Stiles arborait un air craintif qui, parfois, se brisait pour laisser apparaître une souffrance qu'il s'efforçait pourtant de cacher. Deaton se montrait pourtant aussi doux que possible, mais la peau de l'humain était à vif et la marque des crocs de Scott était nette. Les plaies, si elles lui semblaient s'être quelque peu dégonflées et désenflées, restaient importantes et nécessitaient une attention toute particulière. Après tout, le fait que Stiles ait repris connaissance et réussisse à rester conscient ne voulait pas dire qu'il était sorti d'affaire. Alors, Deaton dissimulait sa peur derrière un air imperturbable et une minutie dans chacun de ses gestes.
- C'est bientôt fini, Stiles. Laisse-moi regarder encore un peu.
Alors l'humain, sans répondre, ferma les yeux et serra les dents tout en enfonçant son visage dans le coussin mis à sa disposition, sous lequel il avait passé son bras gauche. C'était une question de confort, pendant que Deaton examinait son épaule droite.
- Vous lui faites mal, ne put s'empêcher de lâcher Derek, installé sur le fauteuil d'à côté.
Elle était loin, l'impassibilité qui, longtemps, lui avait collé à la peau. Désormais, seule la préoccupation marquait ses traits de plus tirés.
- Je le sais, siffla Deaton, concentré sur sa tâche. Mais je ne peux pas te laisser prendre sa douleur pendant que je l'examine.
Etrangement, la souffrance de Stiles faisait en quelque sorte « ressortir » les plaies et… Le vétérinaire les voyait mieux. C'était ce qu'il avait remarqué quelques jours plus tôt, lorsqu'il l'avait regardé et qu'un loup drainait à Stiles cette douleur qui le tuait.
En l'occurrence, celle-ci ne faisait en ce jour rien de plus que le faire grimacer, parfois pousser un gémissement plaintif lorsqu'il n'arrivait pas à se retenir. L'humain se contenait beaucoup par rapport à ce qu'il ressentait, c'était certain – tout en endurant la chose bien mieux qu'au départ. Allongé sur le canapé du salon, il ne pouvait rien faire d'autre que subir, jusqu'à ce que Deaton en ait terminé avec lui. Et l'examen, censé s'étendre sur quelques minutes à peine, lui paraissait durer depuis déjà une bonne heure tant il était désagréable et douloureux. S'il en voulait au vétérinaire par rapport à cette petite séance de torture ? Pas le moins du monde. Si plusieurs pans de son esprit semblaient dormir encore, les autres fonctionnaient parfaitement. En outre, il avait été capable de donner son consentement pour que Deaton l'examine, mais il peinait à réfléchir au reste. A ce qu'il avait fait, lorsqu'il s'était approché de Lydia, par exemple… Il n'arrivait même pas à se rappeler la raison pour laquelle Scott l'avait mordu alors que celui-ci le savait complètement réfractaire au pouvoir lupin que son acte aurait pu lui apporter. Il n'était pas non plus en état de se rendre compte que c'était parfaitement désiré. Sa réflexion, aussi peu poussée soit-elle, reposait principalement sur l'instant présent et ses alentours – du peu qu'il se souvenait également. Les choses revenaient petit à petit… Enfin, il en avait l'impression.
A côté, Derek ne cessait d'observer Stiles qui, sous la demande du vétérinaire, se redressa et enleva complètement son t-shirt. Son geste, un peu tremblant sur les bords, ne lui échappa pas, mais l'hyperactif ne demanda pas à ce qu'on l'aide – tout dans son attitude montrait son besoin de se débrouiller seul. L'instant d'avant, puisqu'il était sur le ventre, Derek n'avait eu qu'un vague aperçu de son dos et, par extension, de son état physique. Maintenant que l'adolescent était torse nu, il se prenait sa maigreur en pleine face. Pourtant, Jackson et lui se relayaient régulièrement pour s'occuper de l'hyperactif : le laver, le changer, le nourrir un peu par intraveineuse… Derek ne devrait donc, techniquement, pas être surpris de ce qu'il avait sous les yeux. Pourtant, il l'était. Il l'était et n'arrivait pas à se dire que seulement une morsure et quelques jours d'une parfaite immobilité avaient pu le faire maigrir à ce point-là. Stiles n'avait plus l'air d'être en danger et, si l'examen de Deaton tendait vers le positif, sans doute récupèrerait-il vite. Simplement, Derek se prenait de plein fouet… Le résultat d'un acte complètement barbare qui avait manqué de coûter la vie à un membre de la meute. Un humain. Le seul véritable humain qu'elle comptait.
L'humain qui, à l'heure actuelle, n'en était peut-être plus un.
De cela, on ne pouvait en être sûr ni même en avoir la moindre idée. Pour l'instant, Derek ne pensait pas à Lydia, encore moins à ce qu'il s'était passé avec elle. Stiles avait fait quelque chose pour que les blessures de son bras guérisse, mais… Le chaos qui régnait dans sa propre tête l'empêchait de penser à tout. Il guettait juste le moindre signe que l'examen touchait à sa fin dans le but de prendre à Stiles cette douleur qui le mettait à terre en douceur – un paradoxe aussi particulier que réel. C'est d'ailleurs exactement ce qu'il fit lorsque Deaton lui en donna le feu vert. Stiles, une fois son t-shirt renfilé et sa souffrance disparue – elle était véritablement légère par rapport aux premiers jours de son calvaire –, s'affala doucement sur le canapé, en position assise. Il se sentait épuisé, comme si l'examen qu'il avait eu à subir l'avait véritablement fatigué.
- La cicatrisation a commencé et elle est lente, finit par lâcher le vétérinaire. On peut en déduire que tu n'es pas devenu un loup-garou. Si tel était le cas, tes blessures seraient déjà complètement guéries et l'on aurait déjà pu noter certains signes d'une transformation lupine.
Stiles hocha légèrement la tête. Il faisait de son mieux pour écouter et arrivait pour l'instant à comprendre les mots du vétérinaire. S'il avait des questions – sa tête en était remplie – il ne les posa pas – il lui manquait la motivation et la force de le faire. Se savoir éveillé ne lui permettait pas forcément d'être complètement alerte et Stiles savait qu'il devait se montrer patient, à ce sujet. Pour Derek et Deaton, son état actuel restait un progrès malgré tout – non négligeable, qui plus est.
- Tu peux être tranquille à ce sujet-là, fit de son mieux pour le rassurer le vétérinaire. En revanche, je te demanderais de ne pas faire d'efforts inutiles. Repose-toi autant que possible et… On verra comment les choses évoluent.
Deaton tourna la tête vers Derek.
- Par précaution, évitons de provoquer chez lui le moindre choc, même émotionnel.
L'ancien alpha hocha la tête, même s'il ne voyait pas vraiment comment une telle chose pourrait arriver. Quoiqu'à bien y réfléchir, si. L'important, c'était de le garder ici et de limiter au maximum les allées et venues de tout un chacun. Pour l'instant, Derek n'accordait ce droit qu'à Peter et Jackson. Quant à Lydia, il avait décidé de la laisser se reposer au loft et, puisqu'elle était terrifiée, de lui accorder la même protection que Stiles. Le cas d'Isaac était un peu particulier, mais… Derek n'avait pas non plus l'intention de lui laisser courir le moindre risque en le laissant sortir, d'autant plus… Qu'il ne comprenait pas ce qui était arrivé au Nemeton, avec lui. Au vu du regard que lui lança Deaton, Derek sut qu'il s'agissait exactement du prochain sujet qu'il comptait aborder. Alors il expliqua patiemment à Stiles qu'il allait l'aider à remonter, s'il le voulait bien. Le tout était également de lui montrer que, même s'il n'était pas dans le meilleur état qui soit, son avis serait respecté. Derek apprécierait vraiment de discuter d'Isaac seul avec Deaton mais si Stiles voulait rester ici, il ne l'en empêcherait pas. Par chance, l'hyperactif exprima assez rapidement son approbation avec un hochement de tête. Dans ses yeux naquit une forme d'envie pure. Et Derek, qui savait que Stiles et Isaac ne se quittaient pas depuis le début de cette histoire, commença à se dire que l'idée que ces deux jeunes hommes soient liés d'une manière ou d'une autre… N'était pas si farfelue que cela. Alors une fois Stiles de retour auprès de son ami toujours endormi, Derek redescendit et appela Jackson.
Car s'il fallait parler d'Isaac, quelque chose de plus grand devrait être abordé et même si Derek n'avait pas particulièrement envie de faire état de ce fait… Avec Deaton, il n'aurait sans doute pas le choix.
Il était peut-être temps de libérer la parole quant à ce qu'il s'était passé au Nemeton.
