Derek poussa un soupir tremblant. Il ne s'attendait pas à ça mais puisqu'elle l'avait guéri une fois, il lui faisait entièrement confiance pour soigner Isaac. Certains émirent des réticences – Scott en tête – mais cette fois, l'ancien alpha ne se laissa pas faire et trouva des soutiens chez Lydia, Liam, Peter et Jackson. Alors, dans cette ruelle mal éclairée, Moira Stanfield soigna comme elle put les dommages cérébraux d'Isaac qui, s'il avait perdu connaissance, n'était pas passé loin de la mort. Elle avait agi avec la même froideur, le même air robotique que la fois précédente et c'était la seule chose que l'on pouvait juger « familière » dans cette situation. Après avoir fait le plus urgent du travail, elle demanda à Derek de lui dégoter un endroit plus propre et plus… Pratique qu'une ruelle où le froid l'empêchait de se concentrer complètement.
Derek hocha la tête : pour cela, il n'y avait aucun problème. Mais il opposa une condition.
- Rentrez tous chez vous, ordonna-t-il en s'adressant aux autres.
- Non, je n'ai pas dit que… Commença Scott.
Derek lui lança un regard noir, meurtrier.
- Tais-toi. T'as envoyé Isaac au suicide, alors t'as pas ton mot à dire. Il s'agit de mon loft, de mon chez moi.
- Mais c'est une Psi, une ordure, comme St…
- Scott, je te conseille de la fermer.
La voix de Derek était plus menaçante que jamais, appelait à mater n'importe quelle rébellion sous-jacente. Scott avait beau être son alpha, il ne le respectait d'aucune manière actuellement. Envoyer en mission kamikaze celui qu'il considérait comme son presque petit frère après les avoir presque forcés à assister à une double exécution sans rien faire… Oui, Scott avait beaucoup baissé dans son estime.
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Derek arrêta la Camaro sur sa place de parking fétiche, dans le garage de son immeuble. Il sortit de la voiture, alla à l'arrière récupérer le pauvre Isaac inconscient, mais qui était tout de même sorti d'affaire. L'état général de son cerveau était stable, il manquait juste à corriger les petits couacs créés par la déferlante qui, selon Moira, était « faible » puisqu'elle ne l'avait pas tué. Elle avait vérifié – de manière intrusive et pour cela, Derek lui en voulait un peu – et il s'était avéré qu'Isaac possédait de bien piètres boucliers. Selon elle, il avait carrément de la chance d'être en vie.
Derek porta Isaac jusqu'au loft et demanda à la M-Psi, qui traînait sa mallette à roulettes, d'ouvrir la porte – il lui avait passé les clés au préalable. Mais elle ne le fit pas, en tout cas pas tout de suite, et son hésitation fit froncer les sourcils à Derek.
- Qu'est-ce que vous attendez ? Demanda-t-il, méfiant.
Il avait beau avoir accepté qu'elle s'occupe de son presque petit frère tout comme elle l'avait soigné lui, elle n'en restait pas moins une Psi : un être aux pouvoir mentaux destructeurs. Il ne la voyait pas comme un monstre, loin de là. Simplement comme une inconnue à laquelle il n'avait affaire que pour la seconde fois de sa vie. C'était bien assez pour lui pour qu'il se méfie un minimum.
La doctoresse tourna la tête vers lui et son regard toujours aussi inexpressif la fit tressaillir.
- J'ai pour habitude de faire des scans télépathiques lorsque je vais quelque part. Attendiez-vous quelqu'un ? S'enquit-elle.
- Non, répondit simplement Derek.
Mais son regard trahissait la question qu'il se posait, question à laquelle elle répondit sans attendre :
- Dans ce cas, que fait le double-cardinal ici ?
- Stiles ? S'étonna sincèrement Derek.
Ce n'était pas la première fois que le loup entendait ces mots pour le désigner. Néanmoins, la surprise restait totale. Il lui demanda alors si elle était certaine que c'était bien lui qu'elle sentait. Hors de question de faire courir le moindre risque à Isaac qui était déjà bien mal en point. Si un Psi était là, s'il ne s'agissait pas de Stiles… Il valait mieux décamper.
- Sa signature psychique est unique, répondit la scientifique. Difficile de ne pas la garder en mémoire.
- Et il est ici ?
- Il est ici.
- Ouvrez, souffla Derek en resserrant ses doigts sur Isaac, comme s'il avait peur de le faire tomber.
Il avait besoin de voir qu'il s'agissait bien de Stiles même si… Pour l'amour du ciel, comment aurait-il pu entrer ? Le loft était protégé par une alarme qui faisait un bruit monstre et qui était retransmise sur son téléphone en cas d'intrusion. Or, elle ne s'était pas déclenchée. A aucun moment. Et son téléphone dernier cri – merci Peter – marchait parfaitement bien.
La M-Psi déverrouilla la porte et la fit coulisser. Ses yeux descendirent, comme ceux de Derek, vers le corps étalé en plein milieu de la pièce à vivre. Un corps jeune, fin, vêtu de vêtements sombres. D'une manche un peu trop retroussée sortait un poignet mutilé d'une lettre « E » jamais effacée, à peine cicatrisée.
- Déposez votre louveteau dans un endroit confortable, je vais m'occuper de lui, prévint la M en laissant lâchant sa valise.
Faisant fi du fait qu'elle portait une jupe serrée et n'avait pas de gants en sa possession, elle se mit à genoux auprès de Stiles et posa sa main sur son front puis ses doigts sur ses tempes. Elle sortit une petite lampe d'une poche de sa veste, souleva la paupière gauche de Stiles, puis la droite. Derek, alors qu'il déposait Isaac sur le canapé, vit des yeux noirs, complètement noirs, sans une étoile. Et cette vision l'effraya plus que de raison. S'arrangeant pour que son presque petit frère soit confortablement allongé, il lui dégota un bon oreiller et étala un plaid sur lui.
- Vous pensez pouvoir le garder combien de temps ici ? S'enquit la M après avoir fait ce qu'elle avait à faire.
Derek se retourna vers elle et haussa un sourcil. Il n'était pas réellement question de garder Stiles. Enfin, ce n'était pas ça. Il ne savait même pas comment il avait atterri ici, comment voulait-elle qu'il sache que… Et puis, pourquoi, d'abord ? Comme si elle avait lu dans ses pensées, Moira lui déclama d'une voix basse :
- Il a fait une combustion. Dans son état, il est vulnérable.
Voyant que ces mots n'éclairaient pas plus que ça le loup, elle explicita, avec sa froideur habituelle :
- Il a utilisé une quantité phénoménale d'énergie psychique. Cela a causé, si vous voulez, une sorte de burn out de son corps. Votre immeuble et votre appartement sont sécurisés : il n'a pu entrer qu'en utilisant un seul moyen, qui outrepasse n'importe quel système de sécurité. Il s'est téléporté.
- Téléporté ? Répéta le loup, incrédule.
- Oui, confirma-t-elle, comme si elle parlait à un enfant. Quelques Psis en sont capables, en particulier les Tk, les Télékinésistes. Mais la téléportation est vorace en énergie. Si vous n'êtes pas un Tk de la sous-classification V, la sous-classification des Voyageurs, une téléportation est épuisante. Ces Psis-là peuvent exécuter ce tour presque à volonté, c'est aussi facile pour eux que de respirer. Mais Mieczyslaw Stilinski n'est pas un Tk-V. Par conséquent, sa téléportation l'a vidé.
Elle le pinça, souleva son bras et le secoua légèrement : Stiles ne broncha pas. Elle darda alors son regard glacial sur le loup, qui assimilait comme il le pouvait le flot d'informations dont elle l'abreuvait. Il ne comprenait pas tout, c'était clair, et il aurait besoin qu'on lui répète certaines choses. Il entreprit alors de le soulever de terre pour l'emmener dormir sur un endroit bien plus confortable : l'une des chambres à l'étage. Une fois que la M-Psi aurait terminé son traitement sur Isaac, Derek l'amènerait également en haut. Le canapé, c'était plus par souci pratique qu'autre chose.
Derek se crispa alors qu'il commençait à monter les escaliers. Stiles était atrocement léger et cette mutilation à son poignet qui pendait mollement… Elle lui donnait la nausée. Arrivé dans sa chambre, il le déposa sur le lit, le déchaussa et le couvrit. De son côté, il décida de se changer. Sa douche, il la prendrait plus tard. Il enfila un pantalon de jogging et un simple t-shirt gris. Il se retourna alors vers l'hyperactif endormi dans son lit. Il n'arrivait toujours pas à croire qu'il était là, dans son loft. En sécurité, lui souffla une partie de lui. Le voir débouler dans cette ruelle et exposer son statut de E-Psi lui avait fait peur et lorsqu'il était parti en provoquant le plus âgé des trois Psis Silencieux, Derek avait senti ses entrailles se serrer. Il avait réellement eu peur pour lui, mais sa priorité, pour l'heure, avait été de s'occuper d'Isaac et d'attendre une M, qui s'était révélé être celle qu'il connaissait. Et maintenant, Stiles était là, dans son lit. Il s'était… « Téléporté » au loft. Pour quelle raison ? Pourquoi n'était-il pas rentré au bunker ? Derek n'en avait strictement aucune idée.
Mais son rythme cardiaque augmenta sensiblement alors qu'un phénomène incompréhensible se produisait sous ses yeux d'abord ébahis, puis horrifiés.
La peau de Stiles se colorait de bleu, de violet, de jaune. Son masque physique tombait alors que son esprit était endormi, complètement endormi, profondément endormi. Après de longues dernières minutes de lutte, il avait cédé et consacrait le peu d'énergie qu'il avait encore à faire tenir ses boucliers mentaux, de sorte qu'on ne s'introduise pas en lui durant son mini-coma.
Derek vit alors se peindre le portrait d'un jeune homme qui avait vraisemblablement été battu. Même ses mains s'étaient parées d'autres blessures. Le loup se précipita vers lui et retroussa autant que possible ses manches, le découvrit, souleva son haut sans se soucier de l'idée qu'il n'avait pas à faire ça. Puis ses mains retombèrent et il le recouvrit mollement, les mains un tantinet tremblantes. L'odeur de Stiles était fade et il n'y avait pas la moindre trace d'une fragrance autre que la sienne sur son corps. Pas même celle, métallique, du Psi qui l'avait pourchassé. Non, rien, même après qu'il ait inspiré son odeur à pleins poumons. Pris d'une pulsion soudaine, il descendit et se planta devant la M, qui utilisait à peu près le même équipement que la fois précédente : les yeux du loup s'égarèrent un instant sur le point rouge clignotant sur l'écran du petit ordinateur.
- Stiles est blessé, dit-il de but en blanc. Vous pensez que vous… Pourriez…
- Attendez que je finisse avec lui, le coupa-t-elle. C'est délicat.
Derek voulait bien le croire. Il voyait sa concentration dans ses yeux fixes et comme sans vie. Bien sûr, il comprenait : Isaac avait subi, d'après son rapport, de lourds dommages cérébraux. Elle avait évité le pire en lui apportant les premiers secours dans la ruelle à une rapidité prodigieuse, et ici, elle y allait plus en profondeur. Elle réparait chaque lésion, reconstruisait chaque zone détruite, avec une précision qui, si elle était réellement visible, clouerait le bec de n'importe qui. Moira Stanfield avait bien des talents et la minutie était une de ses plus grandes qualités.
Derek serra les poings et tâcha de se détendre. Il s'assit dans le petit fauteuil à côté du canapé et se força à relativiser : objectivement, Isaac passait en premier. Non pas parce qu'il faisait partie de la meute, mais parce que les blessures cérébrales qu'il avait accusées devaient être guéries rapidement s'il voulait avoir le moins de séquelles possibles sur le long terme. Déjà, elle lui avait assuré qu'elle l'avait pris à temps et que, grâce à cela, il survivrait. Rien que ça, c'était énorme.
Les blessures de Stiles étaient moches et pour le moins surréalistes, mais il était clair qu'il n'était pas en danger de mort. Derek n'aimait pas se dire ça mais effectivement, il pouvait attendre. Pour autant, il n'aimait pas le savoir blessé et surtout, n'aimait pas ne pas savoir comment c'était arrivé. Il avait été témoin de la puissance de Stiles alors qu'il n'avait quasiment rien fait. Et c'était dans cette démonstration minimaliste qu'il avait compris que l'hyperactif n'avait pas besoin de faire grand-chose pour mettre ses ennemis à terre. La facilité avec laquelle il avait mis les deux Psis hors d'état de nuire sans bouger le petit doigt l'avait stupéfait. S'en étaient suivies les flammes, sa fuite et… Ça. Cette… Téléportation. Le rythme cardiaque régulier de Stiles lui parvint aux oreilles. Il était bas et lent, mais « normal », si on tenait compte de la situation actuelle. En se repassant la scène dans la tête, Derek comprit rapidement que quelque chose ne collait pas. Les blessures qu'il avait aperçues sur sa peau diaphane ne lui avaient pas semblé des plus récentes. Il avait des croûtes par endroits. Par conséquent, c'était une preuve de plus de l'innocence des Psis sur ce coup-là. En tout cas, ceux qui l'avaient poursuivi. Mais alors… Qui ? Quoi ? Quand ?
Oui, voilà, quand était-ce arrivé ? Il avait vu Stiles lors de son évanouissement dans la forêt, puis au bunker, enfin aux deux réunions… Et ce soir. Ces blessures, pourquoi étaient-elles apparues si soudainement ?
Derek se prit la tête dans les mains. Il était fatigué, épuisé. Ses émotions allaient et venaient, semblaient ne jamais se fixer. Il était inquiet pour Stiles, se souciait de l'état d'Isaac, était furieux contre Scott, avait peur pour tous ces E-Psis traqués jusqu'à la mort, était terrifié à l'idée qu'un autre membre de la meute s'expose à de tels dangers. Il se méfiait de la M, toujours, et en même temps, il était obligé de dépendre d'elle pour l'instant, parce qu'elle avait non plus la vie mais la santé d'Isaac entre les mains. Et peut-être, bientôt, celle de Stiles. Quoique des contusions et des bleus devaient être bien plus simples à guérir que des lésions cérébrales.
Complètement perdu et passablement instable émotionnellement, le loup s'efforça d'attendre et sans s'en rendre compte, son rythme cardiaque se cala sur celui du jeune homme profondément endormi à l'étage, rythme cardiaque qu'il écoutait religieusement.
