Chapitre publié le 16 avril 2024
Chapitre 40 : La bataille de la Forteresse Oubliée
Quand Kairi et Riku émergèrent des Ténèbres sous le ciel lumineux (mais sous un soleil bien moins brûlant que celui des Îles) de la Forteresse Oubliée, un remue-ménage pétaradant les accueillit. Ils se retrouvèrent submergés sous un concert de hurlements, précédent la foule qui en était à l'origine et qui ne tarda pas à les encercler de tous côtés. Riku esquissa un mouvement pour invoquer son arme, puis parut se reprendre et saisit Kairi par le bras pour la tirer contre le mur de la ruelle où ils étaient apparus, laissant passer le flot de citadins paniqués.
« Qu'est-ce qui se passe ? demanda Kairi, tournant vivement la tête en tous sens.
-Des Sans-cœur. » Elle suivit du regard le doigt de Riku et aperçut aussitôt la source de toute cette agitation – quelques Sans-cœur de toutes sortes lancés aux trousses de la foule, leurs yeux jaunes brillant d'une faim malsaine.
Bah, ça n'allait pas se passer comme ça.
« Allons-y, Riku ! » s'écria-t-elle en invoquant sa Keyblade avant de se lancer à l'attaque.
Il la suivit aussitôt. A deux, ils ne firent qu'une bouchée des quatre monstres. Deux coups de Keyblade bien placés, un sort de glace suivi d'un sort de feu et quand Kairi se retourna, Riku achevait le dernier.
« Les Sans-cœur ont déjà commencé à envahir l'intérieur de la cité à ce point ? fit-elle remarquer. La dernière fois que je suis venue, ils restaient plus à l'écart. »
Riku ouvrit sa bouche pour répondre mais fut coupé par des cris et bruits de lutte provenant d'une ruelle adjacente... plusieurs ruelles adjacentes, dans toutes les directions. Ils échangèrent un regard alarmé.
« On dirait que la situation a échappé à leur contrôle, murmura-t-il. Je vois ce que disait DiZ. Je me demande ce que veut l'Organisation...
-Allons-y, alors !
-Kairi, que comptes-tu faire ? »
La jeune fille hésita, puis se fendit d'un large sourire plein d'assurance.
« On va les aider, bien entendu ! »
Quand Riku n'eut aucune réaction, son sourire vacilla.
« Tu ne penses pas... ?
-Kairi, j'admire ta détermination et ta générosité, dit-il avec son sérieux habituel. Mais... DiZ n'avait pas tort, tout à l'heure. Si l'Organisation est derrière tout cela, alors ne serait-ce pas le moment idéal de s'infiltrer dans leur forteresse ? Pense au long terme. Nous pouvons bien sûr aider les habitants, mais l'Organisation aura tout le loisir d'attaquer d'autres mondes quand ça leur chantera. D'un autre côté, si nous parvenons à les empêcher de nuire... »
Kairi fronça les sourcils et croisa les bras. Elle voyait très bien ce que voulait dire Riku, mais... ce n'était pas ainsi qu'elle voulait voir les choses. Étaient-ils vraiment censés ignorer des gens qui souffraient sous leurs yeux ? Était-ce si compliqué à faire comprendre ?
« Riku... tu n'es pas en train de dire qu'on devrait les laisser tomber ? »
Il ouvrit la bouche mais ne parvint à s'exprimer qu'une seconde plus tard. « Non, bien sûr que non ! Mais... je pense qu'on devrait faire réfléchir soigneusement et ne pas foncer tête baissée. Si nous en profitons pour attaquer le quartier général de l'Organisation, alors nous pourrons mettre fin à la menace qui pèse sur ces mondes ! Pense sur le long terme, je te dis.
-Très bien, et qu'en est-il du court terme ? répliqua Kairi. Ces gens, sous nos yeux, que nous pouvons aider, là maintenant ?
-Mais nous n'avons peut-être qu'une chance, une telle opportunité ne se présentera peut-être plus avant un moment, fit-il remarquer.
-On n'en sait rien, riposta la jeune fille, nullement décidée à céder. Ce n'est qu'une supposition. Mais par contre, je sais que si nous ne faisons rien ici, ces gens... »
Riku la contempla un long moment.
« Riku, tu veux vraiment les abandonner à leur sort ? »
Des hurlements s'élevèrent de l'autre côté du pâté de maisons, engloutis par une explosion sonore. De la fumée s'éleva au-dessus des toits et Kairi dut se maîtriser pour ne pas céder à la panique.
« Très bien, dit finalement Riku. On fait comme tu le souhaites.
-Riku, je te promets que quand on en aura fini ici, on partira directement pour le château de l'Organisation, sans faire de détour... !
-Non, c'est bon, Kairi... Tu as raison. »
Il prit les devants et Kairi le suivit, se demandant vaguement si elle l'avait réellement convaincu ou si elle l'avait froissé. Remontant la rue, ils parvinrent à un croisement au niveau duquel quelques habitants se terraient dans une auberge. Devant la porte close, deux hommes agitaient désespérément des chaises pour repousser deux Ombres qui les menaçaient avec des sifflements lugubres et des griffes acérées. Riku et Kairi n'en firent qu'une bouchée avant de repartir à toute allure vers un attroupement agité un peu plus loin.
Ils filaient comme le vent. C'était presque un jeu d'enfant. Les Sans-cœur avaient envahi la ville mais ce faisant s'étaient dispersés, si bien qu'ils avaient rarement affaire à des groupes excédant trois ennemis. Un jeu d'enfant, vraiment. Elle prit plaisir dans la facilité avec laquelle sa Keyblade se matérialisait et fendait l'air, pourfendait les monstres pour ne laisser que fumée noire derrière elle. Elle savait. Elle savait qu'ils se prêtaient au jeu de l'Organisation, qu'ils perdaient peut-être un temps précieux (mais était-ce vraiment du temps perdu que de sauver des innocents d'un sort terrible?). Elle ne pouvait s'empêcher de tirer une sorte de satisfaction euphorique de la situation.
« Je t'ai déjà dit que j'avais perdu de vue ce qui comptait vraiment ? » dit soudain Riku.
Hein ? Ils descendaient une ruelle en courant, vaguement dans la direction du quartier général du Comité de Restauration, bien qu'ils devaient se soumettre à nombre détours dès que des Sans-cœur se faisaient remarquer. Toutes les interruptions demandées par les combats leur faisait perdre un temps précieux, mais Kairi ne regrettait rien. Chaque Sans-cœur abattu représentait plusieurs habitants sauvés, après tout.
« Euh... Tu veux dire... » hasarda-t-elle en lançant un regard perplexe vers son compagnon.
Riku le lui retourna rapidement puis se concentra sur sa cible – un de ces énormes Sans-cœur au ventre rond qui avaient la fâcheuse habitude de se ruer sur leurs victimes pour les projeter en arrière. Elle en avait elle-même fait la douloureuse expérience à plusieurs reprises.
« J'avais plein de bonnes intentions. Je voulais te sauver, d'abord, et je veux sauver Sora, maintenant... Restaurer l'ordre des mondes, empêcher l'Organisation de semer le chaos... Mais j'étais, et je reste si... obnubilé par ces objectifs que j'en oublie la véritable raison. »
Riku ne la regardait pas. Comme si croiser son regard lui couperait la voix, la force d'avouer ces mots. Aussi Kairi ne dit rien et lui laissa le temps, attendant patiemment qu'il s'exprime. Ce qu'il lui avouait à présent... c'était important pour lui. Important qu'il en ait la possibilité.
« DiZ... m'encourageait sur cette voie, poursuivit-il, mais je ne veux pas non plus me décharger de mes responsabilités.
-La véritable raison ? » murmura-t-elle.
Éprouvait-il du remords à cause de leur conversation précédente ? Se torturait-il car il s'imaginait qu'elle le voyait comme un homme insensible, sans compassion pour ceux qui lui étaient inconnus. Certes, elle n'avait pas vraiment apprécié avoir eu à défendre sa position et certains actes et états d'esprit de Riku ne lui plaisaient guère, mais... comme d'habitude, Riku était trop dur avec lui-même.
« C'est toi qui m'en as fait reprendre conscience, continua Riku en la gratifiant d'un de ses rares sourires. La raison pour laquelle nous faisons tout cela... Nous voulons aider nos amis. Nous ne voulons pas que des innocents souffrent. Quelle bêtise de ma part de rechigner à aider des gens qui souffraient sous mes yeux sous prétexte que cela ne faisait pas partie de notre plan. »
Kairi se sentit rougir. Un peu gênée, elle fit mine de se détourner pour achever un Sans-cœur, prête à enchaîner sur le suivant, mais la rue, désormais, était silencieuse et déserte. Ils reprirent leur marche d'un commun accord, répondant distraitement aux remerciements des habitants terrés derrière leurs fenêtres ou contre les murs.
« Ce que je veux dire... c'est que parfois je regrette d'en être venu à considérer que des dommages collatéraux étaient, disons, soit nécessaires, soit acceptables. Je sais bien... que Sora ne voudrait jamais ça. Bon sang, parfois je me demande comment je pourrai le regarder à nouveau dans les yeux », marmonna Riku d'un ton sombre.
Tu n'es pas insensible, si c'est ce que tu penses vraiment. Je regrette avoir pensé un jour qu'il faudrait mieux t'abandonner, même si je n'étais qu'à moitié sérieuse.
« Tu sais bien comment est Sora, dit Kairi avec gentillesse, pour se distraire de cette pensée gênante. Il ne t'en tiendra pas rigueur.
-Oui..., soupira Riku en accélérant l'allure, mais n'est-ce pas profiter de sa gentillesse ? »
Ils atteignirent le bas d'un escalier de pierre qui s'engouffrait entre les maisons à colombage pour rejoindre un quartier plus élevé. Tout était calme, mais la rue portait les traces de combats récents – quelques marques qui semblaient être du sang et un poteau de bois presque brisé en deux, près d'empreintes noirâtres brûlées sur un mur.
« Et il n'y a pas que lui. Je te vois, depuis que nous nous sommes retrouvés. Tu as fait tant d'efforts avec le peu de moyens dont tu disposais. Tu es restée au sein de l'Organisation durant toutes ces semaines et pourtant, tu n'as pas flanché. Tu es forte, Kairi. Plus forte que je ne le serai jamais. »
Kairi émit un rire gêné. La discussion prenait vraiment ce tour-là, hein ? Quoiqu'après être restée dans le coma pendant toute leur première aventure, n'avoir pu que laisser, impuissante, le sort des mondes entre les mains de ses amis et s'être retrouvée à poireauter en sécurité sur les Îles, elle ne pouvait nier que recevoir des compliments sur son utilité lui faisait plaisir, surtout venant du si stoïque Riku.
« Ne te dévalorise pas ainsi, Riku. On ne part pas avec les mêmes avantages. Que tu sois... tenté par les Ténèbres, tu n'as jamais demandé à l'être. Tu as dû te battre contre ça depuis le début, en plus du reste. »
N'était-ce pas vrai ? Elle était une Princesse de Cœur Ce n'était pas le cas de Riku. Il avait beau dire, n'avait-il pas fait preuve d'une force immense pour continuer de se battre, encore et encore, alors même que l'espoir s'était réduit à peau de chagrin ? Aurait-elle pu émerger des Ténèbres qui l'auraient consumée, errer dans les mondes à la recherche de ses amis tout en combattant des ennemis qui souhaitaient sa mort et ses propres faiblesses cherchant à la faire chavirer ? Elle était loin d'en être certaine.
« …
-Tu sais, reprit-elle en détournant le regard, moi, j'étais bien moins courageuse que toi. Quand on était sur les Îles, avec Sora... Je me disais que tu avais changé. C'est quand tu rêvais d'aventure au point d'en oublier le reste, tu sais ? »
Il hocha la tête sans mot dire.
« Je... Je ne t'en ai jamais parlé. J'avais peur de déclencher quelque chose à cette époque, même si je ne savais pas très bien quoi, avoua-t-elle. J'avais peur d'avoir une discussion nécessaire qui pourrait porter un coup à notre amitié à tous les trois. En fait, je me disais même que ce serait mieux si... si Sora et moi on partait rien que tous les deux, c'est dire... » Elle rit et baissa les yeux vers ses pieds, un peu honteuse. « J'aurais pu faire ça. Je... je veux dire, j'aurais dû te parler. Peut-être qu'alors... on aurait pu éviter beaucoup de choses.
-Tu n'en sais rien », dit Riku d'un ton très doux.
Ils continuaient de grimper. Ils avaient presque atteint les faubourgs désormais.
« Non, soupira-t-elle à son tour, mais c'était alors tout ce que je pouvais faire et je n'ai même pas pris la peine de... Enfin, je te disais qu'il ne fallait pas rester coincé dans le passé, alors je ferais bien d'appliquer ce précepte, moi aussi. Alors, s'il te plaît... ne te torture pas ainsi. Nous n'avons qu'à nous faire une promesse, d'accord ? La promesse que maintenant, nous n'hésiterons plus à parler de ce que nous avons sur le cœur, même si c'est douloureux,même si on en a honte... d'accord ? »
Il hocha la tête d'un air grave.
« Je peux essayer. »
Kairi esquissa un petit sourire et brandit presque timidement sa Keyblade. Elle se souvint de la seconde demande qu'elle avait fait à Yeul, se traita d'hypocrite après le discours qu'elle venait de faire et se demanda à quel point Riku sera furieux et blessé quand il découvrira...
Mais il était inutile d'y repenser pour le moment. Cela attendrait. Qui sait, avec un peu de chance, peut-être ce moment n'arriverait jamais ?
« Faisons ce que nous devons faire et rentrons tous les trois aux Îles, d'accord ? » lança-t-elle d'un ton enjoué.
Il prit un peu de temps pour répondre.
« D'accord, Kairi... C'est promis.
-Parfait ! Alors... A l'attaque ! »
Elle se jeta en avant avec une énergie renouvelée, se ruant sur deux Sans-cœur qui bombardaient les vitrines d'une boucherie après avoir réduit en miettes les étals alignés le long de la rue. Riku la regarda longuement.
« Mais, Kairi... en dépit de ce que je viens de te dire... j'ai peur de ne pas pouvoir tenir mes résolutions. »
Il lui emboîta le pas.
« C'est bon. J'en ai marre. »
Roxas se redressa d'un seul coup et fixa la nuit recouvrant la cité à travers la fenêtre, le regard brillant d'une détermination enragée.
Il avait passé la journée à errer dans la forteresse désertée. Tous les autres étaient partis en mission, enfin, sauf Xemnas et peut-être Saïx mais ces derniers étaient introuvables comme d'ordinaire et ce n'était pas comme s'il souhaitait leur parler de toute manière. Il avait fréquenté la salle d'entraînement, se mesurant à des hordes de Similis qui ne faisaient pas le poids jusqu'à ce que l'ennui ne l'en chasse. Il était descendu à la boutique où il avait bien tenté de faire la conversation au Mog qui tenait lieu de marchand, mais il s'était avéré que ces créatures, certes mignonnes et pleines de bonne volonté, n'étaient pas les partenaires de conversation les plus intéressants. Il était allé s'asseoir dans le salon désert... puis était revenu dans sa chambre. Il avait passé en revue ses différentes possessions, cherchant désespérément une occupation, quelque chose pour lui sortir l'esprit des différents troubles qui l'agitaient... sans succès.
Il ne pouvait plus rester les bras croisés à faire les cent pas. Axel lui avait peut-être dit de rester là, mais Axel lui-même n'était pas là et n'était pas son père de toute façon.
Son amie était en danger.
Et maintenant qu'il connaissait la vérité... qu'est-ce qui le retenait, exactement ? Qu'est-ce qui le poussait à suivre les ordres de l'Organisation, d'Axel ?
Rien, n'est-ce pas ?
Il se dirigea d'un pas décidé vers la porte de sa chambre. Quand sa main se posa sur la poignée, le jeune garçon se retourna et jeta un dernier regard derrière lui.
Reviendrait-il un jour ici ? Il était possible que non.
Et pourtant... il se rendait compte que rien ne lui donnait particulièrement envie de rester. Les coquillages que Xion lui avait apportés étaient déjà enfouis dans une de ses nombreuses poches, accompagnant quelques potions, et... le lit aux draps blancs au milieu de la pièce lui renvoya un regard vide et impersonnel. Même le bric-à-brac qui s'entassait un peu partout, ramené de ses voyages, et auquel il n'avait plus touché depuis des jours, ne retenait pas son attention. Une tout autre personne aurait bien pu vivre ici, cela n'aurait fait aucune différence.
Et il en était de même pour le reste de la citadelle. Des murs gris, sans distinction. Des halls blafards et vides. Pourquoi serait-il tenté de rester, alors même qu'il n'y avait plus aucun ami ou aucune raison de rester ?
Roxas quitta la pièce.
Les couloirs étaient silencieux. Ses pas n'y résonnaient même pas, les chaussures de l'Organisation étant conçues pour étouffer facilement les bruits et permettre à leurs utilisateurs de se déplacer à leur guise sans se faire remarquer. Un Simili argenté fila devant lui à l'angle d'un couloir en lui accordant à peine un regard. Il ne croisa personne d'autre.
En passant un angle d'un long couloir, le jeune garçon aperçut une lueur émanant d'une porte entrouverte. La porte de la boutique de la forteresse. Il hésita un moment, se souvenant qu'il ne lui restait que deux fioles de potion dans ses poches, et aucun éther. Ça ne lui ferait pas de mal de se ravitailler avant de quitter les lieux, n'est-ce pas ? Ce n'était pas comme s'il allait soudainement perdre sa détermination en se détournant de son chemin ?
« Tout va bien, kupo ? »
Roxas se secoua. Il était resté sur le seuil de la petite salle un peu trop longtemps, si bien que même le Mog assis sur l'unique comptoir qui occupait la pièce avait fini par s'en inquiéter et tournait un regard troublé vers lui, du moins autant que son visage joufflu et ses petits yeux noirs pouvaient le manifester.
« Oui... Oui, désolé », marmonna-t-il.
Il entra dans la pièce et jeta un coup d'œil aux marchandises présentées sur la petite affiche posée sur le comptoir. Le Mog agita ses bras, l'air ravi d'avoir de la compagnie, même si Roxas lui avait parlé il y avait une heure à peine.
« Alors, qu'est-ce que je peux faire pour toi, kupo ? dit-il joyeusement.
-Euh... j'ai besoin de me ravitailler pour partir en voyage. Je vais prendre quelques potions, et aussi des éthers. Ah, et de quoi manger aussi.
-D'accord, kupo ! Tu pars longtemps ? »
Roxas fixa tristement le sol.
« Peut-être bien.
-Oh ! » Le Mog inclina la tête, semblant mimer son expression. « Je suis triste, kupo. Tu pourras plus venir me parler, alors ? Il y a de moins en moins de monde ici. Et les autres ne discutent jamais avec moi, kupo.
-Désolé, dit automatiquement Roxas.
-Ce n'est pas grave ! Je resterai ici quoi qu'il arrive, même s'il ne reste plus qu'une seule personne, kupo ! Mais, dis, tu reviendras me voir, n'est-ce pas ? Kupo ?
-Hé bien... » Roxas ouvrit son porte-munnies, cherchant la quantité d'argent demandée par le petit écran lumineux devant lui. Comme il avait économisé son argent ces derniers temps – hé oui, plus de glace à l'eau de mer depuis un bon bout de temps – il n'eut aucun mal à réunir la somme voulue. « Je ne sais pas encore quand je reviendrai, alors... je peux pas te faire de promesse.
-Ah, je vois. » Le pompon du Mog parut en tomber de déception. « Mais tu ne pars pas tout seul, n'est-ce pas ? Tu seras avec tes amis, n'est-ce pas ? »
Roxas hésita. « … Je ne sais pas.
-Tu devrais, kupo ! Les voyages sont beaucoup plus fun quand on les fait à plusieurs ! Ils vont bien, kupo ? Ça fait très longtemps que la petite Xion n'a plus discuté avec moi... Si tu les vois, passe-leur le bonjour de ma part !
-Je leur dirai, d'accord. » Une promesse vide de sens. Qui ne lui coûterait rien. Il commença à enfouir les objets achetés dans les poches décidément très pratiques de son manteau puis se retourna une dernière fois vers la petite créature qui s'était détournée pour ranger les munnies.
« Ah, je pourrais te demander une dernière chose ? Tu pourrais éviter de dire aux autres que tu m'as vu partir ? »
C'était le chaos.
Ce fut le mot qui s'imposa à l'esprit de Kairi quand ils atteignirent l'une des places centrales des faubourgs, à quelques rues du quartier général du Comité de Restauration. Le trajet jusqu'ici n'avait pas été bon signe : plus ils avançaient, plus les dégâts avaient été flagrants – poutres réduites en miettes, trous béants dans le sol ou dans les murs, étals affaissés déversant leur marchandise sur le sol où on ne comptait plus les marques brûlées des déflagrations – et les Sans-cœur nombreux. Elle commençait à fatiguer, sa détermination précédente à vaciller, mais elle gardait courage. Elle ne voulait surtout pas flancher devant Riku, pas après ses belles paroles.
Ils suivirent les cris et les déflagrations et la rue s'ouvrit sur une large place qui semblait être le théâtre des opérations. Les combats y faisaient rage, menés par trois courageuses silhouettes qui se démenaient face à des vagues de Sans-cœur en tous genres.
« C'est là ! s'écria Kairi. Ils sont là ! Léon ! Yuffie ! Et...hm ? »
Yuffie jeta un regard dans sa direction et ses yeux épuisés s'illuminèrent.
« Oh, mais... Kairi ! Tu es là ! Léon, regarde ! C'est Kairi ! Et euh... ce serait pas le fameux Riku ? »
Léon se défit d'un Sans-cœur d'un moulinet d'épée, recula de deux pas pour échapper aux attaques d'un autre puis se permit enfin de regarder dans leur direction.
« Ah... mais qu'est-ce que vous faites là ? lança-t-il, la tension rendant son ton presque furieux.
-On vient vous aider, pardi ! Allez, c'est parti ! »
D'un même mouvement, Riku et Kairi brandirent leurs armes et se jetèrent dans le mêlée.
« Reste près de moi », ordonna Riku.
Elle faillit lever les yeux au ciel – bon sang, avait-elle besoin d'un babysitter ? - mais comprit rapidement les raisons de son conseil. Elle n'était pas une combattante – du moins pas aussi expérimentée que les autres, et les combats précédents ainsi que la course folle dans les rues de la ville l'avaient bien épuisée. Sans compter la douleur qui traversait par moments ses muscles, à laquelle elle ne prêtait désormais plus qu'une attention distraite. Et les ennemis ici étaient... très très nombreux. Elle évita de justesse une boule de feu dès les premières secondes, et un coup de griffe lui entailla la botte droite presque immédiatement après. Kairi se reprit et asséna un coup bien mérité au second Sans-cœur tandis que Riku la débarrassait du premier. La jeune fille choisit d'utiliser ses matérias pour demeurer un moment à l'écart et reprendre sa respiration, mais après avoir fait disparaître deux autres monstres, elle parcourut du regard le reste de la place et le découragement lui pinça le cœur.
Il y en avait vraiment partout. Des Sans-cœur et des Sans-cœur naissaient du sol pour prendre la place de ceux qui mordaient la poussière, encore et encore. Bien vite, le petit carré d'espace qu'ils venaient de nettoyer était à nouveau envahi et elle se hâta de invoquer de nouveaux sorts d'une main lasse. Elle était presque à court de MP...
Levant les yeux vers les toits, Kairi laissa échapper un petit cri. Sur les tuiles d'ardoise, des monstres par dizaines attendaient de fondre vers eux, certains ne se privant pas pour lancer des boules de feu ou des éclairs sur les combattants en contrebas.
C'était un piège. Ils étaient tous tombés dans un piège.
La jeune fille recula sous le renfoncement d'une porte jusqu'à ce que son dos soit plaqué contre le bois et dissipa sa Keyblade. Mince. Elle n'était pas tout à fait à la hauteur pour une bataille de cette ampleur. Elle avait eu les yeux plus gros que le ventre. D'une main tremblante, elle réunit ses matérias et observa la scène.
Les autres, bien entendu, se débrouillaient bien mieux, malgré leur épuisement manifeste. Riku ne s'éloignait pas plus que de quelques mètres, anéantissant tous les monstres qui se présentaient dans les parages, lui jetant de petits coup d'œil alarmés. Et il y avait un jeune homme qu'elle ne reconnaissait pas, un jeune homme blond vêtu de noir brandissant une épée impressionnante qui devait peser aussi lourd que lui. Il se débrouillait... extraordinairement bien, et la jeune fille reprit courage.
Un, deux, trois... Trois Sans-cœur disparurent sous les éclairs qu'elle enchaîna, avant de continuer avec des boules de feu qui fusèrent vers des cibles un peu plus lointaines. Quand elle eut le champ libre, elle n'hésita pas à jeter un sort de soin sur Léon et Yuffie, qui la remercièrent d'un coup d'œil et d'un pouce levé.
Un Sans-cœur Soldat Volant apparut dans son champ de vision, s'étant manifestement laissé tomber d'un toit pour la surprendre, mais elle ne perdit pas contenance et l'abattit aussitôt d'un coup de Keyblade.
« Kairi, ça va ? demanda Riku d'une voix tendue.
-Ça va, souffla-t-elle. J'en ai plus de mon côté... T'as besoin d'un soin ?
-Non, je... »
Un long rire rauque les interrompit. Ils tournèrent la tête vers la source du bruit et Kairi se figea.
Deux silhouettes en manteau noir se tenaient sur un des toits leur faisant face, prudemment à l'écart des hordes de Sans-cœur Malgré la capuche plongeant leur visage dans l'obscurité, elle reconnut aussitôt Xaldin à sa carrure impressionnant. Quant au second... trop mince pour Luxord ou Saïx, pas assez élancé pour Axel... Demyx, peut-être ?
« J'arrive pas à y croire », lança Xaldin d'une voix forte. La jeune fille leva sa Keyblade sans le quitter des yeux, adoptant une posture défensive. « J'arrive pas à croire que ça ait marché si facilement ! Ah ! La victoire est pour moi, on dirait ! C'est moi qu'ai déniché la poupée ! »
Il fit un geste de la main et dans une multitude d'éclairs argentés, des Similis se matérialisèrent aux quatre coins de la place. Yuffie et Léon, qui achevaient la dernière vague de Sans-cœur, poussèrent un cri surpris chargé de désespoir dans le cas de la première.
« Et avec l'Imposteur, en plus, continua Xaldin, la jubilation perceptible dans sa voix. D'une pierre deux coups !
-Xaldin, qu'est-ce que vous faites ! trouva la force de s'écrier Kairi, plus par défiance que réelle conviction de l'utilité de la chose. Pourquoi vous attaquez la ville ? Ce sont les ordres de l'Organisation ?
-A ton avis, idiote ? dit Xaldin d'un ton plein de dédain.
-Le boss est furieux que tu nous aies trahis, tu sais, confia son compagnon d'un ton étrangement enthousiaste, et elle reconnut aussitôt Demyx. Xion, je croyais qu'on était amis ! Qu'est-ce que tu fais avec lui ? »
Kairi ne répondit pas immédiatement. Elle plissa des yeux et brandit sa Keyblade.
« Je ne rentrerai pas », déclara-t-elle, espérant ne pas condamner ses camarades par ces mots. Hors de question qu'ils perdent.
Xaldin éclata d'un nouveau rire jubilant.
« Ça c'est sûr ! Après tout... » Il fit un geste du doigt et les Similis fondirent sur eux sans crier gare. « … Tu ne partiras pas d'ici.
-Quoi... ? Ah ! » Kairi para le coup d'un Simili, mais un second la prit à revers et elle se tordit juste à temps pour lui échapper. Tombant sur le flanc, elle laissa échapper une grimace mais parvint à faucher les jambes du premier. Riku se chargea d'éliminer les deux monstres tandis qu'en arrière-fond, le combat reprenait, plus féroce que jamais.
Kairi leva les yeux vers les deux silhouettes masquées, loin, très loin sur les toits.
« Qu'est-ce que vous voulez dire ?! s'écria-t-elle, se sentant bizarrement presque vexée.
-Hé bien, euh, le prends pas mal, Xion, mais le boss est vraiment furieux, bafouilla Demyx d'un ton léger. Alors il nous a dit que puisque tu causais des ennuis, euh...
-Il a autorisé ton élimination, coupa Xaldin, croisant les bras et contemplant tranquillement la bataille en contrebas, bien en sécurité depuis son refuge.
-Voilà... » Demyx se gratta la nuque, l'air penaud, mais pas assez pour lui venir en aide. « .. Désolé, hein !
-Kairi ! »
La jeune fille s'arracha à ses pensées et saisit la main que Riku lui tendait.
« Écoute, Kairi, ça ne va pas être facile, murmura-t-il en se plaçant dos à elle, menaçant les Similis les plus proches et les défiant d'approcher. On va pas s'en sortir à moins de frapper ceux qui les contrôlent, tu comprends ? »
Elle hocha la tête, se concentrant. Leur vie en dépendait. Elle n'avait pas le droit à l'erreur.
« Oui.
-On va les distraire. Quand ils s'y attendront le moins, je les attaquerai. Tu connais ces deux-là ? Comment sont-ils ?
-Demyx... Celui derrière... je ne crois pas qu'il te cause trop de soucis, hasarda Kairi, mais en vérité, j'en sais trop rien. Il n'a jamais aimé se battre, j'ai pas vraiment pu voir ce dont il était capable. Mais l'autre, Xaldin... Ce ne sera pas du gâteau.
-Oui. Je pense que ce ne sera pas facile, en effet. Tu es prête ?
-Oui ! »
Et le combat reprit. Ses muscles la lançaient et un léger vertige menaçait de s'emparer d'elle alors qu'elle repoussait un énième Simili, la faisant paniquer brièvement. Contrairement aux Sans-cœur, ces monstres étaient aussi insaisissables que des spaghettis et bien plus fourbes. Ils se glissaient autour d'elle, dans son dos et entre ses pieds avec une fluidité effrayante, et elle devait souvent compter sur Riku pour la défendre. Mais elle était trop épuisée pour même le regretter.
Des exclamations l'arrachèrent à sa bulle guerrière. De l'autre côté de la place, Yuffie semblait avoir retrouvé le sourire en dépit des nombreuses éraflures ensanglantées sur ses bras et ses jambes.
« Enfin ! Tifa ! Aeris ! »
Kairi suivit son regard et sentit un regain d'espoir. Deux nouvelles alliées venaient de débouler d'une ruelle adjacente : Aeris qui brandissait son bâton avec une détermination féroce, et une fille qu'elle ne reconnaissait pas mais qui savait se servir de ses poings, mettant à terre un énorme Simili avec une adresse impressionnante dès son arrivée.
« C'est le moment ! » chuchota Riku dans son dos.
Elle se retourna avec un cri sur les lèvres, mais il n'était déjà plus là. Profitant que les deux hommes encapuchonnés étaient concentrés sur les deux nouvelles venues, il se précipita vers le mur le plus proche, sauta sur la terrasse du premier étage, puis sur un toit bas, le rebord d'une fenêtre et enfin se hissa sans effort sur le toit où se tenaient ses cibles. Kairi en demeura bouche bée ; comment il pouvait lui rester autant d'énergie après ces combats intenses, elle n'en avait aucune idée. Et il ne s'accorda pas le temps pour reprendre son souffle. A peine ses pieds touchèrent-ils le toit d'ardoise qu'il se rua sur les deux hommes. Ces derniers eurent à peine le temps de se retourner que, son épée brandie, Riku se jetait sur Xaldin.
« Kairi ! »
Kairi se retourna d'un bond. Une boule de feu s'écrasa sur le Simili à la vague apparence de dragon qui était sur le point de lui asséner un énorme et probablement fatal coup de lance. Elle s'écarta précipitamment, sentant la chaleur de l'impact chauffer ses joues, et se reprit. Elle ne pouvait se laisser aller à s'inquiéter pour Riku. Il savait ce qu'il faisait. Elle devait assumer la responsabilité de sa propre sécurité.
Sans Riku, elle craignit d'abord de se retrouver désavantagée, incapable d'assurer sa protection sur le long terme, mais les effets de ce regain d'alliés se firent vite ressentir, les Sans-cœur et Similis restants se divisant pour s'en prendre aux deux nouvelles cibles. Néanmoins, elle savait qu'elle ne tiendrait pas longtemps seule ; aussi se acheva-t-elle le Simili dont Aeris venait de la sauver et piqua un sprint vers les filles en évitant soigneusement de s'approcher des autres Similis.
Le combat ne dura pas très longtemps. En fait, il lui sembla passer comme un éclair. Elle était si occupée qu'elle ne put accorder que de rares coups d'œil vers le toit où le combat faisait rage dans un tourbillon d'éclairs. Là, un Sans-cœur devant elle. Un autre tentant de la prendre à revers. Un derrière elle... Non, la fille aux poings venait de l'en débarrasser. Mais deux nouveaux approchaient sur la droite, et un Simili serpentait entre leurs pieds pour les atteindre en premier, et deux Sans-cœur ailés surgissaient du ciel. Sa Keyblade volait d'un côté et de l'autre, parant des coups, en assénant d'autres. Sans ses alliées, elle savait qu'elle serait déjà à terre.
Et finalement, alors qu'elle se retournait vivement, après avoir fait disparaître un Simili, pour s'attaquer à son prochain adversaire, son arme et ses yeux ne rencontrèrent que le vide.
« Hein ? »
Elle regarda autour d'elle, perdue. Léon et Cloud achevaient un Rondouillard qui tentait de les assommer avec son ventre, et Aeris s'était lancée aux trousses d'un Opéra Jaune solitaire – qui tentait en vain de lui décocher un sort de foudre –, mais...
La place était vide. Et bizarrement silencieuse.
Le corps moulu de douleurs, elle se tourna lentement vers sa compagne aux longs cheveux noirs, n'osant baisser sa garde.
« Euh... C'est fini ?
-Apparemment ! » La jeune femme s'étira, l'air un peu déçue. « Nous sommes arrivées trop tard. J'aurais aimé... Non, c'est bien. Je suis soulagée.
-Oh, moi, j'aurais aimé botter les fesses de plus de Sans-cœur ! s'écria Aeris sans la retenue de la première, en les rejoignant, échevelée mais les yeux brillants. Ah... Tu vas bien, Kairi ? »
Kairi se reprit immédiatement. Elle venait de réaliser qu'elle chancelait.
« Oui... Oui ! Ah ! Mais Riku ! »
Elle fit volte-face et fut confrontée à une étrange vision.
« C'est Riku ? lança Aeris. Celui que tu cherchais ? Je savais que tu finirais par le trouver ! »
C'était bel et bien Riku. Il paraissait indemne... si on oubliait l'entaille que semblait porter son bras droit, quoique le tissu noir de son manteau et la distance ne lui permettaient pas d'en confirmer la gravité. Il se tenait droit, au sommet du toit, serrant son épée dans sa main... et Xaldin se trouvait affaissé quelques mètres devant lui, de toute évidence mal en point.
Aucune trace de Demyx.
Elle ne savait pas quoi dire.
Xaldin parlait, mais elle n'entendait pas ce qu'il disait. La fureur lui barrait le visage et des éclats noirs argentés s'échappaient de son corps, disparaissant dans les airs.
Et, juste comme ça, il disparut. Ce qui restait de son corps se dissolut en cette étrange poussière qui s'éteignit en tourbillonnant dans les airs. Riku demeura seul sur le toit.
Elle le contempla. Aucun son ne passa ses lèvres. Sa Keyblade disparut sans qu'elle s'en rende compte. Xaldin était leur ennemi, mais il n'était pas un Sans-cœur... Elle l'avait fréquenté, avait fréquenté chaque membre de l'Organisation (à l'exception, peut-être, de Xemnas et Saïx) et ne pouvait prétendre qu'ils n'étaient que de créatures sans âme et conscience. A ses yeux, ils étaient humains.
Mais elle comprenait que Riku ne devait pas avoir eu le choix.
Une main douce se posa sur son épaule.
« Viens, Kairi, dit posément Aeris. Il faut que tu reprennes des forces. Tu es un peu blessée... rien de grave, je vais te faire un soin.
-Oui, je... » Elle murmura. Elle voyait trouble. Ah, elle était tellement épuisée. « Riku aussi...
-Bien sûr. On va aller le chercher. » Elle se laissa guider jusqu'à une fontaine en pierre contre un mur. Une explosion en avait détruit la moitié, l'eau s'était répandue sur les pavés. Ses pieds y pataugèrent avec des ploc ploc quand elle alla s'asseoir sur un pan de bordure encore intact. Aeris sortit une matéria verte de sa poche.
« Au fait, je te présente Tifa, c'est une amie à nous ! »
Kairi hocha la tête et elles échangèrent un sourire.
« Je vais voir comment vont les autres ! annonça Tifa.
-Oui. Va voir Cloud. »
Une vague de soulagement chaleureux se répandit autour d'elle, comme une douche chaude mais sèche.
« Merci, Aeris, dit-elle avec une gratitude sincère, sentant quelques forces lui revenir alors que ses égratignures superficielles se refermaient.
-De rien ! C'était une rude bataille, n'est-ce pas ?
-C'est terminé, tu crois ?
-A voir avec Cid. Mais je pense qu'on les a bien eus », dit Aeris d'un ton malicieux.
Le silence retomba. Kairi porta son regard à l'autre bout de la place. Riku s'était laissé retomber à terre et parlait désormais à Léon et Yuffie, l'air grave. Cloud et Tifa, à l'écart, discutaient à mi-voix.
« Tu as trouvé ce que tu cherchais, alors ?
-Oui... J'ai trouvé. J'ai trouvé Sora ! »
Aeris écarquilla les yeux.
« J'en étais sûre ! Alors ? Comment va-t-il ? »
Kairi secoua la tête.
« Il est encore endormi... longue histoire. Mais plus pour longtemps, ajouta-t-elle, sentant sa détermination revenir. On va le sauver, mais on doit aussi empêcher l'Organisation de faire n'importe quoi pendant ce temps.
-Oh, je suis tellement contente pour toi ! Hé ! Léon ! Yuffie ! Kairi l'a trouvé ! Elle a trouvé... !
-Chut, pas si fort ! » s'affola Kairi. Elle pensa à Demyx. Était-il encore dans les parages ?
« Ah oui, pardon ! Je suppose qu'il vaudrait mieux que l'Organisation n'en sache rien.
-Tu as trouvé celui que tu cherchais ? » demanda Léon avec plus de subtilité, s'approchant d'elle. Yuffie et Riku lui emboîtaient le pas, ce dernier regardant le sol, nota-t-elle.
Kairi hocha la tête, souriant sincèrement.
« Oui. Je sais ce que nous devons faire. Mais c'est presque... On a presque réussi.
-Super ! Je suis heureuse pour toi ! s'écria Yuffie tandis que Léon se fendait d'un rare sourire.
-Qu'est-ce que vous allez faire, maintenant ? demanda ce dernier, son regard passant de l'un à l'autre. Je suppose que vous ne pouvez pas rester ? »
Kairi se releva, grimaçant quand ses muscles protestèrent.
« Je ne crois pas, dit-elle avec regret, mais elle l'avait promis à Riku. On a encore du pain sur la planche. Oh, mais... ça va aller, pour vous ? »
Léon leva un talkie-walkie.
« Je viens d'avoir Cid. Apparemment, la plupart des ennemis étaient concentrés ici. On s'en est occupé. Il n'y a plus d'hommes en manteau noir sur les lieux. Il reste des Sans-cœur dans les ruelles, mais en faible nombre. Ils ne feront pas long feu, vous n'avez pas à vous inquiéter pour ça.
-Très bien », répondit-elle machinalement, plus occupée par la scène qui se passait derrière l'épaule du jeune homme. Aeris avait fait relever la manche de Riku et, les sourcils froncés par la concentration, guérissait une longue estafilade sur son bras. Ce n'était pas beau à voir.
« Ouais, alors... Je suppose que je vous souhaite bonne chance, continua Léon en balançant son épée sur son épaule.
-Oui. Merci de votre aide, à tous.
-C'est plutôt à nous de vous remercier, pépia Yuffie. Vous êtes revenus exprès pour nous sauver ! Allez-y tranquilles ! On va tout faire pour protéger la ville, maintenant ! »
Ils échangèrent de longs au revoir, puis Yuffie et Léon durent repartir à l'assaut des derniers Sans-cœur Aeris les suivit, non sans avoir donné à Kairi de nouvelles potions et éthers, l'avoir serrée dans ses bras et lui avoir souhaité bonne chance.
Et ils se retrouvèrent seuls. Kairi agita une dernière fois la main dans la direction d'Aeris, puis se tourna vers Riku, qui évitait toujours son regard. Elle se doutait de ce qu'il pensait et soupira.
« Riku...
-On doit se rendre à l'Illusiocitadelle.
-Riku... Comment tu te sens ? »
Elle indiqua son bras enveloppé à présent de longs bandages. Il parut surpris et laissa retomber sa manche.
« C'est rien. C'est superficiel.
-Hmm. »
Il leva un bras, matérialisant un Couloir des Ténèbres.
« Alors allons-y, dit-il avec raideur.
-Riku ! » Elle le retint par une manche. « Ne... ne te sens pas coupable, d'accord ? Tu n'avais pas le choix. Tu le sais, n'est-ce pas ?
Il demeura longuement immobile, puis hocha la tête.
Le salon était désert. Apparemment, les autres n'étaient pas revenus. Roxas ne s'y attarda pas.
Alors qu'il parcourait de nouveau les longs couloirs déserts, il entendit des exclamations furieuses un peu plus loin. Passant la tête à l'angle d'un couloir adjacent, il en découvrit rapidement la source. Saïx, l'air plus enragé qu'il ne l'avait jamais vu, vociférait sur un Demyx ratatiné devant lui.
« … et tu t'es enfuis comme un lâche, j'ai bien compris !?
-Mais euh... je... tu voulais que je fasse quoi ?... t'as pas vu comme il est balèze ce type... !
-Tu fais partie de l'Organisation XIII, espèce d'idiot ! Tu n'es pas censé fuir devant l'ennemi ! Si j'apprends que Xaldin... ! »
Roxas estima plus sage de s'éloigner sur la pointe des pieds.
Au moins, Saïx était distrait et ne lui poserait pas de question gênante ni n'essayerait de l'arrêter. Et, en effet, il descendit jusqu'au hall d'entrée sans rencontrer le moindre obstacle.
Ce fut là que les choses menacèrent de se compliquer. A son approche, une demi-douzaine de Similis se matérialisèrent, leur visage sans œil tourné vers lui.
Il soupira.
« Laissez-moi passer. »
Les Similis ne l'entendirent pas de cette oreille. Saïx avait dû leur ordonner de l'intercepter s'ils le voyaient. Il les affronta sans sourciller et remporta aisément la victoire, mais il n'était pas dupe. Les autres seraient très rapidement avertis de sa fugue.
La nuit d'encre de l'Illusiopolis l'accueillit et il s'y fondit avec soulagement. Il ignorait jusqu'à quel point il marcherait avant d'ouvrir un Couloir des Ténèbres – plus il s'éloignerait de la Citadelle et plus difficile serait-il de le traquer, cela, il le savait. Des Sans-cœur l'attendaient à chaque angle de rue, ralentissant sa progression. Il n'avait que peu de temps à leur accorder.
Il leva les yeux vers le ciel. L'immense lune du Kingdom Hearts l'occupait, projetant une lumière fantomatique sur la cité qui ne suffisait pas à en chasser les ombres.
« Et maintenant ? murmura-t-il. C'est bien beau, mais où je vais ? »
Xion, où es-tu ?
Il tourna à l'angle d'une large avenue. Et ce fut à cet instant qu'il repéra les deux silhouettes à l'extrême opposé des deux larges voies désertes encore trempées par une averse récente.
Tout là-bas, à la lueur d'une enseigne... Il ne se trompait pas. Xion. Elle était revenue. Toute pensée quitta son esprit alors qu'il se précipitait vers eux.
