Chapitre 11 | Le prix des pleurs


"Je sais que ton regard ne brille que pour plaire ;

Que sa flamme est pareille à la froide lumière

Qu'en nos climats glacés nous verse le soleil ;

Que c'est au prix des pleurs que tu vends ton sourire"

Jean Polonius


15 février 2001 | 08:16

Théo vient d'annoncer son départ.

Les trois jours qu'il a passé au Manoir font effet de parenthèse enchanté dans l'existence morne et solitaire d'Hermione. Elle regrette et craint son départ plus que ne veut l'admettre.

La joie de vivre de Théo et la lumière qui émane de ce jeune homme gringalet a adouci son cœur et égayé ses journées.

Malheureusement pour elle, les responsabilités qui l'incombent ne lui permettent pas de s'attarder plus longtemps dans la sinistre demeure Malfoy et d'ici peu, le quotidien d'Hermione redeviendra sombre et démoralisant. Elle ne pourra compter que sur la présence silencieuse de Narcissa et les coups de vents de Draco.

Pourtant, en trois jours, elle a l'impression d'avoir traversé de nombreux ruisseaux sinueux. Qu'il s'agisse de l'état de santé de la matriarche ou, plus étonnamment encore, sur le regard qu'elle porte désormais sur l'héritier de la famille.

Elle ne l'avait jamais vu aussi calme et serein. Le tempérament joyeux et mutin de Théo l'apaise. En sa présence, il paraît plus détendu, plus jeune. Les souvenirs d'enfance et les discussions animées chassent furtivement la morosité de la guerre et le masque de Draco s'amincit sans pour autant disparaître complètement.

15 février 2001 | 08:45

Hermione soupire.

Elle ne sait pas par ou commencer.

Draco a accepté qu'elle transmette une missive à Neville. Apparemment, Théo lui fait confiance, par conséquent, Draco également. Le fait qu'une personne sache qu'elle est en vie et en bonne santé lui suffit, bien qu'elle aurait aimé pouvoir informer Ron et Ginny également mais Draco s'est fermement opposé à cette demande et elle n'a pas cherché à insister.

Après une longue hésitation, elle trempe sa plume dans l'encrier et observe le parchemin vierge sous ses yeux.

Elle est assez maline pour divulguer sa position et Neville est assez futé pour comprendre qu'elle a dissimulé une information importante dans sa lettre.

Elle pourrait le faire, si elle en avait envie… Elle pourrait tenter sa chance afin d'être libérée du manoir et retrouver un semblant de liberté. Mais en faisant ça, elle mettrait la vie de Narcissa en danger ainsi que celle de Malfoy et… elle ne peut pas s'y résoudre.

Alors sans réfléchir plus longtemps, elle se penche et commence à rédiger sa lettre.

Neville,

J'espère que tu vas bien et que tu veilles sur ceux qui te sont chers. De mon côté, tout va bien, tu n'as pas à t'inquiéter pour moi.

Je suis en bonne santé, bien traitée et bien nourrie. J'ai des livres et une mission à accomplir.

Je regrette de ne pas pouvoir te donner plus de détails concernant mon absence. J'espère pouvoir être à tes côtés prochainement.

S'il te plait, ne fais rien de stupide. Ne me cherche pas. Je serai bientôt de retour.

Prends soin de toi, ainsi que de Théo. Je ne le connais pas aussi bien que toi, mais je sais que c'est quelqu'un de bien.

H.J.G

23 février 2001 | 16:45

La semaine qui suit le départ de Théo est longue et pluvieuse.

Hermione regrette de ne pas pouvoir s'échapper du Manoir pour flâner dans le jardin en compagnie de Prim et Narcissa. La température clémente et l'humidité ont fait fondre la neige et le somptueux manteau blanc recouvrant le parc c'est transformé en boue immonde et disgracieuse.

La jeune femme s'est rabatut sur la bibliothèque ou elle continue de faire la lecture à la sorcière, tout en lui faisant écouter de la musique classique. Le regard vif et percutant de Narcissa a permis à Hermione de découvrir qu'elle avait une préférence pour les compositeurs Russes et qu'elle détestait les fins tragiques.

Malfoy semble se réjouir des progrès bien qu'il soit absent la plupart du temps. Depuis le départ de Théo, ils se sont à peine croisés. Hermione soupçonne que ce soit intentionnel et elle regrette amèrement son attitude.

Elle était persuadée d'avoir fait des progrès, mais peut-être n'étais-ce qu'une illusion…

24 février 2001 | 15:13

Hermione admire les Lys qui fleurissent sous la verrière avec émerveillement. Elle effleure les pétales ivoire du bout des doigts et profite du calme serein qui plane dans la petite pièce baignée de lumière.

" - Le printemps arrive," se réjouit Hermione.

Elle pousse la chaise roulante de Narcissa en direction d'une série de pots en grès ou bourgeonnent de nouvelles pousses plantées quelques jours auparavant.

" - Vous voyez, pas besoin de magie pour les entretenir. Votre simple présence à leurs côtés suffit pour les voir s'épanouir."

La brune se tourne vers la blonde pour appuyer ses propos lorsqu'un détail surprenant lui saute aux yeux. Son cœur se réchauffe instantanément d'une chaleur réconfortante.

" - Malfoy !"

Un large sourire fend son visage en deux ; elle est incapable de réfréner la joie qui l'innonde.

" - MALFOY !" hurle-t-elle en trépignant sur place.

Le concerné débarque en courant dans la pièce, sa baguette en main.

" - Est-ce que ça va ?" Demande-t-il d'une voix inquiète.

" - Tout va bien," souffle la jeune femme. "Viens…"

Hermione lui fait signe d'approcher lentement vers elle et désigne sa mère d'un bref signe de la tête. Malfoy range sa baguette dans son étui et s'approche en direction des deux sorcières, un pli d'incompréhension barrant son front.

Il se fige en apercevant sa mère. Une multitude d'expressions traverse son visage. Sa bouche s'entrouvre de stupéfaction.

Narcissa sourit.

Pas seulement par le biais de son regard, non. Un véritable sourire qui étire ses lèvres et ravive l'éclat de son visage porcelaine. Draco en a le souffle coupé. Il ne trouve pas les mots pour décrire ce que cette vision lui procure. Alors au lieu de parler, il s'agenouille au chevet de sa mère et s'empare de ses mains. Les doigts graciles de Narcissa disparaissent sous les larges paumes de son fils. Il se penche et y dépose un baiser.

Le sourire de la sorcière se teint de mélancolie et une unique larme glisse le long de sa joue.

Hermione tente de se reculer silencieusement pour laisser Draco profiter de cet instant mais ce dernier saisit son poignet, l'empêchant d'aller plus loin. Il se redresse et son regard délaisse un instant la silhouette de sa mère pour se reporter sur la brune à ses côtés.

Ses doigts sont toujours enroulés autours de son bras et la jeune femme se tient immobile, le coeur battant.

" - Merci."

La sincérité de sa voix et l'intensité de son regard la bouleverse.

" - Elle revient," murmure Hermione en soutenant difficilement son regard. "Le chemin sera encore long, mais je suis confiante. Elle est toujours parmi nous, elle nous écoute, elle nous voit. Elle sait que tu veilles sur elle et que tu la protège."

" - Et elle se souviendra également de tous les sacrifices que tu as fait pour elle."

Hermione se mord la lèvre. Elle l'espère, car ils sont nombreux.

Avant qu'il ne puisse en dire davantage, la jeune femme se libère de son emprise et quitte la pièce, le coeur lourd.

25 février 2001 | 07:10

C'est l'odeur de bacon et le grésillement des œufs qui la réveillent.

Hermione ouvre les yeux et s'étonne de ne pas reconnaître le couvre-lit usés et rapiécés qu'elle a l'habitude d'emprunter lorsqu'elle dort au Terrier. L'odeur du petit déjeuner emplit ses narines et son estomac se met à gronder. D'un geste machinale, elle se débarrasse de la couverture et pose ses pieds par terre. Seulement le parquet ne grince pas et tout est trop silencieux.

Sa vision du Terrier disparaît et l'élégance et le charme de la chambre qu'elle occupe au Manoir réapparait. Cependant, l'odeur de la charcuterie est toujours présente ce qui la rend perplexe et suspicieuse.

Sans prendre le temps d'enfiler un peignoir, elle quitte la chambre et le regrette amèrement sitôt dans le couloir, lorsque le froid de la bâtisse lui saisit les côtes. Elle frotte vigoureusement ses avants-bras découverts et s'élance d'un pas vif en direction de l'odeur.

" - Théo !"

Un sourire franc et sincère se colle sur ses lèvres lorsqu'elle aperçoit le brun à la chevelure bouclée dans la cuisine. Ce dernier se retourne et son visage se fend à son tour d'un large sourire. Il s'élance vers la jeune femme et la prend par les épaules pour la serrer dans ses bras.

Hermione ignore pourquoi mais avec Théodore, tout semble simple. Elle le connaissait à peine il y a quelques jours et pourtant sa présence lui apporte un véritable réconfort. D'autant plus lorsque ce dernier prépare un véritable festin pour le petit déjeuner sous le regard moralisateur d'Artie qui s'impatiente pour faire la vaisselle accumulée dans l'évier.

Théo relâche Hermione et glisse une main dans sa poche avant d'en ressortir une missive pliée en quatre.

Hermione,

Putain.

WOW. J'ai les mains qui tremblent.

Pardon, mes mots ressemblent à des pattes de mouches mais j'ai très peu de temps pour t'écrire. Théo doit emprunter un portoloin dans 6 minutes et… merde peu importe.

Si tu savais comme tu nous manques.

J'aimerais pouvoir dire à Ron et Ginny que tu es en vie mais Théo m'a fait promettre de ne rien révéler concernant ton message.

Si tu es en danger, si ta vie est menacée, si quelqu'un te fait du mal, tu peux lui faire confiance. Nous trouverons un moyen de t'aider.

J'espère te revoir prochainement. Prends soin de toi.

Nev

" - Quelle bravoure. Une chance qu'il ne sache pas ou tu te trouves sinon je risquerais de voir arriver une colonie de Gryffondors enragés."

Hermione sursaute lorsque la voix de Draco se fait entendre à quelques centimètres de son oreille. Elle replie rapidement le morceau de parchemin et se décale pour lui lancer un regard noir. Théo plisse le nez et adresse un coup d'œil similaire à son ami.

" - Met toi à sa place un instant," rétorque le brun en faisant glisser des œufs au plat dans une assiette.

Le blond repose brutalement sa tasse de café sur le comptoir de la cuisine et manque de renverser le plat contenant le bacon grillé.

" - Putain, vous me faites chier dès le matin, c'est trop pour moi," grogne-t-il en quittant la pièce d'un pas précipité.

25 février 2001 | 23:00

Hermione a refusé de déjeuner en compagnie de Draco et Théo dans la salle à manger. Elle est restée seule dans la bibliothèque silencieuse une bonne partie de l'après-midi et s'est endormie au coin du feu, un livre à la main. Lorsqu'elle s'est réveillée, il faisait nuit noire et la cheminée était éteinte.

Ne disposant d'aucune source de lumière, elle a quitté la pièce à tâtons et a échoué dans le couloir, légèrement déboussolée. Elle a longé le mur, l'esprit rendu lent et confus par l'interruption de son sommeil.

En voulant rejoindre l'escalier menant à sa chambre, elle a aperçu un faisceau lumineux provenant d'une pièce entrouverte. Ses pieds l'y ont guidé avant même que son cerveau n'ait son mot à dire.

25 février 2001 | 23:07

Sans un bruit, elle se penche et écoute :

" - Je ne comprends pas pourquoi tu es aussi méfiant ? Tu me connais depuis que nous sommes en couche !" Indique Théo d'une voix révoltée.

" - J'en sais rien," pouffe Draco d'un air faussement enjoué. " Tu débarques au Manoir à deux reprises sans y avoir été invité. Tu deviens le meilleur ami des Gryffondor. Tu l'observe avec ce stupide regard…"

" - Qu'est-ce que tu racontes ? Quel regard ? Tu dérailles."

Hermione les entends changer de position. Elle se penche davantage et aperçoit le blond se servir un verre d'alcool.

" - Je ne veux pas qu'elle soit mêlé à ça. Alors arrête tes conneries."

Draco grimace en avalant d'une traite le liquide ambré.

" - L'alcool te fait perdre la tête. C'est toi qui la retient prisonnière !"

" - Elle n'est pas prisonnière."

Théo s'avance vers son ami et pose une main sur son épaule dans l'espoir de lui faire entendre raison.

" - Alors laisse la partir," réplique le brun d'une voix calme. "Elle ne mérite pas de pourrir au Manoir."

" - Non."

Le blond repousse son ami tout en secouant la tête.

" - C'est la seule qui puisse sauver ma mère."

" - Mais je pourrais…"

" - Je n'ai pas l'intention de négocier !" Hurle-t-il en proie à la colère. "Si elle part, elle ne reviendra pas. J'ai besoin d'elle."

Il insiste sur les derniers mots.

"- Hermione n'est pas une lâche. Elle reviendra si tu lui demandes," plaide le brun.

" - Tu as l'air de t'être fait une bonne opinion d'elle en si peu de temps."

Le ton de la conversation prend un nouveau virage.

" - Oh non. Je connais ce regard. Tu es jaloux ?"

Théo écarquille les yeux tout en se retenant de rire. Draco en revanche se pince les lèvres et ne trouve rien à répondre.

" - C'est donc ça l'origine de ta petite crise existentielle ? Tu es jaloux que je puisse m'emparer de ta précieuse petite sorcière ?"

" - Ce n'est pas ma précieuse petite sorcière," crache Draco.

Le verre de Whisky claque contre la table avec la même intensité que sa tasse du petit déjeuner.

" - Alors je réitère ma question : pourquoi es-tu méfiant ?"

" - Parce que tu veux me la prendre !" S'écrie le blond en faisant volte-face, adressant un regard de mort à son ami.

Théodore ne semble nullement impressionnée par son comportement, probablement trop habitué. Il lève les mains en l'air tout en gardant une distance raisonnable.

" - Je suis gay. Tu as conscience de ça, pas vrai ?"

" - J'en ai strictement rien à foutre."

La voix de Draco est d'une platitude surprenante ce qui tranche radicalement avec son emportement précédent.

" - Arrête d'occlure. Arrête de rejeter tous ceux qui veulent t'aider. On est frères. On se soutient. On est ensemble dans toute cette merde. Et tu as le droit d'inclure de nouvelles personnes dans ta vie. N'est-ce pas, Hermione ?"

Quoi ?

La porte derrière laquelle elle est dissimulée depuis plusieurs minutes s'ouvre sans prévenir, dévoilant la sorcière. Elle manque de s'étaler sur le plancher mais se rattrape de justesse, l'empêchant de se ridiculiser davantage.

Lorsque Draco réalise qu'elle a probablement entendue une grande partie de leur conversation, les quelques couleurs marquant son visage s'évaporent à l'inverse d'Hermione dont les joues prennent une teinte cramoisie.

" - Va te faire enculer, Théo."

Il repousse le chariot à alcool d'un geste enragé. Les verres et la bouteille se fracassent contre le parquet. Il dépasse Hermione sans lui adresser le moindre regard et disparaît dans l'obscurité du couloir.

" - Tu devrais le rejoindre et lui parler", propose le brun, tout penaud dans son fauteuil.

Hermione reporte son attention sur Théodore.

La situation semble l'amuser et la brunette suspecte qu'il ait volontairement provoqué toute cette situation.

" - Tu es son meilleur ami et pourtant tu n'as pas réussi à le raisonner, je ne pense pas que mon intervention pourrait changer quoi que ce soit."

" - Tu es importante à ses yeux."

La sorcière laisse échapper un rire sinistre.

" - Ne te fais pas d'illusions. Tout ce qui l'importe c'est que je prenne soin de sa mère."

" - Il a changé depuis ton arrivée," déclare-t-il en sirotant son verre.

" - S'il te plait, arrête," soupire la jeune femme en frottant la nuque." Je ne suis pas prête à avoir cette discussion. D'ailleurs, il n'y a rien à dire à ce sujet."

" - Votre relation n'est pas saine, je ne vais pas prétendre le contraire, mais…"

" - Nous n'avons pas de relation, Théo," coupe-t-elle. "Nous ne sommes pas amis, nous ne sommes pas amants. Il n'y a rien entre lui et moi !"

Théo se relève. Il s'approche et étudie longuement l'expression frustrée de la brunette.

" - Mais tu aimerais qu'il y ait plus, ne prétend pas le contraire, petite souris."

Il dépose un léger baiser sur sa joue et quitte la pièce, laissant Hermione sans voix et démunie.

Quel crétin !


Bonjour ! Voici un nouveau chapitre, j'espère qu'il vous plaira ! Navrée pour l'absence, la fin d'année n'a pas été facile... Mais cette histoire aura une fin, promis ;)