Hello,

Voici enfin un nouveau chapitre, après tant d'années! Ok, de mois. Mais ça fait longtemps, je sais. Encore un chapitre qui a beaucoup duré à écrire. En même temps c'est pas ma faute si ma vie est en bordel.
Conseil d'ami.e: méfiez vous des formations pole emploi, celle où je suis tombé.e est clairement une arnaque.

Enfin bref, pensez à laisser des reviews, toussa toussa, ça motive.

On approche de la fin, mine de rien.

Bonne lecture!


Le bras d'Ewald me permet de rester stable à la sortie de la cheminée. Est-ce que ça fait partie de la formation d'un enfant sang pur, de sortir avec distinction d'un voyage en Cheminette ? Nous arrivons dans un salon différent de celui où j'ai été accueillie lors de ma première et seule visite. Celui-ci est assez petit (pour un salon de manoir, s'entend), décoré dans des tons de vert plus doux que ceux du manoir Carter, et semble destiné exclusivement à l'accueil des voyageurs en cheminette. Il n'y a qu'un seul fauteuil, dans un angle de la pièce, qui a l'air assez confortable. Une porte entrouverte est située en face de la cheminée d'où nous venons de sortir.

La grand-mère d'Ewald est en train de donner son manteau à un homme assez jeune que je n'ai jamais vu. Il doit avoir une trentaine d'années, et ses cheveux sont châtain comme ceux d'Arthur, quoi que plus disciplinés. Il porte une belle robe sorcière assez sobre avec des liserés dorés. Ça doit être le grand-frère d'Arthur.

« Un elfe de maison rangera votre manteau, Lady Easton. J'ai cru comprendre que vous n'aviez pas encore eu l'occasion de visiter le manoir ?

-Ne te fatigue pas avec ces mondanités, jeune homme. Je suis certaine que cette chère

Anna-Linde se sera déjà ouverte sur les raisons pour lesquelles nous évitons de nous fréquenter.

-Très bien. Je vais vous guider jusqu'au salon dès que j'aurai pu débarrasser le reste de votre famille de leur manteaux. » répond ledit jeune homme, ignorant diplomatiquement les insinuations de la vieille femme.

Il accueille la mère d'Ewald avec un sourire avenant et un baisemain qu'elle accepte gracieusement, semblant trouver ce genre de choses parfaitement normales. Si il essaye de faire la même chose avec moi, on va avoir un problème…

« Bonsoir, milady, je suis Elwin Clifford, le frère aîné d'Arthur. Je suis heureux de vous rencontrer.

-Le plaisir est partagé. » sourit la mère d'Ewald, le laissant récupérer sa cape. Sa voix est assurée, quoi qu'elle ne porte pas beaucoup.

Elwin se tourne ensuite vers nous, saluant Ewald avec une raideur amicale (va savoir comment il fait ça). J'ai l'impression qu'il se sont déjà rencontrés, probablement à des trucs de sang purs.

« Lord Slide, c'est un plaisir de vous rencontrer dans un contexte moins officiel que d'habitude. » Ewald grimace à l'écoute de son titre, et échange une franche poignée de main avec son interlocuteur.

« Lord Clifford, ce plaisir serait partagé si vous évitiez de vous moquer de moi. »

Le brun a un sourire qui vaut pour un rire, et répond :

« Bienvenue, Ewald. »

Il se tourne vers moi, toujours en souriant, et me salue sans tenter de baisemain, à mon grand soulagement.

« Et tu dois être Vivian ? J'ai beaucoup entendu parler de toi.

-Enchantée. » je réponds, en me demandant si il a entendu parler de moi par Arthur, ou par sa mère après que j'aie tué un pédophile. Je ne pose bien sûr pas la question, preuve de mon immense talent pour la diplomatie, et je suis le groupe qu'Elwin guide à travers les couloirs jusqu'au salon où j'avais été accueillie il y a quelques années.

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Les occupants de la pièce se lèvent à notre arrivée. Je reconnais la mère d'Arthur, qui porte une robe sorcière bleue nuit où des motifs abstraits virevoltent. Derrière elle se tiennent Arthur et un homme que je ne connais pas. Probablement le père d'Arthur. Enfin, la grand-mère d'Arthur est aussi présente et me sourit légèrement lorsque je croise son regard.

Les salutations se font de façon assez informelle, en dehors des grand-mères qui se parlent froidement avant de s'engager dans un duel de regards dont l'issue est perturbée par l'invitation du père d'Arthur à s'installer sur les grands canapés de la pièce. Je me retrouve assise à côté d'Arthur, dans un canapé qui fait face à celui où Ewald et Elwin ont pris place. Les adultes se sont répartis par tranche d'âge, et j'ai l'impression que tout le monde est content de laisser les doyennes se disputer dans leur coin sans interférer.

La discussion dure une bonne demi-heure pendant laquelle je ne participe pas trop, même si je fais bonne figure. Nous commençons par les politesses d'usage, sur comment vont les uns et les autres, et nos résultats à Poudlard (les miens semblent, pour une raison inconnue, satisfaire la grand-mère d'Arthur et alimenter la discussion passive-agressive des aïeules). Ensuite, les « adultes » discutent entre eux tandis que nous échangeons des nouvelles et anecdotes entre nous (enfin, les autres surtout). Conformément à mon impression, Ewald et Elwin semblent vraiment bien se connaître. Étonnamment, je ressens une pointe d'agacement de constater qu'Ewald ne se donne pas la peine de m'expliquer la relation qu'ils entretiennent. Il ne me doit rien, mais je ne peux pas m'en empêcher. Un mal de ventre commence à poindre, mais je fais comme si de rien n'était.

En parlant d'Ewald, il lance un ou deux coup d'œils discrets en direction de sa mère, sans doute parce qu'il est inquiet, mais bien vite il semble rasséréné. Elle discute avec les parents d'Arthur avec entrain, même si elle ne parle pas aussi fort qu'eux, elle semble assez détendue. À la voir ainsi, on ne dirait pas qu'elle vit en recluse depuis plus d'une dizaine d'années. Mieux que ça, on dirait que ça lui fait du bien. Lorsqu'il constate que j'ai remarqué son manège, Ewald m'adresse un hochement de tête discret tout en poursuivant sa discussion. Ce signe de connivence soulage un peu de l'impression de solitude que je n'avais pas osé nommer, née de la relation entre Elwin et Ewald. Mon mal de ventre va et vient, et la douleur m'évoque un déchirement dans le ventre. Elle me rappelle quelque chose, mais je ne sais pas quoi.

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Lorsque nous passons enfin à table, la disposition est similaire à celle de l'apéritif. Les deux doyennes occupent une extrémité de la table et la génération des parents préside à l'autre extrémité, ce qui laisse ma génération coincée entre les deux. J'hérite d'une place entre Arthur (à ma droite) et sa grand-mère. Ewald est assis face à moi, côtoyant Elwin et sa propre grand-mère. De fait, ma place est parfaite pour profiter des échanges acerbes entre les doyennes. Je dois avouer que je laisse un peu traîner mes oreilles, c'est distrayant. Personne ne m'adresse trop la parole de toute façon. Arthur et Ewald sont occupés à discuter de leurs projets d'avenir avec Elwin qui évoque pour eux ses souvenirs de fac.

Les parents d'Arthur interviennent de temps en temps pour poser des questions à mes amis sur leurs notes, sur Poudlard et sur des familles qu'ils ont connues. La mère d'Ewald demande même timidement à Arthur ce que sa petite amie compte faire après Poudlard après que le Poufsouffle aie expliqué en long, en large et en travers à quel point il la trouvait adorable. La

grand-mère d'Arthur dit fièrement que ce serait un plaisir de voir Cian Rosewater rejoindre leur famille. Il semblerait qu'elle soit de sang-pur, elle aussi. La grand-mère d'Ewald a un air vaguement pincé, mais je ne sais pas vraiment à quoi c'est dû.

Le repas se poursuit comme ça, et je me fais discrète. Mon ventre continue de me tirailler. J'échange quelques mots avec la grand-mère d'Arthur qui me tutoie et me demande si j'apprécie Poudlard, quelle est ma matière préférée et si je suis bien les cours. La grand-mère d'Ewald approuve lorsque je parle des Sortilèges, en disant que de ce qu'elle a pu observer, je suis plutôt prometteuse. Ce compliment inattendu me surprend, et le commentaire suivant de la grand-mère d'Arthur ne m'aide pas à sortir de ma confusion. Elle rétorque qu'elle n'est pas surprise et que j'étais déjà extrêmement intelligente à six ans. L'échange se poursuit et je réalise que je leur sers de nouveau champ d'expression pour leur rivalité. C'est à la fois vaguement amusant et très gênant. Pour ajouter à mon inconfort, Arthur ne semble pas remarquer ce qu'il se passe et Ewald m'adresse un sourire ironique lorsque je le regarde. De plus, mon ventre continue à me faire mal.

Ce n'est pas une douleur liée à la faim, ou à un trop plein de nourriture. C'est plus bas. Ça va et ça vient, toujours aussi familier. Je comprends ce qu'il se passe au moment où je sens quelque chose de liquide entre mes jambes. J'ai mes règles. Pourquoi maintenant ? Pourquoi justement ce soir, alors qu'il y a tant d'inconnus, que je ne connais pas mon environnement, et que je porte des vêtements magnifiques et flambant neufs ? Mon embarras doit se lire sur mon visage, car ma voisine me demande :

« Tout va bien, Vivian ? »

Je rougis. Je regarde autour de moi, j'ai l'impression que les autres n'ont pas remarqué. Tant mieux. Seule la grand-mère d'Ewald a l'air intriguée. Je n'ai aucune idée de comment les sorciers gèrent ce genre de problèmes, et je n'ai pas envie de clamer haut et fort ce qu'il se passe. Je dois néanmoins répondre à la grand-mère d'Arthur, elle a déjà compris qu'il y avait un problème.

« Je-je crois que j'ai mes règles… » je chuchote.

Je sens mon visage rougir encore. La vieille dame a l'air brièvement surpris, puis un sourire rassurant éclaire son visage.

« C'est la première fois, c'est ça ?

-Oui. » je réponds, mortifiée.

« Ça va aller, mon enfant, il n'y a rien de grave. Viens avec moi. »

Elle sourit toujours, et se lève en m'enjoignant d'un geste de la suivre. Arthur et Ewald échangent un regard, et Arthur demande à sa grand-mère :

« Qu'est-ce qu'il se passe ?

-Des histoires de femmes, ne t'inquiète pas. »

La formulation semble tranquilliser les adultes autour de la table, et Arthur renonce à poser plus de questions. Je grimace intérieurement à ces mots. Une histoires de femmes. Je jugule le dégoût qui monte en moi. Avoir mes règles ne me rappelle pas de bons souvenirs. Ewald n'a pas l'air heureux de me voir partir, mais fait bonne figure, et je ne distingue son mécontentement que grâce à ma familiarité avec lui (et peut-être le fait que j'aie beaucoup partagé son esprit). En soi, je peux comprendre. Il ne peut pas m'accompagner, ni me surveiller. Il y aurait peut-être quelque chose à tenter, si je me débarrassais de la grand-mère d'Arthur, mais je ne suis pas sûre d'avoir le temps. Et même sans ça, je n'ai pas vraiment de matériel.

Je suis la vieille dame jusqu'à une salle de bains pourvue de toilettes. Je commence à redouter qu'elle me demande de me déshabiller. Heureusement, elle se contente de me dire gentiment :

« Je vais te laisser enlever tes sous-vêtements, préviens moi si tes vêtements sont salis, d'accord ? On va tout nettoyer, et ensuite je vais t'apprendre les sorts que toutes les sorcières apprennent pour s'occuper de ces choses là. »

Embarrassée à l'idée que la vieille femme ne voie ma culotte, je tente de lui dire que je pourrais m'occuper du nettoyage. Elle me répond en riant que ce n'est pas la première fois qu'elle doit gérer ça, et qu'il n'y a pas de gêne à avoir.

« Tout ira bien. Il y a certaines choses que tu dois apprendre, mais il n'y a aucune honte à avoir, d'accord ? »

J'approuve avec difficulté. Ce n'est pas que j'aie honte d'avoir mes règles, c'est normal que ça arrive, mais c'est la situation qui est embarrassante. Je connais à peine cette femme, tout le monde m'a vu sortir de la pièce… J'aurais préféré gérer ça toute seule. Néanmoins, je suis curieuse d'apprendre comment ça se passe dans le monde sorcier.

Heureusement, seule ma culotte est tâchée. La grand-mère d'Ewald m'enseigne un sort pour faire disparaître le sang. Je me fais la remarque que j'aurais aimé le connaître bien plus tôt, et cette pensée m'amuse. Ça fait très meurtrière… Penser à ça dissipe un peu ma gêne, et l'attitude de la vieille dame m'aide aussi. Elle me parle comme si j'étais sa fille, de l'air de quelqu'un qui m'initie à des secrets ancestraux. J'ai l'impression que c'est un moment qui est important dans la vie d'une sorcière, quelque chose qu'on partage avec ses aînées. C'est réconfortant d'une certaine façon. À aucun moment elle ne me fait de reproches ou ne dit que les règles sont sales ou honteuses. Pas que je pense ça, mais j'ai déjà entendu suffisamment de ces conneries. Du coup, est-ce que Anna-Linde (comme elle m'a dit de l'appeler) est particulièrement détendue avec ça, ou est-ce que c'est un truc de sorciers.. ?

Quoi qu'il en soit, une fois ma culotte immaculée, la grand-mère d'Arthur m'apprend deux nouveaux sorts. Le premier sert à atténuer la douleur des règles et est relativement simple à mettre en place. Il existe apparemment dans une version plus complexe qui apaise les douleurs en général, mais celui-ci est très spécifique. Comme le Glamour, il puise en continu dans mon énergie magique, et la grand-mère d'Arthur m'explique que c'est l'une des raisons pour lesquelles on apprend que cette version du sort, pour ne pas se vider de son énergie. De plus, il est préférable d'avoir de solides connaissances en médicomagie pour lancer l'autre. Une question de visualisation de la douleur (facile dans le cas des règles, pour se lancer le sort à soi-même). Le deuxième sort, lui, sert à bloquer l'écoulement de sang. Il faut penser à le relâcher à chaque fois qu'on va aux toilettes, pour permettre aux sécrétions de s'évacuer.

Elle m'enjoint de reproduire les sorts, pour s'assurer que je sois capable de les faire toute seule. Le problème, c'est qu'Ewald m'a confisqué mes baguettes. Je rougis et admets :

« Je n'ai pas ma baguette sur moi, je l'ai laissée au manoir de la famille d'Ewald. »

La vieille femme a l'air très surprise, et je vois la suspicion dans ses yeux.

« Comment se fait-il ? »

Une excuse, vite.

« Euh, je pensais que c'était peut-être malpoli de ramener sa baguette chez d'autres sorciers… Comme si on pensait avoir besoin de protection, vous voyez ? Chez les moldus, c'est très mal vu d'amener une arme à un dîner mondain... »

Anna-Linde lève les yeux au ciel.

« La baguette d'un sorcier est l'extension de sa magie. Il ne faut jamais s'en séparer. Ta baguette fait partie de toi, tu ne peux jamais savoir quand tu en auras besoin. Merlin, même les sorciers spécialistes de la magie sans baguette ne s'en éloignent que rarement… Promets moi de ne plus commettre cette erreur. Je te pensais plus futée que ça, jeune fille. »

Je rougis, à la fois d'embarras et de colère. Bien sûr que je ne me serais jamais séparée de ma baguette de mon plein gré ! La vieille sorcière ajoute, marmonnant entre ses dents :

« Dans quel monde vit-on où les jeunes se sentent tellement en sécurité qu'ils pensent pouvoir sortir sans baguette.. ? » elle soupire, et ajoute plus fort. « Tant pis, tant pis. Tu es jeune, et j'ose espérer que tu as compris la leçon. En attendant, je vais te métamorphoser une baguette pour que tu me montres si tu as bien retenu les mouvements et les formules. »

Joignant le geste à la parole, Anna-Linde pointe sa baguette sur un verre posé sur le lavabo, le métamorphosant en longue baguette de verre. Elle me fait reproduire les deux sorts encore et encore, jusqu'à ce qu'elle soit sûre que je sache les lancer à la perfection avant de me recommander de demander à une adulte si j'ai le moindre doute.

« Mieux vaux être sûre de toi, d'accord ? Je pense qu'on t'a déjà parlé en cours des conséquences inattendues que peuvent avoir des sorts mal lancés. »

Ma grimace doit être éloquente, car Anna-Linde me regarde d'un air rassuré.

« Te sens tu prête à retourner dîner, à présent ?

-Je dois encore utiliser la salle de bain, si vous le permettez.

-Bien sûr » sourit la vieille dame. « Veux-tu que je t'attende ?

-Merci, mais je devrais retrouver le chemin sans problème, merci beaucoup.

-Très bien. Si tu as un doute, appelle Kelly, c'est l'une de nos elfes de maison, elle te montrera le chemin.

-Merci. » je réponds avec un sourire.

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Enfin seule, je me dépêche de fermer la porte à clef. J'ai quelques minutes de tranquillité devant moi, c'est l'occasion de libérer ma vessie, certes, mais surtout de voir si je peux trouver certaines choses intéressantes. J'ai peu d'espoir de trouver des lames, j'imagine que les sorciers ont toute une panoplie de sorts de rasage. Par contre, ils ont peut-être des potions potentiellement toxiques dans les environs, ou mieux, une pharmacie ? Ce serait un moyen peu fiable de mourir, les effets de mélanges de potions étant assez imprévisibles, mais selon sur quoi je tombe on sait jamais…

Le contour du lavabo est dépourvu de tout objet, et après une courte hésitation j'ouvre les tiroirs situés en-dessous. Je me dis brièvement qu'il pourrait y avoir des sorts pour les sécuriser, mais je chasse cette idée. Au pire je dirai que je cherchais des mouchoirs. Le premier que j'ouvre est vide, et je commence à me demander si quelqu'un utilise cette salle de bain. Dans le deuxième, je trouve enfin quelque chose, un simple tube de dentifrice accompagné d'une brosse à dents. C'est dans le troisième tiroir que je trouve enfin mon bonheur : une bombe de mousse à raser accompagnée d'un rasoir moderne à trois lames, accompagné de lames de rechange. Je suis surprise de trouver ça, mais je ne perds pas de temps à m'interroger. J'ai déjà perdu pas mal de temps. J'empoche deux lames de rechange, et je fais bien de me dépêcher car j'entends des pas précipités se diriger dans ma direction. Je referme le tiroir au moment où quelqu'un frappe à la porte.

« Vivian ? Tout va bien ? »

C'est Arthur, et j'entends clairement l'inquiétude dans sa voix.

« Oui, qu'est-ce qu'il se passe ? » je demande. Autant faire l'innocente.

« Grand-mère est revenue depuis bien cinq minutes, je commençais à m'inquiéter.

-Tout va bien, je suis encore capable d'aller aux toilettes sans me noyer ! » je lance, ironique

« Tu sais très bien que- » je sens l'agacement poindre dans la voix de mon ami et décide de ne pas trop jouer avec ses nerfs. Après tout, j'ai obtenu ce que je voulais.

« Je te taquine. J'ai fini, laisse moi juste le temps de me laver les mains et j'arrive.

-Okay, soupire Arthur. Dépêche toi. »

Je ne prends pas la peine de répondre, et espère juste très fort qu'il ne pensera pas aux lames que j'ai pu prendre. Il n'est peut-être pas au courant de leur présence.. ? En fait, j'espère que personne ne remarquera mon forfait avant que je n'ai eu le temps d'utiliser les lames. Je tire la chasse, puis j'ouvre le robinet pour lui faire croire que je suis train de faire ce que j'ai dit. Je cache l'une des lames dans ma chaussure, l'autre dans l'une de mes poches. Je ferme ensuite le robinet et rejoins Arthur avant qu'il ne s'impatiente.

Dans le couloir, pour éviter qu'Arthur ne me pose de questions ou n'aie trop de temps pour réfléchir, je lui demande :

« Dis, c'est vu comment d'avoir ses règles, dans le monde sorcier ? »

Je pose la question un peu par curiosité, surtout parce qu'aborder un sujet un peu gênant détourne efficacement l'attention, de mon expérience. Ça fonctionne, car Arthur prend un air un poil embarrassé avant de répondre :

« Uh, oh, c'est ça que grand-mère voulait dire avec ses histoires de femmes ? »

Je rougis un peu, je crois. Quel boulet !

« Euh, et bien, je ne sais pas trop. Je crois que ce n'est pas un problème, mais on en parle pas trop. C'est surtout les femmes qui en parlent entre elles je crois.

-Tu sais de quoi il s'agit, quand même ? »

Arthur semble incapable de me regarder dans les yeux alors qu'il répond, son visage prenant une intéressante nuance de rouge :

« Les femmes saignent chaque mois, ça fait partie de leur cycle, c'est quelque chose de naturel.. ? » son affirmation sonne presque comme une question. Il s'humecte la bouche avant de continuer. « Je suis désolé, j'avoue qu'on en parle pas trop. Enfin, Cian a dit qu'elle me ferait un petit cours là dessus, mais on n'en a pas encore eu l'occasion... »

Il rougit encore, ce que je n'aurais pas cru possible. Intéressant, d'un point de vue scientifique. Heureusement pour lui, nous arrivons en vue de la porte du salon et je ne poursuis pas la conversation, le regardant avec amusement tenter de reprendre une contenance avant de rentrer.

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Notre arrivée ne passe pas inaperçue, mais heureusement personne ne fait de commentaire. Je reprends ma place à côté de la grand-mère d'Arthur, qui m'adresse un sourire de connivence. Bien vite, je ressens un frôlement discret à la lisière de mon esprit. Je m'ouvre à mon lien avec Ewald un peu à contrecœur, réticente à l'idée qu'il ne me pose des questions ou ne soupçonne quelque chose, et toujours agacée par cette histoire de baguette.

« Qu'est-ce que tu as fait subir à Arthur ? »

Je regarde mon voisin, dont le visage est toujours un peu rouge, et qui évite ostensiblement mon regard. Je me retiens d'éclater de rire, mes craintes effacées pour le moment, avant de répondre.

« J'ai voulu lui poser quelques questions sur la façon dont les règles étaient perçues par les sorciers.

-Les règles ? Oh, ceci explique cela ! »

Je sens l'amusement d'Ewald à travers notre lien.

« Comment ça se fait qu'il sache rien ? Il est pas censé devenir médicomage ?

-Je crains que ce sujet ne soit laissé dans l'ombre à Poudlard…

-Pourquoi ? Et comment ça se fait que tu ne réagisses pas pareil ?

-Je crois que les professeurs essayent de se persuader que s'ils ne mentionnent pas, de près ou de loin, les fonctions reproductrices humaines, ça évitera que les élèves ne découvrent les joies du sexe… Quant à moi, disons simplement que ma grand-mère ne voulait pas avoir honte d'un neveu ignorant. »

Je sens son esprit frisonner à la mémoire d'un souvenir embarrassant, et je le regarde par dessus la table.

« Je n'ai pas envie d'y penser pour le moment, ok ? En tout cas, merci pour ça. Je ne manquerai pas de lui ressortir à l'occasion.

-Un plaisir. »

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Le reste du repas se passe sans encombre, et, heureusement pour moi, sans truc gênant supplémentaire. Les grands-mères semblent avoir décidé de déplacer leur discussion sur le terrain de la politique, et je ne me donne pas la peine d'écouter. Ça me passe complètement par dessus la tête et je ne peux même pas profiter des insinuations qu'elles ne manquent probablement pas de faire.

Il y a du cristal cake pour le dessert, et je fais largement honneur au gâteau. Enfin, dans les limites de la politesse, bien sûr. Ewald ne peut pas s'empêcher de sourire ironiquement en me voyant me resservir une troisième fois (avec dignité, bien sûr). Arthur a l'air ravi de me voir manger si volontiers.

Finalement, le repas tourne court lorsque la grand-mère d'Ewald prend la parole.

« Je tiens encore à vous remercier pour votre hospitalité, au nom des familles Easton et Carter-Slide. Nous allons hélas devoir prendre congé- » ici, elle parvient à lancer un regard à la grand-mère d'Arthur qui sous-entend qu'elle est pressée de la quitter « - car je n'ai plus l'énergie de ma jeunesse, et les fines discussions que j'ai pu avoir avec ma chère Anna-Linde ont plus que rassasié ma soif d'échanges pour la soirée.

-Je n'oserais pas douter de vous, lady Easton, et pourtant je suis certain que vous avez encore bien assez de vigueur pour tous nous enterrer ! » affirme le père d'Arthur avec un sourire, avant de reprendre. « Néanmoins, nous-mêmes devons admettre qu'en dépit de notre relative jeunesse, nous aurions plaisir à nous reposer un peu. Merci encore d'accueillir Arthur chez vous.

-C'est un plaisir », assure la mère d'Ewald avec un sourire un peu fatigué.

Je comprends tout à coup le pourquoi de ce départ qui même à moi me semble un peu précipité. C'est vrai que la mère d'Ewald a bien tenu le coup pour quelqu'un habituée à vivre en recluse, mais ça lui fera probablement du bien de se reposer. Je vois aussi pourquoi c'est la grand-mère d'Ewald qui a donné le signal du départ. Mieux vaut sans doute pour elle de sembler impolie que d'attirer l'attention sur la faiblesse de sa fille. Je me demande s'inventer une faiblesse lui a coûté, surtout face à sa rivale. Pour ce que j'en ai vu, elle me semble très orgueilleuse… Ou peut-être que le léger affront fait à l'hospitalité de sa némésis n'est pas un problème ? Quoi qu'il en soit, je dois admettre que ça m'arrange, j'ai hâte de retrouver un peu de calme. Et je ne suis pas hyper à l'aise dans ma robe. En plus, même si j'ai confiance dans les sorts d'Anna-Linde, je n'aime pas savoir que j'ai mes règles, et ça me rend nerveuse.

Je ne laisse rien paraître de mes réflexions alors que je salue le plus poliment possible la famille d'Arthur. Un elfe de maison lui apporte ses bagages pour le temps qu'il va passer avec nous, et il fait ses adieux à sa famille. Il n'est pas censé les revoir avant de repartir à Poudlard, donc ça dure un peu. Enfin, Elwin nous reconduit au salon à cheminette, et nous passons tour à tour dans les flammes pour rentrer. Bien entendu, Ewald passe à nouveau juste après moi, au cas où j'essaierais de m'enfuir.

Dans ma poche et sous mon pied, mes nouvelles lames attendent leur heure.

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« C'est marrant comme les gens commencent tout d'un coup à te demander comment tu vas et à se soucier de ton état mental dès que tu laisses échapper des informations. Ils ne savaient rien avant, et la seule chose qui aie changé c'est qu'ils soient au courant. Et pourtant, soudain, ils vont vouloir savoir comment tu te portes, ce que tu penses, alors qu'avant ils n'auraient pas posé la question. Pourtant avant comme maintenant je me coupe, j'ai été violée et j'ai une sainte horreur qu'on foute son nez dans mes affaires. »

-SMS envoyé par Aurore Berger à Quentin Lemage, trois mois avant sa mort-


Et voilà^^

Le passage sur les règles m'a bien fait rire. Vous en pensez quoi vous?

Bonne journée et à une autre fois,

Un nuage chaotique