Chapitre 88

j'ai commencé un nouveau truc long. Cette fois, c'est QingMing qui prends très, très cher. Si vous avez des idées d'épreuves qu'il pourrait subir pour le faire souffrir, aussi bien physiquement que psychologiquement, n'hésitez pas ! C'est une UA serpent-free (plus ou moins) et sans Boya tel qu'il est dans le film. Donc les séparer n'est pas pertinent. Si vous avez des idées, n'hésitez pas ! Plus QingMing prendra cher, plus son évolution sera sympa.

Et sinon, après celui là, plus que deux chapitres et un épilogue et ce sera finit !

XXXXXXXXXXX

Le Domaine Intérieur se préparait silencieusement aux nouveaux changements qui n'allaient pas tarder à une fois de plus secouer le Domaine.

Le Seigneur Anbei n'avait plus mis le nez hors de sa tanière depuis des jours, suffisamment pour que l'inquiétude monte dans toute la ville.

Alors il avait bien fallut confirmer les rumeurs avant que la panique ne remplace les cancans.

Oui le Seigneur Anbei attendait ses premiers petits. Oui, il était en parfaite santé. Oui le Domaine était en parfaite sécurité.
Et oui, Anbei Furen casserait la gueule à quiconque aurait pu représenter un danger pour son époux, le Domaine ou la Capitale.

La populace rassurée de se savoir encore protégée avait commencé à briquer la ville et la tendre de décorations pour accueillir leurs petits princes ou princesses qui n'allaient pas tarder à montrer le bout de leurs queues.

Bien loin de cette ferveur populaire, QingMing dormait de plus en plus. Si les premières semaines avaient été compliquées, les dernières n'étaient pas mieux.

Les renardeaux étaient incapables de se tenir tranquille au point que MiChong et la vieille renarde guérisseuse s'étaient mises d'accord pour déclencher le travail d'ici une semaine si les petits n'étaient pas nés d'eux même. A force de s'agiter, ils avaient déjà probablement fait la moitié du trajet Yin Yang / Tiandu sur la vessie de leur mère qui n'en pouvait plus de leur énergie infinie.

QingMing avait utilisé ses dernières forces pour changer de forme. Il serait toujours plus simple de mettre bas sous sa forme de renard femelle que de mâle humain.
Depuis, il dormait presque vingt heures par jour, les queues sur le nez.

Le peu de temps qu'il passait éveillé, c'était pour se faire nourrir, toiletter et cajoler par son chasseur.

La dévotion de l'aveugle pour son renard avait déjà fait le tour de tout le Domaine, assez pour que des apprentis plumitifs et autres gratteurs de cordes s'estiment affectés d'une mission : faire connaitre au monde l'Amour et la Dévotion du chasseur de démons aveugle pour son renard d'époux.

Ca faisait soupirer très fort Boya mais qu'y pouvait-il ?

Il profitait aussi de cette retraite forcée pour s'habituer à ce qu'il était en train de devenir. La sensation qui lui étouffait les sens se retirait lentement à mesure qu'il parvenait à les contrôler à nouveau. Il avait compris qu'il s'agissait de Zhuque qui le protégeait de lui-même jusqu'à ce qu'il soit capable de fermer ses nouvelles perceptions. Lorsque son odorat lui avait été totalement rendu, Boya avait longuement vomi de sa propre odeur le temps que la surcharge sensorielle se calme.

Le reste avait été à l'avenant. Maintenant, heureusement, il pouvait se débrouiller quasiment tout seul.

Boya reposa son dizi sur ses genoux. Il venait de passer plusieurs heures à jouer pour son renard et leurs petits. Leur sommeil à tous les trois était de plus en plus haché à mesure que la délivrance approchait. Kuang HuaShi avait appris au jeune chasseur quelques berceuses qu'il pouvait Harmoniser sans risque pour les détendre tous.

Ses doigts se perdirent dans l'épaisse fourrure de la tête de QingMing. Celle du ventre du renard avait commencé à tomber depuis une petite semaine environ pour le laisser pelé comme un vieux rat.

Les mamelles de la renarde étaient douloureusement engorgées au point que le Seigneur Démon pleurnichait pas mal lorsqu'il devait bouger. Les petits allaient naitre très vite maintenant, ils le savaient tous.

La main de Boya glissa sur les flancs tendus agités par la respiration un peu trop rapide de son mari.

Il sentait les petits s'agiter sous ses doigts ainsi que les muscles de son renard se contracter comme des crampes. Ce n'étaient pas les premières. La sage-femme disait que c'était de l'entrainement.

Les doigts du chasseur descendirent encore pour s'arrêter sur les mamelles de QingMing. Il y avait comme un film cireux dessus. C'était quelque chose de nouveau. Assez pour qu'il appelle MiChong.

La petite démone eut un petit cri de satisfaction.

"- Les petits devraient naitre dans moins de douze heures !"

Ca laissait le temps de tout préparer.

La vieille renarde le jeta dehors d'autorité pour s'assurer que la naissance approchait bel et bien.

On lui permis de revenir au bout d'une heure. La vieille renarde avait très vite été saoulée par les protestations du Seigneur Anbei qui refusait de mettre bas sans avoir son mari près de lui.

"- Et ne soyez pas dans nos pattes, d'accord ? Si vous tournez de l'œil, faite le dans un coin qui n'est pas gênant, personne n'aura le temps de s'occuper de vous."

Boya hocha silencieusement la tête. Il s'assit près de celle de QingMing pour qu'il la pose sur ses genoux et resta aussi immobile que possible, juste occupé à encourager et calmer son renard.

Les premières vraies contractions commencèrent vers le milieu de la nuit.

Le Domaine Intérieur entier retenait son souffle.

La Capitale aussi.

Le changement de forme imposé à QingMing avait été une bonne idée.

Le premier renardeau roula dans les mains de MiChong au bout d'une petite heure. Le second à peine quelques minutes après.

"- Un mâle et une femelle !"

Deux petits.

Peu pour une portée de renard, exceptionnel pour un demi-sang aussi vieux que QingMing. S'il n'en avait plus jamais, tant pis. Il aurait eu ce dont il rêvait depuis son adolescence.

La fatigue de QingMing finit par lui faire fermer les yeux.

Il s'enfonça dans l'inconscience sans même avoir pu voir ses petits.

"- MiChong ? Qu'est ce qui se passe ?"

Les renardeaux dans ses bras s'agitaient en miaulant, QingMing ne répondait pas alors que les deux démones s'agitaient avec angoisse.

"- Les contractions se sont arrêtées trop vite, Boya Daren. QingMing n'arrête pas de saigner."

Un poing de glace s'était refermé sur l'estomac de Boya.

"- Qu'est-ce que ça veut dire ?"

"- Que si on arrive pas à les relancer, il va mourir."

L'agitation croissante finit par vaincre les réticences de Kuang HuaShi et Xue TianGou lorsqu'ils virent Sha ShengShi soudain fondre en larmes tout en répétant que son maitre était en train de mourir.

"- Qu'est ce qui se passe ?"

Les deux esprits se figèrent. Les deux sages femmes étaient couvertes de sang.

"- On arrive pas à enrayer l'hémorragie !"

Le vieille renarde prenait son élan du bout de la pièce pour courir et sauter à pattes jointes sur le ventre du Seigneur Anbei dans l'espoir de forcer les muscles de son utérus à se contracter pour calmer l'hémorragie.

Empêtré avec ses deux petits, incapable de savoir quoi faire, Boya ne pouvait qu'attendre en suppliant qui voulait bien l'entendre de sauver son renard.

Kuang HuaShi vint lui arracher les renardeaux des bras qu'il passa à Xue TianGou.

Le Tengu les prit sans protester même s'il étaient encore humides de fluides et de sang.

"- Boya, prends ton dizi et Harmonise son Nom !"

"- Je ne le connais pas !"

"- ALORS VA LE CHERCHER !" Hurla l'esprit en le poussant auprès du renard qui agonisait lentement.

La panique de Boya recula un peu. Il avait quelque chose à faire.

Ses cours avec le vieil esprit n'avaient pas été aussi poussés qu'ils auraient pu l'être, qu'ils auraient dû l'être. Il n'avait pas eu le temps. mais il comprenait vaguement ce qu'il avait à faire.

S'il ne connaissait pas le vrai Nom de QingMing, il pouvait tenter de l'obtenir.

Il remonta le lien entre son mari et lui. Il était heureusement plus actif que le renard lui-même.

Boya poussa dedans autant de qi qu'il pouvait. Un autre se mêla au sien.

Zhuque.

La brusque énergie fut suffisante pour secouer un peu QingMing, assez pour qu'il reprenne un instant conscience.

Le Nom du renard se déversa dans son mari comme celui de Boya se déversa dans le renard.

Un Nom ne pouvait rester suspendu entre un couple comme le leur. Ce que l'un donnait, l'autre devait le donner aussi.

Boya revint à la conscience comme si on venait de lui électriser les orteils.

Sa flûte monta à ses lèvres sans qu'il eut conscience de la prendre.

Kuang HuaShi mis tout le monde dehors.

Les deux sage-femmes protestèrent même si elles savaient que quoi que Boya ferait, ce serait un dernier recours. Elles y avaient épuisé leur science mais QingMing saignait toujours.

Les premières notes du Nom de QingMing jaillirent de la flûte de Boya avec la brutalité d'une avalanche. Elles se superposèrent à l'agonie du renard pour forcer leur chemin en lui.

Kuang HuaShi n'avait jamais réellement expliqué ce que l'Harmonie d'un Nom pouvait faire. Boya en avait une vague idée, mais ça restait théorique.

Dans la pratique, il n'avait aucune idée de ce qui allait physiquement se passer.

Dans la pratique, il était heureux de ne rien voir. Il y avait quelque chose de profondément perturbant à voir du sang se figer puis docilement faire demi-tour vers là où il aurait dû être. Il était dérangeant qu'une musique portée par un qi autoritaire force des chairs à reprendre leur forme originale jusqu'à ce que l'Harmonie du Nom retrouve son intégrité.
A chaque Note différente de ce qu'elle aurait dû être, Boya devait pousser son qi dans la note elle-même. Il devait lutter pour la réaccorder comme il l'aurait fait d'un instrument abimé. Il n'y avait aucune douceur dans son jeu, aucun pardon.

C'était l'autorité suprême qu'il imposait à un corps abimé.

Il n'y avait même pas de négociation possible. Peu importait la douleur, les plaies et les fractures. L'Harmonie exigeait un retour à un état parfait qu'aucun corps ne pouvait retrouver après les souffrances d'une vie déjà vécue.

Boya mis quelques minutes à comprendre où il devait forcer l'Harmonie et où il devait accepter les fausses notes. Chaque fausse note était le témoin d'une vie vécue. Chaque accord bancal était une cicatrice. Chaque note supplémentaire était la guérison d'une blessure ancienne.

Boya aurait pu forcer. Il en avait la force. Mais aller jusqu'au bout aurait été détruire QingMing tel qu'il l'aimait.

A mesure qu'il jouait, Boya réalisait la véritable force d'une Harmonie et d'un Nom. Il comprenait enfin les avertissements de Kuang HuaShi. Ca allait bien au-delà de la perte de son nom quand le chef de JingYun le lui avait arraché. Ca n'avait été qu'une surface fine et sans texture. Là… Il pouvait tuer QingMing alors même qu'il le forçait à guérir et retrouver la Perfection de sa naissance.

Il pouvait aussi se tuer à force de donner son qi à son renard pour Harmoniser sa vie.

La musique diminua lentement. L'Harmonie de Boya s'était concentrée sur les déchirures de la musique les plus graves, celles qui étaient les blessures les plus dangereuses. A mesure que les accords retrouvaient leur unité, l'Harmonie s'allégea, l'autorité que Boya imposait à la musique également. Bientôt, il ne chercha plus à la forcer dans son état d'origine. Il se contenta de jouer le Nom de QingMing tel qu'il était et non tel qu'il aurait dû être. Le chasseur tissait encore dedans son propre qi et celui de Zhuque pour soutenir les forces déclinantes de QingMing mais le sang perdu était retourné d'où il venait, les muscles déchirés était refermés, l'utérus abimé avait retrouvé son intégrité.

Sur les conseils de Zhuque, Boya força encore l'Harmonie du renard pour réparer ce qui n'allait pas là-dedans. Ni le phénix ni son poussin ne voulaient revivre cette terrible angoisse et cette affreuse agonie. Boya modifia quelques accords, poussa quelques notes pour supprimer l'anévrisme qui avait éclaté dans le ventre du renard, élimina les adhérences qui rendaient toute grossesse compliquée et réveilla l'ovaire/testicule endormis qui ne s'était jamais activé à l'adolescence. Boya poussa encore un peu son Harmonie pour simplement purger toute trace d'humanité du ventre de QingMing et le libérer du poison qui le rongeait lentement.

Lorsque sa flute lui tomba enfin des mains, QingMing dormait sur ses genoux.

Boya sourit d'épuisement malgré le sang qui coulait de ses lèvres et les brulures de ses doigts gourds.

Quelqu'un nettoya son visage puis banda ses mains. On le força à boire du thé tiède, amer et très sucré qu'il détesta mais qui lui fit du bien.

"- Boya ?"

"- QingMing. Comment…"

"- Il est sauvé. Il va parfaitement bien." Rassura Kuang HuaShi

"- Plus jamais je ne veux Harmoniser comme ça." Souffla le chasseur.

Il sentit Kuang HuaShi hocher la tête alors qu'il appuyait sa tête contre le torse du vieil esprit.

"- Alors on peut dire que tu es un véritable Harmoniste maintenant."

La prise de conscience, l'examen final de la dangerosité de ce qu'ils pouvaient faire avait été douloureux mais indispensable.
Boya renifla doucement.

"- Mes petits…"

On lui colla deux boules de poils dans les mains.

"- Ils viennent de téter."

Boya n'avait pas la force d'ouvrir son troisième œil aussi se contenta-t-il de caresser les deux petits renards qui s'endormirent presque aussitôt dans ses bras. Ils avaient le ventre distendu de lait, ils sentaient bon le bébé, leur fourrure avait été nettoyée et séchée et ils étaient ses bébés. Leurs bébés.

Boya se mit à pleurer silencieusement. Ce n'était pas ses premiers rejetons, mais les premiers qu'il pouvait reconnaitre. Il enfoui son nez dans leur fourrure pour apprendre leur odeur autant que les marquer de la sienne.

"- Ils vont bien ?"

"- Ils sont parfait." Assura la vieille renarde en souriant après avoir vérifié l'état de santé de QingMing.

Elle ne savait pas ce qu'avait fait le jeune esprit mais le Seigneur Démon avait le corps de relevailles déjà bien dépassées. Comme s'il avait mis bas depuis plusieurs semaines. Peut-être même plusieurs mois. Le rythme cardiaque de QingMing était encore un peu élevé mais rien de dangereux. Sa peau était souple et bien rose sur les gencives, la perte de sang était minime alors que la tache sur le bois sombre du parquet était assez large pour trois ou quatre litres. Qu'est ce qui s'était passé ? Le Seigneur Démon devrait être mort ou mourant après une pareille hémorragie.

Quelqu'un se pelotonna contre la hanche de Boya. L'odeur de pierre chaude l'informa de l'identité du démon contre lui.

Zhuque avait fait son nid sur l'un des coussins pendant que MiChong, enfin rassurée sur l'état de son maitre, s'était assise elle aussi sur le bord du lit avec du thé. Tous les shishen avaient besoin d'être aussi prêt de possible de leur maitre dans cette épreuve.

"- La nouvelle a été annoncée ?"

"- Pas encore. Au lever du soleil au plus tôt." On était toujours que le milieu de la nuit.

Ce qui avait paru durer des jours à Boya n'avait pas duré deux heures.

"- Les Shi ?"

"- En train de se battre pour décider qui seront les protecteurs des bébés."

Boya hocha la tête. Les deux couples d'apprentis assassin devaient bien se départager. Les perdants redoubleraient d'énergie pour être assez fort pour la prochaine portée.

"- Boya ?" La voix de Sha ShengShi était un peu hésitante. "Ca ne te dérange pas que tes petits soient des renards ?"

Le chasseur haussa les épaules.

"- Ce sont mes petits et ils sont parfaits comme ça."

Zhuque se mis sur ses pattes pour venir les voir de plus prêt.

"- Veux-tu les voir, mon poussin ?"

Comment Boya aurait-il pu refuser, ne serait-ce qu'une seconde ?

"- Ils sont si petits !" Et si beaux !

Ils étaient aussi blanc que leur mère mais avec le bout des oreilles, de la queue et des pattes noires. Roulés en boule comme ils l'étaient, ils tenaient tous les deux sur les genoux de leur père. Comment d'aussi petites créatures avaient-elles pu manquer de tuer l'énorme renard démon qui dormait sur le lit ? C'était incompréhensible.

Boya quitta le bord du lit pour se glisser tout contre son mari. Les shishen se débrouillèrent avec la place restante.

Xue TianGou et Kuang HuaShi refermèrent la porte de la chambre pour laisser la petite famille en paix. Au lever du soleil, ils annonceraient la bonne nouvelle

He Shouyue tendit le bras vers son shishen pour le récupérer plus facilement. Le serpent aux yeux jaunes/rouge fendu s'enroula autour de ses doigts puis de son poignet pour descendre le long de son bras jusqu'à pouvoir s'installer confortablement sur les épaules de son maitre.
l'autre moitié de lui-même vérifia que le serpent n'était pas blessé. Rassuré, il lui caressa doucement la tête. Le museau émoussé du serpent aurait-il pu se plisser pour sourire de plaisir qu'il l'aurait fait.

"- J'ai quelque chose pour toi."

Le shishen reptilien englouti avec plaisir le gros rat fraichement tué. Son maitre était bien plus attentif à ses besoins qu'avant. Être ainsi cajolé avait quelque chose d'assez addictif, même pour le Premier Démon. Surtout pour le Premier Démon ? Même si c'était l'autre moitié de lui-même qui prenait soin de lui, c'était… agréable de ne pas être chassé, repoussé, détruit, blessé, juste parce qu'il existait.

"- Alors ?"

"- Alors ils sont morts."

Cette fois, ce furent des petits bouts de foie de volaille marinés dans le vin de prune qui furent offert au serpent. Une friandise évidente pour lui qu'il prit morceau par morceau des mains de son maitre avec la plus grande délicatesse.

Le Serpent avait tué les deux assassins qui restaient sur leur liste. Ils ne restaient plus qu'eux parmi tous ceux qui avaient été engagés par JingYun. Enfin, à leur connaissance. Bien sûr.

Comme décidé avec le nouveau maitre de JingYun, He Shouyue avait quitté le temple pour finir le ménage en échange de sa totale liberté.

C'étaient les deux derniers.

Deux humains qui avaient cru que se cacher dans le monde des démons leur sauverait la vie.

He Shouyue entra dans une auberge tenue par un démon-rhinocéros. La créature était impressionnante avec sa grande corne sur le nez mais totalement inoffensive. Tant qu'on ne venait pas lui marcher sur les ripatons.

He Shouyue voulait juste une tasse de thé, passer un peu de temps au chaud, manger et dormir. Rien pour énerver le propriétaire des lieux donc.

On l'installa dans un coin avec sa commande qu'il partagea avec son shishen. Le serpent présentait son ventre de son mieux à la chaleur de la cheminée pour se réchauffer quelque peu. Il s'était bien refroidit avec sa petite balade.

Des cris éclatèrent soudain à l'étage. On venait de trouver les corps des deux humains. Leur évacuation allait prendre peu de temps. Personne ne s'occuperait de deux humains inconnus mort dans une auberge du monde des démons sans la moindre trace sur eux.

He Shouyue finissait sa tasse de thé tout en caressant les écailles de la tête de son shishen lorsque les premiers murmures lui parvinrent.

"- Le Seigneur Anbei a donné naissance ! Ca y est ! Un petit prince et une petite princesse !"

Le marchand qui venait de s'asseoir près de ses collègues vibrait d'excitation.

"- Vous êtes sur ?"

"- je viens d'en avoir la confirmation de la Capitale." Sans doute grâce à un talisman de communication. Ils étaient plus fréquent ici que dans le monde des humains. Rien que pour ça, He Shouyue se trouvait bien plus chez lui ici que chez les humains.

"- Vraiment ?"

"- Ca a été annoncé officiellement il y a trois semaines. Les hérauts ont été envoyés sur les routes dans la foulée."

Dans le coin perdu où ils étaient il faudrait des mois avant que des cavaliers puissent rependre la nouvelle.

"- Comment va le Seigneur Anbei ?"

"- Il va bien parait-il."

"- Et Anbei Furen ?"

"- Il règne à la place du Seigneur Anbei en attendant les relevailles."

Trois mois de tranquillité pour la mère et les enfants. Les riches avaient de la chance d'avoir ce temps.

He Shouyue cacha son petit sourire dans sa tasse de thé.

Ainsi, Boya avait rempli son rôle et les renardeaux étaient nés.

Après les évènements du palais, Boya et lui n'avaient pas eu le temps de discuter davantage. Leur séparation laissait un gout d'inachevé dans sa bouche.

"- Nous sommes déjà dans le bon Domaine, qu'est ce qui nous empêche d'aller à la Capitale ?" Proposa son shishen qui avait fermé les yeux. Il somnolait, au chaud dans son giron. Il avait tellement mangé qu'on pouvait compter les morceaux de viande qui distendaient la peau de son ventre.

"- Ce n'est pas une mauvaise idée."

Il écrirait une lettre de plus à ses parents pour les prévenir de sa balade. Il devrait aller le voir aussi. C'était plus dur que d'aller voir Anbei Furen, sans étonnement aucun.

He Shouyue quitta sa petite table dans un coin pour la petite chambre qu'il avait réservé pour la nuit. Avant de se coucher, il prépara trois lettres. Une pour Boya, une pour ses parents, et enfin une dernière qu'il ajouta à un petit paquet pour Tànli. Il lui rendait enfin la dague qu'il lui avait donné lorsqu'il lui avait offert de rejoindre les rangs de JingYun.

Les juniors aussi bien que les séniors regardaient leurs assiettes avec angoisse. Du riz ? De la VIANDE ? des LEGUMES ? et la même chose pour tout le monde ? La même chose dans les bols des maitres et des anciens ?

Il n'y avait bien que les shidi les plus jeunes qui ne comprenaient pas le problème et dévoraient ce qu'on leur avait donné.

Un des plus vieux séniors finit par se lever. Derrière lui, il sentait le soutient de tous ses frères qui avaient la même question au bout des lèvres.

"- Oui, Jian Mimi ?"

"- Zongzhu… Combien ce repas va-t-il nous couter ?"

"- Rien."

"- …. Rien ?"

Les murmures se firent de plus en plus bruyant au point que Tànli soupira non d'irritation mais de tristesse. A chaque nouveauté, il était obligé de se répéter, encore et encore. Les juniors arriveraient sans doute à ne plus se braquer. Les autres ?

Une partie non négligeable des maitres, ce qui avaient jusque là les dettes les plus lourdes hésitaient à manger.

Le nouveau chef de secte se leva. Il allait finir par faire noter au mur tout ce qui était à présent gratuit et ce qui était payant. Oui, il allait faire ça.

"- Pour la énième fois, je vous le répète. Le fonctionnement de JingYun a changé. L'Empereur lui-même à exigé ce changement." Plus ou moins, mais appuyer l'évolution par le poids de Sa Majesté était plus simple que se justifier encore et encore. Les quelques anciens encore en vie étaient toujours aussi remontés pour la plus part par pure jalousie pour envers des jeunes qui ne souffriraient pas comme eux avaient souffert pour s'en sortir. Une bonne partie de ce qu'était devenu JingYun venait de cette jalousie mesquine et cruelle. A chaque génération, elle était plus violente et plus cruelle envers les plus jeunes. "Plus personne n'a de dettes. Elles ont toutes été supprimées. Tout ce qui vous est fournis est gratuit. L'infirmerie est gratuite. La nourriture, vos uniformes, vos armes, l'enseignement, le logement… tout est gratuit. Vous recevrez tous votre salaire, non plus en tant que déduction de votre dette puisqu'elle n'existe plus, mais comme un pécule qui vous sera remis le premier jour de chaque mois pour le mois écoulé. Est-ce clair ?"

Ce n'était que la soixante-septième fois qu'il répétait la même chose en trois semaines.

"- Zongzhu… Maitre Jin Hue fait payer l'encre pour la classe de calligraphie.

"- JIN HUE !" Ce ne serait pas non plus le premier maitre à se prendre quelques coups de fouets pour tenter d'arnaquer les plus jeunes.

Tànli soupira avec épuisement. Il était totalement pour ce changement même si, comme les anciens, il lui faisait mal au bide par réaction humaine mesquine. Seulement, contrairement à quelques autres, il acceptait ses travers mesquins pour ce qu'ils étaient et puis… il espérait revoir Boya. Pour ca, il devait impérativement faire de JingYun quelque chose de respectable et non plus le mouroir que le temple était devenu avec le temps.

"- Ce qui est gratuit sera noté au mur." Soupira Tànli. "Ce qui est payant aussi. Ce qui est payant est tout ce qui est considéré comme du luxe : les bonbons, les chaussettes en soie, les baguettes en nacre ou ce genre de chose. Tout ce qui est de première nécessité est à la charge du temple et du temple seulement."

Il avait fallut que Tànli accepte d'ouvrir les comptes de JingYun aux fonctionnaires impériaux. Lui ne savait pas du tout comment gérer les finances. Etrangement, entre les payements pour les chasses et les crédits annuels impériaux et contrairement à ce que tout le monde pensait, le temple n'était absolument pas en déficit ! Il était même un peu bénéficiaire. Assez pour lancer quelques travaux de réparation et de modernisation. Pas grand-chose, mais assez pour économiser sur le bois de chauffage ce qui dégagerait assez de liquidité pour… l'âme de Tànli l'avait quitté à ce moment là de l'exposé des fonctionnaires. Ils savaient ce qu'ils faisaient, qu'ils gèrent donc ca ! Un des maitres du clan Wei avait proposé de s'occuper des finances avec les fonctionnaire. Tànli l'avait remercié et l'avait laissé faire. Le clan Wei était toujours resté neutre de mémoire de vivant aussi le nouveau chef de secte voulait bien lui laisser le bénéfice du doute.

S'il avait sut que le jeune homme était un bâtard de l'empereur, il aurait peut-être été moins empressé de lui laisser les clés mais… Bah, Tànli était dépassé et le savait. Il prenait toutes les bonnes volontés parce que c'était tout ce qui lui restait.

"- Alors on peut manger ?"

"- Autant que vous voulez."

Le bruit de dizaines de mâchoires qui se jetaient sur la nourriture pour manger jusqu'à satiété avait quelque chose de plaisant, il fallait le reconnaitre. Comme les autres, Tànli avait souvent connu la faim avant d'être un ancien.

Un disciple de garde lui apporta une lettre.

"- Elle vient d'arriver par portail."

Zhong Xing ? He Shouyue ?... Boya ?

Le chef de secte prit le rouleau pour le lire immédiatement. Une évidente excitation lui colora les joues de rose.

"- Zongzhu ?" le reste de son clan était curieux

"- Boya va venir nous inviter chez lui pour nous présenter ses enfants d'ici quelques semaines."

C'était à la fois un grand risque et un point final.

Tànli avait hâte autant qu'il était anxieux.