Auteur : Kitsu34
Fandom : Saint Seiya (manga originel)
Couple : Milo x Camus
Disclaimers : L'univers de Saint Seiya appartient à M. Kurumada.
Page blanche – Chapitre 11
« Par ici, Mû, Deathmask ! »
Camus fendait la foule d'un pas décidé, sans prêter attention aux regards courroucés ou admiratifs qui accompagnaient sa progression. Il se sentait fébrile, presque fiévreux depuis que l'avion avait atterri à JFK. Non… En fait, il baignait dans l'euphorie et la panique depuis la nuit dernière quand le cosmos si reconnaissable de Milo avait explosé en lui. Une plénitude et un bonheur si intenses s'étaient emparé de lui à ce moment, qu'il avait pensé perdre l'esprit ou connaissance. Il avait à nouveau eu du mal à repousser les larmes qui lui montaient aux yeux. Le chevalier du Verseau eut un mince sourire ironique. Lui qui n'avait jamais pleuré de douleur ou de souffrance se révélait bien faible pour lutter contre des larmes de joie… Sans doute n'y était-il pas assez habitué, au fond…
Avec un mouvement d'impatience, il se retourna à nouveau pour héler ses deux compagnons de voyage. Un soupir d'exaspération lui échappa quand il aperçut loin derrière Mû appuyé sur Deathmask qui regardait autour de lui avec curiosité et marchait tranquillement, à pas lents et réguliers.
« Bon, vous vous pressez un peu, là ? On n'a pas que ça à faire !
- Calme, Camus. On n'est pas pressés.
- Quoi ? Bien sûr que si ! On voit que ce n'est pas toi qui languis depuis quatre ans !
- Et tu veux te précipiter où exactement ?
- Mais à la recherche de Milo, bien sûr !
- Ah ouais ? Et par quel bout tu comptes commencer au juste ?
- Je…
- Tu as une idée de où il se trouve au juste ?
- Mais…
- Dans une ville de plusieurs millions d'habitants, tu comptes le localiser comment ? Vas-y, épate-moi.
- Je… Je ne sais pas. Mais je ne peux pas rester là, à ne rien faire ! Je vais devenir fou !
- Tiens, Mû, assieds-toi là, on va prendre un petite déjeuner et un bon café ou thé, pour toi si tu préfères.
- Quoi ? Mais… Mais on n'a pas le temps !
- Bon Camus, pose tes fesses que je t'explique un truc.
- J'en ai assez !
- Moi aussi ! Tu n'es pas tout seul, là ! Ouvre un peu les yeux ! »
Camus eut un haut le corps et fit un pas en arrière. Deathmask n'avait pas haussé le ton, mais sa voix s'était faite froide et tranchante. Une voix qui n'admettait pas la contradiction. Le Verseau, heurté, fronça le sourcil et se mordit la lèvre inférieure, prêt à répondre vertement lui aussi, quand une vibration étrange l'arrêta. Il tourna la tête et son regard rougeoyant tomba sur Mû, assis à une table du café, à quelque distance.
Le chevalier du Bélier était pâle et semblait souffrant. Ses traits délicats étaient tirés et légèrement contractés, comme ceux d'une personne souffrante qui tente, sans y parvenir complètement, de dissimuler son état. Les sourcils fourchus de Camus se froncèrent davantage, de souci cette fois. Qu'arrivait-il donc à Mû ?
« Ca y est, tu viens de le remarquer ? Il est temps !
- Mais ? Depuis quand est-il ainsi ? Et qu'a-t-il au juste ?
- Il a mal depuis l'atterrissage. Et ça empire. Il faut qu'il s'adapte. Il a besoin de temps.
- Que lui arrive-t-il ?
- Ben des millions d'habitants, c'est pas de la tarte pour un télépathe, tu dois bien t'en douter. Ca fait des milliards de pensées qui lui arrivent dessus en même temps. Il faut donc qu'il s'habitue à ce flot incessant et qu'il parvienne à fermer efficacement son esprit et à le rouvrir uniquement pour ce qui nous intéresse.
- Bien sûr… Comment ne l'ai-je pas envisagé avant…
- Parce que t'es devenu con au moment où t'as senti Milo.
- Pardon ? Comment oses-tu…
- Bah, te bile pas. T'es loin d'être le seul. L'amour, ça rend con paraît-il. »
Devant le sourire narquois du Cancer, Camus grinça des dents et serra les poings, au comble de l'agacement. Mais, et il jeta à nouveau un regard en biais sur le visage pâle du Bélier, Deathmask avait raison. Mû n'était pour l'instant pas en état de se concentrer sur la recherche de Milo. Et c'était contrariant. Profondément et absolument contrariant ! Le chevalier du Verseau ferma les yeux et rejeta la tête en arrière, lèvre pincées de colère et de frustration. Savoir que Milo se trouvait dans cette ville, peut-être tout près, et ne pas pouvoir partir à sa recherche ! Il sentait son sang bouillonner dans ses veines, de rage et d'impuissance. Mais il devait se reprendre, se contenir. Ce n'était pas en piquant une crise de fureur que la recherche de Milo pourrait avancer.
Il rouvrit ses yeux, incandescents à présent, avec une résolution farouche. Il devait contrôler ses émotions et ne pas les laisser le gouverner ! Quelle ironie, pour lui, d'être ainsi à fleur de peau. Lui… Le magicien de l'eau et de la glace, le sans émotions… Il devait se reprendre et redevenir le Chevalier d'Or du Verseau, glacé et inébranlable : c'était ainsi qu'il était le plus efficace et qu'il pourrait parvenir à localiser Milo.
Habité de cette décision, baissant la tête dans sa concentration, Camus descendit en lui même retrouver son assise glacée. Son cosmos froid s'activa, aplanissant toutes les aspérités émotionnelles, mettant au pas les sentiments sauvages et lissant les réactions physiologiques correspondantes. Les yeux de lave s'éteignirent, la fébrilité inquiète s'apaisa, le maintien brouillé se clarifia et la respiration précipitée se lénifia. L'esprit aiguisé et délié se raffermit et se remit en fonctionnement normal, efficace et pénétrant.
Lorsqu'il releva la tête et darda son regard sombre vers Deathmask et Mû, le Chevalier d'Or du Verseau était redevenu parfaitement maître de lui-même.
« Bien, tu as raison Deathmask, il vaut mieux faire une pause et attendre ici que notre chambre d'hôtel soit libre. Dès que ce sera le cas, je t'accompagnerai mettre Mû au repos. Puis je partirai commencer les recherches.
- Ah, ça fait plaisir de te retrouver toi-même. Les choses seront plus simples.
- En effet. Je vous prie de m'excuser, Mû et toi, pour cette sensiblerie étonnante qui m'a pris de cours.
- Ne t'excuse pas Camus. C'est naturel que tu aies été bouleversé, vu les circonstances.
- Comment te sens-tu ?
- C'est… Difficile… Mais d'ici quelques jours, je serai complètement habitué. Les grandes métropoles, c'est toujours un défi… Je suis désolé.
- Non, tu n'as pas à l'ê te remercie déjà de m'aider, Mû.
- Ouais, ouais, assez de circonvolutions mondaines tous les deux. Prenons les choses en main : tu comptes commencer comment tes recherches, Camus ?
- Ca me paraît évident : par les hôpitaux.
- Bien sûr ! Pourquoi je n'y ai pas pensé ?
- Dans le meilleurs des cas, Milo a dû être blessé. Il l'est peut-être encore. Il a dû entrer dans le système de soins. Nous pourront peut-être le retrouver ainsi.
- Parfait. Dès que Mû est bien installé, je te rejoint sur le terrain : à deux, on sera plus efficaces ! »
Sur ces derniers mots, avec une satisfaction manifeste, Deathmask leva le bras à l'attention de la serveuse. Camus expira longuement, maîtrisant le maelstrom bouillonnant en lui, puis lança un regard de défi par les verrières de l'aéroport. Il allait retrouver Milo, New York ou pas New York !
oOoOo
La répétition battait son plein, la musique résonnait dans le gymnase. Pourtant, Zach n'arrivait pas à danser. Ou plutôt, il n'y arrivait plus. Le jeune homme poussa un soupir profond, presque une exhalaison, et se prit la tête dans les mains. Non, il n'y arrivait plus depuis ce jour funeste où, cédant à la jalousie et à la rage, il avait commandité l'agression de JJ. Depuis ce jour, la culpabilité et la honte le rongeaient. Il souffrait presque physiquement de ce dégoût de lui-m^me et de ses actes.
Qu'est-ce qui lui était passé par la tête ? Pourquoi avait-il fait ça ? Qu'avait-il cru gagner ? Quelle voix maudite avait-il écoutée ?
Ces questions sans réponse le hantaient depuis, ne lui laissant pas un instant de repos. Et pour accentuer encore son mal-être, JJ, depuis ce même jour, étincelait. Il avait toujours été doué, Zach l'avait senti dès le premier jour, quand le jeune homme à la beauté lumineuse avait poussé la porte du gymnase derrière Virgile. Mais depuis ce jour-là, il était plus que cela. Son talent touchait à la perfection. Ses gestes étaient d'une précision, d'une pureté douloureuse. Il se fondait dans l'idéal et le divin, irradiant d'une lumière intérieure incroyable. Parfois Zach avait même l'impression de voir réellement et tangiblement cette luminescence nimber le corps de JJ durant la danse.
Le jeune métis joignit ses mains sur sa nuque, secoué d'un rire amer. Il devenait fou… Bien sûr que JJ ne brillait pas ! Ce n'était pas un ver luisant non plus ! Avec rage, Zach se leva du banc où il était tombé et fit quelques pas au hasard avant de reporter les yeux sur le groupe de danseurs.
En première ligne, yeux fermés, lèvres entrouvertes sur un sourire de plénitude, JJ dansait. Et Zach se mordit les lèvres avec dépit et envie à la fois. Chacun des gestes du danseur blond devenait plus efficace et plus beau. Alors que le rythme de la musique et de la danse se précipitait, les mouvements de JJ, au contraire, semblaient ralentir, se figer dans la perfection de l'éternité. Il touchait du doigt l'immanence. Un gémissement de désespoir s'échappa des lèvres de Zach. Comme à chaque fois que ces moments de grâce touchaient JJ, le phénomène se reproduisait : une lumière dorée semblait émaner de lui et le transfigurer. Le jeune danseur secoua la tête en fermant les yeux et les rouvrit pour constater, une fois de plus, qu'il avait rêvé. Bien entendu que JJ ne brillait pas !
Un mouvement, sur sa droite, attira son attention. Il se retourna et vit un homme qui venait d'entrer se détourner avec ce qui ressemblait à de la colère et sortir. C'était un homme séduisant, grand et athlétique, aux yeux gris. Où Zach l'avait-il déjà vu ?…
L'impression de l'avoir déjà vu le lança sur les pas de l'inconnu jusque dehors. Mais celui-ci semblait s'être volatilisé : il n'y avait pas trace de lui dans les environs du gymnase… Alors qu'il s'apprêtait à rebrousser chemin et à rentrer à l'intérieur, Zach perçut un bruit mouillé étouffé. Un sanglot ?
A pas de loup, protégé par sa grâce imperceptible de danseur prodige, le jeune homme se dirigea en silence vers le bruit. Cela semblait venir de l'arrière-cour du gymnase où s'entassaient les poubelles. Il risqua un coup d'oeil et se figea, en sachant comment réagir ni quoi faire.
Assis entre les bennes, l'homme du gymnase, recroquevillé sur lui-même en se tenant la main droite, pleurait convulsivement. Et face à cette détresse si poignante, horrifié, Zach le reconnut.
C'était l'ami de JJ. Celui qui avait été agressé le même jour par ces sombres abrutis de B-Snoop ! Pourquoi pleurait-il ? Que c'était-il passé pour qu'il en arrive à un état si misérable ?
Affolé par la honte, la culpabilité et le dégoût de lui-même, fasciné par cette douleur qui rejoignait la sienne, sans comprendre pourquoi, ni calculer ses gestes, il pénétra dans l'arrière-cour en faisant le plus de bruit possible. Aussitôt l'autre homme sauta sur ses pieds et s'essuya frénétiquement les yeux, se tournant dos à lui pour mieux dérober ses pleurs. Ne comprenant pas comment il le savait, mais absolument sûr que c'était la chose à faire, Zach vint doucement s'asseoir au milieu des bennes, aux côtés de l'homme au dos tourné. Il poussa à nouveau un soupir profond comme exhalé de ses entrailles puis il parla, d'une voix amère et désabusée.
« C'est pas la journée, hein ? Bienvenue au club, alors. Pour moi non plus. »
Le silence seul lui répondit. L'homme ne bougea pas.
« Il y a des moments, comme ça, où on se sent toucher le fond. On se sent comme une merde. Ça vous est déjà arrivé ? Moi, je suis en plein dedans et j'ai l'impression que je n'arriverai jamais à m'en sortir... »
Cette fois, l'homme eut un mouvement, mais il ne se retourna toujours pas.
« Remarquez, c'est bien fait pour moi, vu que c'est de ma faute. J'ai voulu jouer au plus malin, j'ai mal agi et maintenant je suis plus bas que terre et je me sens minable, tellement minable... »
Dans l'ombre de l'arrière-cour, l'homme se retourna à demi et lança un regard vers lui, mais Zach ne le regarda pas. Il avait besoin de s'épancher, de vider son sac, même auprès d'un inconnu.
« J'ai vraiment joué au con. J'ai été jaloux, connement et salement jaloux. Et j'ai tout perdu... »
A présent, l'homme lui faisait face et le regardait en silence. Sous le poids de ce regard, des larmes de honte et de regret montèrent aux yeux de Zach. Il se mordit la lèvre du bas en serrant les poings, tandis que les perles d'eau dévalaient silencieusement ses joues.
« Pourquoi y a-t-il des êtres si intensément doués, si extraordinaires que l'impossible leur est possible ? »
L'homme se rassit à ses côtés sans prononcer un mot, mais Zach se sentit mieux, en communion avec quelqu'un qui partageait sa souffrance. Et au frémissement qui le parcourut, il sut que l'inconnu ressentait la même chose que lui.
« Et par-dessus tout, pourquoi je ne peux pas faire partie de ces êtres-là... J'aurais tout donné pour être comme lui… »
La boule de sanglots dans son ventre, cette boule qui pesait sur son estomac depuis des jours et l'empêchait de respirer normalement, remonta subitement et creva dans sa gorge, le déchirant de pleurs incoercibles. Une main bienveillante se posa avec douceur et peine sur son épaule et une voix grave retentit à ses oreilles, toute proche.
« Je sais… Moi aussi, j'aurai voulu appartenir à ce monde plus que tout. Et ça fait tellement mal d'admettre que ce n'est pas le cas... »
Les sanglots déchirant de Zach s'accentuèrent encore, lui arrachant des gémissements de douleurs et des hoquets de peine. Mais cette déchirure qui le secouait évacuait sa souffrance, il le sentait. Bientôt, peut-être, viendrait l'apaisement et il pourrait avouer sa faute à cet homme bienveillant et s'excuser avec sincérité auprès de JJ. Seulement après, sa grâce et son talent pourraient alors lui revenir…
oOoOo
