Bon anniversaire Kuro !

Le début va sans doute te rappeler quelque chose, mais quand j'ai réfléchi à l'angle que je voulais pour cette histoire, j'aimais bien cette façon de l'introduire :)

J'espère que la fic te plaira, ainsi qu'à toutes les personnes qui passent par ici !


Son sac sur l'épaule, Aomine fronce les sourcils en observant d'un air méfiant l'énorme bâtiment qui lui fait face. Il n'a jamais vu un truc pareil de sa vie. En pierre d'une teinte orangée claire se détachant sur un ciel bleu limpide, l'édifice consiste en deux ailes rectangulaires réparties autour d'un bâtiment central flanqué de deux tours élancées. Ouvrant la façade, de hautes arches décorent le lieu, lui donnant des allures d'église.

« On va au temple ou à la fac, là ?! » grommèle-t-il.

À ses côtés, Kise remonte ses lunettes de soleil sur le haut de son crâne et émet un sifflement admiratif :

« C'est encore plus impressionnant que sur les photos. »

Aomine secoue la tête, rempli d'incompréhension. Pourquoi voudrait-on glorifier à ce point un endroit où on passe son temps le cul assis sur une chaise à écouter des profs déblatérer ? Il est sûr que le gymnase, lui, a l'air tout à fait normal.

« Viens, on va voir le gymnase ! » le presse Kise en écho à ses pensées.

Il ne se fait pas prier, et ils s'aventurent sur le vaste campus où s'étalent des pelouses remplies d'étudiants occupés à déjeuner, dormir, bavarder ou lire des bouquins. De gros arbres offrent une ombre ponctuelle, et il y a même un bassin pour rafraîchir l'atmosphère brûlante.

« C'est incroyable cet endroit… » murmure Kise en se tournant dans tous les sens pour ne manquer aucun détail.

Aomine, trouvant ce luxe tout à fait absurde, presse le pas vers le seul lieu qui l'intéresse vraiment… et s'arrête net lorsque le gymnase entre dans son champ de vision.

L'architecture en est beaucoup plus moderne, mais tout aussi recherchée, avec une grosse baie vitrée au-dessus de l'entrée, et un toit aux lignes un peu cassées, comme si un poing de dimensions divines s'était écrasé dessus.

« Classe ! » s'exclame Kise.

Aomine lui coule un regard dédaigneux. Tout ce décorum le laisse définitivement de marbre.

« Ces installations sont parmi les meilleures du monde, lui lance Kise d'un air de reproche. On a trop de chance, tu te rends pas compte !

— C'est pas parce qu'on y a injecté plein de fric qu'on y fait du bon basket », tranche Aomine. Il hausse les épaules. « Mais on verra vite si cet endroit mérite sa réputation. »

Kise émet un bruit entre le soupir et le gémissement atterré. Ils ont une bourse pour étudier à l'UCLA à Los Angeles, et Aomine trouve moyen de tout critiquer… Non qu'il en soit surpris, évidemment. Ce qui le surprend, ce sont plutôt les efforts que son ami a fourni l'année dernière pour pouvoir se retrouver ici. Il est passé du degré zéro de l'investissement dans le basket à des séances d'entraînement acharnées presque quotidiennes. Il sourit en se souvenant du coup de fil d'Aomine, quelques semaines après le départ de Kagami.

« Écoute Ryota, y a qu'à toi que j'peux demander ça, alors fais pas chier et m'interromps pas. »

Évidemment, Kise l'avait interrompu, bien trop flatté qu'il soit un interlocuteur privilégié, même sans savoir ce qu'Aomine lui voulait.

« Tu comptes continuer le basket après le lycée, pas vrai ? Tu vois… j'crois que les autres ont d'autres priorités. »

Kise avait réfléchi, mais pas très longtemps. Il avait quelques vagues projets pour le futur, mais il avait l'impression de ne pas être allé au bout de son aventure en ce qui concernait son sport de prédilection. Alors, il avait accepté la proposition d'Aomine. Ils entameraient ensemble les démarches pour accéder au graal des basketteurs : intégrer une université américaine et bénéficier de son programme d'entraînement. Au fond, Kise savait que le brun lui avait demandé son aide parce qu'il avait peur de le faire tout seul, et il s'était efforcé de ne jamais le lui faire remarquer : il était juste content de voir son ami reprendre du poil de la bête. Et puis, il soupçonnait aussi que le basket n'était pas l'unique raison de tous ces efforts…

« Bon, on rentre, ou quoi ?! » s'impatiente-t-il avant d'ajouter avec un sourire en coin : « T'as pas envie de voir si Kagami est pas devenu trop fort pour toi ? »

Le brun lui lance un regard interloqué, puis fulmine :

« Trop quoi ?! »

Kise hausse les épaules avec un sourire innocent :

« Ça fait un an qu'il s'entraîne avec des anciens de la NBA, on peut pas vraiment en dire autant pour nous.

— Ça veut rien dire, ça ! » crache Aomine, la colère laissant place au dédain. « Mais j'espère bien qu'il a progressé, ouais. »

Les deux amis pénètrent dans le gymnase et suivent les indications jusqu'à l'un des terrains d'entraînement, puis ils prennent place sur les gradins pour observer.

C'est facile de repérer Kagami, et pas seulement grâce à sa crinière rouge caractéristique… Kise doit avouer qu'il a quelque chose de rayonnant. Il se rappelle la première fois qu'il l'a rencontré, il avait déjà perçu quelque chose de spécial chez lui. Cette énergie brute émane de lui comme une aura. Il l'admire jaillir de la mêlée sous le panier pour mettre l'un de ces dunks puissants dont il a le secret et qui ébranle la structure métallique dans un grondement satisfaisant. C'est d'autant plus impressionnant que depuis un an, Kagami a gagné en stature, il est plus large d'épaules et sa manière de bouger dénote une nouvelle assurance, loin de l'adolescent gauche qui parfois le faisait rire dans sa brusquerie. Kise jette un coup d'œil à Aomine, qui observe sans rien laisser filtrer, mais le blond devine une lueur de curiosité dans son regard concentré. En tout cas, il ne dit plus rien au fil des minutes qui suivent, et si la panthère ne râle pas, c'est qu'elle dort, ou que quelque chose a piqué son intérêt.

Absorbé par son entraînement, Kagami ne les remarque pas. Il sait qu'ils doivent venir aujourd'hui, et ça l'a rendu un peu nerveux. D'autant, il faut l'avouer, qu'il a à cœur de montrer à ses adversaires d'hier qu'il ne s'est pas tourné les pouces pendant un an. Comme si, d'une certaine façon, il devait leur prouver que ça avait valu le coup de partir. Cependant, lorsqu'il regagne les vestiaires à la fin de l'entraînement, la nervosité revient grignoter ses nerfs. Il ne perd pas de temps et se dépêche de se doucher. Il est l'un des premiers à quitter le vestiaire.

Dans le couloir, adossés au mur côte à côte, ses amis l'observent les bras croisés. C'est étrange de les voir là. Ils lui semblent à la fois plus réels et plus improbables que tous les gens ici. Il faut dire que ses amis japonais sont hauts en couleur et ne ressemblent à aucune personne qu'il a pu rencontrer dans sa vie. Et en particulier les anciens de Teiko… Une équipe dont il a connu chaque membre sur le terrain de basket, et qui lui ont chacun laissé une impression durable. À l'époque, à la manière dont Kuroko en parlait, il avait l'impression qu'il allait rencontrer de véritables méchants de film. Et il faut avouer que le duo qu'il a sous les yeux ne dénote pas vraiment dans la ville d'Hollywood. À droite, le blond, l'observant avec un sourire en coin, débordant d'assurance et charme. Il forme un contraste frappant avec le brun, les sourcils froncés dans un mélange de concentration et de méfiance malgré sa posture décontractée.

Kagami s'approche avec une certaine timidité et les salue.

« Hey guys…

— Kagacchi ! fait Kise en se décollant du mur pour venir lui donner une tape amicale sur l'épaule. T'as assuré à l'entraînement ! »

Kagami se frotte la nuque, embarrassé, et jette un regard à la dérobée à Aomine comme pour savoir s'il est du même avis. La panthère l'évalue de la tête aux pieds et finalement accorde :

« Ouais, c'était pas mal. »

Kagami se sent rougir, ce qui accentue encore son embarras et il marmonne un « merci » étouffé.

« Ça fait plaisir de te voir », déclare Kise avec sincérité, avant d'ajouter : « Tu nous as manqués ! Minecchi râlait encore plus que d'habitude !

— C'est pas vrai, proteste le brun. J'ai jamais moins râlé que cette année, ajoute-t-il fièrement.

— J'dois reconnaître que t'as bossé dur, concède Kise. Tu te rends compte, Kagacchi, il venait à l'entraînement tous les jours », raconte-t-il en entraînant le tigre dans le couloir, la main toujours posée sur son épaule.

Aomine leur emboîte le pas en grommelant : il faut toujours que Kise l'affiche. Un peu en retrait, il observe la haute silhouette de Kagami. Ça lui fait tout drôle de le revoir… Il a l'impression que c'était hier qu'il leur a annoncé son départ, et en même temps, c'est comme si une éternité s'était écoulée depuis. Le souvenir de cette fin d'après-midi est resté ancré dans sa mémoire avec une précision et une clarté perturbantes. Il y est souvent revenu, comme si une part de lui était restée là-bas et se refusait à passer à autre chose.

Il faut dire que ce départ, bien qu'attendu, lui avait laissé un goût d'inachevé, une drôle de sensation douce-amère un peu douloureuse. Et comme une blessure qui ne guérit pas bien, ce souvenir est sans cesse revenu le déranger, insidieusement présent dans son quotidien et encore plus dans le vide des soirées silencieuses.

Et maintenant, il a le protagoniste de ce souvenir en chair et en os sous les yeux, changé et à la fois, toujours le même. Aomine ne peut s'empêcher de se demander ce que le rouge a ressenti à son égard : l'a-t-il trouvé différent ? Et puis, a-t-il seulement eu un souvenir de ce genre qui l'a harcelé pendant ces longs mois ?

À cette idée, il fronce les sourcils, assailli par un sentiment désagréable mêlant frustration et embarras. Il n'aime pas s'avouer qu'il s'attache aux gens. Généralement, ça n'amène rien de bon, et puis, il aime bien prétendre qu'il est au-dessus de ça. Il n'est pas comme Kise, à partager aisément et ouvertement ses émotions. Parfois d'ailleurs, la facilité du blond à le faire l'agace. Et puis de toute façon, non, Kagami n'a sans doute aucun souvenir de ce genre. Il ne faisait que passer au Japon, après tout. Pour lui, ça n'était qu'un détour sur son parcours. Et Aomine s'en veut d'avoir du mal à l'accepter.

« On va déjeuner ? » demande Kise en le regardant par-dessus son épaule.

Il répond par un simple grognement, c'était le plan de toute façon. Kagami et eux habitent le même quartier non loin de l'université, et le rouge leur a recommandé une adresse, alors ils s'y rendent tous les trois et se posent dans une salle animée éclairée par de grandes baies vitrées.

Si Kagami et Aomine se sentent mal à l'aise, ils peuvent compter sur Kise pour faire la conversation. Le blond n'attend pas qu'on leur apporte leurs boissons et se lance déjà dans un récit librement inspiré de leur voyage.

« À l'aéroport, raconte-t-il, ils ont failli mettre Minecchi en prison tellement il répondait mal aux questions de la douane ! Heureusement, j'étais là pour jouer de mon charme ! » déclare-t-il en roulant des yeux.

Aomine se remémore ce passage un peu tendu où ils dont dû répondre à un véritable interrogatoire dans la langue de Michael Jordan. Nerveux et fatigués après de longues heures d'avion, ils avaient fait de leur mieux, et s'il ne s'était pas montré des plus sympathiques et coopératifs, il n'avait rien dit ou fait de répréhensible… Cependant, n'ayant pas la volonté de se lancer dans l'un de ces débats stériles qu'il a souvent avec Kise, il se contente de marmonner dans sa barbe des « n'importe quoi » et « t'as fumé la moquette de l'aéroport ». Au bout d'un moment, et à sa surprise, il constate que ce petit jeu semble divertir Kagami, dont la posture s'est relâchée et le regard fait des va-et-vient entre eux avec un éclat amusé. Par un effet de miroir, Aomine se détend subtilement à son tour et commence à siroter son coca en écoutant d'une oreille le blond poursuivre son récit.

« On était censés avoir les clés de l'appart le jour même, mais on s'est perdus, on est arrivés avec une heure de retard, y avait plus personne. Quand on est passés à l'agence c'était fermé ! On a dû prendre un hôtel et payer une nuit de plus pour les affaires qu'on a fait venir du Japon, la galèèère… gémit Kise en se rappelant le chaos des premiers jours.

— Et il est bien appart ? l'interrompt finalement Kagami.

— Génial !

— Pas mal. »

Kise et Aomine ont répondu en même temps, et cette fois, le rouge éclate de rire. On dirait un duo comique qui jouerait sur les contraires pour provoquer le décalage humoristique. Mais ils ne le font même pas exprès… et Kagami s'aperçoit que ça lui avait manqué. Non, il ne connaît personne comme eux, et soudain, tout le monde lui paraît ennuyeux par comparaison.

« Faudra me faire visiter, dit-il en piochant dans ses frites.

— Carrément ! s'enthousiasme Kise. Et j'aimerais voir où tu vis aussi !

— Oh y a pas grand-chose à voir, mais ouais d'accord…

— J'suis sûr que tu fais le modeste !

— C'est sûrement plus petit que chez vous…

— On s'en fiche, de ça ! »

Ils discutent des mérites de leurs appartements respectifs en s'enfilant quelques hamburgers, et rapidement la conversation se fait naturelle et enjouée comme avant. Kagami n'a pas eu l'occasion de passer beaucoup de temps avec eux… Ça a même filé à toute vitesse. Quelques mois après la fin de la Winter Cup, il était déjà de retour aux États-Unis. Et pourtant, impossible d'oublier ces quelques semaines, la fin de l'année scolaire, les vacances qui s'en sont ensuivies. Pour la première fois de sa vie, il avait eu l'impression de se faire des amis en dehors de Tatsuya. Ils se retrouvaient régulièrement pour faire un match de basket, puis se rendaient au Maji Burger pour se remplir l'estomac et débriefer. Et puis, Aomine passait de temps en temps chez lui, pour jouer aux jeux vidéo essentiellement, et parfois, il restait même pour la nuit. À part Kuroko, c'était le seul qui venait régulièrement. Et le seul tout court à rester dormir chez lui. Pourtant aujourd'hui, Kagami n'est même pas sûr qu'ils soient vraiment amis. Le brun a toujours maintenu une certaine distance. Non qu'il soit lui-même des plus expansifs… Ils s'apprécient, sans aucun doute, et ont pris plaisir à passer du temps ensemble. Mais ils n'ont pas vraiment parlé au cours de l'année qui vient de s'écouler, même s'ils s'envoyaient des nouvelles de temps en temps, ou bien Aomine lui adressait des messages absurdes à toute heure du jour ou de la nuit pour lui poser des questions totalement aléatoires, du genre : « Pourquoi y a précisé 'sel marin' sur les paquets ? Ça existe pas le sel de terre, si ? » ou « Pourquoi est-ce qu'il y a bouton on-off sur la télé alors que y en a déjà un sur la télécommande ? » Kagami lui répondait avec sérieux chaque fois, tout en se demandant pourquoi diable c'était lui qu'Aomine avait choisi pour résoudre ses interrogations existentielles. D'un autre côté, il savait depuis le début que la panthère était un peu bizarre et que son cerveau fonctionnait d'une manière bien particulière, alors il n'en prenait pas ombrage. Et puis, au fond, ça ne lui déplaisait pas. Ça voulait dire qu'Aomine ne l'avait pas totalement oublié après cette brève mais intense période de leur vie qu'ils avaient partagée. Cependant, dans les semaines précédant l'arrivée d'Aomine et de Kise, les messages s'étaient espacés jusqu'à cesser tout à fait, aussi Kagami se sent particulièrement incertain sur son état d'esprit, quoiqu'un peu rassuré maintenant qu'ils partagent ce repas dans une atmosphère détendue. Aomine était probablement trop occupé avec ses préparatifs, rien de plus.

Kise le bombarde ensuite de questions sur sa vie à Los Angeles, sur la fac, sur le basket. Il y répond de son mieux entre deux bouchées. Il n'a jamais été des plus doués pour s'exprimer, et il lui semble peindre un portrait particulièrement insipide de sa vie quotidienne, pourtant le blond approuve avec enthousiasme et le feu nourri de ses questions ne faiblit pas. Et puis, Kagami ne rechigne pas. Il est heureux de les retrouver. Aussi, dès qu'il en a l'occasion, il commence à glisser quelques questions à son tour.

« Minecchi t'a rien raconté ? » s'étonne Kise devant son ignorance.

Et Aomine, ça l'agace, même s'il ne sait pas vraiment pourquoi. Non, il n'a pas raconté grand-chose. Il n'y était pas obligé, si ? Et puis, pourquoi lui ? Mais il n'a pas le temps de protester que Kise enchaîne déjà, racontant tous les détails de leur quotidien et de leurs entraînements. Kagami écoute attentivement, lui glissant un regard de temps en temps comme pour savoir s'il confirme les dires du blond. Et là, non, il n'a pas grand-chose à redire. Ils se sont entraînés dur. Ils ont galéré pour remplir leurs dossiers administratifs, puis pour trouver un logement. Heureusement, l'UCLA leur a donné un coup de main pour faciliter leurs démarches. Et même si ça leur a paru long et fastidieux, tout à coup, il y a quelques jours, ils se sont retrouvés ici aux USA, concrétisant enfin leurs efforts. La transition a été plutôt brusque et ils n'ont pas eu beaucoup de temps pour s'adapter, apprendre les nouveaux codes, trouver leurs repères. Aomine ne l'aurait pas dit en autant de mots que Kise, mais les paroles du blond brossent bien le tableau.

Ils ont terminé leur repas depuis un moment maintenant, et la panthère laisse échapper un bâillement. La matinée a été chargée et il ne dirait pas non à une petite sieste. Surtout, il a envie de rentrer chez lui et de se retrouver un peu seul. Chaque journée ici est remplie d'une tonne de micro-informations et tout digérer n'est pas une mince affaire.

« Bon, on se rentre ? demande-t-il finalement.

— Ouais, on a encore du boulot à l'appartement », approuve Kise.

Aomine ne cherche pas à briser ses illusions sur ce qu'il compte faire au juste en rentrant, et il se lève.

« J'imagine qu'on se voit demain ? demande-t-il à Kagami.

— Ouais ! À l'entraînement. Ou si jamais on a un cours en commun. »

Il hoche la tête.

« À demain alors. »

Il quitte le restaurant, Kise sur les talons, et ils prennent la direction de leur appartement. Pendant qu'ils marchent sous le soleil de L.A., Aomine entend en écho les derniers mots qu'il a prononcé « À demain ». Ils sonnent bizarrement, comme s'ils n'étaient pas tout à fait réels. À bien y réfléchir, Kagami non plus n'était pas tout à fait réel. Le jeune homme de ses souvenirs lui paraît presque plus tangible, tandis que celui qu'il vient de voir est un nouveau Kagami. Un Kagami qu'il ne connaît pas. Un Kagami à qui il a dit « à demain ». Les mains enfoncées dans les poches, sourcils froncés, il frémit malgré la chaleur ambiante, désemparé face à des émotions confuses qu'il ne comprend pas vraiment. Définitivement, il a besoin d'une bonne sieste.

Kagami a l'habitude de vivre seul, et à vrai dire, il se verrait plutôt mal en colocation. Son côté maniaque pose généralement un problème, et puis, l'idée de faire la conversation à quelqu'un alors qu'il a juste envie de se concentrer – sur son sport, sa vaisselle ou son jeu vidéo – lui donne de petits frissons d'horreur. Paradoxalement, ça ne l'empêche pas, parfois, de ressentir la solitude. Il a ses repères ici, il ne s'y sent pas perdu comme doivent l'être actuellement Aomine et Kise, mais… Il apprécierait sans doute de temps en temps un peu de chaleur humaine.

Ces pensées un peu tristes l'accompagnent ce soir tandis qu'il rapporte ses sacs de course à l'appartement, un studio au rez-de-chaussée qui ouvre sur un coin de jardin entouré de hauts murs et ombragé par un gros acacia. Ce n'est pas bien grand, mais l'espace est optimisé avec sa chambre en mezzanine, bien qu'il ne puisse pas tenir debout là-haut. Il est équipé de toutes les commodités, et son espace extérieur lui a même permis d'installer un barbecue. Il n'a pas à se plaindre, et il aime plutôt sa vie ici. Et pourtant… une certaine mélancolie s'accroche souvent à lui.

Présentement, il l'ignore pour ranger ses courses et commencer à préparer le repas du soir. Dodelinant de la tête au rythme de la musique rock qui retentit dans l'appartement, concentré sur ses gestes, ce n'est qu'à mi-parcours qu'il réalise qu'il est en train de concocter le plat préféré d'Aomine. Et bizarrement, son cœur se serre un peu. La nostalgie, peut-être, des dîners à l'appartement de Tokyo. Peut-être qu'il idéalise, mais cette période entre la fin de la Winter Cup avait quelque chose de simple et d'aisé qu'il n'a plus retrouvé depuis. Il hausse les épaules : il prend de la maturité et vit sa vie de jeune adulte, voilà tout. Il a plus de soucis et de défis à relever. Et pourtant, cette interprétation ne le satisfait pas vraiment, lui laissant un arrière-goût désagréable.

Lorsqu'il a terminé et laissé son plat au chaud dans le four, il pioche une bière dans le frigo et va s'installer sous son acacia. Il lève la tête pour regarder le bleu du ciel, qui prend une teinte plus riche et profonde au crépuscule. Il se demande si cette solitude qu'il éprouvait sera toujours la même, maintenant qu'Aomine et Kise sont là. Il sort parfois avec les coéquipiers du basket, mais les relations jusqu'ici sont restées assez superficielles, et ça pourrait être différent avec les Japonais. Quelque part, étrangement, il s'en sent plus proche que des gens d'ici. Ce qu'ils ont vécu ensemble était bref, mais avait beaucoup de sens pour eux. Peut-être que c'est ça lui manque aussi. Cette intensité.

Il finit sa bière et s'installe pour prendre son repas devant une série. Les nuages noirs dans sa tête se dissipent peu à peu tandis que la fatigue l'envahit. Il s'est encore donné à fond aujourd'hui, et son corps le lui fait bien sentir. Aussi, il ne tarde pas à rejoindre son lit et ferme les yeux en pensant au lendemain et à l'entraînement. À ce que ça va faire de jouer dans la même équipe… pas seulement pour un match improvisé. Mais pour toute l'année. La perspective est presque intimidante, mais elle a indéniablement quelque chose d'excitant.