CHAPITRE 8

Sirius resta deux jours entiers cloué au lit, à récupérer de sa gueule de bois.

Quand il se sentit suffisamment en forme pour reprendre la route, il constata, mortifié, que le réservoir de sa moto était quasiment à sec. Et qu'il ne lui restait même pas de quoi se payer le demi-plein qui lui aurait permis de rentrer au Centre – ses dernières dépenses au Chemin de traverse lui avaient été fatales.

Car depuis sa fugue, Sirius vivait chichement. Certes, il avait obtenu une bourse d'études – Dumbledore avait intercédé en sa faveur auprès du Ministère – mais celle-ci couvrait à peine ses dépenses courantes. Pour le reste, il dépendait de son oncle, le seul membre de sa famille à se soucier de son sort matériel. Chaque premier du mois, le compréhensif Alphard lui faisait parvenir de l'argent de poche, de nuit et par un hibou de louage, car il ne voulait pas se fâcher avec son frère et sa belle-sœur. Sans cet appoint, Sirius n'aurait jamais pu s'acheter une moto.

Il s'efforçait de relativiser. Il ne restait que cinq jours avant l'arrivée du hibou providentiel. Et le cottage n'était pas si inhospitalier. Il ne claquait plus des dents dans son sommeil depuis qu'il avait calfeutré la fenêtre de sa chambre. Molly était passée changer les draps et faire un peu de ménage, non sans se plaindre de la saleté du lieu. La nourriture était, sinon meilleure, plus copieuse qu'à la cantine du Centre. Quant à l'ambiance, elle s'était réchauffée depuis l'arrivée de Benjy Fenwick, le boute-en-train de l'Ordre, et de Frank Londubat, l'homme le plus accommodant que la Terre eût porté, malgré sa fâcheuse manie de caser le prénom de son épouse dans chacune de ses phrases. Le premier soir, ils avaient fait une flambée avec le sapin de Noël, qui n'en finissait plus de se racornir dans un coin du séjour, siphonné le tonneau de vin d'ortie et, à la consternation de Maugrey, joué leurs caleçons aux cartes.

Si Sirius avait dû trouver un point négatif à ce séjour, outre les récriminations de Maugrey, toujours d'une humeur de chien, ç'aurait été la présence, mutique et glaçante, de Rogue. Heureusement, ce dernier, officiellement chargé de « faire des recherches pour l'Ordre », l'évitait comme la peste ; il ne se montrait jamais aux heures des repas, ne posait pas un orteil dans les pièces à vivre et, quand il devait circuler dans le cottage, il se dépêchait comme s'il avait un train à prendre. Un soir, pourtant, en déboulant à l'improviste dans le fumoir, Sirius l'avait surpris en pleine conversation avec Maugrey. Aussitôt, le Serpentard s'était éclipsé, sans même s'inventer un prétexte pour le faire.

Le reste du temps, Rogue se tapissait dans sa tanière pour lire – Sirius avait fini par découvrir que Hagrid lui avait attribué la petite chambre au bout du corridor, qui était pourvue d'un accès direct au jardin – ou bien il partait, seul, pour de longues marches à travers la forêt, ne revenant qu'à la nuit tombée. Sirius scrutait ses allées et venues. Il aurait donné cher pour savoir ce qu'il cherchait au juste. Ce n'était pas qu'il s'intéressât à lui, mais la nature de son lien avec Regulus l'obsédait. Deux Mangemorts pouvaient-ils être autre chose que des rivaux ? Maugrey disait que Voldemort, comme tous les despotes, divisait pour mieux régner.

Un matin où Sirius s'était, exceptionnellement, levé de bonne heure – à cause du tapage d'un loir facétieux dans le grenier –, il trouva Rogue, debout dans la cuisine, en train de ronger ce qui ressemblait à un quignon de pain, preuve que ce tartuffe ne vivait pas uniquement de lectures et d'eau fraîche. Les fenêtres étaient obturées par une nuit sans lune. Et il régnait un silence ouaté, à couper au couteau.

Les deux hommes se regardèrent d'un air interdit par-dessus la huche à pain. En présence d'une autre personne, Sirius se serait fendu d'un « Salut ! Bien dormi ? » qu'il aurait accompagné d'une accolade. Seulement c'était Rogue. Quelqu'un qui ne connaissait personne. Il semblait ignorer jusqu'au sens du mot « bonjour » et réagissait au contact des autres comme s'il craignait de se salir – Sirius revoyait Frank, la veille, tendant en vain sa main à Rogue, qui n'avait pas daigné la serrer.

Sans un mot, Sirius posa la cafetière moka sur le gaz et entreprit de faire griller des tranches de pain de mie. Pour une fois, il était sobre ; il put ainsi mesurer à quel point il se sentait gêné en présence de Rogue. Cette gêne était encore aggravée par le fait que ce dernier l'avait vu ivre mort quelques jours plus tôt – Sirius ne repensait pas à cet épisode sans une honte cuisante. Mais Rogue, la tête dans les épaules, ne paraissait pas très à l'aise non plus. L'espace d'un instant, Sirius crut même qu'il allait détaler comme un voleur. Finalement, le Serpentard se contenta de girer d'un quart de tour.

Rogue se tenait à présent face à la fenêtre, absorbé par la contemplation de la nuit, ou, plus vraisemblablement, perdu dans ses pensées. Il avait croisé ses longs bras sur sa poitrine, comme s'il avait froid. Ses cheveux, d'une raideur empesée, sûrement gras, avaient raccourci ; à voir leur dégradé hasardeux, il les avait coupés lui-même et sans miroir.

Sirius s'assit avec son assiette, où tanguait une pile de toasts carbonisés – il mourrait de faim ce matin –, et se servit une tasse de café. Il s'avisa qu'en proposer à Rogue ne serait pas la mer à boire.

« T'en veux ? » lui lança-t-il de sa voix rauque.

Ça brûlait les lèvres, tout de même. Il espérait que Rogue apprécierait à sa juste valeur ses efforts pour être aimable. Mais ce dernier ne se retourna même pas. Tout au plus le gratifia-t-il d'un « Quoi ? » pète-sec. Les os de son dos cambré saillaient à travers l'espèce de redingote dont il s'était attifé – ou bien était-ce une robe de chambre ?

« Du café, précisa Sirius, qui regrettait déjà ses efforts pour briser la glace.

– Je n'ai pas soif », le rabroua le Serpentard.

Sirius se retint de lui jeter la cafetière brûlante à la tête. Ou bien de la lui vider d'un trait dans le gosier. C'était vexant, tout de même, d'être battu froid.

« T'inquiète, je n'y ai pas versé de poison, maugréa Sirius au prix d'un effort pour maîtriser ses nerfs. Pourtant, crois-moi, ce n'est pas l'envie qui m'en manque.

– Tu aggraverais encore un peu plus ton cas, mon pauvre », persifla le Serpentard, qui consentit enfin à se tourner vers lui.

Il ne paraissait plus gêné. Bien au contraire, il dévisageait Sirius avec une ébauche de sourire et des sourcils en accent circonflexe qui lui donnaient une expression d'une élégance narquoise. Encore un truc qu'il avait dû apprendre chez les Mangemorts, pensa Sirius, qui rongeait son frein. Du temps de Poudlard, il lui aurait sauté à la gorge, à ce péteux, pour lui apprendre à le regarder de haut. Mais, malheureusement, depuis, les choses avaient changé. Rogue n'était plus l'ennemi à abattre. Il était le gardien du trésor. Celui qui détenait, certainement, la vérité sur les derniers instants de son frère.

Repoussant son assiette, Sirius se leva et s'approcha de lui avec une lenteur étudiée. Le moment d'arrêter de tourner autour du pot était venu. Rogue, de toute façon, n'était dupe de son manège. Les non-dits, entre eux, étaient devenus presque palpables. Sirius sortit la lettre de son blouson, à présent toute froissée, et la glissa sous le nez de Rogue :

« Ne nie pas ! »

Il pensait, naïvement, le déstabiliser. Mais cela n'eut l'air de faire ni chaud ni froid au Serpentard :

« Bel esprit de déduction, Black, ironisa-t-il en usant de son timbre le plus onctueux. C'est moi, en effet, qui l'ai écrite. Et ? »

À travers les meurtrières de ses paupières, le regard de Rogue était devenu d'une fixité suspecte. Sirius se sentit troublé à l'idée qu'il était, peut-être, sûrement, en train de lire dans ses pensées. Pour rompre le contact visuel, il le bouscula d'un coup d'épaule.

« Et alors explique-toi ! lui lança-t-il d'un ton accusateur. Pourquoi as-tu fait ça ?

– Dois-je m'en sentir coupable ? » le provoqua Rogue, sans reculer d'un centimètre.

Le Serpentard scrutait son visage d'un air effronté. Alors Sirius éclata :

« Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ? »

Lui désignait Regulus. Sans qu'il eût besoin de le préciser, Rogue avait compris – Sirius le devinait à la manière dont le Serpentard avait plissé ses yeux. C'était comme si le fantôme de Regulus planait entre eux. À peine sa question posée, Sirius se mordit la langue. Sa spontanéité lui avait encore joué des tours. Il s'était fait défense de montrer à Rogue à quel point la mort de son frère l'affectait ; ce monstre s'en servirait contre lui. Il devait, au contraire, placer le Serpentard en position d'accusé et le forcer à se justifier.

Sirius dégaina sa baguette. Mais Rogue, nullement impressionné, resta les bras croisés peut-être s'en faisait-il un bouclier.

« Réponds ! »

Sirius pointa sa baguette vers Rogue, qui, sans se départir de son calme, le contourna avec une souplesse de reptile. C'était à présent à Sirius se retrouver dos à la fenêtre.

« Range ta baguette, Black, fit Rogue d'un ton neutre. Un accident est si vite arrivé. Je ne l'ai pas tué si c'est ce que tu sous-entends. Tu devrais me remercier, en vérité.

– Pardon ? s'étrangla Sirius. Est-ce que tu te rends compte de… ? »

Il s'interrompit. Il ne pouvait évidemment pas lui parler du désespoir dans lequel l'avait plongé la lecture de cette lettre, rédigée dans un style sans affect qui imitait à la perfection celui d'une petite annonce.

« Pourquoi te remercierais-je ? se rattrapa Sirius en remettant la lettre à sa place.

– Regulus n'était-il pas ton frère ? Tu aurais préféré que son corps se fasse dévorer par des charognards ? »

Entendre Rogue appeler son frère par son prénom donna le vertige à Sirius. Comment interpréter cette familiarité si inhabituelle chez Rogue ? Dans une tentative désespérée pour garder la face, Sirius se força à sourire :

« Je doute que ça soit pour m'agréer que tu m'aies écrit ».

Sa voix se frayait difficilement un chemin à travers sa gorge. Comme d'habitude. Dès qu'il s'agissait de Regulus, il n'était pas fichu de contrôler ses émotions. Le temps n'y changeait rien. Son bras tremblait comme une feuille. Il aurait raté un éléphant à deux mètres. Dans son cœur se bousculaient l'incrédulité, le soupçon, la curiosité, la jalousie surtout. Quel qu'eût été le degré de proximité entre les deux Mangemorts, Rogue avait forcément, ces deux dernières années, été plus proche de son frère que lui-même.

Sirius avait baissé la garde. Finalement, il rangea sa baguette dans la manche de son blouson. Il s'approcha alors de Rogue, ne s'arrêtant qu'au moment où son corps allait entrer en collision avec le sien. Rogue le fixait avec une morgue qui semblait un peu jouée. Vu de près, avec ses traits lisses et ses joues imberbes, il faisait son âge. Le même que le sien, s'avisa brusquement Sirius. Vingt ans. Mais comment Rogue avait-il pu être assez stupide pour sceller son destin dès sa sortie de l'adolescence ? Comment expliquer cette hâte à détruire sa jeunesse ?

« Tu le connaissais ? » demanda Sirius en se perdant, malgré lui, dans les yeux noirs de son vis-à-vis.

Encore une fois, la question était sortie toute seule. Rogue battit imperceptiblement des cils, comme pour chasser une poussière, et, sur son visage osseux, presque délicat, Sirius vit passer une ombre qu'il ne sut interpréter – gêne, culpabilité, volonté de lui dissimuler ses pensées ? En tout cas, cela ne pouvait pas être de la tristesse. Pourquoi Rogue serait-il triste ?

Tout à coup, le Serpentard fit un pas en arrière, puis tourna les talons. Sans réfléchir, Sirius agrippa son coude. Rogue sursauta comme s'il s'était électrocuté et le rembarra avec une telle rudesse que Sirius en perdit l'équilibre son dos heurta le buffet derrière lui et, pendant plusieurs secondes, l'acoustique de la pièce fut saturée du fracas de la vaisselle se cassant en cascade.

« Putain, mais t'es cinglé, Servilus ! », grommela le Gryffondor, sonné.

Il n'en fallait pas plus pour débonder l'agressivité naturelle de Sirius. Il se jeta sur Rogue, qui l'esquiva d'un pas de côté. Ils se mirent alors à tourner autour de la table, Rogue trottant à la manière d'un pur-sang dans un manège, Sirius ruant comme un fauve en cage. Ils trébuchaient l'un et l'autre sur les pieds des chaises, qu'ils finirent par renverser. En passant, Sirius se saisit d'un confiturier et le lança de toutes ses forces du côté de Rogue, sans chercher à l'atteindre. L'objet explosa contre le mur avec un bruit épouvantable, projetant des éclats de faïence à plusieurs mètres.

Changeant subitement de direction, Sirius parvint à acculer Rogue contre la cuisinière.

« Tu le connaissais ? » mugit-il en appuyant ses mains sur le rebord de la plaque de cuisson pour l'enfermer dans l'espace de ses bras.

Rogue avait beau faire le fier tout à l'heure, là, il était à la fois cramoisi et livide ses lèvres tremblaient convulsivement et il respirait de manière entrecoupée. Pour un peu, Sirius aurait pu sentir son cœur rebondir contre le sien. C'était flatteur et même grisant de voir Rogue avoir peur de lui. Sirius mit sa réaction sur le compte de sa musculature avantageuse, forgée à coups de pompes et de tractions, en comparaison de laquelle celle de Rogue ne pesait pas lourd. Avant d'émettre l'hypothèse qu'il avait, peut-être, juste l'air fou à lier. Enfin, qu'importait, il avait le dessus sur Rogue, il devait en profiter.

Sirius empoigna les frêles épaules du Serpentard, dont les yeux s'étaient exorbités, et se mit à le secouer d'avant en arrière. Il se sentait si confiant en sa force physique qu'il était convaincu qu'il aurait pu le broyer entre ses mains s'il l'avait voulu.

« Tu ne peux pas me laisser comme ça ! Réponds-moi ! Qu'est-ce que tu sais ? »

Sirius avait crié dans l'oreille de Rogue. Il le sentit frissonner. Alors il insista, répéta, vitupéra, plusieurs fois il aurait aimé lui crever les tympans avec sa voix, mais, bientôt, il ne parvint plus qu'à émettre des gémissements inintelligibles. Car, tout invulnérable qu'il se targuât d'être, il était en train de craquer. Des larmes, ces larmes qu'il ravalait depuis qu'il avait trouvé le corps de son frère sur une grève de la mer du Nord, se pressaient à la lisière de ses yeux, le menaçant d'un débordement incontrôlable.

Tout ça, c'était à cause de Rogue. Mais qu'attendait-elle, cette chiffe molle, pour l'insulter, le gifler, lui lancer un sortilège, bref se défendre ? Au lieu de cela, le Serpentard se laissait rudoyer comme s'il avait cessé d'habiter ce qui lui servait de corps, en promenant sur lui un regard effaré.

Sirius enfouit son nez dans le creux de l'épaule de Rogue, tout en agrippant les basques de sa redingote pour l'empêcher de se dérober, et huma l'odeur de sa peau, à laquelle se mêlaient celles du pain et de ce qui semblait être du savon. Enfin, pour la première fois de sa vie – parce que ça ne servait plus à rien de jouer la comédie : Rogue était pire que tout, mais pas stupide – il s'abandonna, se mettant à pleurer sans retenue. De temps à autre, des sanglots le secouaient si violemment qu'il avait l'impression que sa poitrine allait s'ouvrir en deux. Contre lui, Rogue, raide comme un échalas, ne se débattait pas, ne protestait pas. On aurait dit qu'il ne respirait plus. Peut-être qu'il ne savait pas comment réagir lorsqu'il était confronté à ce genre d'effusions ?

La porte s'ouvrit dans un bruit de tonnerre, sautant presque de ses gonds, et Maugrey, qui s'était visiblement levé du pied gauche, entra en trombe dans la cuisine et ébranla le sol d'un coup de canne comme pour ramener le silence. Sirius se décolla de Rogue, qu'il vit jeter un œil dégoûté à son épaulette humide, et rabattit précipitamment ses cheveux sur ses yeux bouffis, pour sauver les apparences. Maugrey marcha d'un pas militaire jusqu'à la table, s'empara de la cafetière et colla sa bouche au bec. Pendant quelques instants, on l'entendit déglutir à la manière d'un chameau qui s'abreuve. Puis il jeta la cafetière vide par-dessus son épaule et pivota vers Rogue et Sirius. Ces derniers reculèrent hors de portée de sa canne.

« C'est quoi, ce raffut ? se mit à vociférer Maugrey, la mine furibonde. Avez vu l'heure ? Z'avez ameuté tout le cottage ! »

Il fit basculer sa tête de côté comme un hibou et ses cheveux filasses débordèrent de son bonnet de nuit.

« On ne faisait que discuter, argua Sirius avec sa mauvaise foi habituelle – il espérait que Maugrey ne remarquerait pas la traînée de gelée de groseilles sur le mur.

– Discuter ? répéta Maugrey en haussant un sourcil. Vous deux ? À l'oreille, ça ressemblait plutôt à une scène de ménage.

– Black est un peu nerveux en ce moment, susurra Rogue en adressant un regard oblique à Sirius. Il hurle et casse des choses sans s'en apercevoir. L'excès de boisson, sans doute.

– Oh, toi…, fit Sirius d'un ton comminatoire.

– Personne ne vous demande d'être amis, reprit Maugrey en dévisageant alternativement l'un et l'autre. Mais vous n'avez aucune raison de vous étriper. Je veux dire : aucune bonne raison. Vous êtes dans le même camp à présent. Ne l'oubliez pas.

– Mais je ne l'ai pas oublié, moi », assura Rogue d'un ton obséquieux.

Et, rajustant son habit, il prit congé d'un signe de tête.

« Moi non plus, lèche-bottes, renchérit Sirius, une fois que la porte se fût refermée derrière le Serpentard. Va te faire f… »

L'aube pointait à la fenêtre. Sirius ramassa les chaises et se rassit devant sa pile de toasts, qui s'était écroulée. Mais il n'avait plus faim. Il avait juste envie de vomir. Et aussi de se cacher sous la table, pour échapper au regard insistant de Maugrey, à qui on ne la faisait pas.

« Me prenez pas pour un âne, Black, rétorqua Maugrey en s'asseyant en face de lui. Que s'est-il passé ? Vous êtes battus ? »

Tête basse, Sirius regardait intensément son assiette. Mais comment avait-il pu s'abaisser à pleurer comme un gosse devant Rogue ? Après cette nouvelle sortie, il ne pourrait plus jamais le regarder dans les yeux.

« Non, soutint-il.

– Z'avez causé de votre frère ? » tenta innocemment Maugrey en piochant un toast dans l'assiette de Sirius.

Le cœur de Sirius fit un bond dans sa poitrine. Si Maugrey lui posait la question, c'était que lui aussi subodorait l'existence d'un lien entre Rogue et Regulus. Mais Sirius n'avait pas envie de parler de ça avec son instructeur. Cette histoire était une affaire qu'il entendait régler avec Rogue et lui seul. Personne ne devait s'interposer entre eux.

« Nan, s'obstina-t-il. Je m'en fous de Reg'. »