Chapitre 1 : La vie à Central
Roy Mustang attendait patiemment le retour d'Edward Elric de sa dernière mission. Une mission sans grande difficulté où ses compétences pouvaient être utilisées à bon escient. Bien qu'il soit difficile à cadrer, Fullmetal faisait toujours ce qu'on lui disait, enfin ce que son Colonel lui demandait de faire.
Avec les années et le retour des corps des frères Elric, leurs relations s'étaient apaisées. Malgré quelques frictions inévitables, Edward était resté dans l'armée, au côté du colonel, mais surtout de l'équipe : Hughes, Havoc, Riza et les autres. Malgré les réalités de l'armée, du terrain, l'équipe s'était resserrée sur beaucoup de points. Alphonse était quant à lui retourné à Rizembool, avec Winry et Pinako.
Perdu dans ses pensées, regardant par la fenêtre, il le vit sur le perron. « Ça y est, il est là ! » pensa Roy Mustang allait passer la seconde, c'était décidé. Voulant paraitre occupé, il retourna à son bureau, ouvrit un dossier par hasard et commença à lire : « Le nombre de soldats dans la région devrait considérablement augmenter au vu des tensions et des rumeurs d'attaque sur les zones publiques telles que… ».
TOC
- Entrez, indiqua le colonel.
- Edward entra dans le bureau sans un mot, mais le sourire aux lèvres et le rapport en main.
- Je suis de retour, et voici le rapport. RAS. Un marchand de sable, des victimes, de la corruption et… Je suis fatigué !
- Très bien, je vais en prendre connaissance et reviendrai vers toi si besoin. Tu peux disposer.
Edward avait l'air perplexe de la distance que le colonel voulait imposer entre eux deux. Cette situation le rendait parfois triste, parfois heureux, presque soulagé. Le regard perdu, il baissa sa tête et regarda ses chaussures, ne sachant que dire après de tels propos.
- Très bien, Colonel, je reste à votre disposition. Mais j'aimerais faire une demande de permission pour aller voir mon frère.
- Refusé, nous avons besoin de toi.
- QUOI ? Mais pourquoi ? Je fais tout ce que vous demandez ! Cela fait 6 mois… !
- Évidemment, c'est ton devoir en tant que militaire.
Un silence s'ensuivit, le colonel se leva de sa chaise et se rapprocha de la fenêtre, il invita Edward à le rejoindre à ses côtés. Tous les deux silencieux, ils observaient la vie à Central. Le soleil illuminait le perron, les soldats allaient d'un quartier à un autre, les scènes de la vie quotidienne. On pouvait apercevoir les urgences ou au contraire les démarches nonchalantes des soldats. La vue d'un tel spectacle était presque apaisante. Le colonel se rapprocha d'Edward et approcha sa main de son épaule pour finalement la poser sur ce dernier. Edward se raidit, ses yeux se plissèrent et il s'écarta immédiatement :
- Arrêtez de jouer avec le feu, déclara le Fullmetal.
- Loin de moi l'idée de le faire.
- Alors qu'est-ce que vous faites ?
- Je ne veux pas que tu partes chez ton frère… Ou ailleurs.
- Et pourtant, vous m'éloignez constamment de vous.
Edward leva son visage et fixa le colonel :
- Ai-je fait quelque chose de mal, Colonel ?
- Pas à ma connaissance.
- Alors, je repose ma question : Que faites-vous avec moi ? Que faites-vous de moi ?
- Viens boire un verre avec l'équipe ce soir, au bar habituel dès 19 h.
- Vous avez oublié cette soirée…
Edward s'approcha dangereusement du colonel, ce qui fit reculer ce dernier de quelques centimètres. Bien qu'impassible visuellement, il était évident que ce rapprochement physique ne le laissait pas indifférent. Edward continua de se rapprocher et sa main effleura dangereusement le visage du colonel. Il frôla ses lèvres et releva sa mèche noire de jais. Immobile, le colonel ne bougea pas d'un cil, il avait presque l'air effrayé par tant de proximité.
- Ne laisse pas ton imagination prendre le dessus pour te convaincre de certaines choses. Je n'ai pas la place pour ce genre de jeu.
- Pourtant, vous ne vous en empêchez pas avec les femmes…
Le Colonel vira au rouge, mais ne céda pas à la provocation, il avait fait une promesse. Il conclue :
- Dans tous les cas, je veux te voire demain matin à la première heure dans mon bureau pour une nouvelle mission.
Edward partit en silence et reprit le chemin de son appartement à pied. Appartement situé seulement à quelques minutes de Central. Une chambre, minimaliste mais efficace. Le quartier était silencieux, cela lui convenait bien. Les émotions se bousculaient dans sa tête, tout était mêlé : la joie de revenir à la capitale, la tension dans tous ces membres à la vue du colonel et enfin, la tristesse la plus pure de comment la conversation avait tourné. Il tourna la clef dans la porte et rentra dans son appartement, les chaussures laissées à l'entrée : la fatigue l'enveloppa d'un coup. Il s'écroula et se réveilla au bruit d'une sonnerie. Un appel manqué d'Havoc et un SMS « On t'attend ! »
Non, il n'allait pas être faible et les rejoindre. Non, il n'allait pas lui faire plaisir et le rejoindre. La dernière fois, les choses avaient été étranges avec le colonel. Des regards, des sourires, des mains enlacées. Il s'endormie en quelques minutes.
Dans le bar en question, Havoc n'arrêtait pas d'appeler encore et encore. Finalement réveillé, Edward finit par décrocher en expliquant qu'il ne pouvait pas venir, car il avait autre chose de prévu.
23 h, la fatigue prenait le dessus et sa vue se floutait. Son corps le lançait, ses cicatrices le brûlaient, la douleur était parfois intenable. Quoiqu'il fît, ses pensées l'emmenaient vers le colonel. Il y avait eu des regards, des sourires, des mains qui se croisaient à l'abri des regards. Mais surtout son cœur qui battait la chamade à chaque fois qu'ils étaient proches. Les propos du colonel étaient à double face et cela lui brisait le cœur. Un jour, ils se croisaient dans le couloir, les respirations et les regards ne devenaient qu'un, et les quelques mots échangés étaient toujours très « prometteurs », et le lendemain c'était le statut quo. Mais il était déterminé pour ne plus céder, pour ne plus aller aux apéros, ne plus se mettre à côté du colonel : éviter tout contact. Edward devait commencer à avancer et à ne plus être faible. Voilà, c'était dit ! C'était donc un Edward prêt à avancer qu'accueillait Morphée.
Au Bar, les discussions, les rires et les blagues allaient de plus belles. Une petite anecdote par ci, un commentaire par là. Un groupe de jeunes femmes s'était approché de l'équipe du colonel, et le jeu de séduction était à son climax.
- Ce n'est qu'un verre, colonel. Je ne suis pas une espionne, hihi. – indiqua une des jeunes femmes.
- Je vous remercie, mais… Havoc ! Roy avait réussi à s'échapper de cette conversation inutile et d'une banalité sans nom.
- Oui, Colonel ?
- Des nouvelles ?
- De qui ?
- Fullmetal, voyons !
- Ah oui, je viens de l'avoir au téléphone. Il ne viendra pas.
Une réelle déception se lisait sur son visage, il ne pouvait le cacher, il ne pouvait se mentir à lui-même. Le bar, les avancées des femmes qu'il refusait : plus rien ne faisait sens et surtout, il n'arrivait pas à se contrôler en la présence du Fullmetal. Malgré l'absence du Fullmetal la soirée battait son plein, et le Colonel avait la main lourde. C'était pathétique, tellement flagrant que même son équipe s'en était aperçue. Riza lui faisait la morale, Hughes ne voulait pas jouer son rôle de médiateur pour l'instant et les autres…
Flashback : un moins auparavant
- ALLLEEZZZZ ! Encore une tournée ! Implora Hughes
Le groupe explosa de rire, et la nouvelle tournée de shots arriva. Vodka mangue. L'esprit était détendu, presque enfantin. Les discussions allaient bon train, les paroles se déliaient :
- ROY ! Souviens-toi lorsque le Généralissime est venu et qu'il ne t'a pas vu ! C'était trop drôle ! Tu étais vexé de fou ! déclara Hughes.
- Oui, enfin bon… Il ne regardait pas de mon côté, il était préoccupé par autre chose. C'est la seule raison qui explique pourquoi il ne m'a pas vu. J'ai tellement de charisme que personne ne peut me résister ! Déclara Roy Mustang en montant sur la table et en faisant des clins d'œil aux femmes du périmètre.
Après cette tirade, le rire avait pris place au sein du groupe à tel point que les joues rouges avaient plusieurs explications. Hughes inondait le groupe avec des photos de sa fille, Breda et Havoc lançait des regards à un groupe assis à côté mais Riza avait remarqué qu'Edward était pensif. Peut-être pensait-il à son frère ou à autre chose. Il avait le regard contrarié, presque angoissé.
- Tu vas bien ? Lui demanda-t-elle.
- Oui, pourquoi ?
- Tu as l'air à l'ouest, ne t'inquiètes pas, nous aussi, on ne croit pas au discours de Roy. Tu as demandé une perm' au Colonel, ajouta-t-elle pensive.
- Non, ce n'est pas la peine. Il va refuser de toute façon.
- DE QUOI VOUS PARLEZ ? Hurla Hughes aux oreilles de Riza et d'Edward.
- Personne ! S'offusqua Edward.
- Ahah, Edward. On est tous très contents de te voir ! Même si ma fille et mon épouse ne sont pas là pour voir ça. C'est vrai que ma fille est quand même la plus mignonne du monde. Il faudra que je la protège de ce monde de fou…
-Allez Hughes, Edward est trop jeune pour parler enfant ! Intervient Roy Mustang en mettant les mains sur les épaules de ce dernier.
- Oui, mais quand même… J'ai vu comment la jeune femme le regarder du coin de l'œil, hélé, susurra Hughes en s'éloignant.
La fête poursuivit son cours et Edward remarqua les regards de plus en plus insistants du colonel. Comme tout le monde, il écoutait les doléances d'Havoc sur sa vie sentimentale.
- Et là, continua Havoc, je lui propose de rentrer ensemble… Car évidemment, les rues peuvent être dangereuses le soir, et elle m'a repoussé, en me disant que j'étais un moins que rien.
- Non, mais tu te rends compte de l'argument que tu as mis en avant, ajouta le colonel. Tu ne sais pas t'y prendre, vraiment Havoc ! Ressaisie-toi ! Les conquêtes ont besoin d'entendre ce qu'elles veulent entendre ! Ecoute-moi… Tu dois dire ce qu'elles ont envie d'entendre pour les mettre dans ton lit !
- Non, mais Colonel, vous êtes impossible… Se lamenta. Riza
Edward était silencieux, mais il observait le colonel avec une certaine instance. Il se leva pour aller payer sa part et rentrer chez lui. Cependant une ombre le suivit en silence. Arrivé au bar, il réceptionna l'addition et sorti quelques billets de son porte-monnaie. Alors que sa main s'avançait vers celle du barman, une main puissante et chaude se superposa sur la sienne. C'était celle du colonel. Ses doigts étaient fuselés, la proximité brulait presque. Il hurla intérieurement « Ne cède pas ! ».
- C'est pour moi, déclara le colonel.
- Non, ça ira. Je peux m'occuper de moi-même.
- C'est un cadeau, vous êtes l'un de mes meilleurs éléments. On rentra ensemble ?
- Non, merci.
- Mais les rues peuvent être dangereuses !
Un sourire apparut sur le visage de Fullmetal et il céda, il n'avait pas envie d'être dans le conflit, pas ce soir :
- Si les rues sont dangereuses, alors…
Le colonel paya donc et ils sortirent tous les deux du bar, un peu éméchés. Le temps était doux, un beau soir de printemps. Un silence s'installa, les pas se synchronisèrent :
- Vous semblez fatigué. Fullmetal
- Oui, après la mission, je prendrai quelques jours.
- Bien sûr, c'est une simple histoire d'abus de confiance, cela devrait être rapide.
Ils passèrent par une petite rue qui menait aux appartements du quartier résidentiel des militaires. Il n'y avait pas de bruit de voiture ni de passants. Le rythme des marches des deux militaires ralentit, et les regards se croisèrent, et les mains s'effleurèrent jusqu'à s'entrelacer dans la peine ombre de la nuit.
Le colonel plaque Edward contre le mur. De cet acte, il en ressortait une certaine violence, une impatience palpable. Les bouches se rapprochaient, les respirations aussi.
- Tu sais que j'ai du mal à garder mon impassibilité lorsque tu es autour de moi. Je ne peux pas me concentrer, je ne peux pas me contrôler, et surtout, je ne peux ramener personne chez moi…
- C'est ce que je suis pour vous, une conquête de plus…
- Je ne peux pas…
- Cela fait plusieurs fois que nous sortons après la journée de travail, que vous m'accompagnez chez moi… Arrêtez de jouer avec moi.
- Ton corps, ton odeur, ta voix…
- Je ne suis pas une simple conquête, je mérite mieux que ça…
Le Colonel scella ses lèvres à celle d'Edward et ses mains parcoururent son corps, mais lorsqu'il ouvrit les yeux, il découvrit un Fullmetal apeuré, effrayé, les larmes aux yeux. Ce dernier s'enfuit en courant. De son côté, le colonel resta muet et immobile. Il avait encore échoué, il n'y arrivait pas. Il n'arrivait pas à convaincre Edward de lui donner une chance. Pourtant, il pouvait sentir que ce dernier ressentait quelque chose de similaire. Mais il n'arrivait pas à se séparer de son image d'homme à femme. C'était toujours la même histoire ! Mais surtout, Edward continuait de lui résister. Le colonel ne savait pas comment l'aborder, comment lui montrer qu'il était sérieux et que depuis des mois, il ne pensait qu'à lui.
Dans le même temps, dans le bar, les pronostics menaient le débat :
- Il va se lancer ce soir, je le sens, j'ai vu les regards ! Lança Hughes
- Je ne pense pas, Edward était fatigué, il avait quelque chose sur le cœur, ajouta Riza.
- C'est normal. Roy est en mode attaque, Ricana Havoc, il va l'avoir…
- Non, mais vous vous rendez compte de ce que vous dites : Edward n'est pas une proie ! S'invectiva Riza.
- Blague à part, je peux dire qu'Edward n'est pas insensible, d'ailleurs Roy n'a pas ramené quelqu'un chez lui depuis quelque temps. Je le sens sincère !
- Havoc! Le colonel s'y prend très mal avec Edward ! Je ne comprends pas cette situation…
Fin du Flash-Back
Même sans Fullmetal, se fut une soirée mémorable pensa le Colonel en arrivant à Central. Il arriva en retard comme d'habitude, ce qui agaça particulièrement Riza.
- Vous êtes encore en retard ! Il faut savoir vous contrôler sur l'alcool, Colonel !
- Ne m'en parlez pas, j'ai mal dormi.
- On sait tous pourquoi…
Mustang se retourna et fusilla Riza du regard, il ajouta :
- Un commentaire ?
- Fullmetal
- Oui ?
- Il est fatigué, vous le poussez à bout. Pourquoi ? Il vous résiste ?
- Riza, je suis votre supérieur. Un peu de respect !
- Dites-moi ce qu'il se passe ? Je ne vous reconnais pas…
- Rien, rien.
- Dites-moi !
-Riza, vous connaissez tout déjà… Je ne sais pas, il est trop jeune, trop pur. Et j'ai beaucoup d'ennemis, trop peut-être. D'ailleurs, est-il là ?
- Pas encore.
TOC TOC
- Entrez ! déclara Mustang.
C'était le Fullmetal. Il était là, le regard à la fois vide et pensif. Il avait l'air fatigué, Riza avait raison.
- Je suis là pour mon ordre de mission.
- Oui, prends place, Riza, vous pouvez disposer. Ta prochaine mission sera sur une affaire d'abus de faiblesse, un marchand de sable qui abuse de la naïveté et de la faiblesse de ces clients. Voici toutes les informations utiles pour la mission, l'adresse de ton hôtel, les quartiers suspects, une photo du voyou. L'idée, c'est que tu l'arrêtes vivant ou mort. Compris ?
Soudainement, Edward se leva et se dirigea vers le colonel. Il posa ses mains sur le bureau :
- Colonel…
- Il est vrai que ce n'est pas dans mon habitude de prendre autant mon temps pour quelqu'un… Homme, femme, ce n'est pas un problème. Je suis d'ailleurs plus pro-actif en général, mais…
Roy Mustang commença à regretter cette phrase. Pourquoi avait-il dit cela ? Fullmetal avait l'air fatigué, la relation entre eux n'avançait pas, il était évident qu'il avait peur de lui, de son expérience, de son influence. Il devait mettre un terme à ce jeu, c'était clair.
Perdu dans ses pensées, il ne vit pas le Fullmetal s'énervait et ses paroles le ramenèrent sur terre :
- J'avais donc raison, je ne suis qu'un de plus pour vous… Je suis vraiment un abruti, le dernier des abrutis ! Quand je pense que j'ai failli y croire, quel idiot ! Et vous ne dites rien, en plus ! Donc j'ai raison ! Vous n'êtes qu'un connard, le pire de votre génération. Vos regards, vos contacts, vos paroles ! Je ne sais pas pourquoi et comment j'ai pu y croire ! Vous êtes le pire de votre espèce, et le pire…
Le colonel avait attrapé le Fullmetal par le col et le plaquait contre le mur, il était enragé.
- Tu vas te calmer maintenant, Fullmetal, tu vas prendre le dossier, ton cul et tu vas sortir de mon bureau. Et ça ne sert à rien de pleurer, nous ne pouvons aller plus loin, tu dois comprendre. Est-ce bien clair ? Je me suis perdu, j'ai perdu… Je ne peux pas. Mes sentiments sont trop forts, je n'arrive pas à les gérer, je ne fais que du mal autour de moi ! Tu comprends ?
- Moi aussi, je ne sais pas comment gérer… On pourra en reparler à mon retour ? Plus calmement ? Colonel ?
- Non, je ne peux pas.
- Je vous en prie.
- NON ! Donc maintenant, tu sors de mon bureau, tu pars en missions, et on ne reparle plus jamais de cela, tu m'entends ?
- Je vous en supplie…
- J'ai dit, tu sors de mon bureau !
