Chapitre 12 | Dictés par tes regards
"Les limpides ruisseaux couleront près de nous ;
Je chanterai pour toi : mes vers seront plus tendres,
Dictés par tes regards, écrits sur tes genoux. "
Amédée Pommie
27 février 2001 | 11:36
Le plus horrible avec la captivité, ce n'est pas l'absence de liberté ni le manque de son foyer. C'est l'inconnu et toutes les questions qui viennent avec.
Théodore Nott a soulevé des interrogations qui ne lui étaient même pas venues à l'esprit jusqu'alors. Son arrivée dans sa vie a bouleversé le peu de certitudes qui lui restait et désormais son existence n'est plus qu'un ramassis de doutes et d'incompréhension.
C'est terrifiant et Hermione déteste ça.
28 février 2001 | 12:12
La sorcière s'étonne de ne pas avoir croisé la route de Théodore plus tôt. Depuis son premier jour au Manoir, ce dernier ne cesse de faire des apparitions à l'improviste pour le plus grand malheur de son meilleur ami.
Cependant, ce-jour là, son arrivée n'apporte pas autant de joie et d'enthousiasme que d'habitude ; parce qu'il est couvert de sang et qu'il lui manque un bout d'oreille.
Hermione pousse un cri lorsqu'elle le découvre étendue dans le hall de Manoir, soutenu tant bien que mal par Artie. Draco met de côté sa rancœur des derniers jours et court vers lui pour prendre le relai de l'Elfe.
" - Qu'est-ce qui c'est passé ? Bordel Théo… "
Il lui donne deux légères claques sur les joues afin de le maintenir en éveil. Le garçon gémit et marmonne quelques brèves explications.
" - Attaque. Putains de mangemort. Suis vivant."
" - Tu étais seule ? Est-ce qu'ils t'ont suivi ?"
Théo secoue la tête, ses paupières sont lourdes et il lutte contre le sommeil. Hermione s'agenouille à ses côtés et examine rapidement l'étendue des dégâts. Heureusement, plus de peur que de mal.
" - Probablement un diffindo manqué," constate-t-elle en effleurant délicatement son lobe d'oreille.
Elle palpe sa boîte crânienne et soupire de soulagement lorsqu'elle ne sent aucun trou ou renfoncement préoccupant.
" - Il faut l'emmener en haut. Je dois nettoyer les plaies pour pouvoir évaluer les dégâts."
Draco hoche la tête et exécute les ordres.
Il monte à l'étage et ouvre la première chambre d'ami disponible pour y installer Théo. Il dépose le corps somnolent de son camarade et se décale pour laisser la place à l'œil expert d'Hermione.
Prim et Artie lui apporte de quoi nettoyer le brun sans qu'elle ait besoin de demander et la jeune femme s'empresse de désencrasser le visage palot du garçon. L'eau du bac devient rapidement opaque et rougeâtre.
" - Pourquoi est-ce qu'il saigne autant ?" S'inquiète le blond en changeant l'eau d'un simple coup de baguette.
Hermione frotte la tempe de Théo avec douceur.
" - Il y a beaucoup de vaisseaux sanguins dans cette zone. Les coupures sont toujours impressionnantes mais la quantité de sang n'est pas forcément proportionnelle à la gravité de la blessure."
Une fois nettoyée, elle presse un coton imbibé de dictame sur les coupures afin de faire cesser les saignements. La brûlure du liquide fait sursauter Théo et avant qu'elle n'ait le temps de le rassurer, Draco presse la main de son ami pour le réconforter. Hermione sent son coeur s'emballer à cette simple image.
Elle a eu l'occasion de voir des images similaires tant de fois, entre Ron et Harry au cours de leurs nombreuses péripéties…
" - Un bout d'oreille en moins, j'en ai peur. Mais ne t'inquiète pas, tu seras toujours aussi beau," lui dit-elle en brossant ses cheveux vers l'arrière afin d'éviter que des mèches ne collent aux entailles.
" - Toujours plus beau que Draco," souffle-t-il en esquissant un sourire qui se transforme rapidement en grimace.
Hermione lui sourit affectueusement puis s'attaque aux bandages. A la fin du processus, Théo ressemble à un gros œuf de pâques et Malfoy pouffe de rire.
" - Merci Hermione," soupire le garçon en se laissant lentement emporter par le sommeil.
" - Avec plaisir, Théo."
1 mars 2001 | 21:38
Hermione et Draco se sont relayés pour veiller sur Théo durant les premières heures de sa convalescence.
Sans surprise, le garçon est un patient capricieux et impatient qui refuse de rester allongé et de se reposer malgré les recommandations de la brunette, ce qui lui a valu une migraine monstrueuse et un état semi comateux au milieu de l'après-midi.
" - Je dois m'absenter."
La jeune femme repousse sa lecture et jette un coup d'œil en direction de Draco qui vient de faire irruption dans la chambre avec la discrétion d'un papillon de nuit. Ce dernier a revêtu son uniforme traditionnelle de Mangemort et la jeune femme réalise que c'est la première fois qu'il se présente à elle ainsi vêtu. Etonnamment, la vue du jeune homme ne l'effraye pas.
Il porte un ensemble noir qui dissimule 90% de son corps ainsi qu'une épaisse cape d'hiver en laine avec un revers rouge sang. Le regard d'Hermione s'attarde sur la broche représentant un serpent qui ondule au niveau de son cœur et la vue du bijou la met soudain mal à l'aise. Dans sa main droite pendouille son masque de Mangemort et elle s'oblige à détourner la tête pour éviter d'être confronté à ses propres émotions contradictoires.
" - Ne t'inquiètes pas pour Théo, il est entre de bonnes mains."
Le fantôme d'un sourire se forme aux coins des lèvres du blond.
" - Je sais."
Il reste immobile dans l'encadrement de la porte comme s'il souhaitait ajouter quelque chose. Cependant, rien ne vient.
" - Fais attention à toi," chuchote Hermione avant qu'il ne disparaisse.
" - Je vais essayer."
" - Car j'ai déjà deux patients à gérer," ajoute-t-elle avec un petit sourire amusé.
Draco hoche la tête, un véritable sourire - bien que discret - ornant ses lèvres.
2 mars 2001 | 03:18
Hermione ouvre les yeux et inspire.
Elle pose une main sur sa poitrine et tente d'apaiser son rythme cardiaque.
Elle connaît cette mélodie. Celle qui se répand dans l'obscurité du Manoir comme un rappel du passé, s'extirpant de justesse du cauchemar morbide dans lequel elle était en train de sombrer.
L'ouverture des Nocturnes de Chopin. Magistrale, puissante et mélancolique. Les accords sont parfaits, les notes s'enchaînent et se succèdent avec la même exactitude que dans ses souvenirs. Lorsqu'elle était enfant, attentive et émerveillée sur les genoux de sa mère.
La sorcière se relève et laisse la musique la guider dans le manoir afin de trouver la source. Elle déambule dans les couloirs comme une ombre vaporeuse, ses doigts glissant silencieusement le long des murs. Elle laisse la mélodie la guider, tel un fil d'Ariane invisible, la transportant vers sa destinée.
Au détour d'un couloir, l'origine du bruit se découvre. Hermione inspire et pousse la porte sans se poser de question. Il pourrait s'agir d'un piano ensorcelé, mais aucun sortilège ne pourrait atteindre la justesse d'un véritable pianiste.
Hermione s'immobilise, le cœur battant douloureusement. L'adrénaline coule dans ses veines et lui donne un faux sentiment de plénitude.
Draco se tient penché contre le clavier, transporté par la musique, par les notes qui s'échappent du bout de ses doigts et éclatent dans la pièce avec vigueur et puissance. Les manches de sa chemise sont retroussées, dévoilant sa marque, la puissance de ses avants-bras, les cicatrices qui brisent la perfection de sa peau. Ses cheveux tombent en cascade sur son front, humide de sueur. Ses doigts, longs et fins, traversent les touches et claquent contre l'ivoire avec une rapidité déconcertante.
La sorcière tremble. Ses épaules sont nues mais ce n'est pas à cause du froid. Il fait chaud dans la pièce, plus qu'ailleurs dans le Manoir. Son cœur bat trop vite dans sa poitrine et sa gorge est nouée par l'émotion.
Le temps semble suspendu.
Elle voudrait que ce moment dure pour l'éternité. Mourir ainsi, dans la passion et le désespoir. Parce que c'est de cela qu'il s'agit ; la façon dont il joue semble être le reflet de son âme. Un tourment perpétuel de doutes oppressants.
Son interprétation la bouleverse. Sa chair est couverte de frissons.
Lorsque le morceau se termine, Hermione est à bout de souffle. Elle n'avait même pas réalisé qu'elle avait cessé de respirer en écoutant la dernière partie du morceau.
Draco s'immobilise, ses doigts reposent silencieusement contre les touches en ivoire. Sa respiration est saccadée et il reste ainsi pendant un long moment.
" - Approche," finit-il par murmurer d'un ton suave.
Hermione obéit silencieusement. Une partie d'elle-même se sent coupable d'avoir brisé ce moment tandis que l'autre est prête à recommencer encore et encore afin de revivre le sentiment de plénitude qu'elle vient de vivre.
Lorsqu'elle arrive à sa hauteur, elle ne trouve pas le courage de le regarder alors elle fixe le capot étincelant du piano à queue qui brille sous la lumière des chandelles.
Les doigts de Draco enlacent son poignet et il la guide à ses côtés afin qu'elle puisse le rejoindre sur le banc matelassé.
" - Joues avec moi."
Hermione inspire, elle peine à contrôler les tremblements de son corps.
Il guide lentement ses doigts sur les touches et l'aide à démarrer un nouveau morceau qu'elle reconnaît rapidement. Les premiers accords de Spring Waltz retentissent dans la pièce et le blond relâche lentement les doigts d'Hermione avant de lui emboîter le pas pour continuer la musique. La brune est un peu rouillée, elle n'a pas eu l'occasion de jouer depuis de nombreuses années. Elle rate plusieurs notes mais Draco ne semble pas lui en tenir rigueur.
Lorsque les accords s'accélèrent et se bousculent, Hermione est à bout de souffle. Elle pianote à un rythme effréné et tente de suivre la cadence du blond mais il est bien trop rapide et elle enchaîne les mauvaises notes avec désespoir, ruinant la perfection de la mélodie.
Une suite de notes supplémentaires et elle explose. C'est trop pour elle. Ses doigts s'écrasent brutalement contre les touches, mettant un terme définitif au morceau.
Elle prend une grande inspiration et se tourne vers Draco.
Ils s'observent en silence, leurs cages thoraciques montant et descendant au même rythme saccadée.
Elle le supplie du regard. S'il ne le fait pas, elle n'aura jamais le courage de le faire.
Et d'une façon ou d'une autre, il comprend.
C'est un besoin viscéral, incompréhensible. Ils doivent le faire au risque de brûler, de s'évaporer, d'exploser, le regretter.
Il inspire, comme si l'air présent de la pièce n'était pas suffisant, puis l'instant d'après, ses lèvres sont sur les siennes.
Hermione ferme les yeux et s'accroche aux revers de sa chemise. Elle a besoin de toucher, de sentir, de confirmer que tout ceci est réel. Elle veut être au plus près, profiter de tout ce qu'il peut lui offrir.
Les mains de Draco s'enroulent autour de sa taille et il la soulève afin qu'elle le chevauche. Ses doigts glissent le long de son dos et se perdent dans son épaisse chevelure. Il maintient sa nuque, berce sa joue.
Leurs lèvres se plaquent et se frottent. C'est brutal, ça n'a rien de romantique. Et pourtant, Hermione irradie. Elle s'accroche aux épaules du blond, serre ses cuisses contre les siennes, s'agrippe et tire sur ses mèches blondes.
Leurs souffles se mélangent et ne forment plus qu'un. Leurs dents s'entrechoquent, leurs langues s'effleurent, leurs mains s'explorent.
Le coeur de la jeune femme bat trop vite.
C'est trop et pas assez .
Elle veut se fondre en lui, elle veut qu'il l'embrasse encore et encore jusqu'à ce que ses poumons s'embrasent. Chaque nouveau baiser est plus passionné que le précédent, ses caresses ne suffisent pas à apaiser son besoin dévorant. Elle se presse contre lui, savourant la sensation de son désir pour elle qui appuie contre son centre.
L'une des mains de Draco remonte le long de son épaule, il effleure ses clavicules et enroule ses doigts autour du nœud qui retient sa chemise de nuit. Il s'apprête à tirer dessus afin de savourer le contact de sa poitrine contre ses paumes, quand soudain, un raclement de gorge se fait entendre.
Non, non, non. Pas maintenant !
Hermione a envie de hurler de frustration.
Draco sursaute et ses lèvres disparaissent des siennes, lui laissant une impression de froideur désagréable.
" - Artie est navré d'interrompre le maître. Mais Monsieur Nott réclame Miss Hermione."
Hermione a toujours été une fervente défenseuse de la cause animale. Pourtant, à cet instant précis, elle a envie d'étrangler le pauvre elfe de maison et l'envoyer valser aux oubliettes.
Les mains de Draco quittent son corps et il la soulève pour l'éloigner de lui. Elle se sent vide et délaissée. Sa respiration n'a toujours pas reprit un rythme convenable. Elle prend une grande inspiration puis jette un bref regard à l'homme qui la maintenait contre lui quelques secondes auparavant et qui fuit désormais ses yeux.
Il occlue. Une fois encore.
La sorcière trébuche sur ses propres pieds tandis qu'elle recule avec regret en direction de la porte.
Demain, elle assumera les retombées de ses actes. Mais pour ce soir, elle va se contenter d'agir comme une jeune femme devrait le faire et se remémorer, encore et encore, le goût de ses lèvres.
2 mars 2001 | 04:00
Hermione entrouvre lentement la porte de la chambre d'ami et découvre Théodore endormi dans son lit. Elle fronce les sourcils et s'avance dans sa direction.
" - Théo ? Tu as demandé à me voir ?"
Au son de sa voix, le garçon remue dans son sommeil. La brunette s'installe à ses côtés puis pose une main délicate sur son front afin de vérifier sa température.
Il ne semble pas fiévreux ce qui est bon signe.
" - Qu'est-ce qu'il y a ?" marmonne-t-il en étouffant un bâillement.
" - Artie a dit que tu voulais me voir ?"
Théo se frotte les yeux et se redresse lentement, gardant le dos appuyé contre le dossier du lit.
" - Je n'ai pas le souvenir de l'avoir fait, mais peut-être qu'il s'agissait d'un rêve ?"
Le garçon saisit sa baguette et redonne de la vivacité à la flamme de la bougie qui brille sur la table de nuit. Il se tourne vers Hermione et ses yeux s'écarquillent, du moins celui de droite qui n'est pas trop gonflé.
" - Qu'est-ce qui s'est passé avec ton visage ?"
La brunette sent immédiatement une rougeur envahir ses joues.
" - Mon visage ?" Bredouille-t-elle naïvement.
" - Tes lèvres sont rouges, tes cheveux sont dans un état pitoyable, tes yeux sont vitreux et…"
Il se penche vers elle et frotte son pouce au coin de ses lèvres.
" - Tu as de la bave au coin de la bouche," glousse-t-il. "Ce qui me laisse supposer que tu étais en train de faire un rêve érotique ou bien…"
" - Théo !" S'offusque Hermione en refusant d'écouter le reste de sa phrase.
" - Je me trompe ?"
Un large sourire vient fendre son visage abîmé.
" - Je… Ce n'est pas…" bafouille la brune en cherchant une explication plausible.
" - Comment c'était ?"
" - Hum ?"
Le jeune homme insiste et Hermione réalise que quoi qu'elle dise, il ne sera pas dupe.
" - C'était… chouette."
" - Seulement chouette ?"
La sorcière inspire et se laisse tomber sur l'oreiller à côté de Théo.
" - D'accord, d'accord… C'était le baiser le plus torride de ma vie. Et puis Artie est arrivé et il s'est mit à occlure comme à son habitude… De toute façon, cela ne signifie rien. C'était un accident. Il avait bu, probablement. Et le piano a toujours été l'une de mes faiblesses. Alors voilà. Nous nous sommes comportés comme des adolescents sous hormones. Et, ça ne se reproduira plus. Une erreur de parcours, voilà."
" - J'aime beaucoup tes tentatives d'auto-persuasion, petite souris, mais franchement, cela n'a pas l'air très efficace."
La jeune femme ferme les yeux et soupire.
Elle aimerait que la nuit ne se termine jamais.
Car demain, elle devra affronter la situation et les regrets évidents de Draco.
Mais aussi ses propres remords et sa culpabilité.
