Hey !
On est dimanche, alors voilà un nouveau chapitre ! J'avance toujours aussi bien de mon côté, à ce rythme j'aurai fini la première partie de l'histoire pendant pour le camp nano d'Avril. On y croit !
TW en fin de page !
Encore et toujours merci à Ya pour sa correction !
Bonne lecture !
Premiers pas
Asra
.
Il y a du bruit dans la cuisine. Des pas en boucle, une conversation. Des mots qu'Asra entend de loin alors qu'il enlève ses chaussures dans l'entrée. Il se débarrasse de son écharpe autour de la rampe des escaliers et s'avance au salon, l'oreille tendue.
— Je sais pas. Les médecins changent d'avis tous les quatre matins.
C'est sa mère. Evidemment, puisque son père est encore en déplacement. Toujours, du dimanche au mercredi soir. Il donne des cours à la fac, à plus de deux cents kilomètres d'ici. Asra a l'habitude des fantômes d'absence qu'il laisse.
— Ils t'ont dit quoi ?
Il déglutit. Cette conversation, il ne devrait pas l'entendre.
— Peut-être. Elle m'a parlé des métastases.
Mais c'est plus fort que lui. Sa curiosité le pousse contre la porte.
— J'ai peur.
Son ventre se noue. Elle parle de Moui, il sait.
Il se presse contre le mur.
— Je monterai quand Salim sera rentré. Je prendrai un arrêt s'il faut.
Asra inspire. Il l'entend qui marche encore dans la cuisine, mais sa tête se brouille et flotte. Les mots perdent de leur sens. Métastase, ça sonne comme un truc grave. C'est moche. Il ne veut pas comprendre ce qui se cache derrière ce mot, mais il se doute. Il sait, pour le cancer de Moui. Ce parasite qui lui fait faire des allers retours à l'hôpital depuis un an.
Il prend son sac contre lui.
Son père lui a assuré que tout irait bien. Que la maladie était sous contrôle. Mais c'était il y a des mois et son père, il n'est pas là.
Ses mains lui semblent froides et chaudes en même temps. Ses joues aussi. Son torse. Asra monte les escaliers sans faire attention. Il passe le rideau de perles qui lui sert de porte et il s'étale sur son lit. Froid, aussi. Des draps roulés en boule qu'il ne prend jamais la peine de faire le matin.
Il sort son portable.
[T'es rentré ?]
Le texto s'envoie. Cinq minutes après, Muriel n'a toujours pas répondu. Il est sans doute occupé, la tête prise par un jeu qu'il adore. A moins qu'il ne planche sur le commentaire de texte qu'on leur a filé en français. Asra devait s'y mettre, d'ailleurs. Le français, il ne peut pas faire l'impasse dessus s'il veut une place en L. Mais il a la tête pleine de buée. Son sujet sorti, il doit relire trois fois la première phrase pour la comprendre. Définitivement, c'est mort pour les révisions.
Il jette un coup d'œil vers ses livres empilés au coin de sa table. Celui sur l'astrologie, le guide de tarot et, au sommet, son carnet de dessin. Le plus récent.
En soit, il lui reste une semaine pour le commentaire. Il doit le rendre lundi prochain, et il aura tout le week-end pour travailler dessus. Ça peut attendre. Il a bien des exercices d'anglais pour demain, mais il aura le temps de copier sur Muriel entre deux cours. Et les maths, il s'en fout.
La conscience à moitié tranquille, il abandonne son sac dans un coin de la pièce et il attrape son carnet. Ses dernières esquisses tournent autour d'un prototype de tarot. Une idée qu'il a eu au début de l'été, pour occuper les journées trop longues.
Il jette un coup d'œil à la liste qu'il a dressée. Soixante dix-huit cartes. Pour l'instant, il a fixé le design d'une dizaine d'entre elles. C'est toujours un choix difficile que de trouver quelque chose qui lui convienne et s'accorde au sens que les cartes portent. Il a du mal à se fixer.
Son stylo traîne le long de sa feuille comme la main du hasard.
Les étoiles.
La grande prêtresse.
Le pendu.
Il s'arrête sur la dernière. Son téléphone vibre.
Asra l'attrape aussitôt et guette le nom de Muriel à l'écran. Mais non. C'est juste un message automatique de son opérateur. En revanche, il a une notification Facebook. Une demande en ami.
Un sourire curieux le prend alors qu'il reconnaît le nom qui s'affiche. Julian Devorak. Devorak ? C'est vraiment son nom de famille ?
Il accepte, sa curiosité éveillée.
[Hey ! C'est Julian ! On a discuté au club d'audiovisuel la semaine dernière, je sais pas si tu te souviens.]
Ça fait six jours, bien sûr qu'il se souvient de ce grand oiseau tout de noir vêtu. Même, il l'entend parler juste à le lire, avec cette voix pleine d'énergie et ses bras remuants qui s'activent autour de lui. Un drôle de phénomène dont la compagnie ne lui a pas déplu.
Il l'avait déjà aperçu à la sortie du lycée. Dur de le rater, il est toujours planté avec sa clope et son ami, leurs chaînes suspendues le long de leurs vêtements.
[Je me souviens ! ৭(◕◡◕)
Comment ça va ?]
Il envoie son message, puis il fait défiler sa page Facebook. Ses photos n'ont rien de particulièrement surprenant. C'est toujours lui, habillé comme au jugement dernier. Son pote se tient parfois près de lui, et le contraste entre leurs peaux est d'autant plus flagrant sur ces images. Celle de Julian est plus blanche qu'un cachet d'aspirine, son nez piqué de petites tâches rousses.
[Crevé ! On devrait pas avoir autant de taf en début d'année.]
[A ce point ? Tu t'en sors ?]
[Ouais. Après c'est des maths, c'est vite fait mais les commentaires de philo prennent mille ans.
Après j'ai l'habitude. J'ai pris de l'avance sur le programme cet été.]
Question goût, Asra passe sans s'attarder. La majorité des groupes, films et autres joyeusetés que les gens aiment sur Facebook, ils les ont renseignés à l'inscription. Ce sont de vieilles infos qu'ils ne prennent pas le temps de changer - lui le premier. Mais il note quand même la présence de Pirate des Caraïbes et de My chemical romance dans les mentions. Three days grace ? Il ne connaît pas. Curieux, il va chercher une playlist sur Youtube.
[Sérieusement ?w(°o°)w]
[C'est si étonnant ?]
[C'est la première fois que je vois quelqu'un faire ça. Le programme est si lourd en S ?]
Les Simpsons ? Typiquement le genre de truc qui aurait dû dégager depuis longtemps. Comme lui avec Twilight.
Enfin, ça, c'est ce qu'il dit quand on lui pose la question.
[Assez, mais c'est surtout pour moi. Je veux avoir le meilleur dossier possible.]
Dossier ? Ça lui parle, vaguement. Les profs ont évoqué le sujet en cours. Mais il n'écoutait que d'une oreille. Et encore, une oreille distraite. Il ne sait même pas ce qu'il veut faire plus tard.
[Tu veux faire une grande école ?]
Qu'est-ce qu'il pourrait vouloir étudier l'année prochaine ? Le cinéma ? Si ça se trouve, c'est pour ça qu'il participe au club d'audiovisuel.
[Plutôt en prépa. Mais j'hésite encore avec la fac de médecine.]
Ah, oui. Ils n'ont clairement pas les mêmes projets de vie. Asra ne compte pas sacrifier des années de sa vie aux études - il ne tiendrait pas, de toute façon.
Pensif, il gribouille sur son carnet entre deux chansons. Jette un coup d'œil à la photo de profil de Julian.
[T'es déterminé ! T'en auras pour un moment avec la médecine, non (•.• )?]
[C'est pour ça que je m'habitue dès maintenant ;^). C'est serré, mais ça fait des années que je veux étudier la médecine.]
[Ah, c'est un peu un rêve d'enfant du coup ?]
[Pas vraiment. Mon rêve d'enfant, c'était de devenir pirate.
(C'est toujours mon voeux numéro un, mais y a pas d'école de piraterie dans le coin)]
Asra rit. Des grelots s'agitent au fond de sa gorge alors qu'il enfouit sa tête entre ses bras. Pirate. Bien. Il doute effectivement de la qualité des cursus autour de cette voie, mais il imagine facilement Julian debout sur son bateau, enveloppé de l'air iodé qui accompagne les longs voyages en mer. Il galoperait d'un bout à l'autre du bateau, intenable. Un marin idéal.
[Et médecin pirate, c'est pas possible ?]
[Ahah, j'adorerai]
Ils discutent un moment. Et entre deux messages, Asra trace un bec sur sa feuille. Une forme ovale, un plumage noir. Il n'est pas encore au point avec les animaux mais, avec un peu de persévérance et quelques croquis d'observation, il devrait s'en sortir.
Le premier rendu est brouillon, pas satisfaisant. Mais c'est un début.
— Asra !
Il sort brusquement de son monde. Soudain la chambre existe. Le bruit de la machine à laver lui parvient, et il prend conscience des murs autour de lui, des couleurs ternies par le soir et la lumière sale d'une lampe de chevet. Le bois laqué de la table. le froid d'une chambre qu'il n'a pas chauffée.
Il caresse le papier granuleux de son carnet, la surface sèche qui s'oppose à ses doigts.
— J'arrive !
Vu l'heure, sa mère l'appelle sans doute pour qu'il vienne mettre la table. Ça ne sent pas encore la nourriture, mais ça ne va pas tarder. Il connaît par cœur les effluves qui envahissent le salon quand elle s'enferme dans la cuisine.
Un dernier coup d'œil vers son téléphone. Il s'approche et regarde la petite lumière en haut de l'écran.
[Il n'y a pas de 4eme film. C'était une hallucination collective.]
Asra sourit. Il caresse l'écran du pouce.
[Ahah. Il est si terrible que ça ?
Je dois aller manger, je file !
Au plaisir de reparler avec vous, Capitaine Devorak ~('▽^人)]
Il abandonne là l'objet et ses trésors de dessin, et il descend les escaliers pour rejoindre sa mère, des nuages plein le ventre.
— Je m'occupe de la table !
— Merci.
S'il reste des tensions dans sa voix, il la sent qui se détend alors qu'il entre au salon. Sur le canapé, elle plie quelques vêtements qu'il croit d'abord sortir du garage, où le linge sèche continuellement.
Mais il remarque la valise près du lit.
Il déglutit.
— Asra ?
Il attrape deux assiettes dans le placard, entouré d'une odeur de légumes frétillants.
— Oui ?
Deux couteaux au cœur de sa paume.
— Je dois monter chez tatie demain.
Avant que son père rentre, donc. Bien.
— Pas de soucis.
— Tu as des restes dans le frigo. J'irai faire des courses avant de partir, dis-moi s'il te faut quelque chose.
Il force un sourire désaccordé. Le frigo est assez plein comme ça. Il n'y a rien qu'il veuille que sa mère puisse lui acheter, et ce n'est certainement pas la nourriture qui comblera le vide qui se creuse en lui.
Mais ça ne l'empêche pas de manger copieusement, ce soir.
[TW : Maladie/Cancer]
(Je précise, mais Moui, c'est l'équivalent du terme Mamie pour désigner la grand-mère d'Asra. Je me base sur le vocabulaire qu'on utilise chez moi pour cette fanfic)
Voilà ! L'histoire se dessine tout doucement. Ça reste de la tranche de vie de lycéens pour l'instant, mais j'espère que ça vous plait.
A la semaine prochaine !
