Peter était ravi d'avoir enfin quitté le centre médical.

Il détestait les hôpitaux — et, plus que tout, il détestait les souvenirs qui remontaient à la surface lorsqu'il était confronté à leurs draps blancs, leurs néons blafards et leur parfum écœurant d'antiseptique. L'infirmerie de la Tour des Avengers avait beau être plus accueillante que le Queen's Hospital, un sentiment de panique avait remué dans sa poitrine lorsque Bruce ou M. Stark l'y avaient laissé seul. Il s'était toutefois efforcé de l'ignorer, essayant désespérément de se convaincre qu'il était suffisamment grand pour ne pas avoir besoin de leur présence ou d'une main rassurante contre la sienne pour chasser ses cauchemars.

De retour dans sa chambre, il se précipita avec reconnaissance vers son lit et s'y étala de tout son long, savourant le contact doux de sa couette-duvet sous sa joue. Après avoir roulé sur le côté, il promena son regard sur les murs nus, les étagères vides, le bureau que n'occupaient que ses deux ordinateurs et ses manuels scolaires, et fut frappé par l'impersonnalité de la pièce. C'était de sa faute ; il n'avait jamais osé déballer les affaires que M. Stark avait ramené de l'appartement des Stacy, de crainte de devoir tout ranger en catastrophe lorsque l'homme réaliserait que sa vie était bien moins compliquée avant son arrivée et le mettrait dehors — mais, à cet instant, le vide de sa chambre lui procura une désagréable sensation de vertige.

Saisi d'une brusque frénésie, il s'empara des cartons qu'il avait fourré sous son lit et commença à les défaire. La vision familière de ses posters, legos et figurines lui donna l'impression que quelque chose se décoinçait au niveau de sa poitrine, et un sourire s'épanouit sur son visage.

— Très jolie collection, Luke Skywalker. Mais pourquoi ne pas prendre un escabeau, comme tout le monde ? Ou, mieux : demander à quelqu'un de plus grand que toi (moi, par exemple) de t'aider à ranger tout ça ?

Peter s'était hissé jusqu'au plafond et, la tête en bas, s'appliquait à remplir les étagères de sa chambre les plus hautes avec ses figurines Star Wars préférées.

Il tourna son regard vers l'entrée de sa chambre ; négligemment appuyé contre la porte, M. Stark l'observait d'un air sceptique, le sourcil gauche adroitement retroussé. Toujours à l'envers, Peter ne put s'empêcher de pouffer de rire :

— Woah, M. Stark, on dirait que vous marchez sur le plafond !

— C'est drôle, j'allais te dire exactement la même chose, rétorqua M. Stark.

Puis son sourcil se haussa davantage, ce qui relevait quasiment de l'exploit :

— Tu n'as pas mal à la tête, dans cette position ? (Il grimaça.) Si tu vomis sur le tapis, c'est toi qui nettoies.

— Je ne vomirai pas, lui assura Peter en se laissant retomber au sol.

Il crut voir M. Stark tressaillir lorsqu'il atterrit sur le parquet de sa chambre avec un bruit mat.

— Bon sang, Pete, fais un peu attention au lieu de te lâcher comme un… un sac de pomme de terres ! Tu as déjà envie de retourner voir Bruce parce que tu te serais foulé la cheville ?

— Il n'y avait aucun risque. Je suis déjà tombé de beaucoup plus haut, M. Stark, et mes chevilles étaient toujours intactes.

M. Stark roula des yeux avec une certaine virtuosité :

— Formidable. Voilà qui me contribue fortement à me rassurer.

— Mais c'est vrai ! insista Peter. J'ai déjà sauté du haut de buildings de cinquante étages, et je n'ai eu aucune égratignure !

— Okay. Est-ce que tu as conscience, au moins, que ce n'est pas le genre de choses que tu devrais me dire ?

— Mais… je croyais que je devais être transparent avec vous !

M. Stark grimaça de plus belle :

— Il y a une différence entre "être transparent" et "être responsable de l'intégralité de mes cheveux blancs". Et actuellement, petit, je suis désolé de t'annoncer que le curseur est largement placé du côté du second.

Ces paroles désarmèrent Peter. Il ouvrit grand la bouche, mais aucune réponse ne trouva le chemin de ses cordes vocales.

Était-ce un aveu à demi dissimulé que… M. Stark s'inquiétait pour lui ? Ou, mieux : que M. Stark tenait à lui ? Cette pensée diffusa une étourdissante chaleur dans sa poitrine et il referma la bouche, les mots éclatant dans sa gorge comme des bulles de savon.

M. Stark ne semblait pas avoir remarqué l'impact de ses mots sur l'adolescent. Il s'enquit, imperturbable :

— Est-ce que tu aurais un peu de temps libre à m'accorder ? J'aimerais te montrer quelque chose. A moins que tu ne préfères continuer les acrobaties…

— Non, non, je suis, euh, entièrement libre ! s'empressa de répondre Peter, la langue déliée par la curiosité.

— Très bien. Suis-moi, c'est au laboratoire que ça se passe.

Peter hocha la tête et lui emboîta le pas, abandonnant par terre les figurines qu'il n'avait pas encore eu le temps de ranger. Il crut voir M. Stark couler un regard curieux à ses Funko Pop Avengers, mais l'homme se garda d'émettre le moindre commentaire.

— Voilà ce que cet homme a déposé sur ton costume. Je n'avais jamais vu ça avant. D'après Friday, ce serait une matière d'origine extra-terrestre.

— Woaaah, vous voulez dire qu'elle viendrait de l'espace ?

— Jusqu'à preuve du contraire, les extra-terrestre ne viennent pas de la Tour d'à côté.

Peter ne répondit pas ; déjà, il s'était approché de la vitre derrière laquelle s'étendait paresseusement un curieux amas de matière noirâtre, qui semblait frémir sous les à-coups d'une brise invisible. Il éprouvait une inexplicable fascination pour cette chose qui, si M. Stark disait vrai, venait directement des étoiles. Pressant fébrilement les mains contre la vitre qui les séparait, il l'observa attentivement, se demandant quelle texture elle pouvait bien avoir sous les doigts. Était-elle tendre ? Sirupeuse ? Légère comme de l'air, gluante comme de la marmelade d'orange ?

— Apparemment, ce… cette matière serait douée de conscience, précisa M. Stark dans son dos.

— Vous croyez qu'elle nous entend ? interrogea Peter, incapable de détacher les yeux de l'amas noir.

Celui-ci paraissait réagir à sa présence ; il vibrait de plus en plus fort, bouillonnant dans sa direction, comme s'il était guidé par sa voix.

— Je n'en ai aucune idée, admit M. Stark. Friday a collecté quelques données dessus, mais je n'ai pas encore tout lu. En fait, j'ai pensé qu'on pourrait peut-être... ahem… les étudier ensemble ?

Ces mots eurent le mérite de reporter toute l'attention de Peter sur M. Stark. Le cœur battant plus fort, il l'enveloppa d'un regard surpris.

— V-vous, euh… vous voulez dire que vous me laisseriez travailler avec vous ?!

M. Stark haussa les épaules, comme si ce n'était pas grand-chose :

— Pourquoi pas ? Après tout, c'est toi qui nous l'as ramenée ici. Et c'est toi qui as été poignardé par l'homme dans lequel elle avait vraisemblablement élu domicile. Je suppose que tu as gagné le droit de savoir de quoi il s'agit… si tu le souhaites, bien entendu.

— Je… je… woah, oui, bien sûr !

Il ne lui fallut pas longtemps pour se plonger dans les dizaines de pages d'analyses qu'avait imprimées M. Stark, le nez quasiment collé au papier et les doigts rapidement noircis par l'encre qui n'avait pas eu le temps de sécher. Ses pensées tournaient à plein régime, il était incapable de rester silencieux :

— C'est incroyable, tout ce que vous avez déjà pu trouver sur cette chose… oh, alors comme ça, elle pourrait entrer dans une sorte de symbiose avec d'autres êtres vivants ?! C'est comme les bactéries, on a étudié ça au lycée ! D'ailleurs, vous saviez que les lichens sont le résultat d'une symbiose, eux aussi ? C'est fascinant… je me demande comment ce truc opère… woah, il y aurait de la kératine là-dedans ? Vous voulez dire qu'elle aurait des cheveux ou… ou des griffes ? Pourtant, on ne voit rien, ça a l'air juste liquide… c'est incroyable, M. Stark, absolument incroyable !

Émerveillé, il ne réalisa pas immédiatement que M. Stark le regardait intensément, accoudé contre l'une des paillasses du laboratoire.

Lorsqu'il releva les yeux, M. Stark détourna le regard et fit mine de toussoter.

— Est-ce que vous pensez qu'on pourrait lui donner un nom ? demanda Peter, emporté par son enthousiasme.

— Ce n'est pas un poney, Peter. On parle d'une forme de vie intelligente, dont on a aucune idée des desseins. Peut-être qu'elle rêve de nous dévorer. Ou d'envahir notre planète. Ou les deux. Je ne suis pas certain qu'elle apprécie beaucoup que tu l'appelles Rex ou Médor.

— On pourrait lui donner un nom de code, alors, insista l'adolescent. Pour qu'on arrête de l'appeler ce truc, ou cette chose, ou ce machin. Je propose Schwartzy !

— Non, on ne l'appellera pas Schwartzy, grimaça M. Stark. Pour l'instant, c'est notre sujet d'étude n853, et j'espère bien que ça le restera ad vitam aeternam.

— Huit cent cinquante… trois ? Ça veut dire que vous en avez d'autres ? D'autres extra-terrestres ?!

— Pas nécessairement des extra-terrestres, mais des matières non identifiées, oui, et il y a toute une équipe qui est chargée de les analyser — d'ailleurs, je leur transmettrai le dossier de ton ami Schwartzy dès que nous en aurons terminé avec notre étude préliminaire. Je pense pouvoir t'affirmer en toute modestie que cette Tour contient le meilleur centre de recherche de tout le pays ! Bien mieux que ceux de ces prétentieux d'Oscorp qui se sont mis à pulluler dans tout le pays… avec tout le respect que je leur dois, bien sûr.

Mais les inimités de Stark Industries avec Oscorp étaient le cadet des soucis de Peter qui s'enquit, plein d'espoir :

— Est-ce que… est-ce que je pourrai voir vos autres sujets d'étude, plus tard ? S'il vous plaît ?

M. Stark plissa les yeux :

— Eh bien, c'est confidentiel…

— Je ne dirai rien ! Motus et bouche cousue, promis ! Croix de bois, croix de fer, si je mens je vais…

— Mais nous pourrions faire une exception, l'interrompit M. Stark en parlant plus fort. Après tout, ce serait pour… euh, ton éducation… enfin, je suppose…

Peter s'empressa d'opiner du chef.

— Oui, tout à fait !

— Mais tu devras me promettre de ne toucher à rien. Ni d'effacer par inadvertance des dossiers. Ni d'en parler à qui que ce soit, y compris ta copine Gwen ou ton camarade Ted.

— Promis ! Je serai sage comme une image, et je ne dirai rien à personne !

Quelque chose qui ressemblait à un sourire traversa brièvement le visage de M. Stark ; toutefois, ses traits ne tardèrent pas à reprendre leur habituelle expression sévère.

— Très bien, nous en parlerons tout à l'heure. En attendant, qu'as-tu découvert, dans cette liasse de documents que tu tripotes depuis tout à l'heure ?

— A propos de Schwartzy ?

M. Stark sembla lutter contre une furieuse envie de lever les yeux au ciel. Il consentit néanmoins à répondre, les commissures des lèvres agitées d'un léger frémissement :

— Oui, à propos de Schwartzy.

Peter prit une grande inspiration, les yeux brillants.

De retour dans sa chambre, Peter fut surpris de voir M. Stark le suivre — au lieu de repartir vaquer à ses occupations — et se baisser pour ramasser l'une des figurines qu'il avait laissées traîner par terre.

— Très ressemblant. Surtout les proportions de la tête, commenta-t-il en inspectant le minuscule Captain America qu'il avait recueilli dans le creux de sa paume.

— Elles ne sont pas censées représenter la réalité, protesta Peter. C'est le principe des Funko Pop. C'est ce qui fait leur popularité.

— Huh huh, tu m'en diras tant. Et où est-ce que celle-ci est censée aller ? Tout en haut de ton étagère, comme cet… euh… adorable… qu'est-ce que c'est que ce truc ?

— C'est un Ewok, M. Stark. Et non, en haut c'est uniquement les figurines Star Wars. Je comptais mettre les Avengers au milieu, mais… euh… vous n'êtes pas obligés de m'aider à ranger, je sais que v-vous avez sûrement d'autres choses à faire, beaucoup plus intéressantes !

M. Stark le regarda comme s'il venait de lui demander de manger sa cravate.

— Pete, je te l'ai dit : si tu veux mettre ces machins tout en haut, je suis là pour t'aider. Il faut bien que j'en profite, avant que tes hormones de croissance ne s'emballent et que tu te mettes à faire trois têtes de plus que moi. Et encore une fois, je ne suis pas très à l'aise à l'idée que tu te promènes sur le plafond.

— Il n'y a a aucun risque, vous savez ! Mes mains n'ont jamais glissé !

Mais M. Stark ne l'écoutait pas. Après avoir placé le Captain America au milieu de son étagère, son œil fut attiré par un cadre que Peter avait posé sur sa table de nuit, ne sachant pas encore s'il souhaitait l'exhiber sur son mur ou le garder précieusement au fond d'un tiroir.

— Qu'est-ce que c'est que ça ? Un diplôme ? s'enquit M. Stark en s'en emparant, le regard trahissant sa curiosité.

— Oui ! Enfin plus exactement, c'est un prix ! On a fait une sorte de Décathlon amical avec trois autres lycées il y a quelques mois, et on est arrivés premiers. Normalement, il n'y a que notre capitaine qui aurait dû recevoir ce diplôme, mais elle s'est débrouillée pour le dupliquer et qu'on ait chacun le nôtre. Selon elle, il n'y avait pas de raison qu'il n'y ait que ses parents qui deviennent fous en apprenant notre victoire.

— M. Stacy devait être très fier de toi, fit observer M. Stark après avoir soigneusement reposé le prix sur la table de nuit.

— Oh, euh…

Peter s'efforça de garder un air dégagé :

— Il… il ne s'y intéressait pas vraiment. Ce n'est pas comme s'il aurait pu venir assister à la compétition, de toute façon. Il avait… euh… beaucoup de travail, ce jour-là. Et suffisamment de quoi faire avec les activités extrascolaires de Gwen. C'est normal, c'est sa fille, et moi je n'étais que… vous allez bien, M. Stark ? Pourquoi vous me regardez comme ça ?

L'homme s'était figé et posait sur lui un regard étrange.

— C'est quand, ta prochaine compétition amicale ?

— Dans trois semaines… p-pourquoi ?

— Que je sache quelle réunion il faudra que j'annule pour venir te voir.

Peter cilla, pas certain d'avoir tout à fait compris ce que venait de dire M. Stark.

— Vous… mais… je croyais que… vous ne vouliez pas…

M. Stark haussa les épaules :

— Ce ne serait pas la première fois que j'interviendrai dans un évènement organisé par des lycées. Je pourrais dire que je viens pour admirer nos talents de demain, ou dans le cadre du programme de recrutement de Stark Industries, ou… peu importe, je trouverai bien quelque chose.

Peter n'osait pas en croire ses oreilles.

— Vous… vous viendriez vraiment me voir ?

Son incrédulité devait se lire sur son visage, car M. Stark ajouta, l'air songeur :

— D'ailleurs, je pourrais tout simplement dire que je viens encourager mon meilleur stagiaire, ce serait le plus proche de la réalité… si cette histoire de stagiaire ne te dérange pas ?

Peter s'empressa de secouer la tête. Il ne pouvait nier que le mot stagiaire lui procurait toujours un désagréable pincement au fond de la poitrine (comme celui de mentor, protégé ou tous les artifices verbaux que dénichait M. Stark pour cacher au reste du monde qu'il était son père), mais la joie qu'il s'intéresse sincèrement aux prouesses de son équipe du Décathlon évinçait, pour l'heure, tout autre sentiment.

— Ce serait… ce serait formidable, M. Stark ! Absolument formidable !

— J'espère seulement qu'on ne me demandera pas de faire de discours, répondit M. Stark, esquissant une moue ennuyée à cette idée. On continue de ranger, Pete ? C'est quoi, ça ?

— C'est mon sabre laser !

— Ton sabre las… oh, seigneur, je crois que je deviens trop vieux pour ce genre de choses.

— Quoi ? M. Stark va venir à la compétition pour nous voir ?!

— Shhh, moins fort !

Comme ils l'avaient convenus par message, Peter et Ned s'étaient réfugiés dans le couloir de chimie afin de discuter loin des oreilles indiscrètes. La mâchoire de Ned paraissait prête à se décrocher, ce que Peter pouvait concevoir : il venait d'apprendre, d'une part, que son meilleur ami était Spider-Man et avait besoin de ses talents pour reprogrammer Karen afin de la rendre moins prompte à rapporter à M. Stark ses moindres faits et gestes et, d'autre part, que Tony Stark en personne allait se déplacer pour encourager leur équipe de Décathlon à la prochaine rencontre inter-lycées.

Cette seconde information semblait l'enthousiasmer plus encore que la première.

— Tu te rends compte, il va être assis à côté de ma mère et de ma grand-mère ! Elles n'en croiront pas leurs yeux yeux ! Enfin…

Ned sembla saisi d'un doute :

—… si elles savent qui c'est. Mais je suis sûr que lorsqu'elles le découvriront, elles l'inviteront tout de suite à dîner à la maison. Et il ne pourra pas refuser : elles peuvent être très persuasives, quand elles le veulent.

— Oh, ce serait génial ! Et vous aussi, vous pourrez venir à la Tour ! J'aimerais tellement te la montrer, elle est incroyable, elle a le laboratoire le plus immense que je n'ai jamais…

— De quoi vous parlez, tous les deux ?

Peter et Ned sursautèrent et se tournèrent d'un même mouvement vers l'entrée du couloir, au milieu duquel venait d'apparaître la silhouette familière de Flash Thomson.

Bien qu'il affichait une moue qui exprimait sans ambages son souverain dédain à leur encontre, Peter comprit, à l'éclat curieux de prunelles, qu'il avait écouté une partie de leur conversation.

— Désolé, j'interromps quelque chose ? Une réunion secrète du club de nazes, peut-être ? ajouta-t-il en s'approchant d'eux, les mains négligemment enfoncées dans les poches de son sweat-shirt. Pousse-toi, Leeds, tu prends toute la place. Alors comme ça, Parker, tu aurais des entrées à la Tour des Avengers ? T'as payé qui, pour avoir cet honneur ?

Ses lèvres se tordirent, formant un rictus d'incrédulité mêlé de mépris.

— Et tu connaîtrais personnellement Tony Stark ? Pff, laisse-moi rire ! Tu l'as rencontré à quoi, un dîner de charité en l'honneur des orphelins de la ville ?

Peter eut l'impression d'avoir mordu à plein dents dans une cuillère de moutarde. Suffoqué par l'indignation et la colère, il ne parvint à prononcer le moindre mot ; ce fut Ned qui répondit, le visage rougissant :

— Tu peux toujours te moquer, figure-toi que c'est entièrement vrai ! Peter est stagiaire à Stark Industries, et il est tellement doué que M. Stark viendra à notre prochaine compétition du Décathlon rien que pour lui !

Flash éclata d'un rire féroce.

— Sérieux, Leeds ? Tony Stark viendrait voir notre équipe pour encourager Parker ?

Son rire s'accentua, il s'en tenait les côtes.

— J'sais pas ce que vous avez reniflé en cours de chimie, les gars, mais c'était carrément de la bonne ! Faudra m'en passer, parce que je n'ai pas autant ri depuis que Brown a voulu faire une déclaration à Jones en plein milieu de la cantine !

— Tu verras bien ! riposta Ned, désormais plus rouge qu'un homard cuit à point. M. Stark viendra pour Peter, et tu riras beaucoup moins à ce moment-là !

— Ouais, ouais, c'est ça ! Et pourquoi est-ce qu'il se ramènerait ? Parce que Parker serait son stagiaire ? Wouhou, Leeds, on parle de Peter Parker !

Il désigna le sol.

— Peter Parker est là…

Puis il leva son bras le plus haut possible, un sourire moqueur aux lèvres.

— Tony Stark est ! Y a quand même une sacrée différence de niveau entre eux, pas besoin d'être un génie pour s'en rendre compte !

— Dégage, Flash, dit Peter d'une voix qui lui semblait très lointaine, à travers le bourdonnement qui avait pris possession de ses oreilles.

— Sinon quoi, Parker ? Tu vas appeler Môssieur Stark à la rescousse ?

— Dégage ! répéta-t-il plus fort.

Il devait être au moins aussi rouge que Ned. Flash lui coula un regard narquois mais, après un nouvel éclat de rire, disparut de l'autre côté du couloir.

Peter prit une grande inspiration. Lorsque Ned posa la main sur son bras, il s'aperçut qu'il tremblait.

— T'inquiète. Quand M. Stark arrivera à la compétition, Flash devra bien admettre qu'il avait tort, lui dit son ami d'une voix apaisante. Il aura l'air malin, quand M. Stark te serrera la main devant tout le monde ! Et attend qu'il apprenne que tu n'es pas seulement son stagiaire, mais aussi son fils !

Peter dut déglutir et prendre une nouvelle inspiration avant de pouvoir répondre, d'un ton chevrotant qu'il ne reconnut pas :

— Ouais, il n'aura plus rien à redire… enfin, je suppose…

— Carrément, confirma Ned, avant d'ajouter avec un enthousiasme feint : Vivement la compétition, j'ai vraiment trop hâte de voir la tête qu'il tirera !

— Ouais, moi aussi…

Mais il s'aperçut, le cœur soudainement lourd, qu'il n'y croyait qu'à moitié.