Hello !

Et voici le nouveau chapitre de ce mois d'août :) ma publication tourne un peu ralenti mais pour ma défense, je reprends des forces pour revenir avec plein d'idées à la rentrée !

En attendant, bonne lecture !

XXX

— Peter contre Steve, round 1, c'est... parti !

— Faîtes quand même attention, prévint Tony avec toute la sévérité dont il était capable.

Assis aux côtés de Natasha dans les gradins de la salle d'entraînement de la Tour des Avengers, il remuait nerveusement son café, les yeux rivés sur la petite estrade de combat où son fils faisait face à Captain America. Les lèvres de celui-ci furent parcourues d'un frémissement amusé :

— T'en fais pas : si ton fils a la tête aussi dure que la tienne, c'est plutôt moi qui devrais m'inquiéter !

— Je te rappelle que tu es deux fois plus grand et cinq fois plus vieux que lui.

— Cinq fois ?! Tu n'exagérerais pas un peu, papy Stark ?

— Ne t'inquiète pas, Tony, on fera attention ! les interrompit Peter.

Un large sourire s'épanouissait sur son visage. Il était impossible d'ignorer sa joie manifeste à l'idée de participer à un entraînement des Avengers, et Tony ravala à grand-peine les nouvelles objections qui lui brûlaient les lèvres.

Il espérait seulement avoir été suffisamment clair en martelant à Peter que cet entraînement était exceptionnel et ne signifiait absolument pas que Spider-Man rejoignait officiellement les Avengers. L'adolescent avait semblé ne l'écouter que d'une oreille, mais son visage avait exprimé un tel émerveillement que Tony avait fini par le laisser rejoindre l'estrade, non sans lui rappeler qu'à la moindre égratignure, le combat serait terminé. Il aurait tout aussi bien pu s'adresser à ses lacets de chaussure ; Peter ne prêtait déjà plus attention à ses paroles.

Il observa son fils et Steve Rogers se tourner autour, chacun jaugeant l'autre avec un sourire en coin. Lorsque Steve bondit en direction de Peter, Tony se renversa la moitié de son café sur les genoux — toutefois, l'adolescent esquiva aisément l'attaque de son adversaire, exécutant un salto arrière qui lui attira les applaudissements enthousiastes des héros spectateurs. Il retomba sur ses pieds, les bras écartés et le teint rose de fierté.

Tony jura à voix basse et entreprit d'éponger son pantalon avec du papier absorbant.

— Très jolie tasse, lui dit Natasha en l'observant avec intérêt, une lueur amusée dans les yeux. Qu'est-ce qu'il y a écrit, dessus ? Le meilleur... Tony... de la galaxie ? Oohh...

— On aurait presque envie de te la voler, ricana Clint par-dessus l'épaule de la super-héroïne.

— N'y pensez même pas, rétorqua sèchement Tony après avoir constaté que son pantalon était définitivement fichu. Elle est à moi et personne d'autre n'a le droit d'y toucher.

— C'est adorable, pouffa Natasha.

Ce que Tony trouva nettement moins adorable fut de voir Captain America bondir à nouveau sur son fils et, cette fois-ci, parvenir à lui assener un coup de poing au niveau du plexus solaire. Peter fit un pas en arrière, visiblement ébranlé par le choc.

— Okay, temps mort !

— Non, non ! protesta vivement Peter en levant les deux pouces en l'air, tout en reprenant bruyamment son souffle. Je vais bien, je vais très bien, il m'a à peine effleuré !

— Tu sais bien que je ne l'ai pas frappé pour de vrai, ajouta Steve en lui adressant un sourire qui se voulait rassurant. Je n'ai pas envie de me retrouver avec l'Iron Legion sur le dos !

Puis, se tournant vers Peter :

— Tout va bien, fiston ?

— Très très bien ! répéta l'adolescent. Je n'ai rien senti du tout, j'ai juste été surpris ! On peut continuer !

Tony crispa la mâchoire mais Peter semblait effectivement indemne ; du moins, il avait encore suffisamment d'énergie pour sautiller sur place, dardant sur lui un regard plein d'espoir.

Il soupira :

— Bon, très bien, mais la prochaine fois que tu feras semblant de frapper mon fils, Rogers, essaie de le faire avec moins d'enthousiasme.

— C'est noté, répondit obligeamment le super-héros.

— Ouais, merci Tony !

Vaincu, Tony se rassit et reprit sa tasse de café, qu'il décida de vider d'une traite, mais ses dents se contentèrent de heurter douloureusement la porcelaine blanche. Elle était vide.

La machine à espresso fit un vacarme impressionnant en remplissant sa quatrième tasse de la journée. En observant les volutes de fumée tourbillonner au-dessus du liquide noir, Tony se fit la réflexion qu'il devrait songer à ralentir sur la caféine.

Accoudé au plan de travail de la cuisine et ignorant totalement les pensées caféinées de son père, Peter ne cessait de parler d'un ton joyeux, à une cadence qui rappelait celle d'une mitraillette.

— T'as vu quand j'ai réussi à le faire trébucher ? Au début, je pensais faire une feinte, mais finalement j'ai décidé d'aller jusqu'au bout et bim ! en plein dans le mollet ! Par contre, qu'est-ce qu'il a la peau dure, j'ai failli me casser l'orteil ! Et t'as vu quand il m'a attrapé, mais que j'ai réussi à me dégager ? Boum ! Pourtant, j'avais l'impression qu'il avait de l'acier dans les doigts ! Mais personne résiste à la force de Spider-Man, hé hé ! Bam !

Tony ne put s'empêcher de remarquer que l'adolescent avait un hématome de la taille d'une pomme de terre au niveau du poignet. Il le pointa sèchement du doigt :

— Tu mettras de la glace dessus avant le déjeuner.

L'adolescent hocha distraitement la tête.

— Quand est-ce que je pourrai recommencer ? J'aimerais trop m'entraîner contre Sam ! Ou contre Nat, elle a l'air sacrément forte !

— Je ne sais pas, répondit prudemment Tony en portant sa tasse à ses lèvres. Si tu arrives tous les jours au lycée avec de nouveaux bleus, on risque de se retrouver avec les services sociaux aux fesses... et ils n'auraient pas totalement tort de vouloir fourrer leur nez dans nos affaires. Je suppose que je ferai la même chose, si je me soupçonnais de te maltraiter.

— Mais tu ne fais rien de mal !

— Ahem... je ne suis pas sûr que je sois autorisé à te laisser affronter des super-héros surentraînés, même si je suis ton pè... ton tuteur légal, admit Tony. Sachant que personne ne sait que tu es toi-même un héros... on risquerait de me prendre pour une sorte de fou qui aime voir des adolescents sans défense se battre contre des armoires à glace, tu comprends ?

— Oh... je vois.

Le sourire de Peter s'était évanoui, mais son regard demeurait rêveur. Il n'était pas difficile de deviner qu'il se repassait en boucle le film de son affrontement contre Steve Rogers.

Un brusque accès de tendresse se souleva dans la poitrine de Tony, sans qu'il ne sache vraiment quoi en faire. Après quelques secondes d'hésitation, il tapota maladroitement le bras de son fils et poursuivit :

— Si tu veux, on pourra toujours passer l'après-midi au laboratoire quand on en aura fini avec ta visite au commissariat.

Le visage de l'adolescent s'illumina instantanément.

— Oh oui ! Ça serait génial, j'ai déjà plein d'idées de nouveaux gadgets pour Spider-Man ! Tu penses que ce serait une bonne idée de lui fabriquer des ailes ?!

— Premièrement, absolument pas et deuxièmement, n'oublie pas que tes gadgets ne sont pas fait pour sortir d'ici, rappela gravement Tony. Tout restera sous clé et tu ne pourras les récupérer qu'à la fin de ta punition. Et après les avoir testés pour être sûr qu'ils ne t'explosent pas à la figure, évidemment.

Peter acquiesça sagement de la tête.

Tony était en train de vérifier qu'il restait des cartons de pizza dans le congélateur lorsque l'adolescent reprit la parole, avec une pointe d'appréhension qui n'échappa pas à l'homme :

— Dis... tu crois que ça va être long, au commissariat ?

— Je ne pense pas, répondit Tony d'un ton qu'il espérait rassurant. Ils vont seulement te demander de leur raconter ce qu'il s'est passé dans cette boutique de cadeaux, prendre quelques notes et te laisser tranquille. Et si ce n'est pas le cas, tu n'auras qu'à appuyer discrètement sur la touche latérale de ta montre pour qu'une horde d'avocats te tire de là.

— Woah... C'est légal, ce genre de procédé ?

— Pizza au fromage ou pepperoni ? le coupa Tony.

— Mmhh... Il ne reste pas plutôt de cette pizza trop bonne avec des morceaux d'ananas dessus ?

Tony s'étouffa avec sa gorgée de café.

— Hors de question que je laisse de nouveau cette infamie traverser les portes de ma cuisine.

— Oh allez, ce n'est pas si terrible que ça ! Tu devrais vraiment goûter, Tony !

— Quand les poules auront des dents.

— Techniquement, les poules avaient des dents, du temps des dinosaures ! Tu es bien placé pour le savoir, non ?

Tony s'étouffa une seconde fois.

— Je rêve, ou tu viens d'insinuer que je suis vieux ?

— Ce n'est pas moi qui t'appelle papy, rétorqua malicieusement Peter.

Après le déjeuner (finalement, Peter avait entièrement dévoré une pizza au fromage ET une pizza au pepperoni, éclaboussant son t-shirt de sauce tomate), l'homme l'emmena à contrecœur au poste de police. Peter ne semblait pas particulièrement anxieux ; plutôt curieux de savoir ce qu'on allait lui demander.

Lorsqu'on lui indiqua que le policier en charge de l'enquête avait expressément demandé à s'entretenir seul à seul avec Peter, Tony crut un bref instant qu'on avait déposé un voile rouge vif sur ses rétines.

— Hors de question, dit-il sèchement. Je reste avec lui.

— Oh, ce n'est pas la peine, protesta Peter. Je peux me débrouiller tout seul, Tony !

Il ajouta, suffisamment bas pour que seul Tony l'entende :

— Après tout, c'est pour ça que tu m'as donné cette montre, non ?

— J'aurais préféré être là, insista Tony. Je n'aime pas qu'ils profitent de ton... de ta...

Jeunesse. Inexpérience. Gentillesse. Naïveté.

Peter plissa les yeux :

— Je sais me débrouiller, Tony, murmura-t-il avec une certaine ferveur, et l'homme comprit aussitôt le sous-entendu : Je ne t'ai pas attendu pour me frotter à la police.

— Ne vous inquiétez pas, il n'y a aucune raison pour que les choses se passent mal, les interrompit une policière brune d'une voix apaisante. Nous préférerions simplement écouter votre enfant sans qu'il ne soit influencé d'une façon ou d'une autre par une présence extérieure, mais nous serons juste dans la pièce d'à côté et s'il le demande, vous pourrez bien entendu nous rejoindre. Tu viens, Peter ?

L'adolescent jeta son dévolu sur un siège en plastique qui couina sous son poids.

La salle consacrée à son "interrogatoire" ne ressemblait en rien à ce qu'il s'était imaginé ; il n'y avait ni murs noirs, ni caméras braquées sur son visage, ni vitres sans tain. Il avait plutôt l'impression d'avoir pénétré dans un bureau un peu étriqué, envahi de paperasses et de classeurs fatigués. Dans un recoin de la pièce, un ventilateur crachotait vaillamment un air tiède qui avait une odeur de poussière. Il n'y avait pas de fenêtre, mais quelqu'un avait tenté de décorer les murs jaunâtres avec des posters de clubs de foot inconnus au bataillon.

— C'est vous qui allez m'interroger ? demanda Peter en observant la femme pianoter quelques instants sur son téléphone portable.

— Interroger est un grand mot. Notre capitaine a insisté pour s'entretenir rapidement avec toi, mais tout ceci n'a rien de bien officiel.

— Votre capitaine ? répéta Peter.

Il remarqua alors qu'il y avait une seconde porte dans la pièce. Sans surprise, celle-ci ne tarda pas à coulisser, dévoilant la silhouette familière, caparaçonnée de noir et de bleu marine, de George Stacy.

Le cœur de Peter manqua un battement.

— Merci, je prends le relai, dit-il à sa collègue qui hocha la tête et, après un dernier sourire en direction de Peter, disparut par la porte qu'il venait d'emprunter.

— M-Monsieur Stacy... commença Peter, mais sa voix s'étrangla dans sa gorge.

Il se souvenait à la perfection du regard assassin que lui avait adressé M. Stacy, la dernière fois qu'il l'avait vu. Son intention de ne plus jamais le voir s'approcher de sa fille avait été très claire et, malgré le temps qui s'était écoulé depuis ce jour, Peter n'était pas certain qu'il ait changé d'avis.

Pourtant, lorsque leurs regards se croisèrent, il crut déchiffrer une étrange satisfaction dans les prunelles de l'homme. Une piqûre d'appréhension transperça sa nuque, mais il décida de l'ignorer.

— Peter. Mon cher Peter, dit M. Stacy avec un sourire de travers en prenant place face à lui. Ça fait un sacré bail, n'est-ce pas, mon grand ?

— Ouais... je veux dire, oui, M. Stacy, répondit prudemment l'adolescent. Euh... G-Gwen va bien ?

Il regretta immédiatement d'avoir prononcé le prénom de son amie. L'espace d'un battement de cils, le sourire de M. Stacy parut se faner, mais il se reprit aussitôt et répondit d'un ton aimable :

— Elle va très bien et te passe d'ailleurs le bonjour. Tu lui manques énormément.

— Elle... elle me manque aussi beaucoup. Euh... vous... vous pourrez lui dire que lui passe aussi le bonjour ?

— Je ne suis pas sûr que tu aies besoin de moi pour ça. Je sais très bien que vous vous écrivez tout le temps derrière mon dos, avec vos satanés réseaux sociaux.

Peter se recroquevilla légèrement sur lui-même.

— Mais nous ne sommes pas ici pour parler de Gwen, n'est-ce pas ? Comme tu le sais, mon équipe et moi-même aimerions quelques éclaircissements sur ce qu'il s'est passé, vendredi dernier, lors de ce braquage auquel tu as malencontreusement été mêlé. Pourrais-tu me raconter ce dont tu te souviens ? N'aie pas peur, il n'y a aucune mauvaise réponse. Je veux juste comprendre dans quel ordre les évènements se sont déroulés.

La scène était désagréablement familière. Un bref instant, Peter repensa à la librairie, à la mort de Ben, à l'arrivée de la police sur les lieux bien après que son ami ait expiré sous ses yeux impuissants. La moustache de M. Stacy n'était pas encore teintée de poivre et de sel, à cette époque. C'était lui qui avait recueilli son témoignage, lui posant des questions que Peter n'avait pas immédiatement comprises.

Tu estimes que c'est de ta faute ?

Si c'était à refaire, tu te sacrifierais, Peter ?

Tu t'interposerais entre cette balle et lui ?

A l'époque, Peter ne savait pas encore que M. Stacy déciderait de l'adopter. Lorsque le policier était venu le chercher à l'orphelinat, il avait crut à une erreur — ou à un acte de grande générosité de la part de l'homme.

Il n'avait compris son geste qu'après avoir rencontré Gwen ; elle n'était encore qu'une fillette, mais elle débordait déjà d'affection à son égard et l'avait accueilli comme s'il était son propre frère. Peter avait alors réalisé que ce n'était pas d'un fils, que M. Stacy avait besoin ; c'était de quelqu'un qui veillerait inconditionnellement sur Gwen. Quelqu'un qui n'hésiterait pas à se dresser entre elle et les dangers qui pouvaient la menacer — et pour cela, quoi de mieux qu'un orphelin traumatisé, qui s'en voulait atrocement de la mort de la première personne qu'il avait considérée comme un membre de sa famille et qui s'était promis que plus jamais personne ne mourrait pour lui ?

Il voyait Peter comme un bouclier humain pour sa fille. Un frère qui pourrait se sacrifier pour elle, si jamais sa vie était en danger.

Et le pire était peut-être que l'adolescent s'en était très rapidement accommodé, désireux de trouver une place, même minuscule, au sein de cette famille qui l'avait arraché à la solitude et aux mauvais souvenirs de l'orphelinat...

— Peter ?

Peter cligna lentement des yeux, s'efforçant de se concentrer sur le moment présent. Fixant son regard sur l'insigne qui brillait sur le revers de l'uniforme de M. Stacy, il entreprit de lui relater le plus fidèlement les évènements qui s'étaient déroulé dans la boutique de cadeaux.

M. Stacy prit religieusement des notes sur son ordinateur portable. Lorsque Peter eut achevé son récit, il passa quelques secondes à se relire, puis referma bruyamment le clapet de l'ordinateur.

— Très bien. Merci, Peter, c'était très instructif.

— C'est... euh, c'est tout ce que vous vouliez savoir ?

Les iris de M. Stacy semblèrent le transpercer lorsqu'elles se fichèrent dans les siennes.

— Tu as fait preuve d'un sang-froid extraordinaire. Et cette façon de le désarmer... c'était à la fois extrêmement imprudent et extrêmement adroit de ta part. C'est M. Stark qui t'a appris à te battre ?

Peter remua sur son siège, mal à l'aise.

— Bah... disons qu'il m'a appris les bases de, euh, la self-defense ? C'est toujours bon à prendre, quand votre père a autant d'ennemis que les scénaristes de la dernière saison de Game of Thrones...

M. Stacy hocha la tête, toujours pensif.

— Et tu t'entraînes aussi avec les autres Avengers, je suppose ?

— Euh... p-peut-être, pourquoi ?

— Et Spider-Man ? Je sais que ce n'est pas un Avenger, mais Tony Stark m'a confirmé qu'il le connaissait. Tu l'as déjà vu ?

— De... de temps à autre ? Vaguement ? De, euh, très très loin ?

— Très bien, répéta doucement M. Stacy. Très, très bien.

— Je peux y aller ? s'enquit Peter en se redressant lentement.

Le regard de M. Stacy le mettait mal à l'aise ; de nouveaux frissons remontaient désagréablement le long de sa colonne vertébrale, et il n'était pas certain que l'air émanant du ventilateur y soit pour quelque chose. Toutefois, le policier leva la main, lui intimant d'interrompre son geste :

— Avant que tu partes, Peter, j'ai quelque chose pour toi, dit-il gravement. Tu l'avais oublié à l'appartement, c'est Gwen qui m'a rappelé de te l'apporter.

Il fouilla quelques secondes dans sa mallette et en extirpa un sweat-shirt noir que Peter était persuadé n'avoir jamais vu de sa vie.

— Je ne pense pas que... commença-t-il, mais M. Stacy le lui fourra d'office entre les mains.

— Prends-le, mon garçon. C'est à toi.

Le tissu avait une texture étrange sous ses doigts. Doux, frais... souple. Il lui rappelait curieusement le costume que lui avait repris Tony. Il se mit à l'étreindre sans vraiment le réaliser, tandis qu'un sourire victorieux se dessinait sur le visage de M. Stacy.

— Maintenant, tu peux y aller.

Tony bondit de son siège en plastique dès qu'il vit Peter sortir de la salle où on l'avait interrogé, escorté de la policière qui les avait précédemment accueillis. Son regard fut aussitôt attiré par le sweat-shirt noir qu'il portait, la capuche à moitié rabattue sur ses cheveux châtains.

— Où est-ce que tu as trouvé ça ? demanda-t-il sèchement, mais Peter haussa les épaules et répondit, l'air un peu absent :

— Je l'avais déjà en arrivant.

— Non, tu ne l'avais pas.

Voyant que Peter ne réagissait pas, Tony prit la policière à témoin :

— Il ne l'avait pas, n'est-ce pas ? Je ne suis pas fou.

Mais la femme se contenta d'un sourire gêné :

— Je n'ai pas vraiment fait attention... les jeunes s'habillent tous pareil, vous savez. Du noir, du gris, tout ce qui a le moins de couleur possible.

Difficile de différencier leurs vêtements les uns des autres...

Tony reporta son attention sur Peter, saisi d'un doute. Son fils lui rendit un regard interrogatif, triturant rêveusement les cordons du vêtement. Après quelques secondes de réflexion, Tony en vint à la conclusion qu'il était probable que Peter ait réellement pris ce sweat avec lui, sans que lui-même n'y prenne pris garde. Après tout, il n'était pas un expert en mode adolescente.

Il décida de ne pas insister — du moins, pas sur ce terrain-là.

— Tout s'est bien passé ? Tu as l'air... bizarre, dit-il d'un ton soupçonneux en dévisageant son fils.

— Oui, très bien, répondit docilement Peter. J'suis juste un peu... fatigué. Je crois que je vais aller faire la sieste, quand on sera rentré.

— La sieste ? Okay, qui est cet adolescent et qu'avez-vous fait de Peter Parker ? demanda Tony à la policière, dont l'embarras sembla céder le pas à de l'impatience.

— Vous savez, M. Stark, le poste de police peut être un peu impressionnant, surtout à son âge... mais je vous assure que personne n'a fait de mal à votre fils.

— Je vais bien, répéta Peter d'un air un peu plus ferme. Je t'assure, Tony. Je suis juste lessivé, je ne pensais pas que ce serait aussi long de tout raconter. On y va ?

Tony ne quitta pas la policière des yeux :

— Si je découvre que vous lui avez fait quoi que ce soit...

Elle poussa un profond soupir :

— Nous aurons de vos nouvelles, nous connaissons le refrain, M. Stark. Mais encore une fois, nous n'avons rien fait à votre enfant. Au revoir, Peter !

— Au revoir, M'dame ! Merci pour votre accueil !

— Je t'en prie.

Après avoir faite volte-face, Tony fut persuadé de l'entendre ajouter dans un murmure :

— Au moins, l'un des deux est bien élevé.

— Qu'est-ce qu'il s'est vraiment passé, là-bas ? Tu ressembles à un zombie, Peter.

Peter haussa les épaules. Ils étaient encore dans la voiture de Tony ; derrières les vitres fumées défilait l'habituelle cohorte des gratte-ciel new-yorkais.

Peter n'avait pas menti à Tony : il était éreinté. Revivre verbalement le second hold-up durant lequel il avait manqué de se faire tirer dessus avait dû puiser dans ses dernières forces, et il rêvait de se blottir dans son lit pour les trois prochaines heures. Il étouffa un bâillement et posa son front contre la vitre ; celle-ci était agréablement fraîche contre sa peau.

Tony surprit son soupir de contentement et fronça les sourcils :

— Tu n'es pas encore tombé malade, au moins ?

— Mais nan... pas la peine de psychoter, Tony. Je te l'ai dit, je suis juste très fatigué. Peut-être que combattre Captain America dès neuf heures du matin n'était pas... aaahhh... (Il bâilla de nouveau.)... forcément compatible avec un interrogatoire au poste de police quelques heures plus tard.

— Tu m'étonnes.

Bien qu'il fixait toujours le paysage, Peter n'avait aucun mal à imaginer le pli soucieux qui devait barrer le front de son père.

Après un bref silence meublé par un solo de guitare à la radio, Tony fut le premier à reprendre la parole :

— Tu voudras toujours qu'on passe au labo, tout à l'heure ?

— Ouais... pourquoi pas.

Si seulement la langueur qui enveloppait ses muscles et son cerveau voulait bien le quitter...

Il sursauta en sentant le dos de la main droite de Tony effleurer sa joue, sa main gauche toujours fermement attachée au volant. Le regard de son père quitta brièvement la route pour rencontrer le sien, et Peter fut troublé par l'inquiétude qui s'épanouissait au fond de ses prunelles.

— Mmmh, j'ai l'impression que tu es un peu chaud...

— Je ne suis pas un peu chaud, j'ai chaud, éluda Peter. D'ailleurs, toi aussi, tu aurais chaud, si tu étais resté une heure dans cette pièce minuscule du commissariat à essayer de parler plus fort qu'un ventilateur qui devait dater du siècle dernier.

— Okay, j'ai compris, petit malin, pas la peine d'être cynique : ça, c'est mon domaine.

Puis, tout en continuant de l'observer du coin de l'œil :

— Tu ne veux pas enlever ton sweat ? Tu te sentirais mieux si tu n'avais pas tout ce tissu sur le dos.

Peter ne répondit pas. Bien que Tony n'ait pas tort, il ne pouvant s'empêcher de trouver que son sweat-shirt avait une texture très agréable. Il l'enveloppait comme un cocon protecteur. Il ferma les yeux, se laissant bercer par la radio et les ronronnements du moteur, et ne tarda pas à flotter dans un demi-sommeil brumeux.

Il crut sentit la main de Tony s'attarder quelques secondes contre sa joue, puis frôler ses cheveux, remettant en place une mèche avec une certaine tendresse qui ne lui échappa pas — puis son père reprit le volant, non sans avoir pris le soin de baisser légèrement le volume de la radio.

Les yeux toujours clos, Peter sourit.