Les doigts d'Isaac tapotaient l'écran avec un manque d'assurance flagrant. Parfois, ils tremblaient un peu tant le loup aux cheveux bouclés hésitait dans ses mots, dans ses pensées. Et Stiles savait qu'il ne pouvait pas se mettre à sa place, imaginer son calvaire… Car il était clair qu'Isaac en souffrait. Sa douleur émotionnelle, il la ressentait. Laisse-lui, lui ordonna sèchement une petite voix. Soulage-le, rétorqua une seconde, un peu plus faible. Stiles ne fit rien. Il n'avait pas le droit de toucher à l'esprit d'Isaac, pas même pour l'aider. Déjà qu'il était dans un état lamentable… L'Empathe qu'il était n'avait pas la moindre envie de l'aggraver en faisant quelque chose qu'Isaac ne désirait pas. Car si la prise d'une douleur émotionnelle était fort agréable pour celui qui la vivait, Stiles la considérait comme un acte plus ou moins intime, qui devait être désiré. Autrement, il aurait l'impression de faire quelque chose de mal, de… De trop s'immiscer dans des vies qui ne faisaient plus partie de la sienne. Isaac, Derek, les autres… C'était de l'histoire ancienne : ils faisaient tous partie d'une existence à laquelle il avait mis fin. Même s'il se sentait toujours mal pour la façon dont ça s'était fait… Il l'acceptait. Les choses étaient ainsi, il était donc inutile de désirer les changer alors que c'était impossible.

Oui, mais Isaac lui faisait véritablement de la peine, d'autant plus… Que son visage se crispait chaque fois qu'il tapait une lettre qu'il ne voulait pas. Le voilà alors qui cherchait comment l'effacer et, une fois qu'il y arrivait, semblait réfléchir à ce qu'il voulait écrire au départ. C'était ensuite seulement, qu'il reprenait.

Et la honte, dans son aura psychique, ancrait sa place aux côtés de la douleur.

« Prends ton temps, je ne te jugerai pas. » Voilà ce que décida de lui dire Stiles pour essayer de le rassurer un peu… Comme il le pouvait.

Isaac releva la tête vers lui, pointa sa tête d'un doigt d'un air interrogateur. L'hyperactif hocha patiemment la sienne. Oui, il lui avait parlé par télépathie, encore. Non, Isaac ne rêvait pas, qu'il se tranquillise à ce sujet… C'était sa manière à lui de lui dire que tout allait bien.

Sauf que Stiles pouvait faire plus, bien plus que ça – mais il n'osait pas. Isaac ne connaissait rien du monde Psi, encore moins les capacités de Stiles, dont l'éventail était bien plus large que quiconque pourrait l'imaginer.

Et pourtant, il n'était rien. Son statut de double cardinal n'était pas magique, ne lui conférait pas le moindre respect, pas le moindre pouvoir… Parce qu'il avait un défaut qui était, aux yeux de la société Psi, le plus gros qui soit : il était un Empathe. Un être indissociable de ses émotions, un danger pour l'équilibre Silencieux.

Une cible à abattre.

C'était peut-être pour ça qu'il s'était si bien entendu avec les loups de la meute, qu'il s'était s'y était si bien intégré : parce qu'il savait ce que cela faisait d'être chassé, de vivre caché.

Isaac ramena malgré lui Stiles à la réalité. Comment ? En effaçant tout ce qu'il avait tant peiné à écrire sur l'écran du téléphone… Et dont l'hyperactif n'avait encore rien lu. Alors ce geste, il ne le comprit pas. Il n'eut cependant pas vraiment le temps de demander à Isaac de quoi il en retournait… Parce que celui-ci se remettait déjà à tapoter sur l'écran. Il allait aussi vite qu'il le pouvait malgré ses blocages et hésitations constantes. Sa concentration se lisait sur son visage… Tout autant que sa honte qui, aux yeux de Stiles, ne cessait de grandir. Si Isaac ne se laissait pas abattre, il peinait tout de même à accepter cette lenteur nouvelle qui le pénalisait dans tout ce qu'il entreprenait. Ecrire un simple mot, même sur un téléphone, relevait carrément de l'épreuve…

Alors Stiles eut envie de lui faciliter la tâche. Il y pensait depuis un moment mais ne le faisait pas, pour la simple et bonne raison qu'il fallait, selon lui, qu'il maintienne certaines distances… Qu'il entretienne l'épaisseur de certaines barrières invisibles. De toute façon, il avait déjà son avis sur la question et fait une croix définitive sur les amitiés qu'il avait eues.

C'était fini. Tout était fini. Son identité était révélée, ainsi que sa véritable nature. Son père était mort tandis que sa vie à lui s'écoulait à une vitesse folle. Ses amis n'en étaient plus, mais il les protégeait. Stiles ne se faisait aucune illusion et savait qu'aucun retour en arrière n'était possible.

Mais il pouvait aider Isaac. Ce à quoi il pensait restait… Envisageable, sans la mesure où cela ne l'engageait à rien et que son ancien ami, une fois son message transmis… Retournerait se coucher rapidement. De cette façon, aucun membre de la meute ne se rendrait compte qu'il était monté le voir d'autant plus que d'ici quelques heures, l'odeur d'Isaac aurait disparu de la chambre. Stiles comptait aérer après son départ, de toute manière. Il n'avait pas la moindre envie que Boucles d'or n'ait le moindre ennui par sa faute. On avait eu beau lui dire que l'on ne lui voulait pas le moindre mal, il n'y croyait pas. Pour lui, Scott n'était pas une exception. Il avait vrillé. Tout le monde pouvait vriller – le moment et le déclic différait juste selon les gens.

Alors il n'avait pas la moindre intention d'attirer l'attention sur lui en se mêlant à la meute comme il l'aurait fait autrefois. Agir, oui, mais dans l'ombre – exception faite de son coup d'éclat dans le ciel.

Cependant, il pouvait s'autoriser une petite exception… Si Isaac la lui autorisait. Ainsi, il lui prit doucement le téléphone des mains pour ne pas le surprendre et le posa à côté de lui. Isaac le regarda d'un air à la fois perplexe et craintif.

« Je peux t'aider à communiquer avec moi plus facilement, mais je ne peux pas le faire sans ton accord. »

Isaac haussa un sourcil interrogateur. Il ne s'était peut-être pas encore habitué au fait que l'on puisse lui parler dans sa tête, mais il faisait au mieux… Et tentait de se concentrer sur les mots qu'il entendait.

« Est-ce que tu serais d'accord pour que je t'aide ? »

Stiles se répétait un peu, mais il avait à cœur qu'Isaac comprenne bien de quoi il en retournait pour qu'il puisse ensuite prendre sa décision en son âme et conscience. L'hyperactif n'avait pas la moindre intention de le prendre en traître, ni de lui faire le moindre mal. Jamais.

Il se sentit presque soulagé lorsque son ancien ami hocha la tête… Ainsi, il retint un soupir et n'attendit pas davantage :

« L'idée, ce serait… De prolonger le canal télépathique qui me permet de te parler. Si tu étais un Psi, tu pourrais me répondre directement… Mais je peux te l'ouvrir davantage pour que tu puisses t'exprimer quand même. Pour ça, il faut que tu me fasses confiance. »

Nouveau hochement de tête de la part d'Isaac. Était-il conscient de la gravité de ce dans quoi il était en train de s'embarquer ? Perplexe et persuadé qu'il allait se retrouver face à un refus d'ici quelques instants, Stiles poursuivit ses explications.

« Il faudrait que je rentre dans ta tête, que j'ai un accès total à ton esprit. »

Isaac se tendit drastiquement et Stiles ne rata pas la lueur de peur qui s'alluma dans son regard… D'autant plus qu'il la sentait psychiquement parlant. Il pourrait la lui voler, mais il ne le fit pas. S'il s'ouvrait peu à peu à l'idée de lui montrer certaines choses, il ne ferait rien sans son accord, sans qu'il ait conscience de ce qui arrivait.

« Pour être honnête avec toi, je pourrais déjà le faire par moi-même. J'en ai les moyens et les capacités. Mais je ne ferai rien que tu ne veux pas. Si tu n'es pas d'accord et si tu as peur, je comprends. Je n'oublie pas ce que tu as vécu. »

La peur d'Isaac était d'autant plus compréhensible que la dernière fois qu'on s'était approché de son esprit… Il avait failli en mourir – c'était le but. Et maintenant, le voilà qui se retrouvait avec des séquelles… Dont on n'était pas capable de savoir si elles étaient réversibles ou non. Isaac avala péniblement sa salive, se pencha et attrapa le téléphone, qu'il ralluma. Stiles, de son côté, encaissa le refus sans broncher. Il ne lui en voudrait jamais d'avoir peur, de refuser que l'on touche à nouveau son intimité psychique, laquelle était profondément traumatisée. Lui-même avait vécu quelque chose s'y apparentant… Lorsque le conseiller qui avait tué son père avait sectionné son lien avec le Psinet.

Stiles s'interdit d'y penser.

Isaac finit par lui tapoter l'épaule et par lui montrer l'écran du téléphone, sur lequel figurait le seul et unique mot qu'il avait péniblement réussi à écrire.

« Fais »