23h – Librairie
Des lumières tamisaient la pièce et caressaient les piles de livres parfaitement rangées. Un désordre organisé qu'Aziraphale s'évertuait chaque jour à entretenir. Crowley le regardait. L'ange verrouilla les lieux et abaissa les rideaux occultant. Quelques bougies s'allumèrent et deux fauteuils entourant une table basse en chêne massif étaient prêt pour leur fin de soirée arrosée. Il déposa ses habits superflus sur le porte-manteau situé dans une alcôve et se dirigea vers sa réserve de millésimes.
« Je vais nous chercher ces bouteilles, installe toi »
Il sourit quand il vit que son compagnon de toujours n'avait clairement pas attendu son aval pour retirer sa veste, ses lunettes et se positionner d'une façon dont lui seul avait le secret dans l'un des fauteuils anciens. Il gigota nerveusement et mordilla sa langue avant de se redresser, pour finir par se rasseoir calmement quand Aziraphale revint avec trois bouteilles du grand cru. Cet alcool allait le détendre. Les détendre tous les deux. Il croisa puis décroisa ses jambes, posa ses coudes sur ses genoux et fixa l'ange qui lui servait un verre. Dans son esprit, il le plaquait violemment contre un mur. Dans son regard, une intensité brûlante se percevait et sa respiration s'accéléra progressivement. A travers son t-shirt noir échancré au col et moulant son torse, les mouvements hypnotisant de son abdomen étaient bien visibles et Aziraphale ne manqua pas de bifurquer sur ce dernier quand il regarda le démon prendre et vider son verre d'une traite en s'adossant langoureusement au fond du siège. Puis il le vit pencher sa tête en arrière en soupirant et des pensées bien trop impures, qu'il chassa expressément, naquirent malgré lui.
Non de... Pensa-t-il « BON! Hmm... Alors! Comment trouves-tu ce petit bijou ?» bégaya-t-il.
Crowley claqua des doigts, son verre se remplit. Il le vida immédiatement et déclara:
« Une merveille. Tout ce dont j'avais besoin »
« Tu sais que ce genre de vin se déguste ? »
« Rooooh ! Ca vaaaaa… Pour les leçons de bonnes manières, je repasserais »
Il eut un sourire pour réponse.
Les deux amis s'enivraient lentement. Leurs discussions sérieuses et réfléchies se transformaient en un essai mélangeant philosophie et exercices de diction. Mais ils se sentaient bien. Protégés dans cet endroit à l'abri du Ciel, de l'Enfer et du reste du monde. Ils pouvaient être eux.
« Tu veux dessoûler? » Lança le démon, le regard dans le vide.
« Franchement ? Non. - Crowley leva un sourcil. - Pas cette fois. Je, j'ai envie de profiter de cette enivrante sensation encore un peu »
L'ange leva les mains devant son visage, les tourna et pencha sa tête de droite à gauche puis se lécha les lèvres et leva son regard en plantant ses yeux azurs dans ceux de son vis-à-vis.
«Tu sais Crowley... J'adore tes yeux.»
Il ne sut quoi répondre, surprit par la déclaration si spontanée d'Aziraphale. Il n'était clairement pas en état de statuer si, oui ou non, l'alcool y était pour quelque chose mais ça n'aidait en rien la tension qu'il éprouvait depuis le début de la journée. Il se leva, tituba mais se rattrapa agilement au dossier du fauteuil. Son regard vacilla, lui aussi, entre l'ange et le sofa calé contre une étagère. Il voulait répondre, mais ne put prononcer un mot.
Aziraphale paru vexé et une moue boudeuse apparu sur son visage angélique. Bien que totalement ivre, sa prestance et sa tenue demeurait impeccable, faisant écho au désordre de son esprit. Qu'est ce que je viens de dire...?
Crowley se comportait comme un lion en cage. Les lumières de la rue affaiblies par les stores de la boutique éclairaient une partie de son visage et faisaient briller ses yeux. La chaleur ambiante et l'alcool dans son sang augmentait sa température corporelle, humidifiant son front et déstructurant sa coiffure. Quelques mèches lui tombaient sur le front, son t-shirt déjà moulant épousait encore plus ses formes et les manches relevées de l'habit découvraient ses avant-bras.
L'ange semblait le scanner. Il sursauta, surprit de lui-même, lorsque son cœur rata un battement à la vue de la mâchoire du démon qui se contractait. Il tenta de se lever, comme si le mouvement allait l'aider à chasser ses pensées impures. Céleste illusion. Il s'avança, confiant – ou du moins c'est l'impression qu'il avait - vers Crowley. Un instant. Une seconde. Un geste. Il saisit son poignet:
« CROWLEY, STOP ! »
Le temps sembla se figer. Quelques secondes de silence, comme un arrêt sur image. Le démon se tourna brusquement comme téléporté dans la réalité et releva son visage. Son regard bloqua sur la main froide d'Aziraphale et finit son chemin sur sa bouche puis directement dans ses yeux. Comme un affront, un duel, une provocation.
Le contact n'était pas fréquent entre eux, une chasteté céleste qu'Aziraphale tentait tant bien que mal d'entretenir. Ce dernier, sans les effets notoires de la boisson, n'aurait jamais agit si spontanément. A ce moment précis il semblait envoyer valser toutes bonnes conduites, conventions divines et autres protocoles imposés hiérarchiquement. Son propre regard fit exactement le même dessin que celui de son vis-à-vis sauf que son ressentit était différent. Surprise, appréhension, malaise. Malgré tout, il n'arrivait pas à retirer son emprise et la chaleur de la peau de Crowley se propageait à l'entièreté de son enveloppe charnelle. C'est la réaction du démon qui le fit réagir et bien qu'il était du genre à tout anticiper, prévoir, réfléchir, il n'avait pas la moindre idée de comment cette soirée allait se terminer. Il s'était clairement engagé dans quelque chose qui le dépassait, qui les dépassait tous les deux. Au pied du mur, aucun retour en arrière n'était possible. C'était l'impression qu'Aziraphale en avait. Pour lui, pour tous les deux, pour cette soirée et le reste de leur existence. Mais retour en arrière possible ou non, en avait-il ne serait-ce que l'envie?
« Tu es clairement agité, je ne t'ai jamais vu dans cet état sans raisons apparentes » Avait-il finit par lancer dans un souffle, suite à l'ignorance de Crowley. Il voulait continuer à argumenter mais il ne savait plus quoi dire. Sa main toujours agrippée à l'avant-bras brûlant de son ami, il décernait dans son regard un mélange de colère et de profonde détresse. Non, il ne l'avait jamais vu si... vulnérable. Et si l'alcool ne faisait pas si bien son travail cela ferait longtemps qu'il aurait lâcher sa prise, mais il ne luttait pas.
En un geste, furtif mais sec, Crowley retira son bras de l'emprise glacée d'Aziraphale qui sursauta mais resta bouche close. Le démon finit par sortir de son mutisme:
«Tu... Tu ne sais pas ce dont... de quoi... je suis capable.- Pas de réponse - . On a vraiment beaucoup bu ce soir, et … et, et ça n'a pas été une journée facile. Pour moi. Je veux dire. Enfin, moralement, tu vois.- Non, il ne voyait pas. - Et... c'était ton choix aussi de ne pas vouloir dessoûler. Et je suis ok tu comprends? Moi je ne peux pas refuser une super soirée méga alcoolisée mais aujourd'hui, c'est compliqué. Ouais. C'est le mot. Ouais. Et puis, c'est nouveau ça?»
Confusion.
«Qu'est ce qui est nouveau?»
«Ta main»
Ses deux mots se perdirent dans un silence pesant. La tête du démon se pencha légèrement sur le côté: il regrettait de l'avoir rejeté.
«Je comprends pas Crowley»
«Non! Bien sur que non tu comprends PAS! TU NE COMPRENDS JAMAIS RIEN! Et puis, je ne te dégoûte plus, C'EST BON? Tu n'as pas peur de salir TON CHASTE CORPS au contact du vil démon que je suis?»
«Arrête un peu tes idioties Crowley! Jamais. Jamais je n'ai insinué ça de toi»
«ASSUME BORDEL»
«Je suis sincère, je l'ai toujours était avec toi»
«Pffff»
Crowley serra les dents, leva ses yeux humides et se dirigea vers la bouteille esseulée sur la table. Il titubait; Avec un geste approximatif il se saisit du goulot et la vida en se retournant face à Aziraphale. Ce dernier lança doucement:
«C'est ce que je t'ai dit ce matin qui te contrarie à ce point? Tu sais, c'était juste pour te charrier, un peu, tu as...»
C'en était trop. Il fit un pas de plus face à lui. La bouteille dans sa main droite, le col de la chemise de l'ange dans la gauche. Il le plaqua violemment contre le pan de mur proche du divan. Le verre se brisa sous sa puissance et un bruit sourd résonna à l'impact du corps contre le béton. Un regard rapide à la bouteille brisée dont il jeta les éclats au sol avant de coller son front contre celui d'Aziraphale. Le souffle court, ses mèches de cheveux plaquées sur leur peau il accentua un peu plus son emprise quand sa main maintenant libre s'enfonçait dans le poignet tremblant de l'ange complètement désarmé.
«Crowley...»
La façon dont il prononça son nom fit s'effondrer les dernières barrières qu'il avait réussit à maintenir. Un frisson glacial contrasta avec son corps brûlant. Un tremblement contenant rage, désir et passion le traversa. Il voulait l'entendre encore. Son regard plongé dans celui d'Aziraphale, dérouté mais conscient de ce qu'il se passait, dériva vers ses lèvres. L'ange venait de se les mordre. Il craqua et c'est entre les siennes qu'il vint les emprisonner. Avec l'alcool et ce surplus de sensations, il ne se contrôlait plus du tout.
Aziraphale, sous la sensation enivrante du goût des lèvres de Crowley, s'abandonna à ce qu'il avait toujours réprimé et laissa ce poison se répandre en lui. Le démon avait toujours été son addiction. Cette dépendance terriblement agréable. Esclave de cette fièvre délicieuse dont on ne souhaite pas guérir. Son obsession, son pêché, sa tentation suprême. Il succombait au moindre de ses désirs. Luxure trop longtemps refoulée.
Crowley ne se sentait jamais assez proche de lui et maintenait son contre le béton avec force. On pouvait légitimement se demander si c'était l'ange qui retenait le mur ou le contraire. Il fini par laisser, à regret, quelques centimètres les séparer afin de reprendre son souffle et de laisser Aziraphale en faire de même. Même si tout le dépassait, il avait peur. Peur d'une réaction, de mots blessants, du rejet. Puis dans un souffle, comme un sursaut de lucidité dans son esprit embrumé, il lança:
«Arrête-moi»
Aziraphale cligna des yeux, se lécha les lèvres, sa tête tournait. Ses esprits revenaient, sa peau ressentait chaque parcelle du corps de Crowley collé contre le sien: la jambe du démon entre ses cuisses provoqua en lui une réaction incontrôlée. Il fallait répondre. Quoi... pourquoi... non. Plus jamais. DIS QUELQUE CHOSE!
«Je...Je... Non. Pourquoi? Pourquoi devrais-je t'arrêter? »
«Parce-que je ne réponds plus de moi quand je suis avec toi»
L'ange craqua à cette déclaration. L'index et le majeur de sa main droite vinrent s'insinuer dans le jean serré de Crowley et l'attira à lui pour seule réponse.
Aziraphale le rendait fou. Il était le seul être à lui faire perdre la raison, le contrôle et toute notion de réalité. Il grogna dans sa nuque tout en passant sa langue sur sa jugulaire. Il pouvait ressentir les battements de son cœur à travers sa peau blanche. L'ange inclina simplement la tête, toujours bloqué par le béton, afin de laisser au démon plus d'espace pour ses supplices. Il essaya, mais en vain, de retenir un gémissement qui resta coincé entre ses lèvres. Il se mordait la langue et Crowley ne rata pas une miette de ce spectacle.
«C'est à moi de faire ça, mon ange» Sa bouche quitta la nuque de son partenaire pour venir s'occuper de ses lèvres, et de sa langue qu'il mordit délicieusement en souriant.
«Oh Crowley... Quand tu m'appelles mon ange...»
Mais son bourreau ne le laissa pas terminer sa phrase.
«Tu m'appartiens » lança-t-il plus froidement qu'il ne l'aurait voulu.
Sa poitrine se soulevait contre le corps d'Aziraphale, ses mains parcouraient l'entièreté de son être. Ses doigts déboutonnèrent avec une dextérité sans pareil la seule chemise qu'il restait avant de pouvoir goûter son torse et fit descendre la fermeture éclair du pantalon en tweed du libraire.
Ce dernier se laissait faire, envoûté, amoureux, ébahit par l'être céleste qui s'occupait si bien de lui. Il glissa une main dans les cheveux roux de Crowley, à l'arrière de sa nuque, et ébouriffa un peu plus sa chevelure. Il le sentit frissonner quand il serra ses mèches entre ses doigts. Son autre main se baladait sur le t-shirt noir en cashmere qu'il souleva avec hésitation. Il avait clairement moins l'habitude de ce genre de choses que son amant qui enleva simplement son haut, le laissant interdit.
«Crowley... Tu es... - Il regardait, non, il admirait le démon devant lui. Son torse nu, découvrant un corps fin et dessiné. Sur ses hanches tombait un jean noir, braguette ouverte, où il vint perdre son regard avant de lever ses yeux vers son visage légèrement transpirant contemplant ses lèvres rougit de quelques morsures. Et ce regard. Ce regard intense, insidieux, qui semblait transpercer son âme. Tout en lui était sublime et synonyme de tentation: Tu es magnifique. » Des larmes montèrent à ses yeux. Il les ferma pour ponctuer ses paroles et s'abandonna complètement à ce venin qui emplissait l'entièreté de son être, à ce poison qui le rongeait depuis 6000 ans. Tous ces murs qu'il avait érigé pour le contenir, tous ces stratagèmes qu'il avait mit en place sous-couvert de préoccupations angéliques; Toute cette Divine Comédie partait en fumée.
Les deux entités plongeaient dans les recoins les plus exquis de la luxure. Crowley ressentait en lui le démon qui sommeillait. Serpent perfide, il s'amusait à faire languir cet ange si pur, si chaste. Trop pur, trop chaste. Le compliment d'Aziraphale le toucha en plein cœur mais ne laissant rien paraître, il finit d'enlever les vêtements superflus de son partenaire en un claquement de doigts et un sourire malicieux.
Ce sourire... Sourire qui avait ravagé le cœur de l'être angélique...
Aziraphale ne pouvait plus se séparer de la peau de Crowley sans manquer d'air. Il goûtait la peau de son cou avec avidité pendant que le démon avait glissé une main dans ses cheveux, faisant pression à l'arrière de sa nuque. S'exécutant à cette demande muette il descendit lentement le long du torse du démon, léchant chaque centimètre de sa peau brûlante. Et le démon se délectait: A genoux face à lui, bloqué entre un mur et sa virilité, cet ange avec sa langue le rendait complètement fou. Ses doigts se serrèrent brutalement, formulant un ordre très clair sans dire le moindre mot.
Aziraphale frissonnait, tremblait de peur et d'appréhension, entre envie débordante et impatience. Il claqua des doigts et le pantalon de Crowley s'abaissa dans un sourire timide. Il prit le fruit de tout ses désirs entres ses lèvres et se passionna pour le goût du plaisir défendu. Les gémissements de Crowley lui faisait perdre la tête. Après de trop courtes minutes, ce dernier le releva, laissant l'ange au dépourvu, puis combla le vide entre eux dans un baiser des plus sauvages.
Aziraphale parcourait le dos de Crowley de ses doigts. Légères pressions délicates comme s'il découvrait un trésor céleste. Ses main s'arrêtèrent sur les lignes fines de ses hanches qu'il agrippa lorsqu'il senti l'entre-jambe de Crowley contre la peau de son bas ventre. Il enfoui sa tête dans la nuque bouillante qui s'offrait à lui et enfonça ses ongles dans les fesses nues qui se contractaient sous ses main. Il ne pouvait plus contenir ses gémissements lorsque le démon parcourait son corps encore chaste de ses doigts délicats. Délicatesse bien vite chassée par une impatience vainement dissimulée.
Crowley n'en pouvait plus. En un geste brutal mais parfaitement maîtrisé il retourna Aziraphale contre le mur qui accueillait autrefois son dos et lui infligea une morsure à l'épaule comme pour marquer un peu plus son territoire. Une griffure sur la cuisse gauche afin de lui écarter un peu plus les jambes suivi d'un coup de rein ferme et contrôlé assouvirent leurs envies les plus profondes.
«Oh mon...»
Aziraphale senti Crowley esquisser un sourire dans son dos et ne termina pas son injonction. Même si à cet instant, son seul et unique Dieu était cet homme. Ce démon. Cet être céleste d'une beauté qui lui avait été fatale. Il lui offrait maintenant tout: Son âme, sa pureté, son corps et son cœur - Et que les foudres divines s'abattent sur lui, plus jamais il ne s'autoriserait à vivre sans sa présence.
With a taste of poison paradise
I'am addicted to you.
Intoxicate me now,
With your lovin now,
I think i'm ready now.
Britney Spears - Toxic
Fin.
