Chapitre 3 | Rappelle-toi


"Ecoute au fond des bois

Murmurer une voix :

Rappelle-toi. "

Alfred de Musset


10 janvier 2001 | 23:52

Hermione passe les quatre jours qui suivent la cérémonie du serment enfermée dans la bibliothèque à la recherche d'une solution. Elle rédige une série de notes incompréhensibles, griffonne des idées sur des morceaux de parchemins, étale des dizaines de livres sur le sol, compare des idées et des théories jusqu'à ce que les mots se mélangent dans son esprit et perdent tous leurs sens.

Anéantie par l'absence de piste concrète, elle s'endort en pleurant au coin du feu, un grimoire lui servant d'oreiller.

11 janvier 2001 | 03:25

Il y a deux corps au milieu du salon.

Hermione observe les silhouettes floues et silencieuses qui pendent dans le vide.

L'odeur est épouvantable.

Elle tente de faire un pas en avant mais ses pieds refusent de bouger. En baissant les yeux, elle réalise que les semelles de ses chaussures sont collées au parquet.

Le sol du salon est couvert de sang, épais et visqueux.

La fenêtre brisée laisse entrer un courant d'air. Les corps se balancent et tournent sur eux-même, dévoilant leurs visages.

Cette nuit-là, ce sont ses propres hurlements qui la réveillent au beau milieu de la nuit.

Lorsqu'elle ouvre les yeux, sa respiration est haletante et les draps de son lit sont humides de transpiration. En tournant la tête, elle aperçoit une bougie qui scintille faiblement sur la table de chevet bien qu'elle soit certaine de s'être endormie dans le noir.

Elle repousse les couvertures et fixe longuement les ombres qui s'animent sur le plafond. Certaines formes ressemblent à des arabesques élégantes, d'autres en revanche, imitent les ondulations d'un serpent, les dents tranchantes d'un loup, la menace d'une baguette.

Hermione sursaute lorsqu'elle entend un bruit sourd qui se répercute à travers la vieille tuyauterie grinçante du manoir. Elle se redresse et se dirige vers la penderie ; à la lueur de la bougie, elle ouvre délicatement les tiroirs à la recherche d'un pull et d'une paire de chaussettes. Elle enfile une série de couches supplémentaires puis, en ignorant volontairement son reflet dans le miroir par peur du ridicule, elle s'empresse de rejoindre la fenêtre principale qui donne sur un petit balcon.

Hier, elle n'a pas eu le courage ni la motivation de s'y attarder. Mais l'idée à mûrie dans son esprit durant la nuit et le cauchemar qui l'a extraite de son sommeil est un signe la rappelant à l'ordre.

Sa place n'est pas ici. La culpabilité d'avoir attendu si longtemps avant d'agir lui ronge l'esprit depuis plusieurs jours.

Une journée supplémentaire sans même essayer de vaincre l'ennemi serait une trahison envers son camp, ses amis, sa famille. Elle doit rejoindre les siens, soigner les blessés, apaiser son âme torturée en se rendant utile auprès de ceux qui le méritent.

11 janvier 2001 | 03:33

Le froid mordant de l'hiver la saisit brutalement. Hermione émet un hoquet de surprise lorsque des flocons de neige, transportés par le vent vigoureux, viennent lyncher son visage comme des millions de cristaux de verre égratignant sa peau.

Elle fixe l'horizon brumeux à la recherche d'une étincelle de lumière, un nuage de fumée ou n'importe quel autre détail pouvant signifier la présence d'un village dans les environs du manoir. Mais il n'y a rien de vivant aux alentours ; si ce n'est des étendues sombres et menaçantes d'arbres sinueux dont les cimes enneigés brillent faiblement à la lueur de la lune.

Hermione agrippe la rambarde du balconnet et prend une grande inspiration. Le froid lui brûle les poumons et l'appréhension fait battre son cœur de manière saccadée. Elle observe les dalles de marbre recouvertes de poudreuse se trouvant en contrebas, jaugeant la hauteur d'un œil critique. Avec sa baguette, l'exercice aurait été plus simple ; mais elle n'a que son courage à disposition et elle se demande honnêtement si ce trait de personnalité suffira à lui sauver la vie. Tout semble glissant et plus elle observe le chemin, plus l'idée lui semble mortellement dangereuse.

La jeune femme prend une grande inspiration et se penche davantage en avant. Ses doigts s'enroulent fermement autour de la rambarde et elle lève une jambe, prête à enjamber le balconnet. Elle envisage sérieusement de longer le mur en direction du prochain balcon quand soudain, un bouclier invisible mais cruellement redoutable la propulse en arrière, la laissant muette de stupeur. Elle s'écrase sur le sol et ses fesses heurtent violemment le plancher.

Sous ses yeux écarquillés et sans qu'elle n'ait le temps d'envisager quoi que ce soit, la porte fenêtre se referme et les volets glissent le long des tringles, dissimulant son seul échappatoire.

" - Sortilège anti-suicide, " déclare Malfoy d'une voix ennuyé.

La sorcière sursaute en réalisant la présence du mangemort. Trop occupée à évaluer ses chances de survies, elle n'avait pas réalisé que ce dernier avait fait irruption dans sa chambre.

Hermione marmonne dans sa barbe et suspecte un elfe de maison de l'avoir trahie tout en frottant son postérieur endoloris.

" - Je n'avais pas l'intention de me suicider," rétorque Hermione sans dissimuler son agacement.

Elle est bien trop intelligente pour mettre fin à ses jours d'une façon aussi incertaine.

" - Tu serais morte de froid avant même de quitter le domaine, en supposant même que tu survives à la chute, " lui répond sèchement Malfoy.

La brune lui lance un regard noir.

" - Ne me sous-estime pas."

" - Si tu passais moins de temps à te morfondre sur ton sort, tu aurais peut-être déjà trouvé une solution. Nous avons passé un marché, Granger. "

Hermione grimace tout en retirant péniblement les multiples couches de vêtements qu'elle a enfiler quelques instants auparavant.

" - Je te pensais plus intelligente. "

La sorcière sait qu'elle ne devrait pas porter d'intérêt au jugement d'un mangemort, mais la remarque la blesse plus qu'elle ne veut l'admettre.

" - Nous avons fait un serment inviolable. Si tu prends la fuite sans avoir accompli ta part, c'est la mort qui viendra te cueillir en personne. J'ai accepté de sceller notre accord par la magie car je pensais que tu étais une personne de parole, pas un lâche. "

La mâchoire d'Hermione grince de rage.

" - Tu ne m'as pas vraiment laissé le choix. "

Les conditions de sa détention et de sa libération lui reviennent en mémoire et une panique muette et oppressante se met à l'envahir.

" - Veux-tu que je demande à Artie de t'apporter une boîte de mouchoirs ? "

Si un simple regard pouvait tuer, Draco Malfoy serait mort depuis déjà bien longtemps. Cependant, l'allure de la lionne est loin de le faire frissonner. Pire encore, son attitude semble presque… L'amusé ?

Hermione triture nerveusement les morceaux de peau sèche qui encerclent ses ongles rongés. Son existence est liée à celle de Narcissa Malfoy. Si elle parvient à trouver un remède, elle sera libérée de sa cage dorée et pourra retrouver les siens. Elle soupire et se raccroche à cette pensée.

" - Tu dois me dire la vérité. Pas de mise en scène, aucune dissimulation. Cela fait partie du serment ; tu as promis de m'aider. Alors mets ta fierté de côté un instant et dis-moi ce qu'il s'est passé le 11 novembre dernier. "

13 janvier 2001 | 01:15

Il y a deux corps au milieu du salon.

L'odeur est épouvantable.

Le sol du salon est couvert de sang, épais et visqueux.

Les corps se balancent et tournent sur eux-même.

Hermione ouvre brusquement les yeux.

Son dos est raide et douloureux. Elle se redresse lentement et le craquement de ses articulations résonne dans la bibliothèque silencieuse.

Elle essuie la bave qui a coulé le long de son menton d'un rapide revers de la main et fait rapidement glisser la bougie dans sa direction, éclairant davantage le paragraphe sur lequel elle s'est endormie et dont les mots se sont imprimés sur la chair de sa joue. Ses yeux se plissent, elle lit entre les lignes à la recherche d'une information précise. Ne trouvant pas ce qu'elle recherche, elle referme l'ouvrage d'un coup sec et s'empare du plus épais se trouvant à sa gauche. D'un geste avide, elle parcourt à nouveau les chapitres, tournant frénétiquement les pages et commentant à voix haute les informations qui lui paraissent concrètes ou complètement désuètes.

Après avoir envoyé bazarder une dizaine d'ouvrages sur le sol dans un bruit sourd, Hermione se redresse et chevauche la table de travail sur laquelle elle a passé la journée. Elle fouille avidement dans les piles de livres qu'elle a accumulées depuis le début de ses recherches, renverse une bonne partie des ouvrages, grommelle et maudit Circé, avant de s'emparer d'un manuel à peine plus épais qu'une pièce de Shakespeare.

La couverture est en cuir noir, dénué de la moindre fioritures, pas même une date ou un auteur.

" Vindicta et autres veneficium - Pour Maluspuer robustus "

Elle feuillette les premières pages et constate que l'ouvrage s'apparente à une sorte de journal détaillant avec une étonnante précision les découvertes et constatations de l'auteur au sujet de la magie noir.

Les trois premières pages regroupent plusieurs noms d'ouvrages, certains sont raturés, d'autres annotés. Hermione les parcourt rapidement sans trop s'y attarder.

" Jour 3 | J'ai terminé ma lecture. Je vais bientôt pouvoir expérimenter mes nouvelles connaissances."

" Jour 7 | NOTE A MOI-MÊME : Les chouettes sont plus résistantes que les crapeaux."

" Jour 19 | Essai n°3 : 6 jours. état final : poussière. "

" Jour 21 | Essai n° 6 : en éliminant la source, le phénomène de putréfaction s'est arrêté de lui-même. C'est fascinant."

13 janvier 2001 | 01:43

Hermione tambourine violemment à la porte jusqu'à ce que cette dernière s'ouvre, dévoilant un blond à la mine endormie et à l'allure débraillé qui ne coïncide pas avec son apparence habituelle.

Déstabilisée par ses cheveux en bataille et l'absence de chemise, la brunette oublie durant un court instant les raisons de sa présence et ses yeux s'attardent un peu trop longtemps sur les ombres argentées qu'elle aperçoit sur le torse nu du jeune homme. Heureusement, le ton sec de Malfoy la ramène rapidement à la réalité et la brunette détourne vivement le regard, les joues légèrement plus rosées qu'à l'ordinaire.

" - Qu'est-ce que tu veux, Granger ? "

" - Tu as dit que ton père avait été visé par un sortilège cuisant et qu'il avait préféré utiliser ta mère en guise de bouclier plutôt que de recevoir le maléfice. C'est bien cela ? "

Draco hoche silencieusement la tête et croise les bras contre son torse avant de s'appuyer contre le rebord de la porte avec nonchalance.

" - La personne qui a lancé le sortilège n'était pas … Tu-sais-qui, n'est-ce pas ? "

" - Mais quel esprit brillant… "

Hermione fait claquer sa langue contre son palais en signe d'agacement.

" - Qui était-ce ? Demande-t-elle d'un ton ferme. "

Le blond lâche un soupir à peine audible et se redresse pour toiser Hermione de toute sa hauteur.

" - Avery... "

" - Et je suppose qu'il est toujours en vie ? "

Draco fronce les sourcils puis finit par hocher à nouveau la tête.

" - Bien. Il n'y a plus qu'une seule chose à faire dans ce cas. "

Piqué par la curiosité, le jeune homme se penche en avant et demande :

" - Laquelle ? "

Hermione soutient le regard de Draco et d'une voix solennelle, elle déclare :

" - Tu dois tuer Avery. En éliminant la source, je pourrais mettre fin au charme de stase et faire cesser la progression du maléfice. "