Stiles s'écroula sur son lit de camp, épuisé et en pleurs. Il venait à peine de relâcher et de détruire sa Dissonance et c'était… Tout aussi douloureux que sa mise en place. Son cœur battait à une vitesse inquiétante, il suait à grosses gouttes et avait du mal à contrôler les contractions nerveuses de ses muscles. Il hurla. Parce que se prendre le contrecoup de l'explosion de ses émotions trop longtemps contenues dans son esprit n'était pas une chose agréable, loin de là. Il hurla et puis, il cria des paroles inintelligibles. Des appels à l'aide. Des demandes désespérées de soutien. De l'amour. De l'affection. Tout ce qu'il n'avait plus vraiment. La solitude le bouffait et la chute de sa Dissonance ne l'aidait pas à mieux supporter cet état de fait.
Il avait envie de mourir.
Dormir, pour ne plus jamais se réveiller.
Si son père connaissait l'étendue de ses pensées, nul doute qu'il le réprimanderait et lui remettrait les idées en place. Mais il n'était pas là. Encore. Être absent, ça, il savait faire. Stiles avait besoin de lui, là maintenant. Une étreinte, une parole réconfortante, quelque chose qui lui donnerait la motivation de tenir, de repousser volontairement certaines idées suicidaires. Noah, c'était le dernier à croire en lui, le dernier à l'apprécier. Quoi de plus normal, il s'agissait de son père ! Père qui était de la même espèce que lui, avec qui il avait partagé ce secret et cette expérience du mensonge. Ce père qu'il aimait tant et qu'il aimerait protéger de tout ça. Stiles en vint alors à se dire que tout était de sa faute alors qu'il serrait les draps aussi fort qu'il le pouvait. Il n'aurait jamais dû essayer de se soigner dans cette ruelle, tout comme il aurait dû se laisser tuer sans résister. Ainsi, Noah aurait eu le temps de fuir. Et puis, il y avait aussi la colonne de feu que Stiles avait dressée en se purgeant pour envoyer un signal aux Psis en ville : pour leur montrer qu'un X était présent à Beacon Hills, dans l'espoir qu'ils cessent ou au moins ralentissent leur tuerie.
Pour aider la meute.
Stiles serra les poings et se redressa sur ses coudes alors que son front restait en contact avec le matelas. Il pleurait, encore, parce que tout ça, ça faisait trop mal. Perdre ses amis, sa deuxième famille. Perdre leur confiance. Perdre leur estime.
Être la cible de leurs violences.
Stiles savait qu'il ne pouvait pas tous les mettre exactement dans le même panier, le fait est qu'ils restaient membres de la même meute, formant une unité. Ils devaient tous… Réprimer la violence que sa présence provoquait et, simplement… Certains n'y arrivaient pas.
Pour lui, ils étaient tous d'accord. Pas pour le tuer – seul Scott avait l'air d'en avoir envie – mais pour lui faire du mal. Ça n'avait pas l'air de les déranger. Et puis honnêtement, Stiles n'avait pas envie de chercher plus loin. Il n'en avait pas la force. Pourquoi continuait-il alors de les aider ? D'aller au loft ? D'accepter de leur donner des informations ?
La réponse était pathétique, mais simple.
Il les aimait. Du plus profond de son cœur.
Et malgré tout ce qu'ils lui avaient fait, il ne les abandonnerait pas. Il ferait tout son possible pour les protéger. En fait, il comptait bien y consacrer le peu de temps qu'il lui restait à vivre.
xxx
Une nuit et un petit-déjeuner boudé plus tard, Stiles refaisait le bandage autour de son bras. Ce n'était pas chose simple et à vrai dire, il aurait été bien plus aisé de cautériser sa plaie avec ses flammes mais il préférait éviter. Il avait déjà fait ça pour les griffures sur sa gorge et c'était déjà trop. Il en était à un point où il devait utiliser son X-feu le moins possible, ou bien il précipiterait sa perte. Plus il utilisait ce pouvoir, plus celui-ci le consumait. S'il n'y avait pas la meute, Stiles se serait sans doute amusé à voler, à faire n'importe quoi avec son feu. Il avait des petits talents qu'on ne lui connaissait pas. En réalité, se lâcher et faire ce qui lui plaisait avec ses flammes lui ferait du bien. Mais cela voudrait dire gâcher un peu de son temps de vie qui pouvait servir à d'autres.
Avec une méticulosité toute relative, Stiles utilisa un bout de sparadrap, histoire que son bandage reste un minimum en place. Ses gestes étaient lents, mous, éteints, comme son faux regard ambré qui se fixait souvent dans le vague, regardait sans voir. Prendre soin de soi-même lorsque tout nous poussait à abandonner le combat était difficile, mais Stiles prenait sur lui, parce que c'était nécessaire et c'était sans doute ce qu'on attendait de lui. Son père serait là, les choses seraient un peu différentes. Stiles aurait peut-être envie de guérir vite, parce que son géniteur ne voulait pas le voir blessé. L'hyperactif étant son fils et qui plus est fils unique, il tenait à lui et savoir ce qui lui arrivait lui ferait sans doute mal. Stiles était partagé entre l'idée de lui dire pour avoir un peu de soutien et celle de tout garder pour lui histoire de ne pas l'inquiéter. Et puis Noah avait sans doute fort à faire, puisqu'il était toujours logé chez Deaton, depuis l'incident de la colonne de feu… Il était sans doute occupé, ce n'était pas la peine de l'embêter avec ça.
Le téléphone de Stiles vibra dans sa poche mais il ne l'en sortit que lorsqu'il eut terminé son ouvrage sur son bras, ce qui prit un petit peu de temps, étant donné qu'il n'avait qu'une main pour faire tout ça. Malia ne l'avait pas raté, ça c'était certain. Elle n'y était pas allée extrêmement profond, mais l'hyperactif savait qu'il en garderait une cicatrice.
S'il ne mourait pas d'ici-là.
Tout pouvait arriver. Un coup de griffe un peu trop profond, une attaque télépathique d'envergure, sa combustion finale d'ores et déjà entamée… Stiles voyait plus de fins à sa vie que de réelle continuité. Il n'avait pas dix-huit ans et pourtant, tout était déjà clair. En fait, tout l'était déjà depuis sa naissance, mais disons que les évènements actuels rendaient la chose plus tangible. Oh il n'allait pas s'en plaindre, surtout pas avec tout ce qu'il se passait en ce moment. Il comprenait la colère de la meute, la trahison dont ils se sentaient victimes. C'était bien pour cela qu'il avait offert à Scott sa mort sur un plateau d'argent, avant de faire la même chose avec Derek. Dommage que celui-ci n'ait pas saisi sa chance. Il avait même approché sa main de sa gorge, c'est dire s'il lui avait mâché le travail.
A l'heure actuelle, Derek devait le haïr avec ce qu'il lui avait fait subir la veille mais en même temps… Pourquoi diable s'était-il porté volontaire pour le test ? Il savait les risques qu'il encourrait, il savait que ce serait douloureux. Mais Stiles espérait au moins qu'il avait compris qu'il ne voulait réellement pas lui faire de mal, tout comme il espérait qu'il ne souffrait d'aucun effet secondaire. Stiles avait fait très attention – et pouvait remercier la Dissonance pour cela – à ne lui causer aucuns gros dommages, les seuls possibles étant très éphémères. Toutefois, migraine et compagnie pouvait persister quelques jours, parfois. Tout dépendait de l'intensité des déferlantes. Stiles avait veillé à réduire la puissance de la sienne au plus qu'il le pouvait, mais ça restait violent pour un non-Psi.
Enfin, Stiles finit par se saisir de son téléphone. Il l'alluma et vit le nom de son ancien meilleur ami s'afficher sur l'écran. Aussitôt, une boule se forma au creux de son estomac. Que pouvait bien lui vouloir Scott après tout ce qu'il lui avait déjà dit ?
La réponse se trouvait dans la question qu'il lui posait.
De : Scotty
T'as parlé à ton père de ce qu'il s'est passé l'autre jour ?
Honnêtement, Stiles ne comprit pas pourquoi il lui envoyait cela, mais il ne tarda pas à lui répondre que non. Pourquoi Scott voulait-il savoir cela ? Avait-il peur que son père ne découvre qu'il avait essayé de le tuer, lui, Scott McCall, l'alpha qui voulait toujours éviter les effusions de sang ? Lui, son ancien meilleur ami ? Pour sûr, Noah ne serait pas ravi de l'apprendre. Il serait même furieux. Mais Stiles n'avait pas envie de l'embêter avec une bêtise de ce genre, même si ça lui ferait du bien de se confier. Tout ce qui lui arrivait en ce moment le déstabilisait complètement et son utilisation de la Dissonance la veille ne l'aidait pas franchement. Dans sa tête, c'était encore un peu le bordel et très honnêtement, il devenait hésitant sur beaucoup de choses.
Un nouveau message de Scott fut réceptionné par sa messagerie.
De : Scotty.
Bien. Ne lui dis rien.
Stiles s'étonna, mais ne chercha pas à savoir la raison de cette demande. Mentalement, il était trop fatigué pour essayer de comprendre. En fait, il n'était même pas sûr d'en avoir envie.
Mais ce qui suivit le laissa pantois. Scott lui demanda – toujours par message – où il se trouvait. Au départ, Stiles ne lui répondit pas mais l'alpha insista. Apparemment, il voulait le voir, lui parler. Par la suite, il lui demanda où il logeait. L'hyperactif, désirant continuer de garder l'emplacement du bunker secret, refusa de lui donner l'information qu'il voulait. Il demanda même en désespoir de cause à Scott de ne pas le chercher. Tout de même surpris qu'il veuille le voir, Stiles prit une décision par dépit et changea de conversation. Parce qu'après tout, Scott pouvait très bien être en train de lui tendre un piège. Une tentative de meurtre, des paroles acerbes et accusatrices… Non, Stiles n'était pas vraiment d'accord pour une entrevue, pas sûr que ça remonte son moral déjà bien bas, au contraire.
Alors, et même s'il allait sans doute le regretter, Stiles envoya un message à Derek, dans l'espoir qu'il réponde vite – qu'il lui réponde tout court serait déjà un miracle après ce qu'il lui avait fait. Il avait besoin de savoir s'il gardait toujours le secret de l'emplacement du bunker ou si Scott avait cette information en sa possession. Il avait besoin de savoir s'il devait se préparer à partir définitivement ou s'il avait encore un peu de temps pour se reposer ici. Ce qui l'étreignait, c'était la peur d'être chassé de manière violente. A coups de griffes. Partir, ça, il pouvait le faire : mais l'hyperactif avait l'étrange impression que Scott ne le laisserait pas faire si facilement, qu'il aurait sans doute envie d'aiguiser un peu ses griffes avant de lui accorder son départ forcé. Il frissonna. Oui, avec tout ce qu'il s'était passé, Stiles pensait Scott désormais capable de beaucoup de choses.
Il regarda une nouvelle fois son message qui, malheureusement, trahissait honteusement certaines de ses angoisses.
A : Sourwolf
Salut Derek. Excuse-moi de t'envoyer ce message, mais j'ai vraiment besoin de savoir quelque chose. Je sais que je ne devrais pas après ce que je t'ai fait mais… S'il te plaît, réponds-moi honnêtement et après je ne te parle plus. Tu as donné les coordonnées du bunker à Scott ? Est-ce qu'il sait où je suis ? Et pardon pour hier. Je ne voulais pas te faire de mal. Excuse-moi.
De la peur. Voilà ce que transpirait son message. Dans un sens, oui, il était terrifié. Il avait bien assez d'ennemis chez les Psis, ce n'était pas la peine de lui rajouter un problème de type alpha sur le dos… Pas alors qu'il croulait sous les problèmes. Puisqu'il était seul, Stiles ne chercha pas à se cacher sous un masque bancal de Silence, ni même à mettre en place une nouvelle Dissonance. Il n'empêche qu'il aimerait, juste le temps de quelques heures, se sentir tranquille. Juste ça. Des jours qu'il vivait sans cesse dans le chagrin et la peur. Il avait besoin d'une pause, d'un temps de répit. Il ne méritait pas grand-chose, mais ça, oui. Il voulait juste… Passer une ou deux nuits sans se réveiller en sursaut au moindre bruit, sans la peur de se retrouver avec un couteau ou des griffes sous la gorge.
Stiles alla s'assoir sur son lit de camp, fébrile. Il n'était pas encore remis de sa Dissonance, qu'il avait eu beaucoup de mal à faire tenir. Forcément, son stress quant à l'intérêt soudain de Scott pour sa personne n'aidait pas. Et il eut un mal fou à attendre la réponse de Derek si bien qu'au bout d'un moment – un quart d'heure –, il cessa de l'espérer. Pourtant, ce fut à ce moment précis qu'il la reçut.
De : Souwolf
Je n'ai donné les coordonnées du bunker à aucun membre de la meute. Tu n'as aucun souci à te faire.
Et pourtant, Stiles ne pouvait pas s'empêcher de s'en faire, justement. Il y avait quelque chose qui clochait. Quelque chose ne tournait pas rond mais il ne saurait pas dire quoi. A ce moment précis, un nouveau message de Derek apparut.
De : Sourwolf
Qu'est-ce qui t'arrive ?
A : Sourwolf
Rien. Tout va bien. Merci de ta réponse, vraiment et encore pardon.
Si son message paraissait sec, ce n'était pas voulu. Simplement, Stiles avait peur de la sollicitude potentielle de Derek. Enfin, ça ne pouvait pas vraiment en être et surtout, l'hyperactif n'avait aucunement l'intention de se faire des faux espoirs.
Nouveau message. Stiles haussa un sourcil. Derek était étrangement actif, comme s'il avait attendu sa réponse, collé à son téléphone. L'adolescent secoua la tête. Sans doute surfait-il sur internet, ou était-il sur son portable au moment où il recevait, par pur hasard, les messages de Stiles… Oui, voilà, c'était plus crédible.
De : Sourwolf
Stiles, arrête de me craindre. Tout va bien de mon côté, je ne t'en veux pour rien. J'ai insisté pour jouer le cobaye en toute connaissance de cause. Maintenant, si tu me disais ce qu'il se passe ? Tu ne m'as pas parlé de Scott pour rien.
A : Sourwolf
Si tout va bien alors ça me rassure. Un peu. Au moindre souci tu me préviens, si un symptôme persiste trop longtemps, si par exemple tu as mal à la tête ou quelque chose du genre, tu… Enfin bref, tu sais.
Par rapport aux Psis, contactez-moi si vous avez à nouveau besoin de moi mais par pitié, n'intervenez pas directement.
Et puis il éteignit son téléphone après avoir sciemment omis de lui répondre concernant Scott.
