Bonsoir à tous !
Dimanche soir étant un moment particulièrement nul de la semaine, je vous propose un nouveau chapitre de cette histoire pour essayer d'égayer tout ça !
Pour ce chapitre, on alterne entre les points de vue de Tony et Peter, j'espère que ça vous plaira !
Petite précision : je sais que la DDASS n'existe pas aux USA mais puisqu'on est en VF, autant garder les références françaises !
Bonne lecture !
⁂
Il était très étrange de se trouver face à un adolescent qui partageait ses gènes. Tony ne pouvait s'empêcher de rechercher quelque chose de familier sur ces traits, ces yeux marron, ces boucles châtain qui retombaient en désordre sur son front — mais tout ce qu'il voyait ne le renvoyait qu'à un immense point d'interrogation.
Dans quoi t'es-tu encore fourré, mon vieux ?
Ignorant visiblement les doutes qui se bousculaient dans son esprit, le garçon s'écarta de la fenêtre et se mit à balbutier, les joues rosissantes :
— J-je ne cherchais pas à m'enfuir, je... j'admirais juste la vue, je vous le promets !
Tony haussa les sourcils. Il insista :
— Je... je ne veux pas partir d'ici, je suis désolé, m'sieur !
L'adolescent semblait sincèrement paniqué. Tony leva les mains en signe d'apaisement :
— Hey, relax, petit. C'était une blague. Pas ma meilleure, apparemment, mais je ne le pensais pas vraiment.
Il fallut plusieurs secondes au garçon pour se calmer. Lorsque son teint eut recouvré une couleur moins flamboyante et que sa respiration fut plus apaisée, il se mit à le fixer comme s'il avait un morceau de persil coincé entre les dents. Par réflexe, Tony passa discrètement la langue sur sa gencive, mais n'y trouva rien de spécial.
Le garçon bredouilla, l'air embarrassé :
— V-vous êtes M. Stark.
— Il paraît, oui, répondit Tony.
— E-enchanté. Moi c'est Peter, Peter Parker !
— Je sais.
— O-oui, bien sûr ! Évidemment ! Woah, v-vous êtes... exactement comme sur les photos !
— Étant donné la passion qu'ont les médias pour Photoshop, je prends ça comme un compliment, répondit Tony en entrant dans la pièce. Ta chambre te plaît ? Désolé, c'est un peu vide. Normalement, Pep aurait dû m'aider pour la déco, mais...
Mais Pepper et lui s'étaient récemment disputés et elle était partie, traînant derrière elle sa valise de la taille d'un éléphanteau. Il avait bien cherché à la retenir, mais elle avait obstinément repoussé toutes ses tentatives de réconciliation, arguant qu'il n'avait pas besoin d'elle et qu'il serait mieux, pour tout le monde, qu'elle disparaisse momentanément de la scène.
Tony jugea toutefois mieux de ne pas partager ce genre de détail avec le garçon — qui, de toute façon, ne semblait pas particulièrement intéressé par la décoration intérieure de sa chambre. Il le fixait toujours comme s'il s'attendait à le voir sortir un lapin de son chapeau imaginaire, et Tony ne pouvait s'empêcher d'en concevoir un certain malaise.
Il ne savait pas exactement à quoi s'attendait Peter, mais il craignait qu'il ne se soit déçu.
— La chambre est parfaite, M. Stark ! dit finalement l'adolescent en lui adressant un sourire hésitant. Elle est tellement grande qu'on pourrait y organiser le prochain marathon de New-York !
Tony ne put s'empêcher d'esquisser un léger rictus :
— Okay, petit. La première règle, ici, c'est que personne n'est autorisé à inviter des inconnus à l'odeur douteuse sous mon toit. Donc non, pas de marathon, que ce soit dans ta chambre ou ailleurs.
— Oh, pourquoi, M. Stark ? Il y a tellement de place, ici !
— Non. Tu n'as pris que ce sac ?
L'adolescent souleva son sac à dos et le pressa aussitôt contre sa poitrine, comme s'il contenait des trésors dont Tony n'aurait pu imaginer la valeur. L'homme haussa de nouveau les sourcils.
— Hey, doucement. Je ne vais pas te l'arracher.
— Oh, oui, ahem, désolé. C'est juste que, euh, oui, je n'ai pris que ça. Le reste est encore chez M. Stacy.
— Ok. Installe-toi confortablement, fais comme chez toi, etc, tu connais la chanson. Je serai dans la pièce d'à côté, rejoins-moi quand tu auras terminé.
— D'accord m'sieur ! s'empressa de répondre Peter en mimant un salut militaire, avec un tel engouement qu'il en lâcha son sac à dos.
Celui-ci émit un curieux craquement en s'écrasant sur le parquet.
— Oups, euh, désolé ! balbutia Peter en se précipitant par terre pour le reprendre dans ses bras.
Tony décida de ne pas faire de commentaire et de quitter la chambre, réalisant que les choses seraient peut-être légèrement plus difficiles que prévu.
⁂
Peter avait envie de se frapper le front contre le mur, mais il craignait de faire un trou de la taille de sa tête dans le parpaing — alors il se contenta de s'asseoir au bord de son lit en se tordant nerveusement les doigts, dans l'espoir d'apaiser l'angoisse qui se calfeutrait au creux de son ventre.
Pourquoi diable avait-il fallu qu'il panique ?! Pourquoi avait-il fallu qu'il ne comprenne pas la blague de M. Stark, et qu'il agisse comme un détraqué en s'accrochant à son sac à dos comme si sa vie en dépendait ?
L'adolescent avait conscience qu'il n'agissait pas toujours de façon rationnelle. Que certains mécanismes étaient profondément ancrés en lui, qu'il ne pouvait pas s'en débarrasser d'un claquement de doigts. D'ordinaire, il y avait toujours Gwen ou Ned pour l'aider, pour lui rappeler que tout allait bien, que ses cauchemars étaient derrière lui, mais cette fois-ci...
Il soupira. Il aurait donné n'importe quoi pour que M. Stark ne découvre pas sa bizarrerie aussi rapidement.
— Ahem, petit ?
Il sursauta lorsqu'on frappa à sa porte.
— Tu es toujours vivant ? Ça fait bien vingt minutes qu'il n'y a plus aucun bruit, là-dedans. Est-ce que je dois m'attendre à voir la DDASS débarquer ?
— N-non, tout va bien, M. Stark, désolé ! J'arrive !
Il hésita, fourra son sac à dos sous son lit et se rua hors de sa chambre. En ouvrant la porte, il manqua de se prendre les pieds dans un M. Stark visiblement impatient, qui le dévisageait sans un mot de l'autre côté des verres fumés de ses lunettes.
— Désolé pour l'attente, j'étais, euh, perdu dans mes pensées ! Je n'étais pas en train de faire des trucs bizarres ou illégaux, je vous le promets ! s'empressa de se justifier Peter.
— Okay... répondit lentement M. Stark, alors que la perplexité se frayait un passage jusqu'à son front pour y creuser deux sillons parallèles.
Durant quelques secondes de silence, Peter sentit le malaise se répandre dans ses veines, lui donnant très chaud au visage — puis M. Stark le rompit d'un simple :
— Suis-moi. Friday va te faire une petite visite guidée de la tour.
— Friday ?
— Mon IA.
— Bonjour, Peter, dit une voix féminine au dessus de leur tête. C'est un plaisir d'enfin te voir en chair et en os.
Peter fit un nouveau bond et leva le nez, abasourdi.
— Vous avez une IA pour tout l'étage ?!
— Pour tout le bâtiment, corrigea M. Stark. Friday est également reliée à mon costume et à tous les appareils électroniques à mon nom. Nous pourrions l'installer dans ton téléphone portable, si tu le veux. Promis, elle ne t'espionnera pas. J'ai beaucoup de défauts, mais fouiller dans les petits secrets des adolescents n'en fait pas partie.
Peter fit un signe affirmatif du menton, abasourdi.
— Je vais avoir une IA dans mon téléphone ? Woah, c'est incroyable ! Salut, Friday ! On commence par visiter quoi ?
— Comme tu le souhaites, Peter, dit l'IA d'une voix accommodante. Tu as accès à tout l'étage, où se trouvent toutes les pièces de vie : le salon, la cuisine, la salle à manger, la salle de réunion, la salle de sport, la salle de...
Il ne put s'empêcher de l'interrompre, la curiosité prenant le pas sur la prudence :
— Le repère top-secret des Avengers ?
— Non, la base des Avengers se trouve à un autre étage, répondit Friday.
— Et tu n'as pas le droit d'y aller, ajouta fermement M. Stark. N'est-ce pas, Friday ? Tous les accès à la base des Avengers sont formellement interdits à toute personne qui n'a pas encore fêté ses vingt et un ans.
— Vous ne m'avez jamais donné de critère relatif à l'âge, Boss, corrigea aimablement l'IA. Vous m'avez seulement interdit de laisser votre fils y entrer.
Peter se figea à ses mots, et il vit clairement M. Stark pâlir.
Il y eut un nouvel instant de flottement, infiniment plus gênant que le précédent, durant lequel chacun eut tout le loisir d'écouter l'autre avaler sa salive — puis M. Stark s'éclaira bruyamment la gorge et reprit :
— Pas de repère top-secret des Avengers pour toi, petit. Continue la visite, Friday.
Indifférente au malaise ambiant, l'IA répondit poliment :
— Très bien. Les appartements de M. Stark se trouvent de l'autre côté du couloir. Tu trouveras également un accès au toit derrière le...
— Évitons aussi le toit, coupa M. Stark.
Peter ne put s'empêcher de protester :
— Oh, pourquoi ? La vue doit être incroyable, de là-haut !
— Non.
— Mais M. Stark...
Les ailes du nez de M. Stark furent parcourues d'un curieux frémissement. Lorsque ses yeux rencontrèrent les siens, Peter crut voir quelque chose qui ressemblait à de la frustration s'agiter au fond de ses prunelles, et il fit mécaniquement un demi-pas en arrière.
Toutefois, lorsque M. Stark reprit la parole, ce fut d'une voix dépourvue de toute animosité ou de tout reproche. Il semblait seulement fatigué :
— Tu n'es pas obligé de m'appeler M. Stark, tu sais. Tu peux m'appeler Tony, après tout c'est mon prénom.
Mais Peter secoua la tête. La panique était encore à l'orée de son cœur, menaçant de prendre à nouveau possession de ses pensées, et il balbutia, les joues brûlantes :
— Oh, n-non, je préfère vous appeler M. Stark, si ça ne vous dérange pas, parce que, euh, mes autres familles... c-c'était comme ça là-bas, vous comprenez ? Je devais les appeler par leur nom et euh j'ai pris l'habitude, et je ne voudrais pas être impoli, et puis vous êtes M. Stark, et ahem je euh...
— Okay, okay, calme-toi, Peter, répéta M. Stark en esquissant un geste dans sa direction — toutefois sa main s'arrêta à quinze centimètres de son épaule et resta suspendue dans les airs, comme si un fil invisible la reliait au plafond. Tout va bien. Tu fais ce que tu veux, sache seulement que si un jour tu décidais de m'appeler par mon prénom — ou par n'importe quel autre nom —, je ne le prendrai pas mal.
Peter acquiesça, toujours écarlate. L'expression de M. Stark s'adoucit lorsqu'il ajouta :
— Continuons la visite, d'accord ? Friday doit encore te montrer la salle de cinéma. Ensuite, tu pourras manger quelque chose, si tu as faim.
A ces mots, une pointe d'hésitation traversa son visage :
— D'ailleurs, combien de repas par jour est-ce que vous prenez, vous, les adolescents ? Pep m'a dit que vous aviez besoin d'autant de calories que des joueurs de catch professionnels, si on ne veut pas vous retrouver par terre.
Peter prit le temps de souffler, laissant son cœur reprendre un rythme à peu près normal, avant de répondre :
— Trois repas par jour, M. Stark, comme tout le monde, ça ira parfaitement !
Il ajouta, retrouvant son enthousiasme :
— Vous avez vraiment une salle de cinéma ? Avec les sièges rouges, les murs noirs, le pop-corn sur la moquette et tout ?
M. Stark ne parut pas savoir quoi répondre.
⁂
La migraine était déjà revenue, partant de l'arête de son nez pour se déployer derrière ses globes oculaires. Les coudes posés sur la table de la nouvelle salle de repos des Avengers, Tony fixait du coin de l'œil la bouteille de scotch qui semblait le narguer, de l'autre côté de la pièce, sagement rangée dans son étagère vitrée — à côté des bouteilles de whisky et de rhum que les super-héros avaient collecté au fil de leurs missions.
Peter n'avait rien à voir avec ce qu'il s'était imaginé. Il ne ressemblait ni à une version miniature de lui-même, ni au portrait sage et figé qui avait été dépeint dans son dossier.
Il était... curieux, bavard, vif et surtout... imprévisible.
Ce n'était pas comme Jarvis, Friday ou toutes les IA qu'il avait façonnées au cours des dernières années. Il n'y avait aucun bouton pour le mettre en pause, pour régler son volume ou anticiper ses réactions. Comme Rhodey l'avait observé, il était un être humain — et ces deux mots suffisaient à plonger Tony dans un océan de perplexité mêlée de quelque chose qui ressemblait à de la peur.
— Ça va, Tony ?
— Je me porte comme un charme, marmonna-t-il en levant les yeux vers un Steve Rogers qui semblait de bien trop bonne humeur à son goût, pimpant dans l'un de ces t-shirt moulant sur l'esthétique duquel Tony préférait ne pas se prononcer.
— Vraiment ? Tu es anormalement silencieux, mon vieux.
— On ne peut pas en dire autant de toi.
Le voyant sourire, Tony précisa :
— Ce n'était pas un compliment, alors arrête de me regarder comme ça. Tu n'as pas quelqu'un à sauver ? Une vieille dame qui aurait besoin de tes gros bras pour soulever son panier à provision ? Un membre d'HYDRA qui se serait caché dans les canalisations de la ville, si possible très loin d'ici ?
A son grand malheur, Steve ignora ses sarcasmes et s'installa face à lui, sans se départir de ce sourire parfait qui lui donnait parfois envie de l'encastrer (plus ou moins gentiment) dans le mur.
— Allez, dis-nous tout, Tony. Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Ça a un rapport avec cette mission sur laquelle tu t'es précipité, alors même que Nat' t'avait dit que tu n'étais pas obligé de venir ? Avec le fait que tu ne t'exprimes plus que par grognements ou par l'intermédiaire de Friday quant on t'adresse la parole ? Ou avec le fait que tu aies réquisitionné le dernier étage de la tour et nous a interdit d'y mettre les pieds, sans nous expliquer pourquoi ?
Tony lui jeta un regard noir.
— C'est bon, tu as fini ? C'est à mon tour de poser des questions ? Alors que dis-tu de celle-là : pourquoi est-ce que tu ne te mêlerais pas de tes affaires, pour une fois ?
— Hé, au cas où tu l'aurais oublié, on est une équipe. Si tu as des problèmes...
— ... je m'empresserai de les partager avec Captain America, le super-héros préféré des enfants, je sais, acheva Tony. Est-ce que je peux me servir un verre en paix, maintenant ?
Le sourire de Steve sembla légèrement s'infléchir. Tony détesta reconnaître de l'inquiétude sur son visage et préféra fixer son regard au meuble vitré dans lequel les silhouettes sculpturales des bouteilles semblaient chuchoter son nom.
— Tony ?
Il se retint de sursauter lorsque la main puissante de Steve se referma sur son épaule.
— Si tu as besoin de nous, on est là, okay ? Quoi qu'il se passe.
Son ami attachait sur lui un regard soucieux. Tony ravala les sarcasmes qui brûlaient sa gorge et répondit dans un soupir, détournant les yeux des bouteilles :
— Je sais, Steve. Mais ce qui me préoccupe est... quelque chose que je dois faire seul.
— Tu es sûr ?
Il s'efforça de sourire, même s'il avait plutôt l'impression de grimacer :
— Sûr et certain. Te fais pas de bile, Captain, je me débrouillerai. Je me débrouille toujours.
