Bonjour bonjour !

Et voici un nouveau chapitre que j'avais hâte de vous partager !

J'ai beaucoup aimé l'écrire, de manière générale je suis plutôt (très) motivée par cette histoire qui, j'espère, sera aussi longue et complète que dans mes plans ! Autant mes autres fanfictions se conçoivent comme des "petites" (mdr) histoires de 15/20 chapitres max, autant là... on verra où l'avenir nous portera !

Bonne lecture !

xxx

— Ton amie m'a dit que tu aimais bricoler des trucs, et surtout réparer des appareils électroniques. Alors…

La porte vitrée coulissa dans un murmure soyeux. Tony écarta les bras, tel un prédicateur prêchant la bonne parole :

— Voici l'un de mes laboratoires préférés, celui que j'utilise pour la recherche en robotique. J'ai pensé que nous pourrions avoir besoin de tes talents afin d'améliorer un peu nos robots favoris… n'est-ce pas, Dum-E ?

— Woaaah, M. Stark, c'est… c'est…

Les yeux de l'adolescent brillaient de mille feux, ils reflétaient un mélange d'émerveillement et d'incrédulité. Tony pouvait presque entendre son cœur battre la chamade.

— C'est le meilleur jour de ma vie ! finit-il par dire, et un bref instant Tony eut peur qu'il ne décide soudainement de le serrer dans ses bras — ce qui aurait été indéniablement gênant, autant pour l'un que pour l'autre.

Peter dut se faire la même réflexion, car il ébaucha un étrange geste dans sa direction mais s'arrêta en plein milieu, ce qui lui donna l'air d'avoir une sorte de tic nerveux au niveau du coude.

Après quelques secondes de silence, il ramena sagement les bras le long de son corps.

— Je peux vraiment fabriquer ce que je veux ?

— Sous certaines conditions, prévint Tony.

Il s'était entraîné dix fois pour ce moment précis, devant un Happy qui avait fini par lui suggérer de tester quelque chose qui s'appelait la "spontanéité" — mais au diable la spontanéité, lorsqu'il s'agissait de cet enfant dont le visage lui évoquait de plus en plus des souvenirs d'une jeunesse qu'il s'était efforcé d'oublier.

— Première règle, tu ne peux venir ici que sur autorisation : la mienne, celle de Happy ou celle de Rhodey.

— Rhodey ? Vous parlez du Colonel Rhodes ?

— Tu connais d'autre Rhodey ?

Voyant que Peter s'était mis à réfléchir, il se pressa d'enchaîner :

— Deuxième règle, tu ne touches qu'à ce qui est déjà sur le plan de travail, pas à ce qui est rangé derrière une vitre fermée à clef. Si c'est inaccessible, ça l'est pour une bonne raison. Troisième règle, tu me demandes la permission si tu veux utiliser la foreuse ou le fer à souder, et quatrième règle, tu n'enlèves tes gants et tes lunettes de protection sous aucun prétexte. C'est bien compris ?

— A vos ordres, chef ! répondit Peter qui, déjà, se précipitait sur les outils mis à sa disposition.

Tony se retint de lever les yeux au ciel.

Peter. Tes gants et tes lunettes.

— Ouuuiii ! Vous inquiétez pas, m'sieur, pour l'instant je ne fais que regarder !

Il s'avéra que Peter savait à peu près ce qu'il faisait, penché sur le prototype d'un petit robot ménager qui avait les proportions idéales pour se glisser dans des interstices particulièrement étroits. Il lui avait bricolé huit pattes, comme une araignée, et s'échinait maintenant à lui concocter tout autant d'yeux en forme de billes noires.

— Tu sais que nous avons des nano-bots qui se chargent déjà de la poussière de la Tour ? s'enquit Tony en se penchant au-dessus de son robot, curieux.

— Ce n'est pas la même chose, riposta Peter, le nez collé à son tournevis. Je voudrais que mon robot puisse aussi avoir une utilité hors d'ici. Pour nettoyer les rues, ramasser les déchets, ce genre de truc.

— Dehors ? répéta Tony, dubitatif. Je lui donne cinq minutes avant de se faire voler… ou écraser par un camion. Ce que nous fabriquons dans ce laboratoire n'a pas vocation à sortir de la tour.

La bouche de Peter s'ourla d'une moue butée.

— A quoi bon construire des choses si c'est pour les garder enfermées ici, M. Stark ?

— Ce sont des prototypes. Ce n'est pas leur rôle d'être utilisé derrière ces murs.

— Des prototypes qui pourraient aider les gens ! Qu'est-ce que ça révélerait sur nous-mêmes, si on les gardait seulement pour nous ?!

Il allait lui répondre lorsque Friday l'interrompit, de son habituel ton courtois (même si Tony était persuadé d'avoir décelé une pointe d'amusement dans l'inflexion de sa voix) :

— Boss, je suis navrée de vous déranger, mais Natasha Romanoff et Steve Rogers aimeraient s'entretenir avec vous dans la salle commune des Avengers.

Le tournevis de Peter tomba bruyamment sur sa table, et ce fut un miracle que sa mâchoire ne suive pas le même chemin. Ses yeux étaient grands et ronds comme des soucoupes, ses prunelles le fixaient avec un ébahissement qui — il n'aurait su dire pourquoi — lui donna envie de sourire.

Il pinça les lèvres pour s'en empêcher.

— Très bien, Friday, dis-leur que j'arrive. Peter…

— Black Widow et Captain America sont ici ? souffla l'adolescent, visiblement subjugué. Pour de vrai ?

— A moins qu'ils n'aient envoyé leurs jumeaux maléfiques, oui, ils sont là pour de vrai. Peter, tu ne bouges pas d'ici, je reviens dans quelques minutes. Continue de travailler si tu veux, mais n'oublie pas : les lunettes et les gants ne sont pas une option. Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu n'as qu'à demander à Friday. Friday, tu as entendu : pendant mon absence, c'est Peter qui commande... dans les limites du protocole n20, bien entendu.

— Très bien, Boss.

Peter, lui, se contenta de hocher la tête, trop éberlué pour parler.

— Fri ? demanda Peter lorsqu'il eut recouvré l'usage de sa voix. C'est quoi, le protocole n20 ?

— Le protocole n20 ou "Protocole Garderie" est un programme qu'a codé M. Stark à ton arrivée afin que je garde toujours un œil sur toi. Je ne suis malheureusement pas autorisée à t'en dévoiler les détails.

— Sérieusement ? s'insurgea Peter. Je ne suis pas un bébé, je n'ai pas besoin qu'on me surveille !

— Je ne suis pas programmée pour juger de l'opportunité des décisions prises par M. Stark. Il m'a demandé de veiller sur son fils, j'exécute ses ordres.

Ces mots firent naître un étrange sentiment dans sa poitrine. Leur sonorité était incongrue, presque déplacée… mais il ne pouvait s'empêcher d'y puiser un curieux réconfort, dont il se sentait légèrement honteux.

— M. Stark ne me dit jamais que je suis son fils, dit Peter à tout hasard en tripotant nerveusement son tournevis.

— D'après mes analyses, M. Stark semble troublé par ta présence, ce qui pourrait expliquer sa réticence à utiliser ce terme.

— Troublé par ma présence, vraiment ?

Cela signifiait-il que M. Stark lui attachait une certaine importance ou, qu'au contraire, il n'éprouvait qu'un malaise sirupeux lorsqu'ils se trouvaient dans la même pièce ?

Peut-être s'était-il senti obligé de l'accueillir chez lui en apprenant qu'il était son père, mais n'en avait jamais ressenti le désir ? Mais il t'a donné ce taser — non, ce Paralyseur-Stark 2.0… il a parlé de toi avec Gwen, il est allé chercher tes affaires…

On l'y avait peut-être forcé… suggéra une autre voix, au fond de son esprit, une voix qui avait des accents indéniablement pernicieux. Il fit de son mieux pour l'ignorer.

Il continua de bricoler son araignée-robot, mais ses pensées étaient ailleurs. Lorsqu'il eut terminé les huit yeux, il jeta un regard à sa montre et constata que M. Stark était déjà parti depuis une heure.

— Friday ? M. Stark va bientôt revenir ?

— Les conversations de M. Stark et des Avengers étant confidentielles, je ne peux malheureusement pas t'informer de leur avancée.

Il se mordit la lèvre inférieure, troublé. Il se faisait tard, et il commençait à avoir peur que M. Stark l'ait oublié.

Il n'aurait pas été le premier, souffla la voix nichée dans son esprit.

Il chercha à s'occuper les mains, mais les outils dont il aurait eu besoin pour continuer son robot étaient rangés sous clef, et M. Stark lui avait formellement interdit d'y toucher. Après plusieurs minutes passées à tambouriner le plan de travail en fixant son robot, il n'y tint plus : son cœur battait trop fort, la peur que M. Stark ne revienne pas s'était immiscée dans ses veines. Il n'avait plus qu'une idée en tête : retrouver l'homme.

Il se précipita vers la sortie du laboratoire.

— Peter, si je peux me permettre, tu ne devrais pas quitter cette pièce, lui dit Friday, mais il décida de l'ignorer.

Où l'IA avait-elle dit que se trouvaient Natasha Romanoff et Steve Rogers, déjà ? Ah oui : la salle commune des Avengers. Peter n'était pas autorisé à y accéder, mais il pouvait toujours s'en approcher et coller son oreille contre la porte qui y menait.

Et c'est ce qu'il ne tarda pas à faire, se pressant contre le panneau de bois blanc et retenant son souffle dans l'espoir de déceler quelques bribes de conversation ultra-secrètes qui ne lui étaient pas destinées. Malgré l'insonorisation de la pièce, il reconnut plusieurs mots :

— Mission… Nigeria… Pas pouvoir vous accompagner… Important…

Puis le silence, durant lequel Peter ne perçut que la mélodie confuse de son propre cœur.

Il entendit soudainement un bruit de pas, mais il n'eut pas le temps de s'écarter : la porte s'ouvrit brusquement et il fit machinalement un bond en arrière, esquivant de justesse le poing démesuré d'un homme qu'il avait déjà vu à la télé, et dont la prestance n'avait d'égale que la courbure particulièrement impressionnante de ses épaules. Son regard bleu, acéré, croisa le sien avec un mélange singulier d'incrédulité et de défi.

Oh mon Dieu. Captain America !

Juste derrière ce visage se dessinait celui d'une femme dont les traits harmonieux lui semblaient tout aussi familiers… et qui avait instantanément adopté une posture menaçante, les doigts se nouant sans hésitation autour de la crosse du pistolet rangé dans le harnais de cuir qui enlaçait sa taille sculpturale.

Oh mon DIEU, BLACK WIDOW !

— Bon sang, Peter, qu'est-ce que tu fais là ? Je t'avais dit de m'attendre au laboratoire !

Entre Steve Rogers et Natasha Romanoff se tenait un M. Stark qui ne semblait pas spécialement ravi de l'avoir surpris en flagrant délit d'espionnage. Son visage s'était allongé de plusieurs centimètres, sa bouche s'était réduite à un trait abrupt et quelque chose qui ressemblait à de la colère remuait au fond de ses prunelles sombres.

Peter sentit son cœur se comprimer douloureusement :

— M. Stark, j-je suis d-désolé, je voulais j-juste… euh…

Les mots lui manquaient, il avait l'impression qu'ils s'échappaient comme des insectes sous la lumière meurtrière d'une loupe.

— Qu'est-ce qu'il se passe, Tony ? Tu connais ce gamin ? Tu aurais pu nous le dire, j'ai failli le frapper ! grommela M. Rogers en desserrant les poings, approuvé par Mlle Romanoff.

— Je ne savais pas que tu embauchais du personnel aussi jeune, fit-elle remarquer avec une pointe de curiosité.

M. Stark s'approcha de lui, et Peter lutta pour ne pas reculer sous le poids de son regard orageux. La main qui se referma sur son épaule lui fit l'effet de la serre d'un faucon se refermant sur une souris.

— Nat, Steve, je vous présente Peter Parker, dit M. Stark d'un ton brusque. Peter, voici Natasha Romanoff et Steve Rogers. Peter est mon… mon…

L'espace de quelques secondes, ce fut comme si on avait enfoncé un citron dans sa bouche ; les mots qu'il voulait prononcer semblaient particulièrement acides.

Le cœur de Peter battit de plus belle.

— … mon stagiaire, dit-il finalement, sans regarder ni Peter, ni les Avengers, et à cet instant, ce fut comme si une lame invisible s'était brusquement enfoncée dans la poitrine de l'adolescent.

Stagiaire. Stagiaire. Stagiaire.

Son stagiaire.

— Oh. Tu les prends donc vraiment au berceau, fit observer Natasha en dévisageant Peter avec intérêt.

— J'ai bientôt quinze ans, se défendit-il faiblement.

— Enchanté, Peter Parker, lui dit Steve Rogers d'un ton beaucoup plus aimable.

Il tendit une main immense que Peter serra en essayant d'avoir l'air enthousiasme — mais son esprit n'était focalisé que sur un mot : stagiaire.

— Désolé d'avoir failli te frapper, on ne s'attendait pas à ce qu'il y ait quelqu'un derrière cette porte. Sacrés réflexes, au passage.

Oh, Steve Rogers lui avait fait un compliment. Peter essaya d'y puiser un certain réconfort, toutefois la main de M. Stark qui devenait de plus en plus pressante contre son épaule ne l'y aidait pas.

— M-Merci, M. Rogers. C'est, euh, un honneur de vous rencontrer, parvint-il à articuler en s'efforçant de soutenir le regard du super-héros. V-vous êtes un véritable modèle pour les États-Unis. Même si d'après ma camarade Michelle, si vous aviez été une femme, les gens auraient été beaucoup moins enclins à vous mettre sur un piédestal et auraient beaucoup plus questionné vos décisions. Elle dit aussi qu'ils auraient été beaucoup moins charmés par votre musculature, que c'est un privilège dont vous devriez avoir conscience.

— Okay, Peter. Je crois que Steve a compris, l'interrompit sèchement M. Stark en le guidant fermement hors du chemin des deux héros.

Juste avant de leur tourner le dos sous l'impulsion de M. Stark, il crut apercevoir M. Rogers et Mlle Romanoff échanger un regard amusé.

— A un de ces jours, Peter, lui dirent les deux héros à l'unisson.

— A-au revoir, Mlle Romanoff et M. Rogers !

— Attends-moi au labo, je te rejoins, murmura M. Stark en le poussant légèrement en avant.

L'adolescent obéit, encore un peu sonné par l'interaction qu'il venait de vivre.

Lorsque M. Stark pénétra dans le laboratoire, il fixait son robot-araignée, essayant tant bien que mal d'ignorer la boule invisible qui obstruait sa gorge. Il ne releva les yeux qu'en entendant l'homme claquer bruyamment la porte derrière lui.

— Il va falloir m'expliquer ce que tu n'as pas compris, dans "tu ne bouges pas d'ici", s'emporta-t-il sans même laisser le temps à Peter d'ouvrir la bouche. Tu étais supposé rester dans cette pièce, pas… pas écouter aux portes une conversation qui ne te concernait absolument pas ! Je t'avais dit de m'attendre !

— Vous aviez aussi dit que vous reviendriez dans quelques minutes, marmonna Peter.

M. Stark fronça les sourcils :

— Qu'est-ce que tu marmonnes ?

— Rien.

M. Stark reprit, toujours furieux :

— Cet étage est dangereux pour toi, c'est pour ça que tu n'es pas autorisé à y vagabonder à ta guise ! Si Steve t'avait touché…

— Qu'est-ce que ça aurait pu vous faire, s'il m'avait touché ? l'interrompit Peter malgré lui, d'une voix beaucoup plus haut-perchée qu'il ne l'aurait voulu.

La suite s'échappa avec une amertume qu'il ne parvint pas à contrôler :

— Après tout, je ne suis que votre stagiaire, n'est-ce pas ?

La bouche de M. Stark s'ouvrit à nouveau mais, cette fois-ci, aucun son ne s'en échappa. Il semblait toujours furieux mais visiblement, aucun contre-argument ne lui venait à l'esprit.

— Retourne dans ta chambre, dit-il finalement. La session laboratoire est terminée.

Peter ne se fit pas prier pour débarrasser le plancher.

Il avait été naïf. Stupide, tellement stupide.

Comment pouvait-il encore se bercer d'illusions, après ce qu'il avait vécu ? Après avoir été renié par sa première famille d'accueil, après avoir connu l'orphelinat, après avoir passé trois années aux côtés d'un homme qui n'avait jamais cherché à le considérer comme son fils ?

Qu'avait-il cru ? Que M. Stark l'assumerait ? Qu'il le présenterait à ses amis comme son propre enfant ?

M. Stark préférait encore affirmer qu'il était son stagiaire, plutôt que de regarder Captain America et Black Widow dans les yeux en leur disant qu'il avait un fils.

Il lui semblait désormais évident que s'il le cachait au dernier étage de cette tour, c'était parce qu'il avait honte de lui. Il ne voulait surtout pas qu'on fasse le moindre lien entre eux, qu'on se doute qu'il ait pu commettre l'erreur d'avoir un enfant biologique. Il était un boulet, une charge dont le héros ne s'était entiché qu'en raison de leurs liens de sang. Sinon… jamais, au grand jamais il n'aurait posé les yeux sur lui.

Le formulaire de la réunion parents-profs qui l'avait plongé dans un tel émoi, quelques jours plus tôt, dépassait de son sac à dos. Saisi d'un brusque accès de colère, il s'en empara et le déchira violemment. Ce n'était pas comme si M. Stark irait, un jour, dans son lycée en se présentant comme son père.

Après avoir jeté les confettis de papier dans sa corbeille, il se glissa dans son lit et enfonça son visage contre son oreiller. Il était encore tout habillé, il ne s'était même pas lavé les dents, mais son hygiène corporelle était à cet instant le cadet de ses soucis.

— Peter, M. Stark t'informe que le dîner est prêt, lui dit Friday, mais Peter resta immobile.

— Ouais, bah dis-lui que je n'ai pas faim.

Il y eut quelques minutes de silence, durant lesquelles il imagina que l'IA s'entretenait avec son créateur, puis :

— Très bien. Si tu as faim plus tard, M. Stark t'informe qu'il y a une pizza dans le frigo. Tu peux la faire réchauffer au four, mais n'oublie pas les maniques pour ne pas te brûler.

— Okay.

L'IA n'ajouta rien. Il n'aurait su dire s'il en concevait du soulagement ou de la frustration.

Peter ferma les yeux, essayant de faire le vide dans ses pensées. La colère et la déception continuaient de remuer dans sa poitrine, déposant un goût désagréable sur ses lèvres.

Une larme solitaire dévala son nez et s'écrasa contre son oreiller.

Il était à la librairie, et des pétales rouges se mêlaient aux pages blanches des livres.

Il voulait hurler, mais aucun son ne s'échappait de ses lèvres. Ses mains étaient rouges ; rouges également étaient le sol, le mur et le corps sans vie couché devant lui. Il regarda ses doigts dégouttant de sang, horrifié.

Il entendait une voix… non, deux voix. Un homme et une femme. Ils criaient, leur haine et leur dégoût lui transperçaient la poitrine.

— Tu aurais dû le sauver ! Pourquoi n'as-tu rien fait ? Il t'aimait, et tu l'as laissé mourir !

On le secouait, mais il était incapable de bouger. Il avait l'impression d'être une poupée rembourrée avec du chiffon.

— Tu n'es pas notre enfant. Tu n'as jamais été notre enfant !

Au milieu de ce feu d'artifice d'un écarlate macabre apparut soudainement le visage de Gwen. Elle souriait, prenait ses mains, mais ses paumes étaient glacées contre les siennes.

— Ça aurait dû être moi… murmura Peter. Si c'était à refaire, je voudrais que ce soit moi.

Le sourire de Gwen se figea, et le visage de George Stacy remplaça le sien. Ses traits étaient durs, sévères, comme taillés à la serpe. Une lumière étrange brillait au fond de ses yeux bleus, d'une intensité presque effrayante.

— Si c'était à refaire, tu te sacrifierais vraiment, Peter ?

L'ombre de Gwen flottait autour d'eux.

— Pas notre enfant… pas notre enfant… répétaient les autres voix, se faisant de plus en plus fortes, de plus en plus impérieuses.

— Si j'en avais le pouvoir… murmura Peter.

Un froncement de sourcil perturba le visage de George Stacy.

— Tu sais ce qu'implique un grand pouvoir, Peter ?

— … PAS NOTRE ENFANT !

Il ouvrit brusquement les yeux, le cœur ruant contre sa cage thoracique. Sa chambre était plongée dans les ténèbres, une sueur froide recouvrait son front et entortillait ses mèches humides contre ses tempes. Il était toujours habillé. D'après le réveil qui trônait sur sa table de nuit, il était deux heures du matin.

Il se retourna, mais son pouls était toujours erratique et ses yeux refusaient de se fermer.

— Peter ?

La voix de Friday était douce. Elle aurait probablement pu paraître inquiète, si elle n'avait pas été si… robotique.

— D'après mes analyses, ton sommeil est perturbé. Souhaites-tu que j'appelle M. Stark ?

Cette idée le fit grimacer. Il avait l'intime conviction que M. Stark n'avait aucune envie de se trouver à son chevet à une heure pareille, et encore moins lui tenir la main pour l'empêcher de faire des cauchemars.

De toute façon, cela faisait bien longtemps que Peter avait fait le deuil d'un quelconque réconfort après un mauvais rêve.

— Non. Ne lui dis rien, s'il te plaît, murmura-t-il en fixant le plafond plongé dans l'obscurité. Ne lui dis rien.