- Stiles, ouvre cette porte ! Hurla Scott en tapant dessus.
Il ne savait comment, mais Stiles était monté à l'étage extrêmement vite avec cette vivacité qu'il n'aurait pas dû avoir. Mais ce qui l'inquiétait, c'était surtout le fait qu'il ait verrouillé cette porte. Derek arriva derrière lui, seul. Il avait ordonné aux autres de rester en bas, trouvant inutile d'encombrer les couloirs de l'étage.
- Il s'est enfermé ? Demanda-t-il, perplexe.
- Ouais et il n'a pas l'air décidé à m'ouvrir, lâcha Scott, la mâchoire crispée.
Tout ce qu'entendaient les loups, c'étaient des bruits de froissement de tissu, ainsi que le rythme cardiaque de Stiles. Rapide. Stressé. L'hyperactif angoissait. Pour être honnête, Scott n'était pas bien et n'arrivait pas encore à accepter les potentielles révélations du shérif et du vétérinaire. Néanmoins, il ne pouvait pas laisser Stiles seul, pas avant d'avoir entendu la vérité de sa bouche. L'adolescent aux yeux couleur whisky lui devait des explications, irrémédiablement.
Derek poussa doucement Scott et tapa contre la porte à son tour. Nul doute qu'il en imposerait plus.
- Stiles, ouvre ou je défonce la porte !
L'alpha à ses côtés ouvrit les yeux en grand en constatant que le Hale semblait réellement prêt à faire sortir la porte de ses gonds. A abîmer son chez lui pour faire sortir l'adolescent de cette fichue salle de bain.
- Je sortirai pas tant que j'aurai pas fait ce que j'ai à faire.
Stiles n'avait pas haussé la voix, il parlait à un volume normal, ce qui était largement suffisant pour que les lycans l'entendent à travers la porte.
- Et je sais que si je sors, vous m'en empêcherez.
- Pourquoi on t'en empêcherait ? S'étonna Scott en haussant la voix, Stiles n'ayant pas la même ouïe que lui. Qu'est-ce que tu vas faire ?
- Juste… Laissez-moi faire.
Ils l'entendirent alors inspirer puis expirer, lentement. Dans le même temps, ils sentirent plus fortement l'appréhension et le stress dans son odeur. C'est alors qu'il y eut un bruit à la fois sourd et sec et qu'une fragrance amère arriva à leurs narines. Cette fragrance, Derek la reconnut aussitôt. D'abord ténue, puis insistante, sèche et piquante.
Du feu.
- Stiles, commença-t-il d'un ton alarmé, qu'est-ce que tu fais ?!
- Ce qui doit être fait, souffla tout juste l'adolescent de l'autre côté de la porte.
- Qu'est-ce qu'il y a, Derek ? Qu'est-ce que tu sais ? Demanda sérieusement l'alpha.
Le loup de naissance était figé. Le feu rappelait à sa mémoire ses souvenirs les plus douloureux. Il se revoyait, adolescent, assistant à l'incendie ravageant sa maison avec sa famille à l'intérieur. Impuissant, il n'avait rien pu faire à part hurler son désespoir, sous le sombre regard satisfait de Kate, celle qui lui avait tout enlevé. Ce jour-là, la vie l'avait brisé.
C'est un grognement de douleur qui le fit revenir à la réalité avec une violence inouïe. Stiles. Concentre-toi sur Stiles. Sous le regard effaré de Scott, Derek se jeta sur la porte. Une fois, deux fois. Elle ne céda qu'à la troisième charge, tombant au sol dans un bruit de craquement. Derek aurait volontiers remercié sa force surhumaine si ses yeux n'étaient pas tombés sur cet horrible spectacle que lui offrait Stiles, assis par terre, le dos contre la paroi de la baignoire.
L'adolescent avait fait descendre sa tunique d'hôpital jusqu'à un niveau un peu en-dessous de la taille. Une multitude de bandages et pansements ensanglantés parsemaient le sol… Laissant les horribles blessures à l'air libre. Derrière Derek, Scott déglutit bruyamment, sans doute aussi choqué que lui. Parce que le sang et la barbarie des énormes plaies au ventre et au flanc droit de Stiles n'étaient pas le plus surprenant dans cette histoire. Non, il s'agissait plutôt du fait que sa main gauche était littéralement enflammée. Ce n'était pas un simple feu jaune orangé, non. Du bleu le constellait par endroits.
Comme à l'hôpital.
Stiles tourna péniblement la tête vers les deux loups et toute sa souffrance put se lire sur son visage. Néanmoins, il prit une grande inspiration et se remit à la tâche, enfournant un morceau de tissu dans sa bouche, histoire d'étouffer ses gémissements et de serrer quelque chose entre ses dents. Derek, comme Scott, vit avec horreur la main enflammée se rapprocher des plaies et les… Brûler. Même en leur présence, Stiles ne comptait pas arrêter. Il tremblait et ne put encore une fois contenir un gémissement transformé en grognement de douleur. C'en était déjà trop pour Derek, qui ne pouvait pas regarder ce feu continuer de faire rougir la peau si pâle de l'adolescent.
- Arrête ! Lui ordonna-t-il en se rapprochant de lui.
Peu importe s'il ne comprenait pas ce qu'il avait sous les yeux, peu importe si la situation lui échappait complètement. Tout ce qu'il voulait, c'est que Stiles arrête de se brûler et de se faire souffrir inutilement.
Mais Stiles ne l'écouta pas et appuya plus fermement sur sa plaie au ventre. Son torse, tout comme son front et ses tempes, était luisant de sueur. Son corps, lui, était tendu à l'extrême et c'était tout à fait normal. Il souffrait. C'était même pire que ça. La douleur était insupportable et Stiles menaçait de tourner de l'œil rapidement, comme lorsqu'il avait essayé de faire la même chose dans la ruelle. Il serra d'autant plus fort les dents sur le morceau de tissu dans sa bouche. Il devait tenir et ne pas laisser qui que ce soit entraver sa manœuvre. Cette fois, Stiles devait arriver à cautériser ses blessures dans leur entièreté. Tant pis pour la douleur. L'adolescent n'arrêterait pas, qu'importait à quel point il puisse agoniser.
Personne ne devait l'en empêcher.
C'est alors qu'un mur de flammes bleues et orangées s'éleva entre Stiles et les deux loups sans toucher ni le sol, ni le plafond. Ces derniers sursautèrent violemment avant de reculer, apeurés. La chaleur, ils la sentaient d'ici. Ces flammes n'étaient pas des illusions et si jamais ils en doutaient, se tenait là la preuve de leur véracité. Leur cœur battait la chamade et la peur s'emparait d'eux. Comme si ce mur le séparait totalement des deux loups, Stiles s'autorisa plus de démonstrations de souffrance. Ses grognements de douleur augmentèrent en puissance et en récurrence. Le feu le brûlait littéralement et c'était sans conteste l'une des pires sensations au monde. Mais il devait continuer, il n'avait pas le choix. Il eut même du mal à se rendre compte qu'il avait terminé de cautériser sa première blessure, sur laquelle il s'acharnait désormais inutilement. La deuxième, vite… Se dit-il, épuisé, les larmes coulant sans discontinuer sur ses joues. S'il perdait trop de temps, il s'évanouirait sans avoir terminé, le rendant presque au même point que la fois précédente.
- Mais qu'est-ce que…
Jackson se tenait, coi, à côté de Scott et de Derek. Les grognements de Stiles et les paroles de ses deux semblables l'avaient alerté, si bien qu'il avait dit aux autres qu'il allait voir ce qu'il se tramait. Les flammes dansaient devant lui, se reflétaient dans ses yeux clairs. Scott chancela, Derek et Jackson le rattrapèrent in extremis, sans cesser de fixer la barrière ardente. Si le kanima et l'alpha étaient juste purement choqués, le fils Hale était purement effrayé. Ses entrailles se tordaient dans tous les sens alors que les flammes lui rappelaient son passé. Les cris de son père, les pleurs de sa mère. Et tout le reste. Il revoyait le manoir s'effondrer, Kate qui le narguait en lui disant que tout était de sa faute, qu'il était beaucoup trop naïf. Ce jour-là, il n'avait rien fait à part regarder sa vie partir en fumée.
Derrière le mur de flammes, les gémissements étouffés continuaient de résonner, horribles, affreux. Jusqu'à s'arrêter, brutalement. La barrière s'effondra, disparut aussi brutalement qu'elle était apparue, en à peine une seconde, dissimulant par son souffle le bruit que fit Stiles en s'écroulant. La silhouette à moitié nue de l'adolescent apparut, à terre. La peau de son ventre et de son flanc était complètement brûlée, rouge, à vif. Des cloques commençaient déjà à se former alors que ses blessures étaient complètement refermées, cautérisées. Le tissu servant à étouffer le bruit qu'il faisait se révélait être un bout de sa tenue d'hôpital arraché. Il traînait à côté de sa tête, plein de salive et de sang mêlés.
Malgré son choc et sa fébrilité, Scott fut le premier à se précipiter sur Stiles, l'appelant en hurlant alors qu'il était au bord de l'inconscience, épuisé par la douleur à laquelle il avait réussi à résister durant de longues secondes.
- Reste avec moi Stiles ! Quémanda Scott sur un ton paniqué.
L'hyperactif le regardait à peine, l'air absent, de ses yeux si noirs dans lesquels ne se trouvait plus aucune étoile. On frôlait l'impression de regarder des iris faits de Vantablack, dans lequel toute lumière était absorbée, invisible. Scott l'avait pris dans ses bras, un bras derrière son crâne, l'autre en bras de son dos, en faisant attention à ne pas frôler ses blessures. De la chaleur s'en échappait encore et semblait s'en libérer au fut et à mesure que Stiles respirait et dieu sait à quel point son souffle était rapide et haché. Ses yeux se révulsèrent d'un seul coup avant de se fermer.
xxx
Dix minutes. Dix minutes que Deaton était parti après avoir examiné Stiles et appliqué une pommade réparatrice avec délicatesse sur ses brûlures, graves, selon lui. De toute manière, ce n'était pas difficile à savoir : pas besoin d'être médecin, il suffisait d'avoir des yeux. Par mesure de sécurité, il avait injecté à l'adolescent un puissant sédatif, de sorte à ce qu'il arrête de se lever pour faire dieu savait quoi. Le vétérinaire ne s'était à aucun moment préoccupé du choc des trois loups, Scott et Jackson ayant péniblement raconté l'épisode à leurs amis toujours présents et qui avaient simplement « entendu » de loin, pressés par Deaton toutefois de ne pas bouger. Derek, lui, s'était refermé sur lui-même, pas vraiment remis. Le feu, c'était son pire cauchemar, si bien qu'il y en oublia son handicap actuel. Il n'avait pas osé monter voir Stiles, qui avait été amené dans sa chambre. Peu à peu, celle-ci prenait des allures de cabinet médical mais il s'en foutait. Les flammes dansaient dans ses yeux et le narguaient avec une sadique arrogance.
- Je ne comprends toujours pas, lâcha Jackson, exaspéré. C'était pas… On a halluciné. Et le véto qui se barre alors qu'il sait des choses, ça me frustre !
- On sait, Jackson, dit simplement Lydia, pâle.
Elle triturait nerveusement ses doigts, semblant y trouver une certaine passion. Le récit que lui avaient fait ses trois amis quelques minutes plus tôt la mettait mal et elle ne savait plus quoi penser de Stiles, comme tous les autres.
- Ecoutez, ça ne sert à rien de ressasser, on ne saura rien de plus tant qu'il ne se sera pas réveillé, les coupa sèchement Derek.
- Tu comptes l'interroger à son réveil ? Il est blessé, Derek ! Il… S'est brûlé, articula péniblement Scott, toujours pas remis de ce qu'il avait vu.
Les images étaient ancrées dans son esprit et semblaient danser devant lui et pourtant, il n'arrivait toujours pas à y croire. Stiles ne pouvait pas avoir fait ça de lui-même, ce n'était pas possible. Il ne pouvait pas… Être autre chose qu'un humain. Les explications de Noah Stilinski et d'Allan Deaton avaient beau se rappeler à lui, elles n'étaient pas encore assez concrètes pour qu'il les accepte. Cependant, ces flammes… Elles étaient bien réelles, il n'y avait pas de doute à avoir. La peau complètement brûlée de Stiles était une preuve de plus face à son déni qui s'amenuisait peu à peu.
- Quand même… En admettant que tout ça soit vrai, comment il a pu nous faire ça ? Je veux dire… Il fait partie de la meute et il… S'il est vraiment pas juste un humain, il y a beaucoup de situations où il aurait pu nous aider… Avança timidement Liam. Comment il a pu nous mentir ça ce point ?
- Il est juste égoïste, cracha Jackson.
Et personne ne le contredit parce que, lentement, la colère et la rancune monta en chacun des membres de la meute présents. Les preuves des déclarations de Deaton et Stilinski s'accumulaient et il devenait de plus en plus clair que Stiles leur avait effectivement menti. Chacun pensa à toutes ces fois où la meute avait été dans de beaux draps, toutes ces fois où ces… Flammes auraient pu les aider, les sauver. Toutes ces blessures, ces moments de doutes, ces fois où l'espoir de survivre était mince. Avec un pouvoir comme celui que semblait avoir Stiles, tout aurait pu être plus facile. Même Scott finit par emprunter ce chemin de pensées à regret et sa rancœur à lui promettait d'être plus acide et puissante que les autres. Parce qu'il connaissait Stiles depuis des années. Ils avaient presque grandi ensemble, fait les quatre cents coups, partagé leurs secrets les plus intimes. Pas tous, apparemment, pensa amèrement l'alpha, dont l'inquiétude était malgré tout toujours là. Parce que même si Stiles lui avait menti sur toute la ligne, il avait encore ce truc qui lui disait de ne pas le lâcher, pas tout de suite.
Quelques minutes plus tard, alors que tout le monde tentait de s'occuper comme il pouvait en essayant de ne pas trop réfléchir aux évènements, Jordan Parrish contacta Scott pour lui annoncer de bien sombres nouvelles.
Trois autres cadavres à la lettre « E » gravée sur le poignet avaient été retrouvés, la cervelle explosée. Les morts s'enchaînaient et le policier semblait désemparé de ne pouvoir rien y faire.
Il n'y avait pas de doute, la guerre dont avait brièvement parlé Noah Stilinski était là, aux portes de Beacon Hills. Et aucun membre de la meute n'y comprenait rien.
