Bonjour à toustes,

Voici aujourd'hui un texte publié il y a déjà presque un an sur AO3, dans le cadre de ma participation à l'ASPIC (Ateliers Scripturaux Promouvant l'Imagination et la Créativité) organisé par le serveur Discord Potterfictions sur le thème des personnages LGBTQIA+ dans les fanfictions Harry Potter et le mois des fiertés.
Vous pouvez nous rejoindre via le lien dans mon profil.

C'est un texte un peu particulier, avec un personnage que je n'ai quasiment jamais exploré, j'espère qu'il vous plaira (si vous ne l'avez pas déjà lu sur AO3).

Je devais respecter les contraintes suivantes :
Ma couleur tirée au sort : Bleu
Ma lettre tirée au sort : A (aromantique)
Mon personnage tiré au sort : Lily Luna Potter
Mes clichés à explorer :
1 - Tu dois avoir un problème
2 - LGBT+ = associé a des soucis mentaux

Bonne lecture !

Une fille ordinaire

Lily Luna Potter était une fille tout ce qu'il y avait de plus ordinaire. Du moins, c'était ce qu'elle répétait à longueur de temps. Bien sûr, s'appeler Potter n'était pas synonyme d'anonymat et de tranquillité, mais la jeune fille ne cessait de dire qu'elle n'était pas plus extraordinaire que n'importe qui d'autre.

Tout comme celles de ses deux frères avant elle, son arrivée à Poudlard fut remarquée. Par les autres élèves, mais surtout par les professeur·es qui se demandèrent si elle serait aussi turbulente que James ou aussi calme qu'Albus. Il s'avéra que, malgré un caractère bien trempé, Lily ne ressemblait ni à l'un ni à l'autre. Répartie à Serdaigle, elle était intelligente, espiègle, rusée et maligne.

Lily eut une scolarité exempte de grosses difficultés jusqu'à sa cinquième année. Elle était bien entourée à Poudlard, par ses frères, ses cousin·es et ses ami·es. Sans être aussi populaire que l'avait été James, elle était appréciée. Elle partageait tout avec ses meilleures amies, Tara Wells et Stacie Pritchard, ses joies comme ses peines.

Des peines, elle en avait peu eu dans sa vie. Bonne élève, elle n'était pas réprimandée et n'avait pas de retenues. Sa famille était aimante et à l'écoute de ses envies et de ses besoins. Pourtant, un jour, elle comprit que les garçons pourraient parfaitement être source d'ennuis et de chagrin.

C'était le jour de ses seize ans. D'aucuns auraient pu penser qu'il était de bon augure pour les amours d'être née un quatorze février. Lily n'en avait que faire : jusqu'à cette année-là, la Saint Valentin n'avait été que son anniversaire. Cette fois, cependant, elle avait envoyé un courrier à un garçon, un courrier avec quelques mots et des cœurs rouges et bleus. Le garçon s'appelait Adrian Jordan, il était plus âgé qu'elle et elle le trouvait beau. Elle avait commencé à l'observer dans la Grande Salle et elle le reluquait pendant les entraînements de Quidditch. Il jouait au poste de gardien et il était capitaine de l'équipe de Serdaigle. Il était blond avec des yeux noisette, il était grand et musclé. Il lui plaisait. Beaucoup.

À sa grande honte, elle ne reçut pas de réponse à sa lettre envoyée le matin même au petit-déjeuner. Il l'ignora superbement et rien dans son attitude pendant les entraînements ne laissa paraître qu'il avait lu cette lettre.

— C'est mieux que ce soit ça plutôt qu'il t'ait rejetée, la rassura Tara quelques jours plus tard.

— Je suis d'accord, ajouta Stacie. Mais il y a bien d'autres gars qui peuvent te plaire, non ?

— Je sais pas trop… On verra bien.

Malgré sa déception, Lily passa rapidement à autre chose. Il y avait beaucoup de garçons à Poudlard et nombreux étaient ceux qu'elle trouvait mignons. Ce fut un garçon auquel elle ne s'attendait pas qui finit par devenir son premier petit ami.

Un jour du mois d'avril, alors qu'elle était rentrée chez elle pour les vacances de Pâques, Albus la rejoignit dans sa chambre.

— J'peux te parler, Lily ?

— Bien sûr. Qu'est-ce qu'il y a ?

Lily aimait beaucoup ses deux frères, mais elle s'entendait mieux avec Albus qu'avec James. D'une part, iels n'avaient que deux années d'écart, et d'autre part le tempérament calme d'Albus était plus en accord avec le sien.

Albus s'assit sur son lit et la regarda avec un air désolé en triturant les manches de son t-shirt bleu. Elle s'attendait à ce qu'il lui annonce une affreuse nouvelle.

— Il va m'tuer s'il sait que j't'en ai parlé, mais tant pis… commença-t-il.

— Qui ça ?

— Scorpius.

— Il se passe quoi avec Scorpius ? Vous vous êtes engueulés ou un truc comme ça ?

Scorpius était le meilleur ami de son frère. Ils s'étaient rencontrés dans le train le jour de leur rentrée à Poudlard et étaient devenus inséparables. Lily n'avait jamais vu deux personnes s'entendre aussi bien et elle était presque jalouse du lien que les deux garçons partageaient.

— Non, pas du tout… Il… enfin, il t'aime bien.

— Je sais ça ! On s'entend bien.

— Non… soupira Albus. Il t'aime vraiment bien, j'crois qu'il ose pas te demander de sortir avec lui.

Lily ne savait pas quoi répondre à ça. Le visage triste d'Albus était un terrible aveu. Cela faisait un moment qu'elle avait deviné que son frère avait des sentiments pour son meilleur ami. Sentiments que ce dernier ne semblait pas partager et qu'Albus taisait.

— Heu… Je suis désolée, Al'.

— Pourquoi tu m'dis ça ?

— Albus, je sais très bien pourquoi tu as une tête d'enterrement en m'annonçant que Scorpius veut sortir avec moi. Je suis pas aveugle, tu sais !

— Ouais, ben… J'y peux rien s'il te préfère à moi, hein. Tu vas sortir avec lui ?

Lily prit le temps d'y réfléchir. Elle repensa à Scorpius, il était beau garçon avec ses cheveux blond clair et ses yeux bleus tirant sur le gris. Il était grand aussi, Lily aimait bien les garçons plus grands qu'elle. Avec son mètre soixante-dix, elle avait du mal à s'intéresser aux garçons qui ne la dépassaient pas suffisamment. C'était peut-être superficiel, mais tout le monde avait ses critères de préférence.

— Je sais pas. P'têt' bien, s'il vient me le demander lui-même. Je vais pas lui courir après quand même !

— OK. Ben, je vais le pousser à le faire alors.

Albus se leva en souriant légèrement. Un sourire triste qui fendit le cœur de Lily.

— Al'… T'es sûr que t'es d'accord avec ça ? On dirait vraiment pas que ça te fait plaisir.

— J'préfère qu'il soit avec toi plutôt qu'avec l'une de ces stupides filles qui lui tournent tout le temps autour…

— C'est avec toi qu'il serait le mieux, pourtant…

— T'es gentille, Lily, mais j'peux pas le forcer à m'aimer, hein.

Et il s'en alla aussi silencieusement qu'il était arrivé, les épaules basses.

Quelques jours plus tard, dans le train qui les ramena à Poudlard, Scorpius vint chercher Lily dans le compartiment qu'elle partageait avec Tara et Stacie. Il l'emmena dans le couloir pour être à l'abri des regards curieux de ses deux amies. La plupart des élèves étaient dans leurs compartiments et l'endroit était plutôt tranquille pour une fois.

— Lily ? Je te trouve jolie et super intéressante… et heu… j'aimerais bien… tu sais… sortir avec toi, bredouilla Scorpius, ses joues rosissant.

Lily avait eu le temps d'y songer pendant les derniers jours de ses vacances et elle ne voyait pas pourquoi elle aurait refusé alors que Scorpius lui plaisait. Surtout que son frère avait insisté pour que ce soit le cas, même si cela lui faisait de la peine pour lui.

— Ouais, si tu veux.

— Oh, vraiment ‽

— Ouais, sois pas si étonné.

Un sourire prit place sur le visage de Scorpius et Lily pensa qu'elle avait bien fait de lui dire oui. Scorpius était vraiment le type de garçon qu'elle aimait bien. Il se pencha vers elle et posa sa bouche sur la sienne. Ses lèvres étaient douces et tièdes, c'était agréable.

Il glissa une main dans sa nuque et elle frissonna sous le contact de sa peau. Il l'embrassa un long moment avant de se reculer. En rouvrant les yeux, elle croisa ceux de Scorpius qui la regardait. Elle ne put s'empêcher de sourire : pour un premier baiser, elle trouvait ça réussi. Ses amies lui avaient parlé de leurs premiers baisers, qui avaient eu lieu bien plus tôt qu'elle, et leurs retours n'avaient pas été des plus enthousiastes. Elle se trouvait donc chanceuse, Scorpius embrassait bien. Et son air un peu gêné était adorable.

— Je crois qu'on a du public, dit-il tout à coup en faisant un signe de la tête vers le compartiment sur leur gauche.

Tara et Stacie avaient le nez collé à la vitre et les observaient. Lily secoua la tête et lâcha un rire joyeux. Ça ne l'étonnait pas du tout qu'elles aient épié ce qui se passait dans le couloir.

— Désolée… Je vais aller les rejoindre, si tu veux bien.

— Ouais, OK. On se voit au dîner ?

— Oui, pas de souci.

Lily retourna dans le compartiment après lui avoir souri une dernière fois. Elle se demandait si Scorpius la rejoindrait à la table des Serdaigle ou si elle devrait se déplacer à celle des Serpentard. Les changements de place à table étaient habituels et communs : chaque élève pouvait manger avec ses ami·es d'autres maisons comme iels le souhaitaient, excepté lors des banquets de début et de fin d'année.

Ses deux amies l'accueillirent avec des cris stridents et des exclamations étonnées. Lily leur sourit avec indulgence et s'assit sur une des banquettes. Puis elle répondit à leurs nombreuses questions et raconta ce qu'Albus lui avait dit pendant les vacances.

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Lily était heureuse, sa relation avec Scorpius se passait bien. Iels se croisaient régulièrement dans les couloirs et en profitaient pour s'embrasser et iels se retrouvaient aussi souvent plus au calme pour discuter et se câliner. Après deux mois, et alors que les examens venaient de s'achever, iels décidèrent de passer à la vitesse supérieure. C'était l'avant-dernier jour d'école et presque tout le monde était dehors pour profiter du soleil. Insouciant·es, les étudiant·es attendaient la dernière minute pour préparer leurs valises. Lily s'était arrangée pour emprunter la cape d'invisibilité que possédait Albus et elle s'était faufilée en douce dans le dortoir de Scorpius en le suivant le long des couloirs.

Cela faisait plusieurs semaines déjà qu'elle ressentait une attirance forte pour Scorpius et elle voulait satisfaire cette envie qui la taraudait. Lorsqu'il l'embrassait, lorsqu'il posait ses mains sur sa taille, dans sa nuque ou dans son dos, des fourmillements la parcouraient, des frissons la traversaient et elle sentait que son bas-ventre se contractait. Elle était prête et elle en avait envie.

Ce fut maladroit et iels rirent nerveusement à de multiples reprises. Scorpius fut très doux et à l'écoute, même s'il était aussi inexpérimenté qu'elle. Mais Lily savait qu'elle garderait un bon souvenir de cette première fois qui n'était finalement pas si mal. Elle avait ressenti du plaisir et elle avait fait de son mieux pour que son petit-ami soit satisfait lui aussi, c'était tout ce qui comptait.

Elle rejoignit ensuite ses deux ami·es au soleil, après un dernier baiser à Scorpius. Elles la fixaient avec une franche curiosité et Lily devinait qu'elles retenaient leurs questions.

— Bon… Me regardez pas comme ça ! Posez-les vos questions, qu'on soit débarrassées !

— C'était comment ? demanda Tara en rougissant un peu.

— C'était chouette !

— Oh, ben… Tant mieux… Il paraît que c'est toujours mieux sa première fois quand on est amoureux !

— Amoureux ? s'étonna Lily.

— Oh ouais, j'ai entendu dire ça. T'es amoureuse de Scorpius, non ?

Lily ne sut pas quoi répondre. La question était pourtant simple, et elle avait lu des tas d'histoires d'amour, elle savait ce que cela voulait dire, théoriquement. Mais elle ne s'était jamais demandé si elle était amoureuse ou pas, elle supposait que ça arrivait tout seul et qu'on n'avait pas besoin d'y prêter attention. Maintenant qu'on le lui demandait, elle n'était toutefois pas sûre de pouvoir répondre par l'affirmative. Ce qu'elle avait pu lire sur le sujet lui paraissait un peu étranger à ce qu'elle ressentait… Elle aimait bien Scorpius, il lui plaisait, il était beau et elle avait du désir pour lui. Elle avait bien eu le cœur qui s'accélère en le voyant au bout d'un couloir ou des billywigs dans le ventre en pensant à lui, mais jamais elle n'avait eu l'impression qu'il lui manquait atrocement parce qu'iels ne s'étaient pas croisé·es dans la journée. Elle n'était pas vraiment sûre d'être amoureuse…

Les regards de Tara et Stacie devant son silence lui firent peur et elle répondit ce qu'elle considérait être un petit mensonge.

— Oh oui… Oui, bien sûr…

Elle continua à discuter avec ses amies, mais elle avait l'esprit ailleurs. Elle était préoccupée par les sentiments amoureux qu'elle n'était pas certaine d'éprouver.

L'année toucha à sa fin le lendemain et elle rentra chez elle avec la tête pleine d'interrogations. L'été ne lui apporta pas plus de réponses qu'elle n'en avait eu au départ. Elle croisa Scorpius à plusieurs reprises, surtout qu'il venait aussi souvent voir Albus, mais elle ne se sentait plus légitime d'être sa petite amie. Elle se posait beaucoup de questions et tentait constamment de s'analyser pour comprendre ce qu'elle ressentait – ou ne ressentait pas – pour lui.

À la veille de la rentrée scolaire, elle annonça à Scorpius qu'elle préférait qu'iels se séparent, d'autant plus que lui avait terminé ses études à Poudlard et qu'iels ne pourraient pas se voir fréquemment. Il eut l'air triste et déçu, mais il accepta la nouvelle avec un mince sourire et affirma ne pas lui en vouloir.

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La sixième année de Lily fut à la fois semblable et différente de la précédente. Semblable parce qu'elle travaillait beaucoup et discutait pendant des heures avec ses deux amies. Différente parce que ce fut l'année qui les amena toutes à la vraie découverte des relations amoureuses et des premières expériences de la sexualité.

Tara réalisa rapidement après son premier petit ami que les garçons ne l'intéressaient finalement pas tant que ça et sortit avec une fille de septième année après Noël. Elle avait mis quelque temps à en parler à Lily et Stacie, elle avait peur que leur regard sur elle change. Lily n'en avait pas fait grand cas, son propre frère aimait les garçons et elle le savait depuis longtemps, cela ne changeait pas le fait qu'elle aimait son amie.

Stacie resta quelques mois avec un garçon et leur séparation fut un drame pour la jeune fille qui pleura pendant des jours entiers. Lily était présente pour consoler son amie, mais elle avait du mal à comprendre pourquoi elle ressentait les choses de façon aussi violente. Cela lui semblait étrange et bien différent de ses propres expériences. Elle aussi avait vécu une rupture pendant l'année et cela l'avait attristée sans qu'elle se sente misérable.

Lily eut trois copains cette année-là et chaque fois elle attendit avec impatience et anxiété ce qu'elle appelait pour elle-même « les symptômes de l'amour ». Cela n'arriva jamais et elle en conclut que les relations devaient être longues pour enfin tomber amoureuse. Contrairement à Stacie qui semblait être un vrai cœur d'artichaut, Lily commença à accepter l'idée qu'elle était peut-être plus lente à découvrir ses ressentis. Après tout, elle était tout de même heureuse avec ses copains, elle les appréciait, les trouvait beaux et désirables. Ses expériences sexuelles n'étaient pas toujours exceptionnelles, mais elle les désirait. Elle sentait son corps qui appelait au contact, qui voulait être touché, caressé, léché, aimé. Et elle ne s'en privait pas.

Elle ne parlait pas à ses amies de ce qu'elle ne ressentait pas pour ses copains. Aux questions concernant ses sentiments amoureux, elle mentait ou éludait. Après tout, aucun garçon ne lui avait fait de déclaration enflammée et elle ne voyait pas pourquoi elle aurait dû le faire elle-même. Ils ne lui promettaient rien et elle non plus, ses relations étaient simples et faciles et cela lui convenait.

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La septième année de Lily ressembla à peu de choses près à la sixième : beaucoup de travail, de devoirs, de discussions et de rires. Cependant, autour d'elle, les couples se formaient et duraient, les premières amourettes étaient maintenant derrière elleux. Ce fut également son cas avec un garçon d'un an de moins qu'elle. Il s'appelait Sanjay Patil-Brown et il était beau à tomber. Ses courts cheveux noirs et ses yeux bruns la rendaient toute chose et elle avait décidé qu'elle resterait avec lui tant qu'il voudrait bien d'elle. Cette année, c'était sûr, elle tomberait amoureuse et ça serait de ce garçon là.

Malgré un planning très chargé et les ASPIC à préparer pour la fin de l'année, Lily passait beaucoup de temps avec Sanjay. Il était drôle et intelligent, il partageait sa passion pour la lecture d'histoires romantiques et pour les sortilèges. Quand le dortoir du garçon était vide, elle le rejoignait dans son lit et iels expérimentaient ensemble. Lily avait souvent envie de faire l'amour avec son copain, elle trouvait ça fantastique. Il était maladroit mais appliqué et acceptait toutes les remarques qu'elle pouvait lui faire. Elle en était certaine, cette fois elle était en train de tomber amoureuse, sinon elle n'aurait pas autant envie d'être avec lui tout le temps.

Ce jour-là, elle l'avait rejoint dans son dortoir et il l'avait caressée jusqu'à l'orgasme. Alors qu'elle reprenait son souffle, les joues rouges, les cheveux emmêlés, il la contempla avec un sérieux inhabituel. Elle se redressa et rajusta sa tenue, mais il l'observait toujours avec une telle fascination qu'elle se sentit obligée de détourner le regard.

— Lily ?

— Oui ?

— Je… Je suis amoureux de toi…

Le regard toujours ailleurs, Lily sentit son estomac se tordre de façon désagréable. Elle l'aimait également, n'est-ce pas ? C'était ce qu'elle avait décidé lorsqu'elle y avait réfléchi. Même si son cœur ne palpitait pas autant qu'il aurait dû, même si les billywigs n'envahissaient pas son ventre en permanence, elle aimait beaucoup être avec lui et ça devait être ça. Sûrement.

— Oui… Oui, moi aussi, répondit-elle, un peu désarçonnée.

Il se pencha vers elle et l'embrassa. Il glissa sa langue dans sa bouche et le feu du désir ressurgit en elle. Elle le poussa sur le lit et entreprit de lui rendre ce qu'il lui avait donné quelques minutes plus tôt.

Le temps passait vite et l'année s'écoula sans que Lily s'en rende compte. Elle tentait de ne pas penser à l'absence manifeste des sentiments qu'elle aurait dû éprouver pour Sanjay. Chaque fois qu'il disait qu'il l'aimait, elle lui répondait qu'elle aussi en se persuadant que c'était vrai. Pourtant, au fond d'elle-même, elle se doutait que ce n'était pas vraiment le cas. Ou bien qu'elle ne l'aimait pas comme il l'aimait. Ou comme Stacie aimait Jordan. Ou comme Tara aimait Emily.

Ses deux amies, avec qui elle partageait tout – sauf ses doutes – lui parlaient de leurs sentiments, de la joie qu'elles ressentaient quand elles étaient en compagnie de leur copain ou copine, de leur estomac qui faisait des bonds quand il ou elle leur disait des mots doux, de leur sentiment de félicité à être avec lui ou elle, de leur obsession pour lui ou elle. Les ruptures qui eurent lieu cette année-là furent encore synonymes de larmes et de souffrance pour Stacie et Lily ne comprenait toujours pas pourquoi elle était si malheureuse. Elle compatissait, elle était désolée de la voir si peinée, mais elle ne comprenait pas. Elle n'avait pas l'impression que son monde s'arrêterait de tourner si Sanjay la quittait. Elle ne craignait pas cette éventualité, alors que Stacie avait toujours une peur panique d'être quittée et de souffrir. Même Tara en parlait, disait qu'elle serait malheureuse si Emily devait la quitter, qu'elle le redoutait sans pourtant croire que cela puisse arriver. Lily savait qu'elle le regretterait si cela arrivait avec Sanjay, il était gentil et iels s'entendaient bien, le sexe devenait vraiment bon, mais elle ne ressentait pas cette peur d'être sans lui. Bien sûr, il lui manquerait, elle perdrait un bon ami, mais elle n'en avait pas peur.

Un mois avant les ASPIC, Sanjay et Lily étaient assis à l'ombre d'un arbre et iels révisaient leurs cours. Lily passait le plus clair de son temps à réviser, elle ne voulait pas rater ses examens. De temps à autre, son regard se posait sur son petit ami et elle imaginait les courbes de son corps qu'elle devinait sous le tissu de sa robe. Cela éveillait toujours un petit feu de désir au creux de son ventre, mais elle savait aussi le faire taire quand ce n'était pas le moment propice.

— Lily ?

— Hmmm… répondit-elle sans lever le regard du parchemin qu'elle lisait.

— Lily, j'aimerais qu'on parle.

Elle arrêta sa lecture pour le regarder. Le ton qu'il avait employé et les mots qu'il avait utilisés étaient synonymes d'ennuis, elle le devina aussitôt.

— Oui ?

— Pourquoi est-ce que tu me dis jamais que tu m'aimes ?

— Mais… Si. Si, je le fais.

C'était un mensonge et elle le savait. Lui aussi le savait, bien sûr, il n'était pas idiot et il s'en était rendu compte. Il eut un sourire triste.

— Non. Tu réponds toujours « moi aussi », mais c'est toujours moi qui te dis « je t'aime ».

— Ah bon ?

— Est-ce que tu m'aimes, Lily ?

C'était le moment. Ce moment où elle devait voir en elle et se rendrait compte que c'était le cas. C'était forcément le cas ! Mais elle cherchait, elle analysait et elle ne trouvait pas. Pas d'absolue félicité lorsqu'elle pensait à lui, pas d'estomac qui se tordait de plaisir lorsqu'elle le regardait, pas d'espoir qu'il lui promette une vie parfaite à deux, pas de manque lorsqu'il n'était pas là. Rien de tout ce qu'elle pensait être l'amour, surtout que chaque « je t'aime » échangé lui apportait plus d'ennui que de plaisir. Elle l'aimait bien, mais elle n'était pas amoureuse. En tout cas pas de la façon dont elle imaginait devoir l'être.

— Je… Je ne sais pas, Sanjay.

Encore un mensonge. Parce qu'elle n'avait pas le courage de lui dire qu'elle ne l'aimait pas ainsi qu'il l'attendait. Parce qu'elle savait qu'elle lui ferait du mal en prononçant le mot « non ».

— On sort ensemble depuis huit mois, Lily. Je sais que je suis amoureux depuis presque le tout début et toi tu me réponds que tu sais pas ‽

— Je… Je sais pas quoi te dire…

— Dis-moi la vérité ! cracha-t-il avec colère, les yeux brillant de larmes contenues.

Son visage triste la décida. Elle n'avait pas le droit de lui mentir plus longtemps, elle n'avait pas le droit de lui faire espérer quelque chose alors que l'année touchait presque à sa fin et qu'elle savait qu'il espérait qu'iels seraient encore ensemble pendant leurs études supérieures. C'était malhonnête de sa part de ne pas lui répondre.

— Ben… Je t'aime bien, tu me plais. Mais je crois pas que je suis amoureuse, non.

Il resta la bouche ouverte de stupéfaction pendant quelques secondes. Puis il ramassa ses parchemins et ses livres et les jeta avec rage dans son sac.

— Merlin… J'arrive pas à croire que je me suis fait avoir pendant si longtemps… Tu dois vraiment avoir un problème ma pauvre !

Il se leva et partit à grandes enjambées en direction du château. Elle l'observa s'éloigner avec le cœur serré. Pas parce qu'il était parti, mais parce qu'elle l'avait blessé sans l'avoir voulu. Les garçons étaient finalement devenus une réelle source d'ennuis.

La fin de son année s'écoula dans une ambiance morose. Pour la première fois de sa courte vie, la rupture peinait vraiment Lily. Elle était véritablement triste et elle comprenait enfin ce que ses amies avaient pu ressentir quand elles l'avaient vécue. Et pourtant elle savait que ce n'était pas pour de bonnes raisons, elle se sentait égoïste et méchante. Elle lui avait fait du mal, s'était fait du mal à elle-même et elle avait perdu une personne qu'elle appréciait avec sincérité. Elle consacra son temps à travailler et travailler encore et passa ses ASPIC en espérant les réussir. Avant même qu'elle le réalise, sa scolarité à Poudlard s'acheva et elle laissa derrière elle les joies et les peines qu'elle y avait vécues. Elle repartait avec bien plus de questionnements sur elle qu'en y arrivant, elle se sentait étrange et un peu cassée, pas vraiment normale. Et elle doutait de trouver des réponses un jour.

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Lily passa un été terrible à penser à ce que lui avait dit Sanjay. Même les très bons résultats d'ASPIC ne lui remontèrent que peu le moral. Elle avait réussi haut la main et pouvait maintenant postuler au Département des mystères comme elle le souhaitait depuis sa cinquième année. Elle était heureuse de pouvoir espérer travailler au Ministère de la Magie parce qu'elle savait qu'elle y retrouverait Tara qui voulait être Auror et Stacie qui désirait une place au Département de la justice magique.

La maison des Potter fut triste cet été-là. Lily ruminait dans son coin, James avait quitté le domicile familial pour s'installer en colocation avec Teddy et Albus désespérait toujours que ses sentiments pour son meilleur ami lui soient retournés. Ce fut en pensant à Albus, un soir où elle n'arrivait pas à dormir, que Lily décida qu'elle devait aller parler avec lui. Il l'avait toujours écoutée, il avait toujours été un grand frère présent et de bon conseil. Il pouvait peut-être l'aider cette fois encore : lui, il était amoureux, il savait ce que c'était d'aimer quelqu'un, il allait pouvoir répondre à ses questions.

Le lendemain après-midi, elle le rejoignit dans le petit jardin à l'arrière de la maison. Il lisait un livre à l'ombre d'un arbre, protégé des rayons trop chauds du soleil. Elle s'approcha de lui en silence, il lui tournait le dos. Elle posa la main sur son épaule.

— Hey, Al' ! Je peux m'asseoir avec toi ?

— Si tu veux.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— J'attends Scorpius, il a dit qu'il passerait aujourd'hui.

— Oh ! Scorpius doit venir ? Ça fait longtemps que je l'ai pas vu.

— Ouais… On s'voit moins qu'avant… Ça te dérange pas qu'il vienne ?

Le visage d'Albus était triste et Lily se demandait quand il finirait par enfin être heureux. Il avait eu plein de copains, mais cela n'avait jamais duré bien longtemps et elle savait pourquoi. Elle était si malheureuse qu'il aime quelqu'un à sens unique alors qu'elle-même n'y parvenait pas du tout.

— Non, absolument pas. Tu sais, c'est loin notre petite histoire. Écoute… en fait… c'est de lui que je voulais te parler.

— Ah bon ?

L'espoir dans le regard d'Albus, l'émotion dans sa voix alors qu'elle proposait de parler de Scorpius lui fit de la peine. Elle se promit de résoudre ce problème une fois qu'elle aurait eu des réponses à ses questions. Elle voulait que son frère soit heureux.

— Oui… En fait… Te fâche pas, hein… Mais j'aimerais que tu me dises ce que tu ressens pour lui.

— Pourquoi ça ‽

— Le prends pas mal, Al'. J'ai besoin de comprendre ce que ça fait quand on est amoureux et… tu vois… je me disais que toi tu pourrais me le dire, non ?

Albus soupira. Il referma son livre et le posa sur son genou. Il tourna la tête vers elle pour la regarder et elle constata qu'il avait son petit air triste. Celui qu'il avait toujours quand il parlait de Scorpius. Puis il détourna les yeux pour s'absorber dans la contemplation de la pelouse fleurie.

— J'l'ai jamais vraiment dit à personne… J'ai jamais prononcé les mots à voix haute, parce que ça rendrait les choses trop réelles. Et trop dures.

— T'as jamais eu besoin de le dire, je l'ai deviné depuis longtemps, Albus.

— Je sais… Je pense que tout le monde le sait à part lui. Lui, il a jamais rien vu et j'pense que c'est préférable.

— Est-ce que ça fait toujours aussi mal ? D'être amoureux, je veux dire…

— J'en sais rien. Mais c'est pas… c'est pas de… de l'aimer qui m'fait mal. Merlin…

La voix d'Albus tremblait et Lily lui attrapa la main. Elle la caressa avec douceur sans quitter du regard sa tête baissée vers le sol. Elle savait ce qui lui faisait mal, elle le devinait. Et la détresse de son frère lui brisait le cœur. Elle se rappelait le visage énervé et triste de Sanjay quand il avait compris qu'elle ne l'aimait pas en retour et le parallèle avec son frère était terrible.

— C'est parce qu'il ne t'aime pas comme tu l'aimes, c'est ça ?

— Ouais… Ouais, évidemment…

Albus soupira une nouvelle fois.

— J'suis amoureux de Scorpius depuis que j'ai seize ans. Et… Tu sais quoi ? L'aimer en silence depuis quatre longues années ne me fait pas mal. Non… L'aimer c'est la plus belle chose qui soit.

Lily sourit en l'observant. Il continua :

— Je… J'me réveille tous les jours en pensant à lui et quand j'm'endors c'est pareil. Ah… Il n'y a pas une seule journée, pas une seule chose dans ma vie qui ne m'fait pas penser à lui ! Hmmm, lire un livre me rappelle Poudlard, quand on était allongés dans l'herbe devant un bouquin d'cours. Ou… Tiens, lancer un sort ! Ça m'ramène aux cours de sortilèges et à nos fous rires. Et puis… rien que m'habiller le matin m'fait penser à son ridicule amour pour les fringues. Et j'te parle même pas des rêves à son propos…

Le ton d'Albus avait changé, il était plus vivant alors qu'il parlait de Scorpius. Lily était à la fois heureuse de savoir enfin vraiment ce qu'on pouvait ressentir quand on aimait quelqu'un et à la fois triste de savoir que son frère éprouvait cela seul et en silence depuis quatre ans.

— On a partagé le même dortoir et les mêmes douches pendant sept ans, j'l'ai vu grandir et se muscler avec le Quidditch… Merlin, il est devenu tellement canon… Ce qui m'fait mal… C'est… c'est qu'il m'aimera jamais comme ça et que j'sais pas quoi faire pour que ça change…

— A… Albus ?

Lily se retourna brutalement et posa une main sur sa bouche pour étouffer une exclamation de surprise. Scorpius se trouvait à deux mètres derrière elle et Albus. Il avait un regard écarquillé et les joues roses.

— Oh putain de merde… jura Albus en se retournant à son tour.

Il se leva et son livre tomba par terre. Lily le vit reculer, un air horrifié sur le visage.

— Non, non, Merlin, c'est pas possible.

— Al'… commença Scorpius.

— Non, dis rien, s'te plaît, ne dis rien, bredouilla Albus.

Lily n'osait plus bouger le moindre muscle de peur que sa présence ne ruine ce qui était sur le point de se produire. C'était à peine si elle respirait. Son regard fit la navette entre Albus qui s'arrachait les cheveux en tournant en rond et Scorpius qui l'observait, les bras ballants, et la bouche ouverte. Elle hésitait à intervenir, elle craignait que son frère fuie la situation, mais elle n'en eut pas le temps.

— Albus !

Le ton ferme de Scorpius fit stopper les allées et venues d'Albus qui écrasait les fleurs d'été du jardin sans s'en rendre compte. Il releva le regard vers son meilleur ami et Lily y vit toute la souffrance qu'il cachait d'habitude si bien quand ils étaient ensemble.

Scorpius s'approcha à pas lents d'Albus et s'arrêta si près de lui que Lily eut peur qu'il lui rentre dedans. Puis il encadra son visage de ses deux mains. Lily cessa de respirer.

— Tu es vraiment un idiot, Albus Potter.

— Quoi ? couina Albus en réponse.

— Pourquoi est-ce que tu n'as jamais rien dit ?

— Je… Je…

Albus n'eut pas le temps de répondre que Scorpius posait sa bouche sur la sienne. Lily expira tout l'air qu'elle avait retenu sans s'en rendre compte. Puis elle se leva de sa chaise et s'en alla discrètement pour les laisser rattraper le temps perdu.

Elle était venue trouver son frère pour avoir des réponses. Elle en avait eu, mais cela ne l'avait pourtant pas tellement éclairée sur elle-même. Cela ne faisait que confirmer qu'elle n'avait jamais ressenti ce qu'Albus lui avait décrit, qu'elle n'était donc jamais tombée amoureuse. Mais elle ne comprenait pas pourquoi cela n'arrivait pas.

Elle avait cru que c'était une histoire de durée de relation, mais ce qui s'était passé avec Sanjay lui prouvait que ce n'était pas ça. Si huit mois n'étaient pas assez longs pour qu'elle tombe amoureuse, elle doutait que plus encore serve à quelque chose.

Elle repensa au fait qu'Albus aimait Scorpius depuis des années sans même avoir la chance d'être aimé en retour. Que malgré toutes ses histoires, il n'avait jamais cessé de l'aimer ! Peut-être qu'ils étaient des âmes sœurs ou quelque chose dans ce goût-là. C'était rarissime, mais cela existait. Lily avait-elle besoin de trouver son âme sœur elle aussi ? Est-ce qu'il s'agissait d'une question de personne et non de durée ? Comment faisait-on pour rencontrer la bonne personne ?

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L'entrée dans l'âge adulte ne fut pas simple pour Lily. D'un point de vue professionnel, elle était satisfaite : son travail au Département des mystères était fascinant. D'un point de vue personnel, c'était plus compliqué.

Elle avait décidé qu'elle devait trouver la personne qui lui permettrait de tomber amoureuse, alors elle sortait pour rencontrer des gens. Elle allait dans des bars ou dans des clubs, sorciers et moldus, accompagnée la plupart du temps de Stacie qui, elle aussi, cherchait à faire des rencontres. Tara ne les accompagnait que rarement, elle était toujours en couple avec Emily et cela ne l'intéressait pas de tenir la chandelle pour ses deux amies qui couraient après les hommes célibataires.

Pendant près de quatre ans, Lily accumula les rendez-vous, les coups d'un soir et les relations plus ou moins longues. Elle sortait de plus en plus souvent seule, Stacie ayant fini par trouver quelqu'un. Sans surprise, mais avec tout de même un sentiment de déception, elle n'eut jamais l'impression de pouvoir tomber amoureuse, même lorsque cela durait quelques mois.

Quand l'homme restait un peu dans sa vie, elle faisait des efforts démesurés pour lui plaire, elle se forçait à avoir des sentiments qui n'arrivaient jamais. Elle en aimait bien certains, ceux qui étaient gentils et qui se préoccupaient d'elle autant qu'elle se préoccupait d'eux. Elle aimait le sexe avec eux, du moins lorsqu'ils n'étaient pas centrés sur leur plaisir personnel. Elle appréciait leur présence dans sa vie et même les petites routines du quotidien qui s'étaient installées avec ceux qui étaient restés le plus longtemps. Mais le problème ressurgissait constamment : elle n'était pas amoureuse et ils s'en rendaient compte. La scène vécue avec Sanjay se répétait inlassablement : au bout du compte, ils lui reprochaient toujours de ne pas les aimer, de ne pas s'impliquer, de ne pas s'engager. D'être égoïste, menteuse et manipulatrice.

Les ruptures étaient systématiquement douloureuses parce que ça finissait mal, dans les cris et même parfois les insultes. Aucun n'avait essayé de la comprendre quand elle tentait d'expliquer qu'elle était heureuse avec eux, qu'elle aimait les avoir dans sa vie et surtout qu'elle n'était pas responsable des sentiments qui ne venaient pas.

— Tu sors avec nous ce soir ? demanda Lily.

— Vous allez où cette fois ? répondit Tara.

— Au Goblin Ivre, un nouveau bar dansant qui s'est ouvert sur le chemin de traverse.

— Non, merci…

Lily termina la tasse de thé que lui avait servie son amie. Elle venait régulièrement discuter avec la jeune femme qui était en arrêt de travail pour cause de grossesse compliquée. Lily n'avait jamais osé dire à Tara qu'elle la trouvait bien jeune pour avoir un enfant, mais elle n'était pas là pour juger des décisions du couple, d'autant plus que les deux femmes en étaient très heureuses. Elles, au moins, avaient trouvé quelqu'un à aimer.

— Juste pour boire un café ? Tu as le droit de te déplacer, non ?

— J'ai le droit, mais j'ai pas envie de te regarder draguer tous les mecs qui voudront te mettre dans leur lit.

Lily soupira. Elle savait que son amie jugeait sa façon d'appréhender les rencontres et les relations avec les hommes. Elle n'avait jamais osé dire pour quelles raisons elle enchaînait ainsi, pour quelles raisons les hommes la quittaient toujours. Peut-être était-il temps de se livrer à quelqu'un ? Tara était probablement la personne en qui elle avait le plus confiance pour ne pas mal réagir à ce que Lily considérait désormais comme une anormalité. Elle se sentait bizarre, étrange, malade. C'était forcément une tare à éradiquer, une maladie mentale à soigner. Cependant, elle ne connaissait aucun médicomage qui guérissait ce genre de choses, elle n'avait jamais entendu parler de gens qui souffraient des mêmes symptômes qu'elle. Et elle n'oserait jamais s'en ouvrir à Sainte-Mangouste, elle avait trop peur d'être jugée, catégorisée comme folle et enfermée. Mais peut-être que Tara pourrait l'écouter, entendre sa détresse, panser ses plaies mentales.

— En fait… Je te comprends. Tu n'as pas à subir ce que je m'impose pour trouver quelqu'un.

Tara la regarda avec un drôle d'air. Puis elle sourit.

— Il y a quelque chose dont tu veux me parler, Lily ?

— Heu… Je sais pas… C'est… compliqué…

— Lily… Tu sais, je vois bien que tu n'es pas heureuse. Est-ce que c'est parce que tu ne trouves pas d'homme qui veut rester avec toi pour de bon ?

Lily hésita à saisir la perche que lui tendait son amie. C'était l'occasion idéale pour enfin se livrer. Vivre cela seule lui pesait à présent.

— Pas vraiment, non… Le problème c'est… Tu vas te moquer de moi si je te le dis. Ou me prendre pour une folle.

— Je te promets que non.

Lily regarda son amie dans les yeux et inspira un grand coup.

— Je ne sais pas tomber amoureuse, j'en suis incapable.

Quelques instants s'écoulèrent sans que Tara réponde. Son visage reflétait la surprise.

— Comment ça ?

— Je n'ai jamais aimé aucun de mes copains. J'ai pas de sentiments pour eux… Je sais pas pourquoi, j'ai jamais ressenti ce que je devrais ressentir. Je les aimais bien, j'aimais être avec eux, mais y a ce truc anormal chez moi…

— Excuse-moi de te demander ça, mais… Comment tu peux en être si certaine ?

— J'ai lu tellement de romans d'amour, tu sais bien. J'ai jamais ressenti ce qui est décrit de façon presque systématique.

— Hum. Tu sais, les romans, c'est pas vraiment la réalité…

— Je vous ai écoutées aussi… Toi et Stacie… Quand vous parliez de vos sentiments pour Emily ou pour les mecs de Stacie. J'ai demandé à Albus aussi… Y a jamais rien qui se passe là-dedans !

Lily avait posé la main sur sa poitrine, sur son cœur. Elle sentait ses émotions commencer à déborder, ses yeux lui piquaient, sa vision devenait floue.

— Oh, Lily…

— Je sais pas aimer, Tara !

Et elle éclata en sanglots. Dire tout cela à haute voix était trop dur pour elle, réaliser enfin à quel point elle était anormale, qu'elle ne savait pas aimer.

Elle pleura un long moment, la tête baissée vers la table de la cuisine pour éviter le regard de son amie. Elle entendit une chaise racler le sol et bientôt Tara l'enveloppa contre elle. Son ventre rond gênait un peu, mais la chaleur de son étreinte lui fit beaucoup de bien. Elle la berça en douceur et Lily ferma les yeux en se laissant aller.

— Tu sais aimer, Lily, bien sûr que tu sais aimer.

— Non, je…

— Shhh, laisse-moi finir. Je sais que tu sais aimer parce que je suis ton amie depuis… quoi ? Onze ans ? Je sais que tu m'aimes, parce que tu sais comment j'aime mon thé et que tu me fais rire pour me changer les idées. Je sais que tu aimes Stacie… Parce que… Hé bien parce que tu la supportes dans toutes ses théories sorties de nulle part, même quand ça n'a aucun sens !

Tara lâcha un rire bref et Lily se demanda à quel souvenir elle pouvait bien penser.

— Je sais que tu aimes Albus, parce que tu le regardes avec des yeux émerveillés quand il parle. Et James, bien sûr ! Et tes parents, vu comme tu en parles depuis toujours ! Et aussi… toute ta ribambelle de cousins, ha ha ha. Je sais que tu as aimé Scorpius et Sanjay, même si tu crois que c'était pas le cas. Moi je l'ai entendu quand tu parlais d'eux. Et les autres aussi. Enfin, certains d'entre eux en tout cas… Ha ha ha.

Lily la sentit reprendre sa respiration après sa tirade.

— Tu aimes à ta façon, ma Lily, et c'est tout ce qui compte. Qu'est-ce qu'on s'en fout de ce qui est écrit dans ces bouquins à l'eau de rose ! Ou de ce que d'autres ont pu te raconter. Je sais… Je sais que ma façon d'aimer n'est sûrement pas la même que celle d'Emily. Mais on s'en moque, on est heureuses ensemble.

Les pleurs de Lily redoublèrent.

— Tu ne tombes pas amoureuse ? Et alors ? Tu aimes quand même et ça devrait leur suffire à ce tas de crétins !

Lily éclata de rire. Un rire mêlé de larmes, avec le nez qui coule et les yeux qui brûlent. Le soulagement l'emportait sur la tristesse, et l'amour que lui transmettait son amie combla lentement mais sûrement le trou béant qu'elle avait l'impression d'avoir dans le cœur. Ce trou béant qu'elle pensait ne pouvoir remplir parce qu'elle se croyait incapable d'aimer.

Elle resta blottie contre Tara, contre sa merveilleuse amie. Soulagée d'avoir enfin pu dire ce qu'elle cachait depuis tant d'années. Soulagée d'être toujours aimée par elle, malgré sa différence. Si Tara l'acceptait, alors peut-être qu'un jour elle trouverait un homme qui accepterait cette différence, qui la comprendrait. En attendant, elle apprendrait à vivre avec cette différence, à accepter qu'elle n'aimerait jamais de cette façon-là. Et elle se satisferait d'avoir ses proches auprès d'elle.

Finalement, Lily Luna Potter était une fille tout ce qu'il y avait de plus ordinaire.

Si vous avez aimé, laissez moi un petit commentaire, c'est la nourriture des auteurices !
Et si vous avez aimé la scène où Albus et Scorpius finissent enfin ensemble, sachez que j'ai écrit un autre OS dans le cadre du même ASPIC, centré sur eux. Je le publierai très bientôt !