Chapitre 70

QingMing avait fini de faire le tour de son Domaine.

Il y avait mis trois mois.

Il fallait être honnête, la balade le laissait ambivalent.

D'un côté, elle lui avait fait du bien.

Même s'il ressemblait à une clocharde avec ses robes élimées, ses chaussures trouées et ses cheveux qui ressemblaient à un nid d'étourneaux, QingMing avait retrouvé momentanément une liberté qu'il n'avait plus connu depuis des siècles. Contrairement à ses précédentes tournées, il n'avait pas révélé aux différents seigneurs locaux quand il passait les voir. Même après avoir reniflé chaque coin de chaque région de son empire, il ne s'était pas révélé à ses seigneurs pour leur faire le débriefing de son passage. Aucun n'avait su qu'il était là ou qu'il était passé jusqu'à ce qu'un messager rapide leur apporte quelques temps plus tard le résumé de sa visite.

Si les seigneurs régionaux savaient que QingMing devait venir, ils avaient apportés tout le soin possible à briquer leurs palais là où QingMing était plus intéressé par les gens et leur vie de tous les jours. S'il avait toujours été davantage porté sur la défense de ses gens que le luxe de ses nobles, la présence de Boya auprès de lui avait donné un coup de fouet supplémentaire à son petit travers. QingMing avait toujours été possessif avec ce qui était sous sa responsabilité. Maintenant qu'il avait quelqu'un pour s'occuper de sa Capitale et du Domaine Intérieur, il pouvait étendre ses queues plus largement sur le reste de son Domaine. Pour un peu, le Seigneur Démon avait pu entendre les hurlements d'horreur de ses seigneurs. Il avait hâte de rentrer chez lui pour lire leurs réponses et leurs excuses. C'était le positif.

D'un autre côté, sa balade l'avait laissé sur les nerfs et sans repos.

Chaque jour qui s'écoulait sans son Boya le faisait un peu plus souffrir. Le renard-démon avait besoin de lui si fort qu'il était incapable de dormir sous forme humaine sans être à l'abri dans les bras de son chasseur aveugle. Il n'était pas rare qu'il rêve de son chasseur et pleurniche de son absence sans même s'en rendre compte. Son absence lui faisait mal comme une queue arrachée. Après des mois de séparation, QingMing savait que la présence de Boya près de lui n'était pas qu'un intérêt passager, une bête passade comme il en avait parfois eut dans sa jeunesse où il n'était encore qu'un fol animal à peine sortit du duvet de l'enfance et qui tombait amoureux trois fois par jour. Comme tous les renards, il avait été amoureux de l'amour. Cette période était enfuie depuis bien des siècles. Il avait attendu des éons dans l'espoir de trouver quelqu'un selon son cœur autant que ses obsessions et voilà qu'il l'avait trouvé en la personne d'un digne chasseur de démon aveugle qui avait survécut à sa condition à la force du poignet et des mâchoires. Même s'il ne pouvait lui donner de petits, QingMing en ferait son deuil si Boya restait près de lui.

Une certaine paix l'avait envahi lorsque le Seigneur Démon avait fini par accepter cette possibilité. Ils pourraient toujours adopter. Et si, par hasard, un des petits que Boya avait produit chutait un jour, ils pourraient parfaitement le prendre sous leurs ailes et leurs queues pour faire de lui l'héritier de son trône. Ce ne serait pas un petit de son sang, mais ce serait celui de sa Furen. Il s'en satisferait parfaitement.

"- SEIGNEUR ANBEI !"

"- Bonjour MiChong !"

La jeune démone lâcha un coassement d'outrage devant l'état de sa maitresse.

"- Mais... Mais... Mais vous avez vu votre état ? On dirait une souillon des forêts de l'Est!

"- J'ai été occupé ?"

"- Oui, ça on s'en serait douté ! La moitié des seigneurs régionaux font du camping devant les portes en gémissant pour vous voir !"

"- Je vais..."

"- ALLER PRENDRE UN BAIN ! ET VOUS CHANGER ! Et... MAIS VOUS AVEZ DES PUCES MA PAROLE !

"- Ho ?"

Xue TianGou s'éloigna avec un frémissement à l'idée des puces. Il en avait eu une fois dans les plumes, plus JAMAIS !

QingMing se trouva très vite chassé vers les bains par une MiChong armée d'un balai. La renarde se retrouva rapidement toute nue puis poussée dans de l'eau chaude jusqu'aux sourcils. Sa shishen n'eut aucune pitié à lui jeter à la figure un seau d'antiparasitaire puis de la récurer de loin avec son balai. Ce n'est que lorsque QingMing se mis à couiner de douleur que la jeune démone cessa de torturer son maitre. Elle fit sortir la renarde de la baignoire qui ressemblait davantage à un marigot puant qu'autre chose pour que deux unités de la Multitude vident le baquet pour le remplacer par un autre remplis d'eau chaude et propre.

Ce n'est qu'après un quatrième changement d'eau que QingMing fut déclarée assez propre pour que MiChong s'approche. Cette fois, QingMing put profiter du décrassage sans se faire arracher la couenne et les cheveux.

Il fallut par mal d'huile de coude, et d'huile tout court d'ailleurs, pour faire retrouver au nid d'étourneaux habité par une faune qui n'avait rien à y faire, la tenue que devait avoir un grand Seigneur de Domaine. Et si QingMing y perdit par mal de mèches dans la bataille, c'était entièrement sa faute.

Enroulé dans une robe épaisse en coton moelleux, une tasse de thé à la main, QingMing avait fini par pouvoir aller se cacher dans ses appartements. MiChong avait lâchement natté ses cheveux pour qu'ils ne s'emmêlent pas encore après les avoir littéralement noyés d'huile. Il faudrait que QingMing reprenne un bain avant d'aller se coucher ou il en mettrait partout mais pour l'instant, son cuir chevelu autant que sa chevelure en avaient besoin.

"- Vous êtes visitable?" Sha ShengShi souriait lorsqu'il passa la tête par la porte entre-ouverte.

Son maitre lui avait affreusement manqué. Il se rua auprès de QingMing dès que le vieux renard lui fit signe de s'approcher.

"- J'ai volé des gâteaux à la cuisine !" Xue TianGou, Kuang HuaShi, puis la Multitude rejoignirent les appartements privés de QingMing dès qu'ils furent sûr qu'ils le pouvaient sans risque.

MiChong fut la dernière à les rejoindre. Après avoir décrotté son maitre, elle avait fait subir les mêmes outrages au quatrième général qui avait suivi son maitre de loin pendant toute la balade.

"- Il boude, Seigneur. Il boude très, très fort." QingMing gloussa sans pouvoir se retenir.

"- C'est lui qui a voulu me suivre. Il n'était pas forcé ! "

"- Bah, comme s'il allait vous abandonner."

"- Tu es bien resté ici, Sha ShengShi."

"- Contraint et forcé, soyez en sûr." Le jeune démon en était d'ailleurs toujours outré.

Il s'était levé un matin et son maitre n'avait même pas attendu qu'il ait un pantalon sur les fesses. Il avait filé en douce comme un renard embarque une poule d'un poulailler. Sha ShengShi en avait été scandalisé.

Shi HuJian finit par les rejoindre, la couenne encore rouge d'avoir été frotté trop fort avec une brosse à parquet. Effectivement, il boudait. Alors il avait pris le temps d'aller voir son cadet.

Sans son maitre à surveiller, Shi Weilan passait tout son temps à s'entrainer autant qu'à se chercher une compagne. Puisque son maitre allait se reproduire, il fallait que ses propres petits soient prêt pour les servir quand le moment viendrait. Pour ça, il fallait qu'il commence par se trouver une compagne. Plusieurs marieuses de la Capitale avaient carte blanche pour lui trouver la demoiselle idéale. Les demandes du jeune assassin n'étaient pas nombreuses mais assez compliquées à satisfaire. La première était que la donzelle devait être humaine. Dans le monde des démons, ça limitait énormément le cheptel. Plusieurs des marieuses avaient bien des accords avec leurs équivalent dans le monde des humains mais les filles qui acceptaient d'aller se marier dans le monde des démons, quand bien même le fiancé était humain, étaient rares. Il était déjà assez difficile pour une jeune épousée de quitter sa famille. Quitter son monde était encore pire. Il trouverait bien sûr. Il y aurait toujours une famille un peu avare qui vendrait sa fille contre une dot correcte. Mais Weilan préfèrerait quand même une demoiselle qui viendrait de son plein grès. Il ne demandait finalement pas grand-chose, juste une épouse qui lui ferait autant de petits que possible. En échange, il s'occuperait bien d'elle, veillerait à ce qu'elle ait tout ce dont elle pourrait avoir envie, il ne la frapperait jamais ni ne lèverait jamais la voix sur elle. Weilan était réaliste. Il savait qu'il n'était pas très sain d'esprit. Si sa future épouse voulait autre chose de lui, il faudrait qu'elle lui explique clairement. S'il était un peu étrange, il n'était pas idiot. Il savait qu'il devrait prendre soin de sa femelle.

Le diner finit par laisser le petit groupe de démons repus et libres d'aller se coucher. Retrouver sa tanière froide et vide de Boya fit un coup au cœur de QingMing, si bien qu'il alla dormir dans l'aile sud de la maison. Au moins l'odeur de Boya y était-elle perceptible. Boya ne lui reprocherait pas d'avoir dormit dans ses couvertures n'est-ce pas ?

"- SHIXIONG !"

La terreur dans la voix de ses petits élèves enflamma davantage le sang de Boya dans ses veines. La chasse nocturne avait bien commencé. Elle n'était pas dangereuse. Quand avait-elle basculé vers un cauchemar ? Deux des trois séniors étaient blessés. Plusieurs des juniors aussi dont au moins un gravement.

La meute de loups-démons leur était tombé dessus sans bruit et sans prévenir, si discrètement que Boya était certain qu'il y avait quelqu'un là-dessous. Avec sa sensibilité naturelle et surtout, celle de Zhuque, ils auraient dû avoir un signe avant.

L'épée de Boya trancha en deux le loup-démon qui s'écroula sur le sol dans une cascade de sang noir. Le troisième œil du chasseur brillait de concentration. Près de lui, son second shishen avait repris une forme entièrement animale pour découper du loup sans pitié. Comme ses homologues purement animaux, il était brutal et cruel. Il arrachait les testicules, les queues et les truffes avec ses dents, labourait les ventres avec ses griffes pour laisser les blessés mourir sur le sol sans plus se soucier d'eux.

Zhuque aussi faisait un carnage. Le dieu-gardien cramait loup après loup avec un enthousiasme un peu effrayant.

Malgré le massacre, les loups étaient toujours là.

"- Il faut qu'on s'en aille !" Supplia un des séniors.

Il pissait le sang. Malgré les capacités martiales des uns et des autres, ils n'allaient pas s'en sortir. Plusieurs des shishen des enfants avaient été assez blessés pour devoir retourner se mettre à l'abri sur le plan spirituel.

Il fallait qu'ils partent de là !

"- Portail ?"

Mais aucun d'eux n'avait l'énergie. Ou simplement la capacité d'en ouvrir un. Entre le stress et la douleur, les plus jeunes paniquaient lentement, les ainés n'allaient pas tarder eux aussi. Boya jura encore.

Est-ce que lui arriverait à ouvrir un portail ?

"- ZHUQUE ! Suì ZhǐJī ! Remplacez moi !"

Il n'eut pas besoin d'en dire plus. Le phénix géant crama une volée de loups. Mais d'où pouvaient-ils venir? Boya commençait à douter qu'ils soient vraiment des loups démons. Une manifestation d'autre chose?

Le chasseur se ferma momentanément aux pleurs des enfants sous sa responsabilité.

Il connaissait la théorie. Il avait la force pour ouvrir un portail. Maintenant... Il n'avait jamais réussi. Il n'avait jamais réellement essayé non plus.

Une image très nette du grand hall du temple apparu à sa mémoire. Elle était bizarre, distordue. La vision qu'il en avait avec son troisième œil.

Boya poussa toutes ses forces dans le sigil d'ouverture. Il ne perdrait pas ses poussins !

Le portail s'ouvrit avec un gémissement. De l'autre côté, des disciples en blanc s'étaient immobilisés avec stupeur. Le portail avait plus une tête de déchirure comme si Zhuque avait donné un coup de serre dans la réalité, que du portail lisse et parfaitement rond que les autres disciples pouvaient ouvrir.

"- ALLEZ !" Rugit Boya.

Les séniors attrapèrent les enfants pour les jeter dans le portail sans ménagement. Tant pis pour les blessures. S'ils restaient là ils allaient tous mourir. Boya laissa le temps à ses shidi de passer, puis ses shishen avant de sauter dans la brèche qui se referma si vite qu'elle coupa en deux plusieurs loup-démon. Malgré tout, plusieurs réussirent à passer avec eux dont un les crocs profondément enfoncés dans la cuisse de Boya.

Les prêtres du Yin Yang avaient déjà eu le temps d'intervenir lorsque Boya détruisit la mâchoire du loup en écartant les mandibules avec les mains pour se libérer puis lui enfoncer sa dague dans le crâne. Lorsqu'il put enfin prendre le temps de souffler, les adultes du temple avaient massacré la vingtaine de loups (VINGT ?) qui avait réussi à passer avec eux.

"- GUERRISSEURS !"

"- MERDE ILS SE RECONSTITUENT !"

"- MAIS C'EST QUOI CES CAUCHEMARS !" Piailla un maitre en blanc lorsqu'il coupa un loup en deux pour la énième fois. A chaque fois, les deux moitiés du loup se relevaient pour former deux loups à part entière.

"- BRULEZ LES!" Ordonna un garde.

Zhuque ne se fit pas prier. Si les démons s'embrasaient comme de l'étoupe quand on leur enfonçait un brandon ardent dans la gorge, ils cramaient encore mieux lorsque le souffle igné de l'oiseau vermillon tombait sur eux.

Boya s'écroula enfin lorsque le dernier loup ne fut plus que cendres. Pour être bien sûr, on rassembla les cendres que Zhuque fit encore bruler jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que des scories vitrifiées au milieu de la pataugeoire qu'était devenu le grand hall. Il y avait des trous de bien un mètre de profondeur dans le sol de glace du temple maintenant. Ce n'était heureusement rien du tout. Rien qu'une nuit et quelques seaux d'eau ne puissent réparer sans la moindre trace en tout cas.

"- Tout... Tout le monde va... bien ?"

Boya était hors d'haleine.

Plusieurs de ses petits élèves vinrent se serrer contre lui. Mais pas tous.

"- Où sont les autres ?"

"- A l'Infirmerie." Le rassura un des maitres qui était venu à leur aide dès qu'ils avaient débarqués.

"- Ho... bon... très bien..." La tête lui tournait. La dépense d'énergie pour se battre, pour ouvrir le portail, l'avait épuisé.

"- Vous êtes blessé, Boya."

"- Mes poussins..

"- Ils sont tous prit en charge."

"- Mes shishen."

"- Zhuque est en train de manger une vache et Suì ZhǐJī se tape les restes.

"- Ho... Bon... Bon..."

"- Boya ?"

"- Je crois que je vais m'évanouir si ça ne gêne personne." Sa jambe pissait le sang.

"- GUERRISSEUR !" Entendit-il hurler avant de sombrer dans l'inconscience.

Yuan Tànli fixait He Shouyue avec une lueur calculatrice dans l'œil.

"- Alors, tu as pris ta décision ?"

Le jeune homme lui tendit la lettre de Boya. Il avait hésité plusieurs semaines, incertain d'avoir bien compris ce que les mots de Boya voulaient vraiment dire.

"- Si ce que Boya Daren a écrit est bien ce que je crois avoir compris, j'en serais honoré."

Tànli parut surpris. Boya avait répondu à He Shouyue ? Et le petit rascal avait réussi à obtenir sa réponse sans passer par lui? Ce fils de rien était vraiment étonnant quand il se sortait la tête de la raie des fesses. Le vieux chasseur prit le petit mot pour le parcourir. Il connaissait bien assez Boya pour comprendre les non-dits.

Lorsque Boya verrait He Shouyue la prochaine fois, le chasseur allait suffisamment casser la gueule du traitre pour laver le sol avec ses gencives puis tout serait pardonné. Pas oublié. Non. Jamais. Mais pardonné.

Une fois.

Pas deux.

Si He Shouyue se comportait avec lui en bon shidi, Boya l'accepterait comme tel sans arrière-pensée.

S'il le trahissait encore, Boya lui percerait le bide lui-même avec un crochet de boucher. Boya était un barbare dans un corps de gentleman. A moins que ce ne soit l'inverse? Bah, le résultat était le même.

"- Je vois."

Tànli quitta son coussin pour aller chercher la dague que He Shouyue avait déjà refusé une fois. Cette fois, le jeune homme la prit pour de bon.

Lorsque le vieux cultivateur posa une main sur son ventre, le nordiste hoqueta.

"- Ne me fais pas regretter mon geste."

He Shouyue du lutter pour retenir ses larmes. La chaleur délicate de sa cultivation emplie douloureusement ses veines. Il allait devoir longuement méditer et faire circuler son qi pour retrouver toutes ses sensations.

"- Merci." Souffla le nordiste, à genoux sur le sol.

"- Personne n'a besoin de savoir." Personne n'avait à savoir qu'il n'était plus un esclave, juste une propriété de Jing Yun. "Cache ta cultivation. Garde les oreilles ouvertes."

"- Oui, Shifu."

Tànli hocha la tête. Restait à voir combien de temps le gamin survivrait. Peut-être allait-il une fois de plus les surprendre? Tànli l'espérait vraiment. He Shouyue était une source intarissable d'amusement.

Boya ouvrit les yeux sur le néant, comme toujours. Un énorme soupir lui échappa alors qu'il inspirait les odeurs caractéristiques de la pièce.

"- ...Y a quelqu'un ?"

"- Comment vous sentez vous, Boya ?"

Le jeune homme censura la déception d'entendre la voix de Zhong Xing et non celle de Seimei. Ou mieux encore, celle de QingMing.

"- Fatigué."

"- Vous avez perdu beaucoup de sang très vite, mais ce n'est qu'une blessure musculaire. Quelques litres de thés et vous serez sur pied sans séquelles dans deux ou trois jours." Les guérisseurs avaient refermés la plaie à sa cuisse en utilisant leur qi pour recoudre l'artère fémorale sectionnée. Un humain serait mort en quelques secondes. "Avant que vous ne demandiez, tous vos élèves sont vivants. Le plus jeune est encore alité et gardera quelques cicatrices dans le dos et sur les épaules, mais à part de quoi prévoir le temps qu'il fera demain, il n'aura lui non plus aucune séquelle."

L'information fut un soulagement pour Boya.

"- Qu'est ce qui s'est passé ?"

"- Vous ne vous souvenez pas ?"

"- Je me rappelle les loups."

"- Vous avez réussi à ouvrir un portail assez stable pour évacuer vos shidi." Boya soupira une fois de plus. C'était déjà ça. "Deux loups ont réussi à vous suivre. A mesure qu'on les découpait en cubes, ils se sont multipliés, je n'ai jamais vu ça. Finalement, Zhuque les a réduit en cendres."

Boya hocha lentement la tête.

"- Je peux avoir quelque chose à boire ?" Zhong Xing l'aida à se redresser puis porta une tasse à ses lèvres pour l'aider à boire. "Merci"

"- Je vous en prie. Vos shidi nous ont déjà tous dit ce qu'ils savaient."

"- Je ne peux pas vous dire grand-chose. " Avoua Boya. "Nous étions tranquillement en train de nous déplacer d'un village à l'autre. Ces créatures nous sont tombés dessus sans pouvoir les percevoir." Et c'était sans doute ce qui l'irritait le plus,

"- Ce n'est guère étonnant. Ce ne sont pas des démons ou des esprits mais des constructs

"- Qui..."

"- Aucune idée."

JingYun ? L'Empire ? Autre chose ? Ça pouvait même être des démons du Domaine de QingMing qui n'appréciaient pas sa présence ou des diplomates d'autres domaines qui voyaient dans sa disparition une méthode aisée pour déstabiliser QingMing.

"- En attendant qu'on en sache plus..."

"- Je ne peux pas quitter le temple, c'est ça."

"- Je suis désolé, Boya."

Le jeune homme secoua la tête.

"- Seimei est là ?"

"- Je ne l'ai pas vu depuis des semaines mais je peux le faire prévenir que vous voulez le voir."

"- S'il vous plaît."

Sans QingMing, Seimei était la présence la plus rassurante pour lui. Sans grande surprise n'est-ce pas ?

"- Vous avez encore besoin de repos, Boya." Zhong Xing l'aida à boire encore un peu de thé puis laissa entrer les shidi du jeune homme.

Les enfants se roulèrent en boule autour de lui, encore choqués par l'attaque qu'ils avaient subis. Boya rassembla ses poussins autour de lui avec soulagement. Même s'il en manquait un qui était encore allongé sur l'un des autres lits de l'infirmerie, il était heureux d'avoir ses petits près de lui.

QingMing allait... Mais QingMing n'était pas la mère des enfants et lui n'était pas leur père malgré ce que lui hurlait son instinct. Boya se rencogna un peu plus sur son lit. S'il avait eu des ailes comme Zhuque, il les aurait ouvertes pour les en couvrir.

L'Empereur avait convoqué une fois de plus JingYun.

Après la menace sur son petit-fils, il était hors de question qu'il passe quoi que ce soit au temple.

Il avait fait convoquer uniquement le chef de secte cette fois. Le vieil homme n'était pas rassuré quand il entra dans la salle du trône.

Il se prosterna devant l'Empereur.

"- Je vous avais donné un ordre. Un seul. Celui d'abandonner votre vendetta contre votre ancien premier disciple."

"- Majesté..."

Un douloureux coup de bâton lui tomba entre les omoplates.

Incrédule, le chef de secte leva les yeux sur le général qui le fixait froidement.

"- J'ai eu la visite d'un serviteur du renard démon qui règne au nord de l'Empire." Continua l'Empereur. Le chef de secte avala sa salive. "Je n'aurais aucun problème à sacrifier JingYun pour le trône. Alors rappelez vos chiens courants."

"- Majesté."

Un second coup de bâton bien plus fort le jeta cette fois par terre.

"- Je ne veux entendre qu'une abjecte obéissance sortir de votre bouche" Siffla encore l'Empereur.

Le chef de secte se remis péniblement à genoux. Comment un simple humain pouvait-il avoir la force de lui faire à ce point mal ?

Les yeux du général brillèrent jaune une seconde. Ce n'était pas un humain qui le fixait avec froideur mais un démon parfaitement camouflé. Un serviteur du renard du nord ? Le nordiste lui-même ? Le chef de JingYun dut retenir un lourd tremblement.

"- A vos ordre majesté."

Il ne savait pas comment il allait réussir à rappeler l'élevage d'assassins qu'il avait lancé après Boya mais cette fois, il n'avait pas le choix.

L'Empereur fit signe au général d'évacuer le chef de JingYun. Le vieux cultivateur se sentit soulevé par le col par l'homme et trainé dehors. Encore une fois, la force du pseudo militaire était trop grande. Le général le jeta du haut des marches dans la cour tout en bas de la salle de réception du palais. Le chef de JingYun était humilié comme il ne l'avait jamais été. Personne ne riait, personne ne souriait, mais il sentait l'amusement des serviteurs, des nobles et des gardes qui venaient d'assister à sa punition.

Le chef de secte se vengerait.

Il ne savait pas comment mais il se vengerait. Le général retourna à ses appartements.

L'humain dormait sur son lit, un talisman de sommeil sur le front.

Seimei retira le bout de papier après avoir repris sa vraie forme. Il ouvrit un portail et quitta le Palais. Au moins, l'Empereur aurait fait ce qu'on attendait de lui.

Dès qu'il mis les pieds au Yin Yang, des disciples lui tombèrent dessus. Boya était à l'infirmerie et le réclamait.

Le vieux cultivateur releva le bas de ses robes pour courir auprès du jeune homme.

Qu'est ce qui lui était arrivé ?

A mesure qu'on lui expliqua, il se fit de plus en plus sombre

QingMing était sur le pied de guerre. Quelqu'un avait tenté de tuer son Boya. Il ne pouvait pas laisser passer ça. Comment le savait-il ? Il le savait c'était tout ce qui comptait.

Il aurait dû être près de lui mais ne le pouvait pas. Être auprès de Boya aurait été avouer qu'il le surveillait depuis le début. Non, c'était impossible.

Trouver le responsable par contre...

Il n'y avait pas cinquante démons capables de produire des invocations comme celles qui avaient attaqué Boya et ses shidi. Quant à la raison de l'attaque ? De la basse politique intérieure. Comme Boya l'avait imaginé, ce n'était qu'une tentative de l'affaiblir. Ce n'était pas vraiment contre Boya. C'était surtout contre QingMing. Boya ou un autre... n'importe qui aurait pris à sa place. Il fit convoquer Weilan et quelques membres de la famille Shi.

Autant dire que l'annonce de l'attaque subie par Boya scandalisa tout le monde.

Weilan était furieux. Il aurait dû être auprès de son maître ! Pas à l'attendre sans rien faire. La folie dans son regard était si forte, l'obsession tellement brûlante, que QingMing faillit lui donner l'autorisation de rejoindre le jeune homme. Seule la raison le retint. S'il le faisait, Weilan tuerait quiconque se placerait entre lui et Boya.

"- Je vous ai demandé de venir pour porter assistance à Anbei Furen."

La dizaine d'assassins avaient déjà les mains sur leurs armes. Ils s'étaient tous attachés à l'aveugle.

"- Quelqu'un a envoyé des constructs démoniaques après lui et ses shidi. Trouvez le responsable. Tuez le." L'ordre était minime. Il n'y avait pas besoin de plus.

QingMing savait être sans pitié quand il le fallait.

Les assassins eurent le même sourire en coin. Il y avait longtemps qu'ils n'avaient pas eu de mission de chasse à l'homme. Ça leur plaisait toujours.

"- A vos ordres, Seigneur Anbei."

Le renard-démon hocha la tête. Il n'avait pas à se soucier davantage du futur cadavre qui avait voulu faire du mal à son Boya. Le coupable ne le savait pas encore, mais il était déjà mort. Les chiens courant de QingMing étaient en chasse et ils étaient infatigables.