Yo !
Nouveau dimanche, nouveau chapitre ! Pour celui-là, on reprend là où on s'était arrêté la dernière fois !
Deux points de vue, deux ambiances, j'espère que ça vous plaira ! Je dois dire que ce chapitre m'a beaucoup hantée, c'était l'un de ceux que j'appréhendais le plus d'écrire et finalement... j'ai adoré! Et je kiffe aussi beaucoup le suivant (coucou ceci est un trailer), je suis trop contente de faire interagir nos héros avec de nouveaux personnages !
Initialement, il était censé se passer beaucoup plus d'évènements mais ça me semblait plus cohérent et simple de couper les choses en deux. (Cette histoire est bien partie pour être vraiment longue haha.)
Voici donc le dix-septième chapitre !
Bonne lecture :)
Les yeux de Wanda Maximoff allèrent de Peter à Steve, puis de Steve à Vision, avant de se reposer sur Peter. Cette fois-ci, toutefois, c'était davantage de la curiosité que de la méfiance qui se reflétait dans ses prunelles gris-bleu.
— Tu le connais, Steve ?
— Ouais, c'est le stagiaire de Tony. Nat et moi l'avons rencontré il y a quelques semaines.
— Oh, dit Wanda. Je ne savais pas que les stagiaires de Stark Industries dormaient à la Tour.
— Ce n'est pas le cas, rectifia Vision. Ils ne sont pas censés vivre ici. Et encore moins dormir dans le lit de Tony Stark.
Peter se sentit rougir. Il n'avait aucune idée de ce que pouvaient imaginer les super-héros rassemblés devant lui, mais il comprit qu'il lui fallait très rapidement clarifier la situation s'il ne voulait pas qu'ils se mettent en tête d'appeler les autorités.
— D-d'habitude ce n'est pas le cas, mais je… j'étais un peu malade, alors Tony, je veux dire M. Stark, il a bien voulu que je… euh… enfin… voilà ?
Les mots s'évanouirent dans sa gorge sous le poids de leurs regards. Bien que son visage restait de marbre, Vision fit observer :
— Ça ne me semble pas très déontologique. Ni conforme au droit du travail.
— Tes parents savent que tu es là ? demanda Steve Rogers avec douceur.
— Euh… oui ?
Il ne devait pas avoir l'air très convainquant, car M. Rogers lui adressa un regard sceptique.
— Ce n'est pas le genre de question à laquelle on répond par une autre question, fiston. Rassure-moi… ils sont au courant que tu es stagiaire ici ?
Son regard se mâtina de soupçon :
— Tu m'as l'air un peu jeune pour être lié par un contrat de travail.
—Qu'est-ce que vous faîtes tous là ? Je croyais qu'on devait s'entraîner ! lança soudainement une quatrième voix, et Peter regretta amèrement de ne pas avoir la faculté de devenir invisible — ou de disparaître derrière ses oreillers.
Car ce ne fut pas une, mais deux personnes supplémentaires qui s'engouffrèrent soudainement dans la chambre de Tony — laquelle ressemblait de moins en moins à une chambre et de plus en plus à un hall de gare.
La première portait une combinaison noire moulante à laquelle étaient attachés des harnais en cuir contenant des armes blanches diverses et variées. Ses longues mèches roux clair ricochaient contre ses épaules athlétiques, encadrant son séduisant visage qui exprimait un mélange d'interrogation et de surprise. A ses côtés se tenait un homme trapu qui transportait l'arc et le carquois les plus impressionnants que Peter n'avait jamais vu, et qui lui conféraient un air indéniablement redoutable.
Oooh non. Il ne manquait plus que ça.
Natasha Romanoff. Clint Barton.
Black Widow et HAWKEYE.
— Oh, salut Peter Parker, lui dit Natasha Romanoff lorsqu'elle le reconnut, faisant preuve d'un flegme qui n'avait rien à envier à celui que Tony pouvait témoigner lorsque les médias se pressaient à sa porte. Qu'est-ce que tu fais ici ? Je pensais que tu étais simplement stagiaire, pas que tu dormais ici. Tony ne t'a quand même pas kidnappé… si ?
Malgré la légèreté de sa voix, il y avait quelque chose d'incontestablement sérieux dans son regard.
Peter s'empressa de secouer la tête, mais aucun des super-héros ne sembla croire à ses dénégations. Déjà, ils s'étaient mis à murmurer frénétiquement entre eux, et Peter fut persuadé d'entendre le nom de Tony revenir plusieurs fois dans leur conversation, accompagné des termes "insensé" et "inconscient".
— M. Stark ne m'a pas forcé à venir ici, dit-il, mais personne ne l'écoutait.
Cherchant désespérément à capter leur attention, il repoussa ses draps et se leva péniblement, bien décidé à leur dire haut et fort que Tony n'avait rien fait de mal. Toutefois, dès qu'il se fut redressé, ses jambes se mirent à chanceler dangereusement et, autour de lui, le monde se para d'étincelles noires et blanches. L'espace d'un battement de cœur, il n'y eût plus de différence entre le sol et le plafond.
Le plus vif à réagir fut Clint Barton.
— Woah, doucement !
Il ne lui fallut qu'un clin d'œil pour être à ses côtés et enrouler fermement un bras autour de ses épaules pour le soutenir.
— Rassieds-toi, petit. Tu es blanc comme un linge.
Sa main libre trouva spontanément le chemin de son front, avec une simplicité qui trahissait une certaine habitude en la matière. Il fronça aussitôt les sourcils.
— Et je suis à peu près sûr et certain que tu as de la fièvre.
— Je vais très bien, mentit Peter, mais M. Barton ne sembla pas prêter la moindre attention à ses paroles et le força à se recoucher.
— Nat, tu peux m'apporter un verre d'eau et un tissu imbibé d'eau froide ? Je crois que cet enfant en a besoin.
— Tout de suite, dit la super-héroïne, et elle disparut de la pièce si rapidement que Peter aurait pu parier qu'elle s'était volatilisée.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Wanda en s'approchant de lui, suivie de près par Vision et M. Rogers. Il est malade ?
— On dirait bien, répondit M. Barton en inspectant attentivement les prunelles de Peter qui ne put s'empêcher de détourner les yeux, gêné.
— Je me demande bien comment un enfant malade a pu se retrouver dans la chambre de Stark, fit observer la jeune femme aux cheveux rouges, songeuse.
— C'est évident, non ? rétorqua M. Barton.
Ses interlocuteurs ne semblèrent pas partager cette idée.
— Qu'est-ce qui est évident, mon vieux ? Que Stark devrait revoir ses critères de sélection de stagiaires ?
Clint Barton émit quelque chose qui ressemblait à un sifflement impatient.
— Réfléchissez deux minutes. A votre avis, pourquoi est-ce que Stark laisserait un enfant malade dormir dans sa chambre ?
— Parce que… euh… il tient ses parents en otage ? tenta Wanda.
— Ou parce que c'est lui, l'otage, proposa Vision.
— Ou alors, il a testé un agent bactériologique sur lui ?
— Ou alors… dit lentement M. Rogers, ses yeux fixant Peter avec incrédulité. Ou alors…Mais non, Stark ne nous aurait pas caché ça…
— Je peux savoir ce que vous foutez là ?
Tous les visages se tournèrent vers la porte de la chambre, dans l'embrasure de laquelle venait de s'encastrer un Tony Stark qui fusillait les Avengers du regard.
Il portait un plateau sur lequel il avait disposé un verre d'eau, des cachets, du jus de fruit et les cookies préférés de Peter. L'adolescent remarqua aussitôt qu'il ne semblait pas avoir fermé l'œil de la nuit : des cernes ombraient ses yeux bruns, son visage paraissait creusé par la fatigue et il était persuadé qu'il portait la même chemise que la veille.
Ignorant superbement les yeux braqués sur lui, Tony se dirigea droit sur Peter et posa délicatement le plateau sur la table de chevet.
— Hey, bambino, dit-il comme s'ils étaient seuls au monde, poussant sans vergogne Clint Barton pour s'agenouiller à sa hauteur. Tu te sens un peu mieux ?
— O-oui, un peu, répondit Peter.
— Mmhh… tu sembles encore très chaud. Tiens, je t'ai apporté de l'eau. Et du jus de fruit, pour que ton taux de sucre remonte un peu. Prends aussi ces médicaments, ils te feront du bien. Et si tu as un peu de place dans ton estomac, je te conseille ces cookies, Happy est allé les chercher spécialement pour toi ce matin. Rogers, au lieu de me regarder avec ces yeux de merlan frit, est-ce que tu peux me passer le thermomètre qui est dans le tiroir ?
Captain America s'exécuta, mais Peter fut persuadé de déceler une lueur de compréhension au fond de ses yeux bleus. Toutefois, il s'abstint d'émettre le moindre commentaire.
Clint Barton prit beaucoup moins de pincettes :
— Tony, tu n'aurais pas quelque chose à nous annoncer ?
Mais Tony ne répondit pas. Ne prêtant toujours aucune attention à ses amis, il saisit délicatement le menton de Peter pour l'empêcher de bouger et glissa le thermomètre dans son oreille. L'adolescent sursauta au contact du métal froid dans son conduit auditif.
— Shh, Pete, tout va bien. Mmmh… 39,4, c'est un peu mieux, mais pas encore idéal. Tu as mal quelque part ?
— Un peu… à la gorge, admit Peter. Et à la tête.
— Et voilà, dit soudainement la voix de Natasha Romanoff alors que son beau visage se dessinait à côté de celui de Tony. Un peu d'eau fraîche, ça devrait lui faire du bien…
— Merci, Nat, dit Tony en lui prenant des mains un tissu humide qu'il posa sur son front.
Peter ne put s'empêcher de fermer les yeux, le soulagement se répandant dans ses veines alors que la fraîcheur du tissu s'épanouissait sur sa peau. Il poussa un discret soupir de contentement.
— Hey, Pete, avant de te rendormir, n'oublie pas ton jus de fruit. Et tes médicaments. Tu arriveras à les avaler comme ça, ou tu préfères que je les coupe en deux ?
— Tony… dit lentement la voix de Steve Rogers.
— Pas maintenant, coupa Tony alors qu'il portait un verre de jus de fruits aux lèvres de Peter, sa main libre caressant tendrement son front moite. Tu ne vois pas que je suis occupé ?
Le jus était frais, sucré. Délicieux. Peter eut l'impression qu'il contribua à dissiper les nuages qui embrumaient son esprit.
Autour de lui, toutefois, les murmures des Avengers ne s'interrompirent pas.
— Tony, est-ce que tu as capturé cet enfant ? demanda subitement Wanda. Steve et Natasha disent que c'est ton stagiaire, mais il semble si jeune…
— Nous ne pensons pas que ce soit très légal de garder un mineur sous ton toit sans avoir l'autorisation écrite de ses parents, poursuivit Vision. Tu pourrais avoir de sacrés ennuis avec la justice.
— Sauf s'il a tué ses parents, hasarda Natasha Romanoff. Ça aurait réglé une partie du problème.
— Ce n'est pas mon stagiaire, les interrompit sèchement Tony, aidant Peter à se rallonger dans son lit. Shhh, petit, c'est bon, tout va bien. Je gère, okay ? Je gère tout.
— T-Tony…
— Ne t'en fais pas. Tout va bien, répéta Tony en remontant les couvertures jusqu'à son menton. Désolé, j'aurais dû te demander avant de t'emmener dans ma chambre, mais tu étais totalement perdu, hier, ta température était si haute, j'ai pensé que ce serait plus simple si… enfin, je ne voulais pas être trop loin de toi, et Rhodey m'a suggéré de t'emmener ici. Je ne pensais pas que mes chers collègues débarqueraient ici, et encore moins sans me demander la permission. Ils ne t'ont pas ennuyé ?
— On ne l'ennuie pas, on voulait seulement savoir ce qu'il faisait ici ! protestèrent les Avengers à l'unisson.
Tony poussa un profond soupir qui sembla s'arracher du tréfonds de sa gorge. Les yeux de Peter croisèrent les siens et l'adolescent fut persuadé de voir la résignation se dessiner dans le regard de son père.
— Ce n'est pas mon stagiaire, répéta Tony d'un ton à la fois ferme et décidé. Et non, je ne l'ai pas kidnappé, ni capturé, ni forcé à rester ici ou que sais-je encore. Contrairement à ce que vous avez l'air de croire, je ne suis pas un monstre.
— Si ce n'est pas un otage, ou un prisonnier, ou un cobaye, alors… qu'est-ce qu'il fait dans ta chambre ?
— Vous n'avez donc toujours pas compris ?
Tony se pencha et effleura les cheveux de Peter d'une caresse légère.
— Peter est mon fils.
⁂
— Tu as un FILS ?
Si les mots pouvaient être en majuscule et en italique, Tony était persuadé que ça aurait été le cas de celui-ci.
Les Avengers le fixaient, bouche bée, dans la salle de réunion où ils s'étaient rassemblés après avoir quitté la chambre de Tony. Il avait catégoriquement refusé de répondre à leurs interrogations en présence de Peter ; l'adolescent avait l'air suffisamment éprouvé, il n'avait pas envie de lui infliger les mille et une questions de ses camarades.
Lorsqu'ils avaient quitté la chambre, il s'était rendormi, sa silhouette pâle quasiment invisible sous l'épaisseur des couvertures. Il était toujours malade mais au moins, il avait semblé cohérent lorsque Tony lui avait parlé. Pas comme la veille…
Se tenir aux côté d'un enfant foudroyé par la fièvre, totalement impuissant alors que les cauchemars et les hallucinations le faisaient gémir et sangloter doucement dans son sommeil, était probablement l'une des pires expériences que Tony ait jamais vécue. Il avait lutté pour ne pas s'enfuir en courant, se réfugier dans l'ombre de son bureau et noyer l'image de son fils qui délirait dans quelques verres de scotch ; il avait dû conjuguer tout son courage pour ne pas fléchir et rester avec lui.
Pourtant, chaque seconde passée près de Peter avait été douloureuse, infiniment plus douloureuse que ce qu'il avait imaginé vivre en l'accueillant sous son toit. Il était censé être un super-héros, un modèle pour le pays. Iron Man ! Comment Iron Man pouvait-il être aussi impuissant face à la détresse de son propre enfant ?
Et maintenant que Peter allait mieux et que Tony pouvait enfin envisager de s'allonger quelque part avec trois tasses de café noirs, il fallait que les autres Avengers le pressent de leurs regards interrogateurs, comme s'ils venaient de découvrir qu'il cachait une réserve de diamants dans les sous-sols de Stark Industries. Les questions se bousculaient sur leurs lèvres, ils commençaient à lui donner le tournis.
— Quel âge a-t-il ?
— Depuis combien de temps est-ce qu'il vit ici ?
— Pourquoi tu ne nous as rien dit ?
— Il va bien ?
— Est-ce sa mère est Pepper Potts ?
La dernière question eut le mérite de lui arracher une grimace.
— Non, grinça-t-il. Non, ce n'est pas Pepper.
Il se détourna d'eux pour fouiller dans le placard de la salle de réunion, au fond duquel il était persuadé d'avoir glissé une flasque de quelque chose.
— Oh… euh, alors, qui est…
— Sa mère est morte, dit-il sèchement.
Ses doigts se refermèrent autour d'une petite bouteille pleine d'un liquide ambré qu'il ne parvint pas à identifier. Tony s'en empara, estimant qu'il ferait l'affaire.
Clint s'était installé dans un siège à roulettes pivotant. Tout en exécutant des rotations sur lui-même, il échangea avec Natasha un regard que Tony décida de ne pas essayer de comprendre.
Ce fut Wanda qui brisa le silence :
— Nous sommes désolés, Stark.
— Merci, mais inutile de me fixer comme ça. C'est Peter qui mérite votre compassion, pas moi.
— Comment s'appelait-elle ? demanda doucement Steve.
Tony fit sauter le bouchon de la bouteille à l'aide de l'ongle de son pouce.
— Mary. Et avant que vous ne vous mettiez à vous imaginer des films sur elle et moi, sachez qu'elle était mariée. Ceci dit, je n'en avais aucune idée, à l'époque. Elle ne se promenait pas vraiment avec un panneau sur le dos indiquant qu'elle venait d'épouser un autre homme.
Il porta la bouteille à ses lèvres. Il sentait la désapprobation muette de ses amis peser contre ses épaules, mais aucun d'eux n'émit la moindre protestation. La surprise — ou peut-être était-ce la pitié — devait leur avoir momentanément retiré l'usage de la parole.
— Selon son badge, son nom complet était Mary Fitzpatrick, continua-t-il après avoir dégluti. Je suppose qu'elle n'avait pas demandé à le changer après son mariage. C'est compréhensible. Beaucoup de paperasse pour quelques lettres… Mary Fitzpatrick, Mary Parker, quelle différence ?
— Elle travaillait à Stark Industries ? demanda Clint en haussant un sourcil intrigué.
Tony secoua la tête.
— Elle était chercheuse pour un gros laboratoire dont je n'ai pas retenu le nom. On s'est rencontrés à un congrès scientifique à Washington. J'étais l'un des invités d'honneur, même si je n'avais aucune expérience en la matière. Elle m'avait dit qu'elle n'avait jamais entendu un discours plus barbant que le mien, mais elle souriait en disant ça. C'est drôle, hein, comme je me souviens de ce genre de détail, alors que je serais incapable de vous dire quelle était la couleur de ses yeux, ou de me rappeler le son de sa voix…
Il avala une nouvelle gorgée de liqueur afin d'effacer le sourire douloureux qui lui consumait les lèvres. Il n'avait toujours aucune idée de ce qu'il buvait, mais peu lui importait : c'était brûlant, étourdissant, et exactement ce dont il avait besoin.
Jusque là, il s'était efforcé de bloquer toute image, tout souvenir de la mère de Peter. Se concentrer sur l'adolescent était le principal ; le reste pouvait bien attendre. Il n'avait jamais réalisé à quel point il s'agissait pourtant d'un poids qui alourdissait son cœur.
Il s'essuya la bouche et poursuivit :
— Après ça… je ne crois pas que ce soit utile de vous faire un dessin. Je ne pourrais pas vous dire lequel de nous deux a quitté l'autre en premier, je sais seulement qu'après ce congrès, je n'ai plus entendu parler d'elle pendant quinze ans. Jusqu'à ce que je reçoive un e-mail d'un parfait inconnu avec la photographie d'un adolescent que je n'avais jamais vu et un test ADN positif.
Il crut déceler de l'horreur dans les traits figés de ses amis. Ils devaient avoir compris…
— Tu ne savais pas, énonça lentement Natasha, le dévisageant comme si elle le voyait pour la première fois. Tu ne savais pas que tu avais un fils. Oh, Tony…
— J'aurais dû… je n'avais jamais cherché à savoir ce qu'était devenue Mary, après notre rencontre. Si je m'étais un peu renseigné, j'aurais appris pour son mari. Pour son fils. Pour sa mort… J'aurais pu faire venir Peter ici beaucoup plus tôt…
— Ce n'est pas de ta faute, dit Steve, mais Tony secoua furieusement la tête :
— Vous ne comprenez pas. Ça fait des années qu'elle et son mari sont morts. Des années ! Et pendant tout ce temps, Peter a dû aller à l'orphelinat, puis dans une famille d'accueil qui l'a traumatisé, puis de nouveau à l'orphelinat, puis chez ce policier complètement frappé, qui a sauté sur la première occasion pour se débarrasser de lui en échange d'un gros chèque… Il n'a même pas quinze ans et déjà un putain de SSPT. Tout ça, il ne l'aurait jamais vécu si je m'étais réveillé plus tôt !
— Ce n'est en rien de ta faute, insista Natasha.
Elle posa la main sur la sienne, l'empêchant de reprendre une gorgée d'alcool — et ce n'était pas plus mal, car il commençait à avoir du mal à articuler correctement, les mots devenaient pâteux sur sa langue, comme si celle-ci avait triplé de volume. Cependant, il se sentit obligé de continuer :
— Si seulement j'avais cherché à garder le contact avec Mary, ou au moins à prendre de ses nouvelles de temps en temps ! Mais je l'ai abandonnée, et j'ai abandonné mon fils… Quoi que je dise, je ne vaux pas mieux que mon père… non, je suis pire que mon père. Moi qui lui disais que je ne serai jamais comme lui... pffff, il doit bien se fendre la poire, de là où est…
— Shhh, Tony. Donne-moi ça, dit Natasha avec douceur en lui reprenant sa bouteille des mains. Je pense que tu as assez bu.
Elle s'écarta de lui pour remettre la bouteille dans le placard. Tony la suivit des yeux et sursauta en sentant une autre main se poser sur son épaule. Il lui fallut plusieurs secondes pour réaliser qu'il s'agissait de Clint.
— Tu ne devrais pas te dévaloriser comme ça. De ce qu'on a vu, t'as plutôt l'air de bien t'occuper de lui.
Tony s'apprêta à riposter, mais Clint fut plus rapide :
— On a bien vu comment tu te comportais avec lui. Rien à voir avec le Tony Stark qu'on connaît. Tu étais beaucoup plus doux. Même ta voix était différente.
Il ajouta avec un mince sourire :
— Un vrai papa poule.
— C'est vrai, approuva Steve d'un air songeur. Et tu n'as pas vu comment il t'a regardé ? Avant que tu n'arrives, il semblait très stressé, mais il s'est calmé dès que tu es rentré dans la pièce.
— Tu ne pouvais pas l'entendre, mais son pouls a ralenti quand tu t'es approché de lui, ajouta Vision.
Tony ferma lourdement les yeux. Loin de l'apaiser, les paroles de ses amis contribuaient à attiser l'angoisse qui fourrageait dans le creux de son estomac.
Peter compte sur toi, et toi, regarde-toi… tout juste bon à paniquer et à boire, comme le dernier des imbéciles…
— Tu te débrouilles très bien, Tony, répéta la voix de Steve quelque part sur sa gauche. Et puis… tu n'es plus seul, maintenant.
Ces derniers mots lui firent brusquement rouvrir les yeux et il tourna la tête vers son ami. Steve arborait un air solennel, très Captain America-esque.
— On est une famille, Stark. Nous tous. On veille les uns sur les autres. Et si cela implique de veiller sur ton petit Stark Junior, alors on sera là pour lui.
— Pour vous deux, compléta Clint.
— Tu devrais passer voir Bruce, ajouta doucement Natasha. Tu as besoin d'un remontant. Pendant ce temps, on peut garder un œil sur Peter. Qu'en penses-tu ?
Tony ne sut que répondre.
Partager le secret de Peter avec Happy et Rhodey avait été quelque chose de naturel. Ils étaient ses plus proches amis, ce qui se rapprochait le plus de frères — de cœur, sinon de sang. Mais avec les autres Avengers… il ne s'était pas imaginé une seule seconde qu'ils feraient un tel honneur à l'amitié qui les liait, et qu'ils se montreraient prêts à l'aider dans la lourde tâche qu'était celle de prendre soin de l'adolescent.
C'était étrange, mais à cette pensée, c'était comme si chacun d'eux acceptait de porter une partie du poids qui lestait son cœur.
Saisi d'une bouffée de gratitude, il voulut faire un pas vers eux, mais il trébucha sur son propre pied et se retrouva — à son grand malheur — retenu par la poigne solide de Steve.
— Allons voir Bruce, décida fermement son ami. Il faut que tu t'allonges un peu, ça se voit que tu n'as pas dormi de la nuit — et ne parlons pas de l'alcool de si bon matin…
— Pendant ce temps, on retourne voir Peter, décida Natasha. Comme ça, il ne restera pas tout seul.
— Si… s'il se réveille, je veux le savoir, exigea Tony, d'une voix plus tremblante qu'il ne l'aurait voulu.
— T'inquiète, vieux. On te fera aussitôt passer le message.
— Et n'oubliez pas de lui donner son jus de fruit. Et ses médicaments. Et s'il arrive à manger quelque chose, ce serait encore mieux. Pas sûr que les cookies passent, mais au pire, il devrait y avoir de la soupe dans la cuisine. Nous n'aurez qu'à la faire réchauffer. Mettez un peu de ce machin qui s'appelle Kiri dedans, ça n'a aucun goût ni aucun intérêt culinaire mais il adore ça.
Ses amis échangèrent des coups d'œil éloquents.
— Quoi ? grommela-t-il alors que Steve l'aidait à se diriger vers la porte, non sans étouffer un rire discret derrière sa main.
— Rien, Stark. Rien du tout, dirent-ils en chœur, mais chacun ébauchait le même sourire amusé.
