda disparaître au détour du couloir avant de laisser son corps se relâcher et ses yeux dériver vers les portraits qui murmuraient entre eux le long des murs.
C'était pour Teddy qu'il restait. Et même l'idée d'affronter la colère légitime de Corner pour toujours ne suffirait pas à le faire tourner les talons.
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Juillet 1999
Draco avisa son dortoir vide, la lueur verte des eaux du lac ondulant sur le sol de pierre nue, les rideaux émeraudes tirés jusqu'aux murs, les matelas nus et l'absence de la malle de Blaise. Il avait pensé que la fin de l'année, une fois son dernier ASPIC passé, l'aurait vu courir à toute vitesse jusqu'à la limite des protections du château pour transplaner et quitter cet endroit pour toujours. Mais il était envahi d'une profonde tristesse.
Ce n'était pas ainsi qu'il avait imaginé la fin de sa scolarité, lorsqu'il était plus jeune. Il avait cru être euphorique, entouré de ses amis, sur la route pour accomplir de grandes choses, guidé par son père pour suivre ses traces au Ministère de la magie, débarrassé par l'angoisse d'obtenir d'assez bonnes notes pour le satisfaire.
Mais il était au bord des larmes, seul, épuisé, sur une route incertaine, avec un an de retard sur son cursus à cause d'une guerre à laquelle il avait aveuglement participé pour plaire à des psychopathes, sans nouvelles d'un père qui ne lui adressait la parole que pour lui donner des ordres et le punir de ses échecs, terrassé par l'angoisse d'avancer dans l'inconnu.
Blaise ne lui avait même pas dit au revoir. Sept ans d'amitié, et il était parti sans un regard en arrière sitôt ses propres ASPICs terminés. Draco n'avait aucune idée de ce que son ami allait faire par la suite.
« Et bien mon garçon, ne restez pas là, vous allez rester enfermé sinon. » Fit la voix amusée de Slughorn, qui était apparu dans l'encadrement de la porte ouverte.
Draco se ressaisit et s'éclaircit la gorge après un discret reniflement, puis réduisit la taille et le poids de sa malle pour pouvoir la porter à la main. Il salua son Directeur de Maison et quitta sa salle commune pour la dernière fois, les rires stridents de Pansy et les blagues de Blaise aux oreilles, le calme impassible de Grégory et Vincent à l'esprit, et il serra les dents en gravissant les escaliers vers le hall d'accueil.
Il avait tellement besoin de partir, mais jamais il n'avait voulu que ce soit dans de telles conditions. Il s'arrêta en haut des marches, une boule à la gorge, ravalant ses larmes avant de se remettre en route. Il souhaita, pour la millième fois, qu'un retourneur de temps assez puissant existe pour lui permettre de changer tout ce qu'il avait fait, d'effacer ses erreurs et recommencer. Appeler Snape à l'aide. Appeler Dumbledore à l'aide. Trouver le moyen d'obtenir l'amitié de Potter avant que son père ne l'embarque vers l'obscurité.
« Monsieur Malfoy. »
Draco leva ses yeux rivés au sol vers la Directrice qui patientait à l'énorme porte du château.
« Je ne suis pas surprise que vous soyez le dernier à partir. » Sourit-elle tristement.
Il pinça les lèvres, ne faisant pas confiance à sa voix pour répondre.
« Je voulais vous voir avant votre départ, à vrai dire. » Dit-elle avant de poursuivre sous son regard interrogateur. « On m'informe que votre père attend devant le portail. »
Ses yeux s'écarquillèrent d'horreur, toute émotion oubliée pour fondre en un hurlement intérieur. Il ne pouvait pas y retourner. Il ne pouvait pas le laisser l'emmener. Il ne pouvait pas le laisser gâcher le peu qu'il avait accompli pour le forcer vers le chemin qu'il avait sans doute déjà choisi pour lui. Il fixa la Directrice, cherchant mentalement une solution pour s'enfuir, les doigts tellement serrés autour de la hanse de sa malle que ses ongles s'enfoncèrent douloureusement dans sa paume.
« Que diriez-vous d'utiliser la cheminette, pour votre dernier départ de Poudlard ? » Proposa doucement McGonagall, et son esprit éclata de soulagement, ses genoux fléchissant comme si on avait coupé les fils qui le maintenaient debout comme un pantin. Il ne chercha même pas à comprendre d'où lui venait sa bienveillance, et il hocha rapidement la tête.
« Oui, s'il-vous-plaît. » Dit-il d'une voix éraillée.
Il la suivit avec raideur le long des couloirs, en silence, le cœur battant à toute allure, brutalement rappelé à la réalité qu'il était. Que lui voulait exactement son père, plus que de le rappeler à son talon comme un chien ? Que prévoyait-il pour lui ?
« Je sais que vous vous destinez à une carrière médicale Monsieur Malfoy, ce qui me paraît un choix tout à fait convenable. » Déclara soudainement McGonagall à l'approche de son bureau. « Mais, et je dis cela sans avoir encore eu le temps de voir votre ASPIC dans ma matière, sachez que vous êtes le bienvenu si vous souhaitez revenir à Poudlard, et que je suis convaincue que vous feriez un excellent professeur de Métamorphoses. »
Elle lui glissa un regard étrange, mêlant inquiétude et clémence, qui le fit momentanément dériver de son train de pensée.
« Vous pensez vraiment que le bureau d'éducation du Ministère vous laisserait faire ça ? » Demanda-t-il avec un peu d'ironie, la gorge serrée.
Elle haussa les épaules.
« Ils sont un peu plus à l'écoute de nos exigences depuis que le bureau a été remanié. Je pense que le portrait du Professeur Dumbledore y est pour quelque chose. » Ajouta-t-elle mystérieusement, avant de prononcer le mot de passe devant la gargouille.
Ils entrèrent dans son bureau en même temps que Potter fut craché par une gerbe de flammes vertes, et Draco s'arrêta, interdit, sur le tapis persan près de la porte.
« Miner- » Commença le Survivant en complet équipement d'Auror en redressant ses lunettes, les épaules couvertes de cendres. « Oh. Salut. » Dit-il en croisant son regard.
« Qu'est-ce que tu fais là ? » Demanda-t-il au lieu de le saluer, sa surprise lui donnant un ton sec.
McGonagall agita sa baguette pour faire disparaître le désordre provoqué par l'arrivée de Potter pendant que celui-ci levait une main vers ses cheveux en semblant chercher à formuler sa réponse.
« Confidentiel, désolé. » Choisit-il finalement.
Draco étrécit les yeux dans sa direction, puis souffla discrètement, se sentant de trop au milieu des deux membres de l'Ordre du Phoenix.
« Merci Directrice. » Adressa-t-il alors à McGonagall, qui se tourna vers lui avec un petit sourire.
« Je vous en prie, Monsieur Malfoy. Gardez ma proposition en tête. »
A ses mots, Draco osa lever les yeux vers le portrait de Dumbledore, qui lui adressa un clin d'œil en soulevant une tasse de thé vers sa bouche. Terriblement mal à l'aise à la vue de l'homme qu'il avait passé un an à s'imaginer devoir tuer, et qui lui rappelait aussi l'horrible punition reçue lorsqu'il avait échoué, il détourna le regard et contourna Potter pour accéder à la cheminée.
« Vous pouvez être fier de vous, Monsieur Malfoy. » Fit doucement McGonagall en le suivant. Il se tourna vers elle, tentant de contrôler l'émotion sur son visage en entendant les mots qu'il avait toujours eu le plus désespérément besoin d'entendre, et plongea la main dans le pot de poudre de cheminette qu'elle lui tendait. « Je le suis, en tout cas. » Ajouta-t-elle, et il ferma les yeux avec le cœur serré.
« Merci. » Répéta-t-il, soulevant les paupières pour fixer ses chaussures et éviter de voir son visage et celui de Potter. « Le Chemin de Traverse. » Prononça-t-il en jetant la poudre à ses pieds.
/
Il atteignait la porte d'entrée de la maison d'Andromeda quand un crac d'apparition le fit se retourner. Potter traversa la barrière et avança à grandes enjambées sur le chemin de gravier. Sa réunion avec McGonagall n'avait pas dû durer longtemps pour qu'il transplane si peu de temps après lui.
« Alors, enfin terminé ? Comment ça s'est passé ? » Lui demanda-t-il en s'arrêtant devant lui.
« Plutôt bien. Je crois. » Répondit Draco malgré la sensation de son estomac se tordant. L'attente des résultats allait être une torture. Mais il allait enfin pouvoir consacrer plus de temps à Edward, et il savait que son cousin serait capable de détourner assez son attention pour ne plus trop y penser.
Potter sourit brièvement. Son uniforme complet était incongru dans la chaleur de l'après-midi. Draco aurait remonté les manches de sa chemise s'il n'avait pas eu de Marque des Ténèbres sur le bras.
« Je vais chez Hermione pour fêter ses ASPICs avec Ron. Tu veux venir ? »
Draco cligna plusieurs fois des yeux, perplexe. Était-il sérieux ? Il était tellement soufflé qu'il n'eut même pas l'idée de rire à l'absurdité de sa proposition.
« Heu, non. » Il haussa les sourcils. « Merci ? »
Potter leva une épaule mais n'eut pas l'air dépité.
« Tu y vas comme ça ? » Interrogea Draco en avisant son ensemble pourpre. Potter baissa les yeux vers ses vêtements puis grimaça.
« Oui, je suis de permanence. » Soupira-t-il, avant de relever un regard sérieux vers lui. Il ouvrit la bouche pour reprendre la parole mais fut interrompu par l'ouverture de la porte de la maison.
« Dadaa ! » Cria Edward alors que Draco se retournait, avant de percuter douloureusement sa jambe. Il grimaça à travers son sourire en se baissant, lâchant sa malle à ses pieds pour le soulever, toute émotion concernant Poudlard et son père se volatilisant.
« Teddyy ! » Dit-il sur le même ton en le laissant lui pincer le nez, trop heureux de l'avoir contre lui pour que quelque chose d'aussi trivial qu'un peu de douleur le perturbe.
« Déjà de retour ? » Adressa Andromeda à l'intention de Potter en tenant la porte ouverte.
« Non, je passais juste. » Répondit-il rapidement.
Passait-il juste, comme il le disait, pour lui proposer de faire la fête avec le trio sacré ? Mais qu'est-ce qui lui était donc passé par la tête ?
/
La nuque de Draco commençait à protester, ainsi penchée en avant pour accommoder les coups de baguette d'Andromeda au-dessus de ses cheveux. Elle n'avait cessé de se plaindre de sa taille depuis qu'elle avait commencé, comme s'il avait grandi de cinquante centimètres depuis la première fois qu'elle les avait coupés.
Edward était couché, Potter était toujours avec Granger et Weasley s'il n'avait pas été appelé par le Ministère, et Draco n'avait pas pu refuser les soins de sa tante malgré son immense fatigue. Il se disait que c'était peut-être sa façon à elle de lui faire des câlins. Il se força à détendre son dos et à laisser le poids de sa tête la faire descendre pour l'accommoder. Il préférait cela aux effusions hypocrites de sa mère.
Sa main sur son crâne lui donna des frissons, et il sentit son geste se suspendre. Elle lâcha sa baguette sur les genoux de Draco et il la prit par réflexe en la sentant écarter ses cheveux de ses deux mains. Avait-il des poux ?
« Draco. » Dit-elle d'une voix blanche. Ses épaules se crispèrent immédiatement, la tension dans son ton lui instillant une soudaine peur.
« Qu'est-ce qu'il y a ? » Demanda-t-il en fixant la branche de cerisier qu'il avait dans les mains.
« Tu as une rune sur le crâne. »
Il écarquilla les yeux, l'incompréhension effaçant une partie de sa panique.
« Une rune ? » Répéta-t-il. « Ce n'est pas une cicatrice ? »
Il ne souvenait pas s'être blessé à l'arrière de la tête, mais il était possible qu'il se soit fait mal étant enfant et que le souvenir lui ait échappé.
« Non. » Répondit sa tante, catégorique. Ses mains quittèrent son crâne et il se redressa pour la regarder attraper un parchemin vierge et une plume sur la table de la salle à manger avant de revenir vers lui.
« Qu'est-ce que ça veut dire ? » Interrogea-t-il avec angoisse. « Pourquoi est-ce que j'aurais une rune moi ? »
Elle ne lui répondit pas et reprit sa baguette pour faire léviter son parchemin, avant de lui faire pencher à nouveau la tête. Il la laissa faire et l'entendit écrire en écartant ses cheveux d'un pouce. Il attendit anxieusement puis accepta le dessin qu'elle lui tendit au-dessus de son épaule.
Un cercle englobait des symboles enchevêtrés dans un motif runique, une technique ancienne et complexe d'apposition de runes, sans qu'il puisse y trouver un sens.
« Qu'est-ce que ça veut dire ? » Répéta-t-il en tournant la tête vers Andromeda qui s'était assise sur le canapé à côté de lui. La panique lui avait glacé le sang et il frissonna en portant une main à l'arrière de son crâne dans un geste qu'il avait probablement fait des milliers de fois. Il ne sentait rien.
« Je ne sais pas la lire. Mais j'ai déjà vu ce genre de choses pendant mes études. » Dit-elle sombrement. « Elles sont interdites depuis longtemps. C'était utilisé par les Sang-Purs pour contrôler certaines ... compulsions chez leurs enfants. »
« Compulsions ? » S'étrangla Draco.
Qu'avaient essayé de faire ses parents ? Car le cercle runique ne pouvait provenir que d'eux, il en était persuadé. Il fut pris d'un violent dégoût et ses ongles s'enfoncèrent dans la peau de son crâne. Qu'avaient-ils voulu contrôler chez lui, en plus de tout le reste de sa vie ? Depuis combien de temps cette chose vivait sur lui ? Depuis quand était-il à leur merci sans le savoir ?
« Pour qu'ils restent vierges, notamment. »
Draco écarquilla les yeux d'horreur.
« Ou pour effacer ce qu'ils estiment être des déviances. »
Elle se leva pour lui faire baisser le poignet, et il serra le poing en la laissant faire, fixant la table basse et les jouets de Teddy qui trainaient dessus. Le choc l'empêcha de réfléchir. Il déglutit, la respiration tremblante.
« Je ne sais pas lire celle-ci, je ne saurais pas te dire ce qu'elle est censée faire. Mais je peux t'emmener à Ste-Mangouste demain pour essayer de la retirer. » Entendit-il à travers un concert d'acouphènes dans ses oreilles.
Il se leva brutalement et sortit du salon en ignorant l'appel d'Andromeda. Il grimpa les marches deux à deux, la main serrée sur la rampe alors que son choc mutait en rage. Il ouvrit la porte de sa chambre, puis sa malle, sentant sa magie filer par ses pores et faire trembler ses meubles. Sa furie le rendait aveugle et chaque livre qu'il prit qui n'était pas son dictionnaire de runes lui donna envie de hurler. Il mit enfin la main dessus et retourna dans le salon dans un état second.
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Draco pouvait sentir ses narines bouger au rythme de ses inspirations et expirations puissantes, et il se concentra sur la sensation pour tenter de garder le contrôle sur lui-même. Il avait à nouveau le menton collé au haut de son sternum, et des mains délicates sur le crâne.
Ses émotions tanguaient entre la colère et l'humiliation, qui s'ajoutaient à sa fatigue de sa semaine d'examens conjuguée à la nuit blanche qu'il venait de passer. Il avait passé de longues heures dans le canapé du salon, la tête dans les mains, à analyser ses souvenirs pour reconstituer le puzzle.
« Oh je ... Je n'avais jamais vu cette combinaison là en vrai. » Murmura la Médicomage dans son dos, et Draco grinça des dents.
« Ce qui nous intéresse surtout, c'est si vous pouvez l'enlever, Meredith. » Gronda Andromeda à côté d'elle.
Il aurait sans doute ressenti de la reconnaissance pour sa tante qui avait tenu à l'accompagner s'il n'était pas aussi furieux.
« Oui, bien sûr. Je peux la traiter comme pour faire disparaître une cicatrice. Mais je pense qu'un suivi psychomagique serait approprié, avec au moins une séance avant de retirer les runes. »
« ENLEVEZ-MOI CA ! » Hurla-t-il soudainement au-dessus du cri de surprise de la guérisseuse, dont les doigts quittèrent ses cheveux. Il sentit la main de sa tante sur son épaule tremblante et il ferma les yeux en inspirant profondément pour reprendre le contrôle.
Il n'avait pas besoin qu'on lui demande comment il se sentait, ni comment il envisageait l'avenir sans un cercle runique contrôlant sa sexualité. Il était en rage et comprenait enfin son désintérêt total pour la question qui semblait agiter ses camarades depuis des années. Il était prêt à s'arracher lui-même la peau du crâne tant il était révulsé, et qu'importe s'il découvrait par la suite qu'il était aussi homosexuel que ses parents semblaient le croire.
« Bien sûr Monsieur Malfoy. C'est vous qui voyez. » Reprit doucement la Médicomage. « Dites-moi quand vous êtes prêt. »
« Je suis prêt. » Dit-il immédiatement entre ses dents serrées, et Andromeda serra une dernière fois son épaule avant de la lâcher.
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La fatigue le fit chanceler après avoir transplané devant la maison. Andromeda le stabilisa d'une main, et il détourna le regard de son air compatissant avec un remerciement du bout des lèvres.
Il se sentait vidé de ses forces et sur le point de vomir. Le soleil de juillet l'éblouissait et un terrible mal de tête labourait ses tempes.
« Je vais chercher Teddy chez les Weasley. » L'informa Andromeda. Il inspira profondément et carra les épaules pour se donner du courage.
« Ne dites rien à Potter. » Demanda-t-il, et il fut soulagé de la voir doucement hocher la tête. « S'il le faut, dites-lui que j'avais mal à la tête, ou... » Il hésita, trop fatigué pour trouver quelque chose de plus convaincant.
« D'accord. »
Elle disparut, et il marcha à travers la pression magique qui entourait le jardin, une main sur le visage pour masser ses sourcils. La porte se déverrouilla lorsqu'il posa la main sur la poignée, et il entra dans la fraîcheur de la maison avec un soupir soulagé.
Potter n'était pas encore rentré, ce qui lui épargnait des questions à propos de leur absence à tous les trois. Il jeta un coup d'œil au salon pour vérifier qu'il n'avait rien laissé en évidence, puis traîna son corps fatigué jusqu'à son lit, où il s'endormit immédiatement malgré la porte ouverte et le désordre.
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Draco repoussa la main qui lui secouait l'épaule avec un grognement. Son corps sortit assez de son engourdissement pour qu'un flash de douleur lui rappelle son bien réel mal de tête.
« Malfoy, ça va ? »
« Dégage Zabini. » Grimaça-t-il en se tournant vers l'autre côté, où il se cogna à un mur qui n'existait pas dans son dortoir.
« Zabini ? » S'étouffa la voix de Potter. « Pourquoi c'est autant le bordel dans ta chambre ? Ta porte était ouverte. »
Draco entrouvrit un œil et le referma en réalisant où il se trouvait et pourquoi il avait une telle migraine.
« Harry, je t'ai dit qu'il avait mal à la tê- Oh. » Émit Andromeda, sa voix s'approchant. « Struo. » Prononça-t-elle pour ranger le contenu de sa malle qu'il avait vidée dans sa recherche du dictionnaire de runes. Draco n'eut pas la force de bouger autre chose qu'une main pour frotter l'endroit où son front avait percuté le mur séparant sa chambre de celle d'Edward.
« Désolé, j'ai juste trouvé bizarre que la porte soit ouverte. » Dit doucement Potter alors que ses pas l'éloignaient de lui, emportant son odeur d'orage.
« Ça va Draco ? »
« J'ai ... vraiment très mal à la tête. » Murmura-t-il, espérant faire comprendre à sa tante qu'il ne s'agissait pas du mensonge qu'il lui avait demandé de répéter.
« Je vais t'apporter quelque chose. » Dit-elle à voix basse. La porte se ferma doucement, et Draco essaya de détendre son visage pour ne pas aggraver les choses. Ses oreilles sifflaient et ses membres étaient lourds comme du plomb.
Il réussit à se redresser assez pour boire la potion tendue par Andromeda quelques minutes plus tard, puis se rendormit aussitôt.
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Draco étudia sa mine fatiguée en se brossant les dents au milieu de la nuit, après avoir passé la journée dans son lit. C'était idiot, mais il réalisa qu'il cherchait sur son visage la trace d'un quelconque changement en lui. Il se sentait aussi misérable que d'habitude. Mais la migraine était passée, lui laissant assez d'espace pour tenter de digérer sa haine et guetter une pensée, une sensation, qui lui prouverait la fin de l'action des runes.
Il n'avait pas accordé beaucoup de crédit à l'espoir qu'elles n'aient jamais fonctionné. Si son désintérêt total pour le sexe pouvait être naturel chez lui, le fait qu'il subisse un tel contrecoup après l'élimination des runes lui prouvait que son corps avait enregistré un changement. Mais lequel ?
Il cracha son dentifrice et se rinça la bouche. Il avait peur de le découvrir. Mais c'était moins effrayant que de passer sa vie avec quelque chose sur son crâne contrôlant une partie de son esprit.
Il descendit les escaliers, en pyjama dans la maison endormie, et se prépara du thé et des biscuits pour tromper un peu sa faim. Il s'installa dans le canapé du salon pour continuer à lire un roman prêté par Andromeda qu'il avait commencé des mois plus tôt sans réussir à s'y remettre. Il alluma la cheminée, plus pour l'ambiance que par sensation de froid.
Il mit longtemps à réussir à se concentrer sur les mots, tant son esprit était absorbé par ses questions. Qu'avait-il pu faire ou dire qui provoque ses parents au point de lui apposer ces runes ? Ou était-ce par précaution ? Il n'avait aucun souvenir qui pouvait expliquer la nécessité pour eux de contrôler sa sexualité. Aucun. Pas un mot ou un geste de travers. Pas même envers Pansy, alors qu'il avait grandi persuadé qu'il allait devoir finir par l'épouser.
Il tournait en rond. Il n'avait pas les réponses en lui, seuls ses parents les avaient, et il était hors de question qu'il leur adresse la parole. Il n'était pas persuadé de se contrôler assez pour ne pas leur jeter un maléfice, s'il les croisait à cet instant.
Il se pinça l'arête du nez pour tenter de freiner la nouvelle montée de colère qu'il pouvait ressentir. Il força ses yeux à lire et son cerveau à enregistrer les mots jusqu'à ce qu'ils glissent plus facilement et qu'il se laisse absorber.
Ses oreilles perçurent du bruit dans l'escalier puis dans la cuisine, et ses yeux quittèrent un instant sa page pour regarder vers la porte du salon, sans pour autant que son esprit ne fasse vraiment le lien avec le fait que quelqu'un d'autre soit réveillé à cette heure tardive.
Des pas s'arrêtèrent dans le couloir, et il tourna la tête pour voir Potter en uniforme dans l'encadrement de la porte, l'air prêt à partir.
« Ça va mieux ? » Lui demanda celui-ci.
« Oui. Merci. » Répondit Draco en jetant un coup d'œil à l'horloge sur le manteau de la cheminée. Trois heures et demie. Que faisait-il en route pour le Ministère à cette heure-là ? Il ne posa même pas la question, il savait qu'il n'obtiendrait aucune réponse.
« Contrecoup des exam' ? » Supposa Potter.
« Possible. »
Le Survivant sourit étroitement puis hocha la tête. Il tapota l'encadrement de la porte puis s'en écarta pour partir.
« A plus. » L'entendit-il dire en ouvrant la porte de la maison.
« A plus. » Répondit Draco avec malaise. Dans quel état allait-il encore revenir ?
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Draco profita de la sieste d'Edward le jour suivant pour sortir son balai et son équipement de sa malle. Il avisa son uniforme de l'équipe de Serpentard, devenu bien trop petit depuis qu'il s'en était servi pour la dernière fois en début de Sixième Année, et abandonna vite l'idée de le réajuster à sa taille. Il enfila ses vêtements les plus confortables et décolla aussitôt sorti de la maison.
Il testa les limites des protections magiques, la main levée pour toucher les enchantements qui le rendait invisible aux yeux des maisons et des villages moldus environnants, puis resta en vol stationnaire sous le soleil pour observer le paysage. Les vallées boisées étaient constellées de petits hameaux, de routes disparaissant sous les arbres, et de larges prairies. Les moutons n'étaient que des taches blanches de là où il se trouvait. Il vit quelques voitures circuler au loin, et cela lui fit réaliser qu'il n'avait jamais vécu aussi près de moldus, quand bien même il n'en avait jamais vu aucun depuis qu'il venait chez Andromeda.
Le paysage était très différent des plateaux entourant le manoir, et il avait bien moins de place pour voler, mais l'atmosphère lui sembla plus paisible. Vivante.
Draco sortit sa baguette de sa manche pour appliquer un sortilège de protection sur sa peau découverte, puis la rangea au profit du vif d'or qu'il avait coincé dans sa poche. Il l'activa et le regarda filer vers la droite puis descendre en piquet vers la maison qu'il contourna jusqu'à disparaître.
Draco avait toujours une boule de flammes furieuses sous sa cage thoracique et un goût de bile qui remontait dans sa gorge lorsqu'il pensait un peu trop fort à ce que ses parents lui avaient fait. Voler n'y changerait rien. Mais peut-être pouvait-il oublier un instant qu'il n'avait aucune idée de qui il était vraiment.
Il se coucha sur son balai et décrivit des boucles de plus en plus rapides autour du domaine jusqu'à être satisfait de son équilibre, puis se mit en chasse.
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