Chapitre 10 : Au fil de nos sourires


"Et c'est au fil de nos sourires

que se noua le premier fil.

Et c'est au fil de nos désirs

qu'il se multiplia par mille"

Esther Granek


12 février 2001 | 20:00

" - Draco, mon ami, tu es vivant !" Constate Théo d'un ton enjoué malgré sa position délicate.

Ses pieds touchent à peine le sol et les doigts de Malfoy sont à quelques millimètres seulement de sa gorge.

" - Que fais-tu ici ?" Répète Draco en resserrant son emprise sur les revers de la chemise du brun.

Le sourire du jeune homme se tord dans une grimace. Il tente de bouger les épaules pour se libérer mais n'y parvient pas. Hermione se redresse à son tour et tente de s'interposer entre les deux hommes.

" - Relâche-le !" Ordonne-t-elle en tirant sur son avant-bras.

Le blond ne semble même pas capter sa présence, trop focaliser sur Théo.

" - Mon pote, calme-toi. C'est moi, putain ! Je ne l'ai pas touché !"

Théodore lui assène un léger coup de tête. Leurs fronts s'entrechoquent. L'interaction est suffisante pour faire descendre légèrement la pression entre les deux garçons.

Draco consent finalement à relâcher son ami sans pour autant détourner le regard. Il recule de quelques pas ; ses traits sont toujours tendus et son regard semble lancer des éclairs.

Le brun époussette sa chemise avec agacement, les sourcils froncés de consternation.

" - Tu as perdu tes bonnes manières ou quoi ?"

Il obtient un grognement en guise de réponse.

Hermione observe la scène avec sidération.

" - Nous avions rendez-vous, as-tu oublié ?" Explique Théo en ignorant la réaction de son ami.

" - Pourquoi as-tu pris la liberté de venir au Manoir ?" Crache Draco toujours sur les nerfs.

Théo hausse les épaules.

" - Je voulais m'assurer que tu étais en vie, espèce de connard ingrat ! Le dernier raid était une vraie boucherie et je n'avais pas de nouvelles de toi depuis des jours."

La mâchoire de Draco se contracte d'agacement. Il plaque ses cheveux vers l'arrière et son regard dévie en direction d'Hermione. Cette dernière se dandine d'un pied à l'autre, ne sachant pas quelle position adopter.

" - Qu'est-ce qu'il t'a raconté ?"

La brunette se mord la lèvre.

" - Rien de particulier," bredouille-t-elle.

" - Ne me prends pas pour un idiot, Granger. Théo est aussi bavard que Rita Skeeter !"

" - Seulement quelques broutilles…" marmonne le concernée en levant les yeux au ciel.

Hermione est mortifiée. Le malaise est palpable.

" - Rien à ton sujet si c'est cela qui t'inquiète," souffle-t-elle en espérant apaiser la situation.

Le blond se tourne vers elle. Son expression est trop complexe pour qu'elle puisse l'analyser. Son regard est un véritable champ de bataille. Il se penche dans sa direction. Sa voix est ferme et menaçante.

" - Vraiment ?"

Hermione déglutit, elle se sent ramollir comme un chamallow au soleil.

Fébrile, elle hoche la tête de haut en bas.

" - Tu mens très mal, Granger."

Son visage est trop proche du sien pour qu'elle puisse réfléchir convenablement. Elle cligne des yeux, déstabilisée par son regard inquisiteur.

" - Tu es blessé," souffle-t-elle en constatant une coupure qui traverse son sourcil droit, changeant de sujet par la même occasion.

" - Pourquoi tu trembles, Granger ?" Murmure le blond en ignorant sa remarque.

Parce qu'elle est mal à l'aise et ce n'est pas pour les raisons qui sont censées êtres évidentes.

" - Bon, nous n'allons pas y passer toute la soirée !" Déclare Théo en claquant dans ses mains.

Le contact visuel entre Draco et Hermione se brise à la suite de ces paroles.

La brune inspire une grande goulée d'air, réalisant soudain qu'elle avait cessé de respirer depuis plusieurs secondes.

" - Elle est au courant de ma situation et elle sait d'où je tire mes informations. Et si nous passions à table maintenant ? Je meurs de faim."

" - Tu lui as dit ? Espèce de…"

Le blond s'élance en direction de son ami mais se ravise au dernier moment.

Au lieu de cela, il se contente de le tuer du regard, contractant poings et mâchoire.

12 février 2001 | 20:30

Hermione s'installe à table.

Elle est mal à l'aise.

Depuis le début de sa captivité, elle a toujours mangé seule ou en compagnie de Narcissa.

Prim est ravie d'avoir des invités et s'est fait un devoir de concocter en peu de temps un véritable festin dont l'odeur alléchante s'échappe des cuisines jusque dans la salle à manger.

Théodore vient de s'absenter pour emprunter les toilettes, laissant Hermione et Draco en tête à tête aux deux extrémités de la table.

Les deux sorciers s'affrontent du regard.

" - Tu as l'air d'un cadavre," déclare la jeune femme en détaillant son teint pâle et les cernes violacées entourant ses yeux rendu noir par la fatigue.

Le blond hoche la tête et se contente de boire une gorgée de vin en guise de réponse.

" - Comment va ton dos ?" Demanda-t-il après un bref moment de silence.

Hermione triture nerveusement ses doigts.

" - C'est toujours douloureux," murmure-t-elle. "Mais ça s'améliore, merci."

" - Et ma mère ?"

" - Je pense que je suis sur la bonne voie. Elle montre des signes de récupération encourageants. Les expressions de son visage changent en fonction des différentes stimulations."

Draco hoche à nouveau la tête. Il s'apprête à la remercier pour ses efforts mais Théodore réapparaît dans la salle à manger et monopolise la conversation en évoquant à quel point il apprécie d'aller aux toilettes dans un endroit ayant encore de l'eau courante.

12 février 2001 | 23:12

Après le dîner, Hermione est invitée à poursuivre la soirée avec Draco et Théo dans le salon privé de ce dernier. La banalité de cette journée la chamboule plus qu'elle ne veut l'admettre et elle s'autorise à noyer ses inquiétudes dans une trop grosse quantité d'alcool.

Au détour d'une conversation, Théo évoque le prénom de Neville et Hermione s'en étonne.

" - Nous sommes … amis," lui confirme le brun après une légère hésitation.

" - Il me manque," souffle-t-elle. "Pourras-tu lui dire que…"

Théo jette un bref coup d'œil en direction du blond.

" - Je fais confiance à Neville," déclare-t-il en s'adressant uniquement à Draco.

Le concerné prononce le prénom de son ami en signe d'avertissement.

" - Théo."

" - Elle pourrait…"

" - Théo."

" - Juste un message !"

" - Théo !"

" - Quelques lignes !" Plaide le brun.

Hermione, qui a déjà avalé deux verres de Whisky, met quelques secondes pour comprendre le sujet de leur dispute. Lorsqu'elle réalise que le brun est en train de plaider en sa faveur pour qu'elle transmette un message à son ami, ses yeux s'illuminent de joie et d'espoir.

" - Malfoy, s'il te plaît ! Si j'avais voulu m'enfuir, je l'aurai fait et tu le sais. Tu pourras lire mon message et l'approuver si cela te rassure…"

" - Je pensais que tu étais ici de ton plein gré," marmonne Théo en lançant un regard louche en direction de son ami.

" - Granger est mon invité," déclare Draco sans donner plus d'explication.

Hermione s'étouffe avec une gorgée de sa boisson.

" - Les invités sont libres de partir," rétorque-t-elle.

" - Et les prisonniers pourrissent dans les cachots," renchérit-il. "Il me semble que nous avons déjà eu cette conversation."

La jeune femme repose son verre sur la table et se leve d'un bon.

" - Tu es vraiment un putain de…"

Il lève un doigt en l'air et elle se tait machinalement avant de finir sa phrase.

" - Je vais me coucher," déclare-t-elle en quittant précipitamment la pièce.

13 février 2001 | 01:44

Tel un lion en cage, Hermione fait les cent pas dans sa chambre. Elle a cherché désespérément le sommeil sans pouvoir le trouver et malgré les heures qui se sont écoulées, l'alcool contenu dans son sang ne semble toujours pas s'être dissipé, entraînant un véritable chaos dans ses pensées.

Elle est confuse, perdue, en colère, surprise. Trop de sentiment contradictoire qui se mélange et créer la pagaille dans sa vie déjà trop bancale.

De toute évidence, Malfoy n'est pas aussi monstrueux qu'il prétend l'être. Evidemment, les révélations de Théo ne font pas de lui un Saint… Mais désormais, elle n'est plus certaine de connaître la catégorie dans laquelle elle doit le placer.

La partie rationnelle de l'esprit d'Hermione refuse d'y croire ; Malfoy est un sang-pur, il baigne dans l'idéologie du Seigneur des Ténèbres depuis sa naissance.

Mais, la partie émotionnelle de son esprit considère que c'est possible ; Malfoy, agent-double au service de la résistance…

Non.

Impossible.

Et puis, quelle que soit la façon dont il occupe son temps libre, ça ne change rien.

N'est-ce pas ?

Merde.

Elle mérite des explications.

13 février 2001 | 02:00

Hermione fixe longuement la porte qui lui fait face. Sa main est suspendue dans l'air ; attendant de s'abattre sur le bois pour signifier sa présence. Elle était certaine de son choix quelques minutes auparavant, mais désormais, elle remet tout en question. Malfoy est imprévisible et elle redoute sa réaction.

Finalement, c'est le froid grisant du couloir qui l'aide à se décider. D'un geste mal assuré, elle toque à la porte et patiente.

Le sorcier se matérialise au bout d'une vingtaine de secondes. Hermione halète lorsqu'elle aperçoit sa silhouette se dessiner dans l'embrasure de la porte. Elle est reconnaissante envers l'obscurité du couloir qui masquent probablement la rougeur de ses joues lorsque ses yeux glissent - involontairement - le long de son torse apparent au travers des pans de sa chemise ouverte.

Elle secoue la tête pour reprendre ses esprits lorsqu'elle entend le blond soupirer.

" - Je ne voulais pas t'interrompre," bredouille-t-elle en détournant le regard.

" - Qu'est-ce que tu veux, Granger ? Il est 2h00 du matin, tu devrais dormir depuis longtemps," marmonne-t-il de son éternel ton lasse.

Il croise les bras contre son torse, dissimulant ainsi sa peau dénudée aux yeux d'Hermione et s'appui nonchalamment contre la porte entrouverte. La brunette perd le fil de ses pensées lorsque son changement de position laisse entrevoir les veines gonflées de ses avants-bras musclés.

Telle une carpe ; elle ouvre et ferme la bouche à trois reprises.

Draco hausse un sourcil.

" - Je repasserai plus tard," déclare-t-elle en reculant d'un pas mécanique.

De toute évidence, elle n'est pas maître de ses émotions.

" - Tu plaisantes ? Tu frappes à ma porte au beau milieu de la nuit et…"

Mais le reste de sa phrase se noie dans le brouhaha de son esprit. Sa tête penche légèrement vers la gauche et elle étudie distraitement les fines cicatrices argentées qui s'enroulent le long de son bras droit…

" - Granger ?"

Draco s'avance et Hermione perd le fil de ses réflexions internes.

" - Oui ?"

Le blond fait claquer sa langue contre son palet, visiblement agacé par la situation.

" - Qu'est-ce que tu fou ici ?" Insiste-t-il en changeant à nouveau de position.

Cette fois-ci, il se tient droit et scrute la brunette avec curiosité.

Il parait immense aux yeux d'Hermione.

Face à l'absence de réponse, il grogne et attrape la jeune femme par le coude.

" - Je vais te reconduire à ta chambre."

Il tend la main vers elle pour saisir son coude. Hermione sursaute et les raisons de sa présence lui reviennent enfin en mémoire. Elle prend une grande inspiration, comme pour se donner du courage, et le bras de Draco s'éloigne.

" - Pourquoi tu ne m'as rien dit ?" Demande-t-elle dans un souffle. " Les choses auraient été différentes entre nous si tu avais été honnête dès le départ."

Le regard du jeune homme s'assombrit. De toute évidence, c'est une discussion qu'il n'était pas prêt à avoir, encore moins à une heure aussi tardive. Il hésite longuement avant de répondre.

" - Non, tu te trompes. Cela n'aurait rien changé."

Il plaque ses cheveux vers l'arrière mais plusieurs mèches rebelles refusent de se soumettre et retombent de façon désinvolte contre son front lui donnant une allure rebelle et bien moins stricte qu'à l'ordinaire.

" - Tu ne me fais pas confiance. Tu aurais refusé de m'aider. J'avais besoin que tu trouves une solution rapidement et c'était la seule façon de procéder quitte à ce que tu me haïsses pour le restant de tes jours."

Pour une raison inconnue, le cœur d'Hermione s'emballe.

" - Je t'aurai aidé," murmure-t-elle en relevant la tête pour croiser son regard. " Je suis là. Je ne suis pas partie. Je resterai ici aussi longtemps qu'il le faudra."

Les muscles de ses avants-bras se tendent. Il soupire tout en secouant la tête.

" - Je ne sais pas ce que t'a raconté Théo, mais tu te trompes. Quoi qu'il ait dit sur moi, sur mes choix, sur mes actes, ça ne change rien."

Il se penche en avant afin que son visage soit au même niveau que celui d'Hermione. Son regard est sombre et contient toutes les émotions qu'il tente de dissimuler.

" - Tu penses me connaitre parce que Théo t'a raconté Merlin sait quoi ! Et je ne peux pas te le reprocher, mais tu te trompes," répète-t-il. " Ta vision a évolué, soit. Mais tu me détestes et c'est préférable. Autrefois, cela n'aurait absolument rien changé. J'ai fait des choix et je les assume, aussi merdiques soient-ils. Je ne regrette rien et je n'ai pas l'intention de m'excuser. J'avais foi en toi et en tes capacités et j'ai eu raison."

Hermione ouvre la bouche mais ne trouve rien à rétorquer.

" - Je ne sais pas ce que tu es venu chercher ce soir, mais quoi que ce soit, ça ne mènera à rien. Je ne peux pas te libérer pour le moment, alors ça ne sert à rien d'insister."

Elle voulait des réponses mais le monologue de Draco ne fait qu'accentuer l'incompréhension qu'elle ressent à son égard.

Des larmes viennent brouiller sa vision et elle détourne le regard en espérant les dissimuler au blond. Elle ne sait même pas pourquoi elle pleure !

" - Je ne te déteste pas," murmure-t-elle en fixant les rainures du bois de la porte.

" - Arrête tes mensonges, sorcière."

Elle secoue la tête.

" - Ce n'est pas un mensonge."

C'est la vérité.

Elle ne l'aime pas. Mais elle ne le déteste pas non plus. La haine qu'elle ressentait s'est progressivement effiloché pour se transformer en quelque chose qu'elle ne peut pas définir précisément. Un sentiment qu'elle refuse de nommer.

" - Tu as peur de moi," affirme-t-il.

" - Non."

Il a eu l'occasion de la blesser mais il ne l'a jamais fait.

" - Alors pourquoi tu trembles ?"

Cette fois-ci, elle n'a aucune réponse à apporter à la question.

C'est trop pour elle ; ce flot d'informations et d'émotions contradictoires qui chamboulent son esprit et remettent en question les fondements de son existence.

Elle est pleine de remords et de chagrin. Pleine d'espoir et de rancœur. Pleine de rage et d'appréhension. Pleine de désir et de peurs.

" - Pourquoi tu pleures, Granger ? Si ce n'est pas la peur, qu'est-ce qui te fait trembler ? "

D'un geste lent et hésitant, il lève la main vers son visage et effleure sa joue pour chasser les larmes qui glissent le long de sa peau.

La respiration d'Hermione se bloque dans sa poitrine et elle ferme les yeux, laissant les doigts du blond parcourir son visage.

L'instant est irréel, hors du temps.

Elle voudrait que le moment s'éternise. Elle ne veut pas qu'il parte, qu'il réalise ce qu'il vient de faire. Elle ne veut pas subir sa colère, ses remords. Car il y en aura, elle le sait. Elle a appris à le connaître, elle a étudié ses réactions, son comportement. Demain, il regrettera.

Il s'empare de son menton et l'invite à redresser la tête afin d'établir une connexion visuelle.

Le masque qui dissimule habituellement ses émotions semble fêlé ; Hermione entrevoit son expression torturée et de nouvelles larmes viennent obscurcir sa vision.

" - Dis-moi pourquoi tu pleures."

" - J'ai peur," admet-elle à contrecœur. " Mais pas de toi… En vérité, je suis même terrorisé. J'ai peur de mes propres décisions, de mes réactions. J'ai peur de te faire confiance et de le regretter. J'ai peur pour demain, pour l'avenir."

La mâchoire de Draco se contracte et ses doigts abandonnent son visage. Cependant, il reste proche et Hermione sent son souffle contre ses lèvres. Il sent le whisky et l'eau de cologne. Le désespoir et l'orgueil.

" - Je ne te ferai jamais de mal intentionnellement," murmure-t-il en posant son front contre le sien, mélangeant sa respiration à celle de la brunette.

Hermione tremble comme une feuille en pleine tempête ; elle est terrassée par l'intensité du moment.

" - Tu vas me briser."

L'aveux est déchirant.

Les bras de Draco s'enroulent autour de ses épaules et il la sert étroitement contre lui. Hermione écrase son visage contre son torse et imite son mouvement en enroulant ses propres bras autour de lui.

Ils restent ainsi de longues secondes.

Lorsqu'il la relâche, son masque est à nouveau en place. Imperceptible et opaque. Son regard est vide et ses gestes calculés.

Il raccompagne Hermione jusqu'à sa chambre et disparaît sans un mot.


NDA :

Merci infiniment à ceux qui prennent le temps de laisser une petite review.

Cela me remplie de joie lorsque j'apprends que cette histoire plait à certains d'entres vous et j'espère que ce chapitre vous plaira également :)