Bonjour à toustes!

Comme prévu avec moi même, et à ma grande fierté, voici un nouveau chapitre, toujours dans le délai d'un mois! (bon par contre préparez vous à ce que je publie toujours le dernier jour du mois xD
J'espère que vous aimerez ce chapitre, où on trouve beaucoup de petits trucs dans tous les sens^^

Merci beaucoup à celleux qui me laissent des reviews, si vous publiez vous même vous comprenez sans doute à quel point ça compte pour un.e auteurice...

On se retrouve en bas!


Les semaines suivantes passent et se ressemblent, et malgré mes efforts j'ai l'impression de retomber dans une routine similaire à mon époque du lycée. Se lever, aller en cours, dissocier une partie de la journée, se coucher pour mal dormir et recommencer alors que les journées se fondent les unes dans les autres. J'ai l'impression d'être un oiseau tombé dans un piège de glu, qui se débat pour ne faire que s'enliser davantage. C'est insidieux, la routine, et ma fatigue qui ne fait que croître érode toujours plus ma volonté. J'essaye de faire des efforts, pourtant, d'être présente, de rire aux blagues d'Alphonse et d'Arthur… L'absence d'Ewald dans mon quotidien est une douleur familière à présent. On s'évite toujours mutuellement, surtout moi plutôt que lui, je crois, mais quand on est ensemble il porte toujours son masque, et l'indifférence est pire que s'il avait cherché à m'éviter je crois. C'est comme si ça ne le touchait pas, comme si je ne comptais pas. J'ai de plus en plus de mal à croire que c'est temporaire, et je commence à me demander si j'ai raté le coche. Il m'a demandé de le laisser tranquille, mais est-ce que j'aurais dû faire quelque chose, dire quelque chose, depuis notre discussion ? Ou est-ce que c'est encore trop tôt ? Je ne veux pas le brusquer, je veux respecter ses choix, mais j'ai toujours mal. Alors, je continue à fuir. J'ai développé une habitude de sauter les repas, et de me rattraper plus tard, copieusement, sur ce que je peux trouver, dans ma tour. C'est plus simple d'être seule. Je crois que les autres ne le remarquent même plus, à force, tellement c'est devenu fréquent. Ou alors, ils me pensent avec Scorpius et son groupe, dont je me suis abondement servie pour éviter des dîners douloureux à manger avec un Ewald qui ne parle vraiment qu'à Arthur.

J'échange quelques lettres avec Quentin, à un rythme un peu décousu, mais il y a une prudence dans nos échanges, une pudeur qui n'a jamais été là auparavant. On ne sait plus comment se parler, on a perdu nos codes, et ceux du lycée ont des formes qui ne correspondent plus à l'adulte qu'il est devenu, ni à l'expérience contre nature que je suis. Je me languis d'une époque dont j'ai claqué la porte et où je ne suis même pas sûre de vouloir revenir. En parlant avec mon ancien meilleur ami, avec nos maladresses respectives, je le réalise de plus en plus. La rupture avec le passé a été consommée, et je me suis attachée à ma vie ici, à défaut d'y être heureuse (et même d'avoir envie de la vivre). Si j'avais un bouton pour ne jamais avoir existé, je le presserai toujours sans hésiter. Mais si c'était un bouton pour retourner en France, dans mon passé, je ne le ferais pas. Parce que j'aime Ewald, Arthur et Alphonse. J'aime la magie. Et, si il faut l'admettre, j'aime la rupture avec ma vie d'avant.

J'ai du mal à me confier à Quentin. Je ne parle pas à grand-monde, ces temps-ci, et je dissocie souvent. Je m'énerve beaucoup aussi, pour des choses insignifiantes. Ça, accompagné de tout le reste, me renvoie énormément à la période du lycée. Lorsque mon monde s'effondre je reste de marbre. Par contre, ces jours-ci, la moindre contrariété mineure suffit à mettre le feu aux poudres. Je déteste être en colère comme ça. Je déteste pleurer de frustration. Pourtant ça m'arrive, plus souvent qu'à mon tour.

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Je sors de l'entraînement de Quidditch lessivée, et d'humeur contradictoire. D'un côté, j'ai aimé me dépenser, et je commence à prendre suffisamment de confiance pour tenter des figures rigolotes sur le balais. De l'autre, même si Alphonse n'a pas annoncé officiellement que je le remplacerais au prochain match, Jenkins doit sentir le coup fourré car il a été encore plus exécrable que d'habitude. J'avoue que plus mes succès le frustrent, plus il contribue à me donner envie de poursuivre mes efforts avec le Quidditch. À la base, j'ai essayé d'être plus présente pour faire plaisir à Alphonse, et pour faire chier notre attrapeur. Maintenant que je vois que ça marche, et bien… J'ai encore plus envie de continuer, même si ça veut dire essayer de travailler vaguement en équipe avec des gens qui me méprisent pour la plupart et que je n'apprécie qu'à moitié. Bref, j'ai un peu la flemme, mais je crois que je vais devoir aller me doucher dans la tour Gryffondor, parce que mes vêtements propres sont là bas et qu'un sort de nettoyage ne sera pas du tout suffisant pour enlever toute la transpiration de mon corps.

Malheureusement, qui dit samedi après midi dit surpopulation de la salle commune et du dortoir, surtout au vu de la météo. Ça doit bien faire deux semaines qu'on a pas vu le soleil ici… Les joies de l'écosse. En arrivant, je vois Faith et ses copines près de la cheminée, très occupées à se pointer du doigt mutuellement en rigolant. Elle ne me remarquent pas, et je monte les escalier en secouant la tête. Au moins, ça veut dire que j'aurai sans doute la paix en haut. Les autres filles ont trop peur de moi pour trop me chercher.

Des gloussements m'accueillent lorsque j'arrive dans le dortoir. En m'entendant entrer, les filles présentes lèvent la tête, mais je ne dois pas présenter une grosse source d'inquiétude parce qu'elles retournent bien vite à leur occupation première. Comme Faith et les autres, elles se pointent mutuellement du doigt en pouffant et chuchotant. J'essaye de les ignorer, mais la curiosité me finit par me faire demander :

« Qu'est-ce qu'il vous arrive ? Vous avez abusé de potion hilarante ? »

Je risque cette question pour deux raisons. Déjà, d'expérience, c'est mauvais signe quand les filles de mon dortoir sont de trop bonne humeur. Ça résulte généralement en une nouvelle idée pour me pourrir la vie directement, ou en un enthousiasme absurde pour quelque chose qui va fatalement m'agacer. Ensuite, ces filles là ne sont pas trop agressives avec moi généralement, elles ont surtout tendance à suivre, ce qui fait que leur poser la question n'est pas trop risqué. L'une d'elles, qui n'est pas dans mon groupe et dont je ne me suis jamais fatiguée à apprendre le prénom, pouffe avant de me pointer du doigt :

« Chut… Ça pousse ! »

Mon visage doit exprimer clairement mon incompréhension, car ses amies rigolent.

« Chut… Ça pousse ! »

Elle répète, tout en mimant une paire de seins autour de son torse presque plat, en répétant sa phrase.

Je sens sur mon visage la chaleur de mon embarras et bats en retraite vers la salle de bain alors que les gamines semblent trouver ma réaction hilarante. Je ferme vite la porte pour ne plus les entendre. Je me sens mal à l'aise, un peu humiliée, sans vraiment me l'expliquer tout à fait.

Sous la douche, j'essaye de penser à autre chose mais malgré moi mes mains viennent tâter mon torse, là où je peux déjà sentir deux petites boules dures. Elle doivent faire moins d'un centimètre de diamètre, à ce stade, mais je me rappelle ces sensations de ma première vie. Elles vont grandir et grandir, jusqu'à devenir une poitrine à pleine maturité. Je me sens salie du jeu des filles, plus tôt. Je réalise aussi que je n'ai pas envie de voir cette poitrine grandir. Mon torse plat me convient très bien, merci. Une légère angoisse commence à éclore en moi, à l'idée d'avoir des seins à nouveau. À être sexualisée. À me faire peloter, sans doute. Comment ne pas penser à mon enfance précédente, et à mon frère ? Juste repenser à la fille du dortoir pointant mon torse, pensant à ce qui s'y trouvera, me fait retomber dans un monde dont j'étais bien contente d'être libre.

Et au delà de ça, comment souhaiter à nouveau avoir ces poids qui se trimbalent dans tous les sens, alors que je me suis habituée à avoir un torse qui me plaît ? Agacée, j'arrête l'eau et je me dépêche de m'habiller, peu encline à m'attarder sur ces pensées peu productives.

Il y a moins de filles dans le dortoir quand je repasse, ce qui ne les empêche pas d'éclater de rire en me voyant. Ou peut-être ne rient elles pas de moi, mais l'habitude de l'humiliation me fait dire que si. Quoi qu'il en soit, je me dépêche pour mettre autant de distance que possible entre moi et le dortoir. Dans la salle commune, Faith a été rejointe par d'autres filles que j'ai vues tout à l'heure. Elles ont l'air de bonne humeur et une bouffée d'agacement m'envahit : comment peuvent elle trouver leur truc de « chut ça pousse » amusant ?

Je suis une boule de nerfs pour le reste de la journée, et je me coupe un peu trop pour me défouler. Lorsque ça se révèle inefficace, je trouve une salle de classe vide pour y lancer autant de sorts que je peux, essayant de relâcher un peu la pression. C'est beaucoup moins efficace qu'un duel, et comme un vicieux crochet à l'estomac, l'absence d'Ewald dans mon quotidien revient me couper le souffle. Au final, je me rends à la bibliothèque pour tenter de trouver un livre où me plonger pour oublier, étant donné que j'ai malheureusement fini de lire tous ceux que j'avais à moi.

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Dans la semaine suivante, je me maudis de n'avoir pas mieux caché ma réaction dans le dortoir. Apparemment, les gamines ont compris que leur délire me mettait mal à l'aise, et Faith ne se prive pas de me pointer du doigt dans les couloirs en répétant leur fameuse phrase « Chut, ça pousse ». Elle n'est pas la seule, évidemment. Ses amis la suivent, mais aussi quelques garçons, y compris de deuxième, troisième, voir même quatrième année à l'occasion. J'ai irrité beaucoup de gens après tout. Bien sûr, ce n'est pas tout le temps, partout et en permanence. Les filles de mon groupe ont trop peur de moi pour s'y risquer, par exemple, même si elles ont l'air de trouver la situation très drôle. Mais tous les jours, au moins une ou deux personnes le font. Scorpius et ses amis, exposés au phénomène par le simple fait de passer un peu de temps avec moi, on des réactions diverses. Au début, ils voient tous ça comme assez innocent, voire amusant. Néanmoins, lorsqu'il réalise que ça me dérange vraiment, le Poufsouffle fronce les sourcils à chaque occurrence, allant même jusqu'à dire à une ou deux personnes de se taire. J'apprécie le geste, mais ça ne fait que renforcer les moqueries car j'apparais comme trop faible pour me défendre, et il essuie des remarques qui me font grincer les dents, comme « Tu veux garder ta copine pour toi, Scorpius ? Attends au moins de voir si ça pousse vraiment ! ». Je me force à réagir un minimum, parce que je sais bien qu'ils n'attendent que ça, et réagir de façon physique serait sans doute considéré comme excessif par le corps enseignant. Je n'ai aussi pas vraiment l'énergie, pour être honnête. Je dissocie moins qu'à Noël, et la colère a ce don de traverser mon indifférence, mais dans le même temps je suis tellement lasse...

En désespoir de cause, je finis par me plaindre à Longdubat, puisqu'il insiste tellement pour que je vienne le voir en cas de besoin, blablabla. Je ne sais pas trop ce que j'espérais. De la compréhension ? De la compassion ? La reconnaissance qu'une gamine de onze ans devrait pas se faire harceler sexuellement (ou pas loin) par ses pairs ?

« Je vous remercie d'être venue me voir, Miss Mackson, vous avez eu raison. Néanmoins, il est compliqué pour un professeur d'intervenir dans des… jeux d'enfants. Je comprends que ça doit être vraiment pénible au quotidien, mais si vous les ignorez ils finiront par se lasser. Je crains qu'une intervention de la part du corps enseignant ne fasse que les encourager. »

Je ressors du rendez-vous en colère, mais pas si surprise que ça. J'ai bien vu qu'il pense que je me fais une montagne d'une souris. Après tout, il n'y a pas d'insulte, là-dedans. Rien de foncièrement méchant. Je suis sûre que certaines personnes pourraient même trouver ça flatteur.

Je suis particulièrement sur les nerfs pendant plusieurs semaines, mais les autres ne remarquent rien. Ni Ewald, qui continue à faire comme si nous étions de vagues connaissances, et que je vois très peu. Ni Arthur, que j'évite pas mal vu qu'il passe beaucoup de temps avec Ewald. Ni Alphonse, qui de toute façon n'a jamais été très observateur. J'essaye au maximum de ne pas trop penser à la situation, et effectivement, mes harceleurs n'ont pas l'air de trouver la situation aussi drôle que dans les premiers jours, c'est déjà ça. Je continue à venir aux entraînements de Quidditch, bon gré mal gré, et j'arrive à peu près à m'intégrer à l'équipe. Lors des matchs d'entraînement où je fais face à Jenkins, j'attrape le vif avant lui une fois sur deux. Il est plus habile que moi pour la préhension, attraper le vif, mais je suis plus douée sur un balais et j'ai de meilleures trajectoires. Si il compense un peu par l'expérience, j'ose faire des figures, ou partir dans des piqués, qu'il ne ferait pas.

Je trouve un nouveau jeu à cette période. Je me demande à quelle profondeur je pourrais me couper, en évitant les zones trop critiques, bien sûr. Ça fait des entailles courtes, mais profondes. C'est un moyen comme un autre pour me distraire de mes nerfs en pelote et de la solitude. Ça me demande beaucoup de concentration, d'enfoncer lentement la lame en me défiant d'aller plus loin, et la douleur m'ancre à la réalité. Lorsque je me rends compte que je suis devenue capable d'atteindre la couche de graisse sous la peau, je suis obligée d'arrêter les frais. Après tout, ce serait une très mauvaise idée d'avoir besoin d'attention médicale, non ?

Malgré moi, cette histoire de poitrine me travaille pas mal, et s'ajoute à mes autres problèmes. Le soir, quand je n'arrive pas à dormir, je me demande comment l'empêcher de pousser. Il doit bien y avoir un sort pour ça, non ? Je fais quelques recherches paresseuses à la bibliothèque, mais sans succès. Je n'ai pas accès au livres trop avancés, et je ne sais pas vraiment quoi chercher. Le rappel quotidien constitué par les moqueries ne m'aide pas à oublier le sujet, cependant, même si j'essaye de me convaincre que ça ira, que c'est normal d'avoir de la poitrine quand on est une femme… Je prie intérieurement pour en avoir une toute petite.

Les moqueries continuent dans les semaines qui suivent, jusqu'à ce que ça aille trop loin. Je sors tranquillement de cours de métamorphose en compagnie de Scorpius et de ses amis, le jeudi soir, lorsque je vois arriver un trio de troisième années. En me voyant, l'un d'eux, un Serdaigle, donne un coup de coude à ses amis, des Gryffondor. Ils rigolent un peu, et l'un des rouge et or se dirige vers moi. Je n'y prête qu'à moitié attention, à vrai dire, occupée à expliquer à Severus un point de théorie qui lui pose problème. C'est pour ça que je suis surprise lorsque le garçon se plante devant moi et pince rapidement ma poitrine naissante à travers mon t-shirt, en se tournant vers ses camarades.

« Hé les mecs, ça pousse vraiment ! »

Je reste tétanisée un instant, surprise par le geste et la douleur soudaine. Et puis, alors que le garçon éclate de rire et me tourne le dos, la honte déferle sur moi couplée de rage pure. Je ne réfléchis pas vraiment lorsque je lève ma baguette, et que je lance un incendio sur la robe de mon agresseur. J'entends l'exclamation choquée d'Eva, et le hurlement du garçon lorsqu'il réalise que sa robe a pris feu. Ses amis lui hurlent de se rouler par terre, me hurlent dessus, et les première année à mes côtés semblent trop choqués pour réagir.

Je ne bouge pas alors que mon agresseur se roule par terre pour éteindre les flammes, aidé par un aquamenti très maladroit lancé par le serdaigle. Le Gryffondor, lui, me met en joue. Je ne bouge toujours pas, toujours un peu sous le choc, humiliée, et dans le même temps emplie d'une sombre satisfaction. C'est le moment que choisit Jones, la prof de métamorphose, pour surgir de sa salle de classe, furibonde. Elle maîtrise le feu en un instant, avant de tourner son attention vers nous. Le Gryffondor se relève péniblement tandis que ses amis et Scorpius essayent d'expliquer tous en même temps ce qu'il s'est passé à la professeur qui très vite ordonne à tout le monde de se taire. Elle chasse les quelques élèves non impliqués du couloir, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que mon agresseur, ses amis, Scorpius et moi. Eva et Severus partent avec le reste des élèves, et je ne leur accorde pas un regard.

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Lorsque je sors du bureau de Jones, quelques heures plus tard, j'ai un solide mal de crâne et une colère rentrée contre le monde entier. Je me sens humiliée. Comme toujours, je n'ai pas réussi à garder mon calme, et je me suis retrouvée à pleurer de frustration devant le professeur. Je hais ça. Je me hais de ne pas me contrôler. Je les hais tous de ne pas me prendre au sérieux quand je suis dans cet état. Bien sûr, j'ai plusieurs heures de colle pour les deux semaines à venir. Au moins, la prof a eu la bonne grâce de réprimander le trio, en particulier celui qui m'a agressée, qui n'a pas été blessé. Si je dois être tout à fait honnête, il a vraiment été puni, même ses amis ont écopé de deux heures de colle pour s'être attaqués à une première année. Mais je suis trop en colère pour être impartiale, et je ne digère pas le fait d'avoir été punie pour mon incendio. Intellectuellement, je comprends pourquoi. Mais en sachant que j'avais prévenu Longdubat et qu'il n'a rien fait, au vu des semaines de harcèlement que j'ai subies, je trouve que la punition est disproportionnée. Et encore, je pense amèrement en donnant un coup de pied dans un papier au sol. Si Scorpius n'avait pas été là pour expliquer le contexte à Jones, elle aurait été foutue de me mettre un conseil de discipline ou quelque chose dans ce goût là, vu que j'étais à peine capable de penser.

Évidemment, l'histoire a fait le tour de l'école d'ici le lendemain, et je note une recrudescence de l'emploi de mon surnom de Baby Monster. Les gens s'étaient un peu calmés avec ça… Mais bon, au moins ce n'est pas un surnom qui me dérange vraiment. Avec un peu de chance, mes harceleurs vont y réfléchir à deux fois avant de recommencer. Qui s'y frotte s'y pique… Le groupe de Scorpius m'évite, ce matin là, et le Poufsouffle admet, de mauvais gré, que je fais peur à Eva, et qu'elle ne veut pas être près de moi. Pour la première fois depuis longtemps, je passe le petit déjeuner en compagnie d'Arthur, Ewald et Alphonse au grand complet. Comme de juste, Alphonse est en colère contre l'école et propose de jouer un tour au garçon qui m'a agressé. Arthur essaye de savoir comment je me sens. Pour ce qui est d'Ewald… Il reste silencieux la plupart du repas, mais me glisse en partant un petit morceau de parchemin. Fébrile, j'attends d'être seule pour regarder ce qu'il a écrit. J'ai peur de ce que ça peut être, et en même temps la curiosité me dévore. Que veut-il me dire ? Une offre de paix, des adieux, des reproches ?

Au final, je suis presque déçue de ne voir qu'une liste de sorts qu'il me recommande d'apprendre pour « ce genre de situations ». Avant, il me les aurait appris en personne. Un sentiment d'inutilité, de gâchis, me submerge. À quoi bon qu'il se force à m'aider si il en a pas envie ? Pourquoi continuer à faire semblant ? Ce statu quo me fatigue. Il ne peut rien apporter de bon, ni à lui ni à moi. Ces réflexions en tête, je réalise qu'il va falloir que je lui écrive. Je ne sais pas si je pourrais verbaliser ce qui est nécessaire à dire, si j'essayais de lui parler, et c'est pas comme si on avait beaucoup d'occasions de discuter, pour être honnête.

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Je mets deux jours à trouver le courage de mettre mon plan à exécution, et un encore à trouver un moment pour écrire. Au final, ma lettre est plutôt brève. D'un autre côté, j'ai le triste sentiment que tout est dit. Avant de dormir, je prends le temps de lire le mot une dernière fois.

« Cher Ewald,

Je sais que tu m'as demandé de rester loin de toi, mais je me permets quand même de te faire parvenir cette lettre, désolée. Ne t'inquiète pas, je ne vais pas te déranger longtemps.

Je te remercie pour la liste de sorts, mais je voulais te dire que tu n'as pas besoin de faire ça. Tu ne me dois rien. C'est gentil, mais tu n'as pas besoin de forcer.

Je ne sais pas si tu as l'impression de devoir faire quelque chose, mais le fait demeure que je t'ai trahi, et que c'est complètement okay de me tourner le dos et de continuer ta vie. Je ne sais pas comment tu vois les choses, et je doute que ce message soit vraiment nécessaire, mais j'ai besoin de le mettre au clair, désolée.

On va être honnête : la distance entre nous n'a pas changé depuis que tu m'as demandé de te laisser tranquille. Tu portes toujours ton masque lorsque je suis dans les parages. Autant appeler un chat un chat, non ? Je ne sais pas si tu voulais me ménager, mais c'est plus simple pour moi d'être direct. Je préfère les ruptures franches.

C'est juste pour ça que je t'écris. Pour te dire que j'ai compris, et te remercier pour le temps passé ensemble. Je n'ai pas les mots pour dire ce que tu as fait pour moi.

Pour Kayns, je vais me débrouiller, merci pour toutes les informations que tu m'as données. Je pense que ce n'est plus ton combat maintenant.

Merci encore et désolée d'avoir tout gâché.

Vivian-Éris »

Je sens les larmes nouées dans ma gorge alors que je scelle l'enveloppe à la cire. Ces larmes captives ont un goût d'adieu, et je réalise à quel point il est douloureux de renoncer au Serpentard, même en sachant que c'est pour le mieux. Pas pour lui ou des conneries comme ça. Cette lettre est égoïste, en majeure partie. C'est moi qui ai besoin d'un point final, clair, pour pouvoir passer à autre chose. Ou plus réalistement ne plus être dans l'attente permanente. Après ce que j'ai vécu avec Mélanie, dans mon autre vie, j'ai besoin de clarté lorsque je perds des amis. En vrai, ça se rapproche aussi de ce que j'ai subi avec mon frère. Le silence, les non-dits, sont insidieux, comme un poison délétère.

Je soupire en m'allongeant dans mon hamac, lourde des larmes que je ne peux pas verser. De toute façon, l'an prochain, Ewald aura fini Poudlard. Arthur aussi. Puis Alphonse, l'année d'après. Il vivront leur vie, et je ne sais pas ce que je deviendrais. Pas pour la première fois, je me demande si il serait possible de sauter des classes. Penser à une scolarité seule à Poudlard me donne l'impression de rater ma vie une nouvelle fois. D'être laissée en arrière. C'est pas comme si j'allais rester en contact avec Ewald de toute façon, certes, mais j'ai peur. Peur de voir les autres poursuivre leur vie et m'oublier. Peur aussi qu'ils ne m'oublient pas et se retiennent de vivre pour moi. Peur que tout change. Et en même temps, je me force à être résolue, à me dire que c'est le cours des choses, et que j'accepterai ce qui vient. Tout en sachant que je me mens à moi même pour juguler ma panique. Ce ne serait pas la première fois, hein ? Je décide quoi qu'il en soit de me renseigner sur la possibilité de sauter des classes. Qui sait ? Peut-être que ça m'économiserait un an ou deux coincée avec Faith et les autres gamines. C'est paradoxal, un peu, de vouloir finir au plus vite, alors qu'au lycée c'était l'inverse, tant je n'avais aucune idée de quoi faire après. C'est une peur que je n'ai plus vraiment, en tant que sorcière, car la magie peut pourvoir à la plupart de mes besoins. Peut-être qu'en sortant de Poudlard, je pourrais sortir faire le tour du monde ? Ce n'est pas comme si j'aurais grand-chose pour me retenir, avec Ewald hors de ma vie et les autres captivés par les leurs…

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Entre mon application à éviter Ewald et les cours, ce n'est que quelques jours avant mon premier match de Quidditch que je parviens à donner ma lettre à Arthur. Lâchement, je préfère passer par lui plutôt que de la donner directement au Serpentard, trop effrayée de le déranger, ou de croiser son regard. C'est douloureux, pour moi, à présent. Dans les jours qui viennent, je suis encore plus tendue que d'habitude, attendant une réaction sans savoir quand elle viendra, si même elle viendra… J'ai peur. Je doute sans cesse de ma décision. Ai-je bien fait de lui écrire ? Peut-être qu'il y avait encore une chance pour notre amitié après tout. Peut-être que j'ai mal compris, peut-être aurais-je dû être plus patiente… Rien ne change. Je croise à peine le Serpentard, de toute façon, entourée comme je suis par l'équipe de Gryffondor à tout les repas. Oui, car Alphonse a enfin annoncé, cinq jours avant que nous affrontions Poufsouffle, que je serais Attrapeuse pour le match. Autant dire que Jenkins n'a pas bien pris l'information, et son air constipé et choqué est l'une des rares choses qui m'amusent ces temps-ci.

Pour être honnête, Jenkins n'est pas le seul à avoir des problèmes avec ma nomination, même si les autres sont moins… Verbaux. Je le vois aux regards en coins, aux discutions que j'ai interrompues avec Al', aux multiples critiques que je reçois alors que j'étais jusqu'à présent relativement invisible aux yeux de l'équipe… Tout le monde n'est pas furieux pour autant, j'ai juste l'impression que beaucoup doutent de la gamine de première année, ce qui pourrait être compréhensible si ce n'était pas vexant. Au moins moi je ne vais pas passer le match à insulter les géniteurs des autres joueurs ! Seuls un ou deux joueurs me sont réellement hostiles, en plus de Jenkins, et je me contente de les ignorer. Ceux qui ont participé à la course d'obstacles sont plutôt de mon côté, au moins, en particulier le gars qui a servi de partenaire à Alphonse pour la chasse aux lucioles. Penser à cet événement me fait immanquablement penser à Ewald, et au lien télépathique que nous avons exploité pour gagner. Ça fait mal.

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Enfin, le jour du match arrive, après une semaine de tensions diverses. C'est une distraction bienvenue pour me faire oublier que je n'ai toujours pas de nouvelles d'Ewald. Le samedi premier mars est une journée pluvieuse. Le crachin ne s'arrête pas, et je ne déborde pas d'enthousiasme à voler dans ces conditions. Chercher le vif va vraiment être une corvée. Je mange à la table de ma maison, observant avec un léger intérêt les dynamiques de groupe à l'œuvre, comme à chaque jour de match de Quidditch. Les tables de Gryffondor et Poufsouffle, qui s'affrontent aujourd'hui, sont pour une fois remplies presque exclusivement de membres de leur maison. Les Serdaigle et les Serpentards semblent se mélanger et s'être installés près des tables de l'une ou l'autre maison, selon laquelle ils comptent supporter pendant le match. Sans qu'il y aie d'hostilité, on sent vraiment la rivalité inter-maison, qui est généralement absente du quotidien.

Alors que nous marchons en groupe vers le terrain de Quidditch, l'équipe et moi, je reste un poil à la traîne. Je n'angoisse pas vraiment, mais j'avoue que l'idée de voler devant toute l'école me rend un peu nerveuse, et je n'aime pas vraiment la météo. Et puis, Alphonse m'a donné le poste, je ne veux pas qu'il le regrette. Accessoirement, j'ai un peu de mal à me mettre dans l'humeur « je fais partie d'une équipe, je me bats pour Gryffondor ». Compliqué quand on a pas vraiment de sentiment d'appartenance. Quoi qu'il en soit, je suis déterminée à faire de mon mieux, au moins pour Alphonse. Et puis, qui sait, je pourrais même m'amuser, sur un malentendu ?

L'appel de mon nom me tire de mes réflexions. En relevant la tête, j'aperçois Arthur sur le bord du chemin qui me fait signe. Curieuse, je me dirige vers lui. Un peu nerveuse aussi. Peut-être a t'il un message d'Ewald ?

« Coucou ! Je voulais te souhaiter bonne chance avant le début du match !

-Merci, je souris.

-Ça te dit qu'on marche un peu ensemble, ou ton équipe va penser que j'essaye de te corrompre ? »

Je hausse les épaules, mais à l'intérieur de moi la nervosité augmente.

« Ils peuvent penser ce qu'ils veulent, de toute façon ils se sont déjà fait une opinion de moi. »

Je dois sonner un peu amère, car Arthur fronce les sourcils.

« Qu'est-ce que tu veux dire ? »

Je hausse à nouveau les épaules.

« Je suis réputée dans toute l'école comme le Baby Monster, et je suis une première année. Je comprends qu'ils aient des doutes. »

Suite à ma remarque, je suis obligée de rassurer un peu longuement Arthur avant qu'il ne comprenne qu'il n'y a rien de grave. Nous arrivons bientôt au point où nous devons nous séparer et le Poufsouffle continue à faire la conversation normalement.

« Ça va sinon ? Pas trop nerveuse ?

-Pas vraiment. J'ai surtout peur de passer des heures à me cailler les miches, parce que le vif ne va pas être facile à repérer avec ce temps ! »

Le Poufsouffle a un petit frisson, et un air de compassion. Le crachin a forci, et commence à mériter pleinement le nom d'averse. Nous arrivons au pied des tribunes, et je finis par demander, n'y tenant plus :

« Est-ce qu'Ewald a dit quelque chose, par rapport à la lettre ? »

Un instant, Arthur a l'air perdu, puis son regard s'éclaire et son expression passe à paniquée dans la seconde.

« Merlin ! Je suis désolé, j'ai complètement oublié de lui donner… Je le fais maintenant, promis ! »

Son changement d'expression aurait pu être drôle si je n'étais pas aussi tendue. Ça fait des jours que je suis sous tension, à attendre la réaction du Serpentard, à me dire que peut-être qu'il ne réagira même pas, que je ne le mérite pas… Et il n'avait même pas pris connaissance de mes mots !

Je ne laisse rien paraître de mes pensées, néanmoins, me contentant de remercier le Poufsouffle avant de rejoindre enfin les vestiaires et le reste de mon équipe.

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Ginny Potter-Weasley siffle. Dans un bel ensemble, nous nous envolons tous pour nous mettre à nos postes respectifs. Le bruit de la foule, dans les gradins, est déroutant. Tout est brouillé par la pluie alors que je commence ma recherche du vif d'or. De l'autre côté du terrain, l'attrapeuse adverse m'imite. Heureusement, j'ai eu la présence d'esprit de me lancer un impervius avant le match, et la pluie glisse sur moi sans me mouiller. Les premières passent s'enchaînent sous mon balais, et Alphonse bloque un premier tir. Je me concentre sur ma recherche du vif, essayant de faire abstraction des pensées parasites (Ewald, ma poitrine, la pluie…) et du bruit permanent de la foule qui comme une houle monte et descend au fil des tirs et des occasions manquées.

Au bout d'une demi-heure de jeu, je commence déjà à en avoir assez. Mon impervius n'a pas duré très longtemps, et, si je prends plaisir à voler, j'en prends moins à sentir mes vêtements imbibés d'eau coller à ma peau. Le vent s'est mis de la partie, faisant tanguer les balais de façon imprévisible et plus ou moins violente. Le match est assez équilibré, beaucoup grâce au talent d'Alphonse. Les Poufsouffles ont deux poursuiveurs très doués qui tentent beaucoup de buts, et je dois avouer que leur synchronisme quasi parfait me distrait parfois quelques secondes de ma quête du vif d'or. Vif d'or qui n'a toujours pas été vu du match, d'ailleurs. Une ou deux fois, j'ai cru apercevoir quelque chose, mais les reflets de la pluie n'aident pas à repérer un petit objet brillant.

Finalement, après quarante minutes supplémentaires, épuisantes, Gryffondor mène enfin d'une avance assez confortable. C'est évidemment le moment où je vois l'attrapeuse adverse partir en piqué au milieu des joueurs. Je suis beaucoup trop loin à ce moment là, derrière les buts de Poufsouffle, légèrement en contrebas. Par chance, le vif se dirige dans ma direction approximative au moment où je l'entrevois, moi aussi. Pour gagner du temps, je fais un demi tour accrobatique avant de piquer à mon tour après la petite balle et sa poursuivante, tout en sachant pertinemment que je n'arriverai jamais à temps. La pluie me fouette le visage, le manche de mon balais est rendu glissant par la pluie. Mon adversaire tend la main alors que je suis encore à 3 mètres derrière elle. Elle remonte aussitôt en chandelle, triomphante, le vif dans sa main gauche. Le stade éclate en acclamations. Le match est fini.

Le point positif de tout ça, je pense, c'est qu'on peut enfin aller se sécher. Je m'en veux un peu de ne pas avoir réussi à attraper le vif, ou du moins à empêcher l'autre attrapeuse de le faire, mais je n'ai juste pas eu de chance. Je n'étais simplement pas du bon côté. Les autres joueurs semblent le comprendre aussi, car je n'essuie aucun reproche, à peine un ou deux regards noirs. Je crois que tout le monde est fatigué d'avoir joué dans ces conditions. Et au moins, nous ne perdons que de cinquante points. Je trouve toujours aussi absurde que le vif en donne autant. Vraiment, le jeu pourrait faire sens si il en valait, je sais pas, cinquante ? Quarante ?

Ce soir là, je décide de sauter le repas. Je ne peux plus manger avec Scorpius et ses amis, car Eva a trop peur de moi. Je ne veux pas me retrouver à proximité d'Ewald en me demandant si il a lu la lettre et ce qu'il en pense, et Alphonse mange avec l'équipe. Je n'ai pas la patience d'écouter les jérémiade de Jenkins. Je suis tellement fatiguée, de toute façon, que je m'endors rapidement, pour une fois.

xxx

Il y a une beauté certaine à l'éphémère. À la splendeur d'une aurore boréale, à la flamme d'une bougie, au passage d'une étoile filante. La foudre qui s'abat. Et je suis tout ça à la fois, je crois. Le brûle haut et fort, je me consume pour disparaître plus vite. Je laisserai un souvenir intense, peut-être. Un souvenir brûlant, pas forcément de joie. Ils me pensent si forte, créative et fantasque, alors que je ne serai bientôt que le souvenir d'un instant brillant. La foudre s'est abattue sur moi et je n'en finis plus de brûler.

-Extrait d'un texte sur l'ordinateur d'Aurore Berger-


J'avoue que le chapitre est un peu court, car évidemment je me suis laissé.e surprendre par le temps xD
Qu'en avez-vous pensé? Et si vous avez grandi avec une poitrine, est-ce que vous avez subi ce truc aussi?
Que pensez vous qu'il va se passer maintenant?
(normalement il devrait se passer plus de trucs, notamment discutions, dans le prochain chapitre, huhuhu)

La bonne journée!