Hey !

Et un nouveau chapitre du point de vue de Julian. En vrai j'avance tellement sur l'écriture que j'hésite à poster deux chapitres par semaine. Je vais voir où j'en suis de mon plan mais si je termine la première partie assez vite, je ferai peut-être ça. Ou j'en profiterai pour faire cette version Asrian de la reversed end d'Asra qui me trotte en tête.

Encore merci à Ya pour sa relecture, et bonne lecture à celleux qui passent dans le coin !


Premiers pas

Julian

.

Julian entre, du froid plein les bras. Il frissonne contre la chaleur de l'appartement. Ok, sortir sans manteau, mauvaise idée. Septembre est proche de sa fin, il ferait mieux de sortir ses manteaux du placard. Mais ça, il y réfléchira demain avant d'attraper le bus et-

Non, demain c'est samedi. C'est vrai. Demain, dodo et révisions intensives.

Ravi de ce constat, Julian dégage ses rangers d'un coup de talon avant de s'avancer au salon.

— Oui oui, bien sûr, je m'occupe de tout. Ne t'en fais pas pour cette histoire de- Oh, attends une minute, Ilya viens de rentrer ! Ilya ?

S'il voulait se glisser dans sa chambre sans se faire prendre, c'est foutu.

— Oui ?

A contre cœur, Julian se tourne et adresse un sourire tordu à la femme qui se tient au milieu du salon, richement habillée. Sa tante.

Elle a des cheveux aussi roux que ceux de Pasha, les boucles anarchiques de leur famille. Une sortie de masse en spirales qu'ils se transmettent de génération en génération. Il est le seul dont la tignasse s'est assombrie avec le temps - mais elle n'en reste pas moins sauvage.

Habillée d'un manteau plus lourd que lui, elle ne cesse d'agiter son poignet où tintent deux bracelets dont il préfère ne pas découvrir le prix.

— Ta journée s'est bien passée, mon chat ?

— Comme une journée de cours.

Elle rit. Il grimace. Ça sonne toujours faux, même quand elle est sincère.

— J'ai fait les courses ce matin. Va te chercher quelque chose à grignoter au salon, tu dois mourir de faim !

Pas vraiment. Mais si Julian n'a pas faim, il est gourmand, et il a besoin d'une excuse pour s'éclipser au plus vite.

— Merci tata !

Il file sans demander son reste. Dans la cuisine, un soulagement bienvenu l'envahit.

Ce n'est pas qu'il n'aime pas sa tante, non. C'est quelqu'un de bien. Ça fait des années qu'elle s'occupe de lui et de sa sœur. Mais il a toujours eu du mal avec ses rires puissants, ses regards plissés et toute cette richesse qu'elle affiche, alors qu'elle peine à combler les fins de mois. Ce fantasme d'une classe riche à laquelle elle n'appartient pas, il ne le comprend pas.

Il l'aime, pourtant. Mais de loin. Comme tous les ados avec leurs parents, sûrement.

Il fouille le placard à hauteur de sa tête, attrape deux barres de céréales, et il file dans sa chambre sans demander son reste. La piaule n'est pas bien grande, pas minuscule non plus. C'est toujours mieux que la chambre étudiante qu'il aura l'an prochain. Neuf mètres carrés, on lui a raconté. Une petite prison pour réviser, avec deux plaques pour se faire à manger et une salle de bain aussi étroite qu- Non, même en pensées, il préfère éviter cette comparaison.

Un coup de croc, et Julian attrape son sac. Il sort ses feuilles, sa trousse, son agenda. Les devoirs, il les aura vite terminés. C'est l'affaire d'une heure. Mais s'il veut s'en sortir, il faut qu'il prenne de l'avance sur le programme. Il fait un exercice, deux, tous. Raye ligne après ligne ce que les profs lui ont fait noter.

— Ilya !

Il vient d'éliminer la dernière, quand Pasha tape à sa porte.

— J'suis occupé !

— Ouais, bonjour aussi !

Bonj- Oh merde. Ils ne se sont pas croisés ce matin, c'est vrai. Oh, quel grand frère pourri. Il aurait dû passer lui ébouriffer la tignasse avant de s'enfermer.

— On dit bonsoir, à cette heure !

— C'est ça, change de sujet !

— Techniquement, il n'y avait pas de sujet de-

— Ilya !

Un sourire en coin. Pasha tape contre sa porte sans s'inquiéter d'effrayer les voisins. Un vrai petit démon. Il abandonne son stylo pour aller lui ouvrir.

— On me demande ?

— T'avais dis que tu m'aiderais, pour les maths !

— Mm, j'ai dis ça moi ?

Oui. Hier. Entre deux gnocchis devant une émission que leur tante regarde toujours à l'heure de la bouffe. Oh, oh non. Grand frère nul fois deux. Il est irrécupérable.

— Je suis un homme occupé, il la taquine. Tu parles à un futur médecin.

— Ouais, passe d'abord ton bac et on en reparlera.

Elle croise ses bras, plisse les yeux. C'est adorable, et Julian ne peut définitivement rien lui refuser quand elle fait ça.

— Je devrais pouvoir trouver un créneau dans mon emploi du temps, il lâche.

Le coup de coude qui suit tape dans son ventre et- merde, depuis quand Pasha a autant de force ? Elle est aussi grosse qu'il est nouillasse, mais quand même, wow. Cette force. Il agite sa main en signe d'abandon.

Elle rit, et il se sent à moitié pardonné.

— Ok, ok. Montre moi la consigne, je vais t'expliquer.

Ça ne dure pas longtemps. Enfin, ça ne devrait pas, mais il reste et surveille les chiffres que Pasha aligne. Elle a toujours eu du mal avec ça, les chiffres. Ils se mélangent dans sa tête - les lettres aussi, d'ailleurs. Elle a besoin d'un cadre pour la guider, d'un œil derrière elle. Alors il veille, il explique, et il fait les quatre cent pas dans sa chambre.

— Tu vas faire un trou dans le sol si tu continues à marcher.

— Tant mieux. Ça fera les pieds au connard du deuxième.

Elle glousse. Le connard en question, il joue du saxophone à une heure du matin. Ça devrait être illégal - et ça l'est sûrement - mais personne n'ose se plaindre. Il faut dire, c'est un des rares résidents plus grand que Julian.

Plus costaud, aussi.

— Tu crois qu'il entend, si je fais ça ?

Et il donne un grand coup de talon. Puis un autre.

Pasha se mord la lèvre.

C'était un de leur jeu préféré, ça. Faire chier le connard de voisin. Et il vient se plaindre, lui. Il monte taper à la porte alors que leur tante est en train de faire son brushing. Elle le recadre son sèche-cheveux à la main, un spectacle magnifique. Puis elle vient les réprimander en deux mots, et ça sonne comme un encouragement.

— Y a un problème avec ta fraction, là.

Il lui explique patiemment jusqu'à ce qu'arrive l'heure du repas. Repas que Julian avale en deux cuillères avant de filer terminer ses exercices supplémentaires. Il se colle au bureau café en main et il attrape un cahier. Il faudra aussi qu'il prenne de l'avance sur le programme de médecine s'il s'arrête sur ce choix, et…

Au coin de la table, son téléphone vibre soudain.

Est-ce que… Oh. Il espère. Julian est souvent déçu quand il espère. Mais pas cette fois.

[Hey ! Tu dors ?]

Un message d'Asra.

[Non ! Et toi ?]

[A ton avis ?

(u.u)...zzZ]

[A mon avis, les sorcières peuvent envoyer des textos depuis leur sommeil. Quand elles sont en transe]

[On emporte pas son téléphone en transe. Et les trans et le sommeil sont deux choses différentes]

Il rit. Wow. Asra est réceptif à son humour minable. C'est rare. Assez rare pour être souligné. Il va tomber amoureux, si ça continue. Ce serait une catastrophe, parce qu'il n'a vraiment pas le temps pour une relation avec le bac qui approche. Puis après il sera en médecine, ou en prépa, et…

[Donc tu es réveillé ?]

[Gagné]

Il est réveillé. Et il a pensé à lui, plutôt que d'envoyer un texto à Muriel. Ou peut-être qu'il parle aussi à Muriel ? Ou alors Muriel ne lui répond pas, et il s'est rabattu sur le second choix. Est-ce que Julian est un second choix ? Ça le déçoit autant que ça le rassure.

[Tu voulais quelque chose ?]

[Juste discuter \(◕◡◕)/]

Julian surveille son réveil. Vingt-deux heures trente. Il devrait réviser - plus qu'il ne l'a déjà fait. Mais il pourrait aussi se rouler sur le lit en attendant les messages d'Asra. Un mélange des deux ? Il fouille dans son sac à la recherche des fiches qu'il a fait entre deux cours. Enfoncé dans un matelas simple, ses jambes étendues sur sa couette, il relit les lignes qu'il a gribouillées.

[Tu sais qu'ils ont prévu un Pirate des Caraïbe 5 ?]

Il écarquille les yeux. Oh, le fourbe.

[NON.
Je sais, mais NON.]

[(¬‿¬ )]

[Arrête]

[(•ɛ •) ]

[Plus sérieusement, tu sais ce que tu vas choisir pour les groupes du club, mardi prochain ?

Tu restes chez les acteurs cette année ?]

[Je ne suis pas en mesure de réfléchir à ça après ce que tu viens de dire.]

[J'ai trouvé une bande d'annonce]

[Je reste chez les acteurs.]

[Autant pour moi, c'est un fanmade]

Il rit. Ok. Bon, il faut qu'il se concentre sur ses fiches.

[( ・ ᗜ ・ )ᕤ]

[Et toi ? Costumes et décor ?]

[Oui !]

[Tu vas pouvoir m'habiller ;^) ]

Est-ce qu'il vient vraiment de lui envoyer ça ? Oh non. Asra ne va pas le prendre de travers, hein ?

[Tu sais que c'est un smiley de vieux quand même ?]

[De quoi ? ;^) ?]

[Oui.

Tu n'as légalement pas le droit de mettre un nez sur ton smiley si tu as moins de 40 ans.]

Julian siffle. Ça, c'est un coup bas. Puis c'est sa marque de fabrique avec nez pointu. Il aime bien le côté mesquin.

Est-ce qu'Asra lui parle de ses smileys pour éviter de répondre à cet horrible message qu'il lui a envoyé ? Oh non. C'est gênant. Très gênant.

[Je suis un vieux infiltré au lycée. Bravo, tu m'as démasqué.

(Et vieux à 40 ans, exagère pas. On est même pas sur un demi siècle)]

[Au lycée ? Y a quoi à espionner (•ิ_•ิ)?

(Pas faux.)]

[Secret défense. Je peux pas en parler. C'est pour ton bien, ça te mettrait en danger.]

Sa feuille glisse sur les draps et les mots coulent entre eux. Chaque fois que Julian pose son portable, son regard passe entre l'écran noir et le plafond terne de sa chambre. Le volet qu'il ne ferme jamais fait des ombres d'or partout. Il se tord le cou, mais d'ici, impossible d'apercevoir le monde extérieur. Un de ses plus grands regrets. Cette chambre est chouette, mais elle lui donne l'impression d'être loin de tout. Petite et mal agencée. Pasha a eu la meilleure piaule - et il ne la lui prendrait pour rien au monde.

Ça clignote. Il chope son portable.

[Et je risque quoi, si je découvre ton secret ?]

[Tu pourrais te faire enlever. Ou alors on t'effacerait la mémoire. A moins qu'on ne t'efface carrément du plan de l'existence.

Ne prenons pas de risque.]

[ Σ(o_O)]

Il fait des cercles du bout du pouce. Hésite.

[(Je serais triste que tu te fasses effacer du plan de l'existence)]

[Je n'en doute pas, mais tu ne pourrais pas être triste, puisque tu ne te souviendras pas de moi.]

[Alors j'aurais le sentiment d'être triste tout le temps. Comme si j'avais perdu quelque chose d'important sans le savoir.]

Il en fait des tonnes. C'est sa spécialité, s'emballer tout seul. Oh, si Anged le voyait… Il écendrerait sa clope en soupirant, avec ce sourire savant. Celui qu'il a quand il le voit s'emballer, parce que Julian s'emballe toujours trop vite. Ça fait quoi, deux semaines qu'il connaît Asra ? Mais la promesse de ses réponses le rend déjà impatient.

Et ses révisions… Oh, merde. Tant pis pour ce soir. Il peut bien s'autoriser un soir off.

[Ça ferait une chouette idée de scénario ça, tu ne trouves pas ?]

Il relit deux fois le message, avant de rire.

[Dommage qu'on n'intègre pas l'équipe des scénaristes.

Muriel veut en faire partie non ? Tu pourrais lui glisser l'idée.]

[Il va choisir le montage, finalement !

Mais Star compte la rejoindre, on pourra toujours lui proposer (。•̀ᴗ-)✧]

Star, Star… Julian cogite, il cherche et- Ah ! C'est la fille encore plus rousse que Pasha, Première L, deuxième année au club d'audiovisuel. C'est vrai qu'il ont déjà discuté l'année dernière, et… Donc, Asra lui parle ? Oh. Elle est vraiment mignonne maintenant qu'il y pense. Est-ce qu'il pense la même chose ? Mon dieu. Si ça se trouve, il est hétéro. Genre, strictement hétéro. Julian ravale une déception salée à cette idée qu'il n'avait jusqu'alors pas envisagée. Asra a l'air tellement… Entre ses bracelets, ses vêtements pleins de couleur et cette manière qu'il a de tenir la main de Muriel …

Est-ce qu'Asra parle avec Star jusqu'à minuit ?

Et voilà. Il a envie de se rouler en boule.

[Cool ! Ça pourrait donner un court métrage original. T'as son numéro ?]

[Du tout 乁( •_• )ㄏ. Et toi ?]

Parfait. Il a encore une chance. Sauf si Asra est effectivement hétéro. Oh, même s'il était gay, il n'aurait pas forcément envie de sortir avec lui. Il faut qu'il se calme. Pour l'instant, le garçon bohème est un bon pote. C'est déjà bien. Il ne va pas tout gâcher maintenant. Julian est nul pour les relations longues, de toute façon. Il panique à chaque fois.

[Non plus. On aura qu'à lui en parler mardi, quand les groupes seront faits.]

Il attend. Roule sur le lit trop petit , la tête au milieu de ses bras croisés. Pas de réponse. Minuit trois, dit le téléphone. Son réveil va sonner à sept heures moins dix. Et celui d'Asra ? Il a cru comprendre qu'il prenait le bus pour aller au lycée. Ça implique de se lever tôt, non ? A quelle heure est-ce qu'il quitte la maison ? Est-ce qu'il se lève avant lui ? Ça va lui faire une nuit courte, non ? Le pauvre. Il aurait dû le laisser dormir.

Et en même temps, il est content d'avoir pu lui parler. Content heureux. Il se mord la lèvre.

Plus de messages. Asra doit dormir. Cinq minutes sans réponses, puis six. Il ne lui a pas dit bonne nuit. Est-ce qu'il s'est endormi en lui parlant ?

Julian sourit.

Définitivement, Anged pourra se foutre de sa gueule.


Voilà. Ils sont un peu mignons pour l'instant. Et Star vient de l'arcane majeur The Star.

Sur ce je m'en retourne terminer la route de Muriel en priant pour voir Asra et Julian flirter.

A la semaine prochaine !