Hello!

Voici à nouveau un chapitre que j'ai, à la surprise générale, rushé pour le finir à temps. Qui l'eut cru.
Merci aux gens qui m'ont laissé des reviews sur le dernier chapitre, j'en ai vraiment besoin pour être motivé.e^^

Je voulais mettre plus de choses dans ce chapitre, mais la procrastination a eu raison de moi... J'ai pas le temps de relire non plus, donc j'espère que ça ira xD

J'espère qu'il vous plaira. J'y aborde un sujet auquel j'aurais jamais pensé quand j'ai commencé à écrire, mais qui va de pair avec mon évolution^^

Bonne lecture!


Lorsque je rentre dans ma tour après le repas de midi, le lendemain, Ewald est là. Je manque de sursauter en le découvrant, attendant sous ma trappe, raide comme un piquet. Mon esprit s'emballe aussitôt alors qu'on se regarde un instant en silence. Est-ce que j'ai encore merdé ? J'ai dû le mettre en colère… Est-ce qu'il a lu mon mot ? Il a l'air très tendu, et ne porte pas son masque comme les dernières fois qu'on a interagi. L'envie de tourner les talons et de m'enfuir me prend aux tripes, mais je reste plantée là, comme un daim figé par les phares d'une voiture.

« Vivian... » Ewald commence, s'interrompant aussitôt.

Je fais un pas vers lui, occludant aussi fort que je peux pour essayer de garder une voix neutre :

« Qu'est ce que tu fais ici ? »

Le Serpentard tressaille légèrement, et je réalise que ma question sonne peut-être agressive.

« Je pense qu'il faut qu'on discute. » me répond il, d'un ton plus neutre que juste avant. Je me tends encore davantage, j'ai l'impression d'avoir déjà fait un faux pas, pour qu'il se referme si vite. De quoi peut il bien vouloir discuter ? Tout était dit, non ? Incapable de le regarder dans les yeux ou de trouver quelque chose à répondre, j'ouvre ma trappe d'un coup de baguette avant de monter. Ewald me suit sans un mot. Je lui donne un coussin pour s'asseoir, celui qui me sert d'oreiller, et je m'assois à mon tour, ramenant instinctivement mes genoux contre ma poitrine avant de les laisser aller tout de suite, me rappelant de ce qui pousse là. Je remue, essayant de trouver une position confortable, frustrée et en colère contre moi même.

« Tu peux me regarder, Vivian ? »

Je tressaille. Je me fige. Je lève les yeux vers le Serpentard.

« Je suis désolée. »

Il me regarde en retour son attention focalisée sur moi, et a un petit sourire beaucoup trop triste. Le silence s'étire quelques secondes entre nous jusqu'à ce qu'il reprenne la parole.

« J'ai lu ta lettre. »

Je ne sais pas quoi répondre, alors je me tais. Devant mon manque de réaction, il enchaîne, gagnant en assurance au fur et à mesure qu'il trouve ses mots :

« Je t'ai dit que j'avais besoin de temps… Je t'ai aussi dit qu'on restait amis. Je… Tu as une place importante dans ma vie, même si tu m'as fait du mal. Je ne veux pas rompre les liens avec toi. Je… Je ne savais pas trop comment m'y prendre pour te parler, mais ces dernières semaines tu m'as beaucoup évité. Je pensais que tu avais besoin de temps, ou que tu étais en colère contre moi, et j'aurais compris. J'ai pris du temps à faire le tri aussi. Vivian, regarde moi s'il-te-plaît. »

Je lève les yeux vers lui, essayant de dissimuler les larmes qui gonflent mes paupières, refusant de les laisser s'écouler. Mes ongles s'enfoncent cruellement dans mes coupures d'hier soir. Ça me maintient à flots alors que l'occlumencie me devient inaccessible, bouleversée comme je suis. Une expression peinée passe sur le visage du Serpentard qui continue de parler.

« Personne avant n'a approché autant la personne que je suis. En quelques mois, tu es devenue mon amie la plus proche. Je n'avais jamais invité qui que ce soit au manoir. Arthur ne savait pas grand-chose sur ma mère, et c'est pourtant mon meilleur ami. J'ai grandi isolé, Vivian. J'ai toujours été seul ou presque. Tu as tes propres problèmes, et tu as agi en fonction de ça. Et c'est normal. Tu vas mal, et t'en tenir rancune est injuste. »

Je prends ma respiration, prête à l'interrompre, mais il ne me laisse pas le temps de parler.

« C'est en lisant ton mot que j'ai réalisé que j'avais projeté mes sentiments sur toi. J'ai été stupide. J'aurais dû te parler plus tôt, mais j'avais peur d'être rejeté. C'est ça la vérité. »

En moi, tout se trouble. L'espoir perce malgré mes efforts, tandis que la peine, la douleur, et une impression tenace de gâchis se battent pour atteindre le devant de la scène. J'ai mal de voir Ewald, si fier, être si vulnérable. Je me sens stupide, aussi. D'avoir mal compris, d'avoir mal interprété. Et aussi, je n'ai pas envie qu'il me passe tout par pitié, parce que « je vais mal ». Je ne garde pas longtemps le silence, néanmoins. Je lui dois au moins ça.

« Je suis désolée. »

C'est sorti tout seul, c'est la première chose qui m'est venue à l'esprit. Devant la mine confuse d'Ewald, je continue.

« Je ne sais pas quoi te dire. Je suis juste tellement désolée de t'avoir fait du mal, et de continuer à t'en faire. On dirait que j'arrive jamais à faire les choses correctement ! » je serre le poing, et je vois Ewald se tendre, comme si il allait réagir. « Je ne veux pas te perdre. » je le dis, parce que c'est important. J'ajoute, et les paroles commencent à couler hors de moi malgré mon sentiment d'impuissance et de peur : « Tu es devenu vital pour moi. J'aime Arthur et Alphonse, mais tu as réussi à me comprendre bien plus qu'eux. Tu n'as jamais eu pitié de moi, tu ne m'as pas ménagée ou arrangé la vérité pour me protéger. J'ai besoin de ça. Tu es attentif, à l'écoute, et fiable. Tu… À chaque fois que je réalise à quel point tu t'es dévoilé à moi, je me sens flattée, réellement flattée de la confiance que tu m'as offerte. » et je ne sais pas quoi en faire. « Je ne suis pas digne de confiance, je ne suis pas quelqu'un de bien, et je m'en veux tellement de t'avoir trahi. »

Je n'arrive pas à le regarder. J'ai honte d'être confuse, je m'en veux de lui dire qu'il ne peut pas me faire confiance alors qu'il semblait prêt à renouer avec moi, mais en même temps je me dois de le faire.

« On fait tous des erreurs, Vivian. Et comme je l'ai dit, j'aurais dû prendre en compte davantage la personne que tu es. Oui, tu as eu tort. Mais tu n'as pas fait ça pour me blesser-

-Je savais pertinemment que ça te ferait du mal. » je l'interromps, remplaçant dans ma tête la fin de ma phrase par « détruirait ». J'ai cette pudeur en moi de ne pas dire ces mots à voix à haute, nuancée de la peur de me tromper.

« C'est pour ça que je t'en veux quand même. » répond il calmement, et ça fait comme un coup. « Mais pour autant, je comprends. Et ce n'est pas parce que tu as fait une erreur que ça veut dire qu'on ne doit plus être amis. Il m'a fallu du temps pour digérer, c'est sûr. Ça va rester un sujet sensible pendant longtemps, je pense, pour être franc. » là, Ewald a un rire un peu embarrassé, à moitié sincère.

Je le regarde fixement, incapable d'en rigoler.

« Je suis désolée.

-Je sais, et c'est pour ça que je peux être okay avec ce qu'il s'est passé. » répond il, reprenant son sérieux.

« Je ne suis pas sûre que tu puisses me faire confiance. » j'ajoute, par acquis de confiance.

Il me regarde dans les yeux, et son esprit effleure le mien. Des larmes me montent à nouveau aux yeux alors que j'ouvre la connexion restée morte si longtemps.

« J'ai confiance en toi. »

Son visage change lorsque la connexion se fait, alors même que les premières larmes m'échappent. C'est lui qui fait le premier pas vers moi, parce que je ne l'aurais jamais fait, trop effrayée de le toucher sans son consentement ou de me faire rejeter. Mais la seconde d'après je suis dans ses bras, et mes larmes coulent librement alors qu'il me serre fort contre lui. Il est un peu raide, et je le relâche rapidement, terrorisée soudain d'avoir fait quelque chose qu'il ne fallait pas. Il me retient doucement, m'empêchant de trop m'éloigner.

« Je suis désolé, Vivian. »

Je ne comprends pas pourquoi il s'excuse tout à coup, et ça doit se voir, car il explicite.

« Je n'avais pas réalisé que mon comportement t'avait blessé à ce point. » il ajoute, comme se parlant à lui même, avec une pointe de colère : « C'était stupide. »

Je dois toujours avoir l'air perdu, car il continue « Je sais que tu as peur de l'abandon, pourtant. Je ne pensais pas que tu aurais aussi mal. J'ai été égoïste. Je suis vraiment désolé. »

C'est à ce moment là que mon esprit raccroche les wagons. Ça fait tellement longtemps que nous n'avions pas communiqué par télépathie que je n'ai pas dû protéger suffisamment mes émotions.

« Ce n'est pas grave. C'était mérité. » je réponds avec un petit rire.

« Je ne crois pas, non. » répond doucement Ewald. « Je ne pense pas que prendre de la distance était un tort, mais j'ai trop été pris dans mes insécurités pour penser à ce que ça te faisait à toi, alors que toi aussi tu t'es ouverte à moi. C'était cruel.

-Ce qui est fait est fait. C'était pas ça, ton message ? » je demande avec une pointe d'ironie avant qu'il ne puisse s'excuser davantage. « Je ne t'en veux pas. »

Il me sourit enfin, et j'ajoute :

« Merci d'être venu me voir.

-Tu m'as manqué.

-Moi aussi, tu m'as manqué. »

Je me blottis contre lui, émerveillée dans un recoin de mon esprit qu'il ne me repousse pas, et nous restons enlacés de longs instants. Je me sens à ma place, ici.

Trop vite, notre étreinte prend fin et lorsque que nous nous séparons, Ewald retient ma main, l'air soudain soucieux.

« Tu as du sang sous les ongles. »

Je regarde ma main, confuse, avant de réaliser que j'ai dû rouvrir mes coupures d'hier en y plantant mes doigts tout à l'heure.

« J'ai dû me gratter trop fort, ce matin j'avais des grosses plaques sur les jambes. » je réponds d'un air faussement embarrassé, sur le ton de la plaisanterie, incapable de le regarder dans les yeux.

« Vivian… »

Je ne le regarde pas, me contentant de hausser les épaules.

« N'en parlons pas pour l'instant, d'accord ? Ça fait une éternité que je n'ai pas pu me défouler. Tu veux bien qu'on fasse un petit duel ? »

Je vois bien que ça ne lui plaît pas, mais étrangement il ne dit rien, se contentant de se lever, m'entraînant à sa suite.

« J'espère que tu n'as pas oublié mes leçons. » me dit-il, d'un ton faussement sévère.

« Tu vas bien voir ! » je réponds, avec un brin de provocation.

Et nous quittons la tour ensemble à la recherche d'une salle de classe déserte où s'entraîner.

xxx

Renouer avec Ewald me fait un bien fou. Nous recommençons à étudier ensemble à la bibliothèque, à faire des duels, et à manger ensemble tous les jours. Nous nous retrouvons souvent seuls à ces occasions, car, et je le réalise à ce moment là, Alphonse a l'air d'éviter un peu le Serpentard. Je me demande ce qu'il leur arrive, mais je n'ose pas poser la question tout de suite à mon meilleur ami, alors qu'on vient juste de se réconcilier. J'aurais eu moins de scrupules à interroger Al', mais je ne le vois pas souvent seul, et les rares fois où nous le sommes ça me sort souvent de la tête, vu qu'on s'amuse beaucoup à faire du saut sur balais. Arthur, pour sa part, mange le plus souvent possible en compagnie de Cian, et ils ont envie de rester seuls, je pense. Ou alors, elle ne m'aime pas. Vu qu'avant Ewald mangeait souvent avec les amoureux, c'est une possibilité qui me traverse l'esprit. Quoi qu'il en soit, je ne me plains pas. La présence d'Ewald est un baume sur la douleur que m'a causé son absence. Je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir en bénéficier, mais tant qu'il veut de moi j'en profite.

xxx

Quelques jours après ma discussion avec Ewald, j'ai la surprise de voir Arthur m'attendre à la sortie de mon cours de métamorphose. J'ai pas passé une excellente journée, et ça me fait plaisir de voir une tête amicale, même si je me demande ce qu'il me veut. Il propose d'aller se promener un peu dehors, vu qu'il fait beau et que le soleil est encore assez haut dans le ciel. Nous marchons en silence, et une fois dehors, loin de la masse des élèves, je respire plus librement. Nous allégeons nos sacs de cours d'un sort avant de marcher en direction du lac d'un commun accord.

Maintenant que nous sommes sortis, Arthur fait la conversation à coup de banalités qui participent encore à me détendre. Je me plains de ma classe, qui avait beaucoup trop d'énergie aujourd'hui, et des profs casse-pied, et je me surprends à apprécier que le Poufsouffle aie eu l'idée de venir me voir. J'ai toujours tendance à trop le négliger. Le paysage est beau, et je réalise que je n'en profite pas assez souvent. Les nuages se reflètent dans le lac noir, mêlant leur reflets à l'infini dans les vagues en un kalidéoscope d'ombres et de lumière. Les collines, autour commencent à verdir un peu après les frimas, et la masse sombre de la forêt interdite ajoute une aura de mystère au décor. Je respire à pleins poumons l'air encore frais empli de l'odeur de vase du lac, sans parvenir à la trouver désagréable.

« Tu as l'air d'aller mieux. »

Évidemment, c'est le moment que choisit le Poufsouffle pour aborder le sujet dont il voulait parler depuis le début. Je soupire, et m'assieds à ses côtés sur une pierre plate dominant le lac, où nos pas nous ont mené.

« Ewald m'a dit que vous aviez parlé. »

Résignée, je n'essaye même pas de détourner le sujet. Arthur restera toujours Arthur.

« C'est vrai. Merci de lui avoir donné la lettre.

-Désolé pour le retard. » répond le Poufsouffle, un peu embarrassé « Mais du coup, vous avez pu tout régler ? » l'espoir sonne clair dans sa voix, et je décide d'avoir pitié de lui.

« Oui, ne t'inquiète pas. Il y a des choses qui ne vont pas disparaître du jour au lendemain, mais on est redevenus amis. Il m'avait vraiment manqué.

-Je pense que tu lui a manqué aussi. »

Le ton sérieux d'Arthur me plonge dans mes pensées, et nous restons silencieux quelques instants. Je sens mon interlocuteur sur le point d'ajouter quelque chose, mais avant qu'il n'aie le temps de parler je prends la parole, une idée me traversant l'esprit.

« Dis Arthur, j'ai une question pour toi.

-Je t'écoute. » fait il, un peu désarçonné

« Comme tu étudies un peu la médicomagie… Est-ce que tu saurais si c'est possible d'arrêter la croissance de la poitrine ? »

Il a un hoquet surpris et je vois distinctement le visage de mon ami rougir avant de résolument détourner les yeux de lui, embarrassée. Je me sens vulnérable. Merlin soit loué, il ne laisse pas le silence malaisant se prolonger et demande d'une voix mal assurée :

« Tu… Tu as un problème avec ta poitrine ? En-enfin, je veux dire, euh, tu ne veux pas de poitrine ? »

Je n'ai pas besoin de le regarder pour savoir avec certitude qu'il est encore plus rouge que moi, même encore plus mal à l'aise.

« Laisse tomber, c'est pas important. » je réponds, regrettant d'avoir posé ma question.

« N-Non, tu as eu raison ! Désolé d'avoir réagi bizarrement ! Je t'écoute » bégaie-il, un brin de panique dans la voix.

Je me lève, donnant nerveusement un coup de pied dans un caillou avant d'expliciter, toujours sans le regarder.

« Je ne sais pas exactement ce que je veux, d'accord ? Mais ces derniers temps... » je soupire, l'embarras se dissipant peu à peu. « Tu sais que j'ai brûlé la robe d'un mec qui se moquait de moi, il y a quelques semaines.

-Effectivement. » répond Arthur, croisant mon regard pour la première fois depuis que j'ai parlé de poitrine. Une étincelle de colère brille dans son regard.

« Il participait à un « jeu » de mes camarades de dortoir, qui apparemment sont fascinées par la croissance de la poitrine. En gros, leur truc c'est de dire « chut ça pousse » en se pointant du doigt mutuellement. » je serre les poings au souvenir de l'humiliation que j'ai ressentie à chacune de leurs phrases, teintée de honte. « Elles ont compris que ça me mettait mal à l'aise, et j'ai subi ça pendant des semaines. Et ce mec là est allé trop loin, le sort est parti tout seul. »

Je me tais. Je me sens vulnérable d'avoir admis ma faiblesse, et la colère gronde à nouveau en se tourne complètement vers moi, vivement, et je fois dans ses yeux le reflet de ma colère.

« C'était ça alors. J'aurais dû comprendre qu'il y avait un truc derrière ça. Heureusement que les profs l'ont engueulé. » il fait, sombrement. « Pourquoi tu ne m'as rien dit ? »

Je sens qu'une partie de sa colère est dirigée vers moi. Je soupire.

« Parce que ça n'aurait servi à rien. »

Le Poufsouffle a l'air prêt à s'indigner, et je continue à parler avant qu'il ne s'offusque davantage.

« Les profs se sont occupés de lui, ok ? Qu'est-ce que tu aurais voulu faire de plus ?

-Je ne parle pas que de ce connard, Vivian ! Tu viens juste d'avouer que tu t'es fait harceler pendant plusieurs semaines !

-Et je suis allée en parler aux professeurs. Écoute, Arthur, je n'ai pas envie de me disputer, d'accord ? Quand tu donnes de l'importance à ceux qui te harcèlent, c'est toujours pire. Il faut juste laisser glisser, et il finissent par se lasser.

-C'est pour ça qu'une espèce de veracrasse a pensé que c'était ok de te peloter ? »

Je ne laisse rien paraître du dégoût à l'intérieur de moi, et je répond calmement.

« J'aurais peut-être dû foutre le feu à quelqu'un plus tôt, tu as raison. Après ça, on m'a fichu la paix. Mais je ne suis pas sûre que les profs m'auraient laissé m'en tirer à si bon compte. »

La satisfaction est audible dans ma voix, et le Poufsouffle ne s'y trompe pas. Il soupire longuement avant d'enfin revenir au sujet initial.

« C'est à cause de ça que tu veux arrêter la croissance de ta poitrine ? »

Je suis fière de lui, il a réussi à me regarder en disant ça, et seules deux marques rouges sur ses joues expriment son embarras. Je marche sur place, nerveusement.

« C'est plus compliqué que ça. » je soupire, puis j'essaye d'expliquer. « Le harcèlement m'a rappelé que j'allais avoir de ma poitrine, et m'a forcé à y penser. Et j'aime pas l'idée d'en avoir. J'avais pas aimé quand j'étais Aurore, et je déteste l'idée de la voir pousser à nouveau dans ce corps. J'aime mon corps comme il est, et je… Je sais que c'est bizarre, okay ? Mais quand je pense à ça je me sens emprisonnée dans mon corps, condamnée à subir une torture alors que jusqu'à présent je me sentais libre dans ce corps. C'est juste chiant d'avoir de la poitrine, je sais pas, imagine avoir deux boulets qui pendent sur ton torse, et qui en bonus font que les mecs rêvent de t'agresser ! Je sais que c'est naturel, okay ? Mais juste, si c'est possible de faire quelque chose, j'aimerais beaucoup faire quelque chose. Tu comprends ? »

Le Poufsouffle garde le silence après cette tirade, songeur. Ça dure assez longtemps pour que je regrette, à nouveau, d'avoir ouvert ma bouche. J'aurais dû me taire. En même temps, il fallait que je sache si il y avait une solution, et il était le seul à qui je pouvais parler. J'ai un instant d'arrêt à cette réflexion. J'ai changé. Quelque part sur la route, j'ai commencé à vraiment faire confiance à Arthur. Oh, il savait déjà beaucoup de choses, mais j'ai dû révéler la plupart sous la contrainte, alors que là je l'ai fait de mon plein gré.

« Je crois qu'il existe des possibilités, mais rien que j'aie étudié. Si c'est important, il va falloir en parler à Madame Pomfresh. »

Je fais la grimace et me rassoit à côté d'Arthur.

« Il n'y a pas d'autres solutions ? Tu pourrais peut-être te renseigner sur ce qui existe, non ? »

Le Poufsouffle soupire.

« Je pourrais. Mais de toute façon si il y a des sorts ou des potions qui peuvent t'aider je ne me risquerai pas à te les administrer moi-même, à supposer que je sois capable de les exécuter ou de les préparer. C'est quelque chose qui pourrait avoir des conséquences trop graves si je me ratais. »

Et je n'ai pas le droit de lui demander ça, j'en ai bien conscience. Je suis frustrée et déçue, mais je peux reconnaître que c'est son droit.

« Je veux bien que tu te renseignes quand même, juste pour savoir. Ça sert à rien que j'aille voir l'infirmière si de toute façon y a rien à faire. »

Arthur hoche la tête avant de répondre.

« Je le ferai. Pourquoi tu veux à ce point éviter de parler à l'infirmière ?

-Ma vie privée ne regarde que moi. » je réponds, d'un ton ferme. « Je n'ai pas envie qu'elle me pose des questions, et je n'aime pas parler de tout ça.

-Tu veux dire le harcèlement ?

-Non ! Enfin, aussi, mais pour ma poitrine -je lance un regard rageux à mon torse- tout ne tourne pas autour de ça. Je n'aime pas parler de ce que ça me fait ressentir, d'imaginer qu'elle pousse.

-Ah. » répond Arthur, rougissant un peu à nouveau. Il réussit à se reconcentrer néanmoins pour dire, un peu timidement, comme si il avait peur de ma réaction : « Je sais que c'est ton problème, mais je pense que tu ne devrais pas prendre de décision en fonction de ce qu'on t'a fait subir, ou de ta peur qu'on te sexualise. Si tu arrêtes la croissance, ça devrait être pour toi, je crois. »

Il se tait, et semble attendre ma réaction avec inquiétude. Je prends le temps de peser ses mots avant de répondre.

« Tu as raison. »

Nerveuse, je crispe à nouveau mes ongles sur les coupures récentes à mes poignets. La douleur m'aide à me concentrer. Mes mots ont du mal à sortir, mais j'y arrive, doucement, sans regarder Arthur.

« Je ne peux pas empêcher ces raisons là de peser un poids dans ma décision, quoi qu'il arrive. Je suis trop cassée pour ça. Mais si ça peut te rassurer, je ne le ferais pas si ça ne me dérangeait pas au-delà de cet aspect là. »

Je sens le regard inquiet d'Arthur sur moi.

« Tu n'es pas cassée, Vivian. »

J'ai un petit rire, dénuée de toute joie.

« Peu importe ce que tu crois, je connais la vérité. Mais je sais aussi que je suis toujours là, peu importe ce qu'il arrive. Je sais aussi que je vais continuer à survivre, parce que je n'ai pas le choix, et parce que je suis forte. J'ai grandi seule. Je me tiens droite sur mes pieds alors même que le monde n'a jamais cessé de s'écrouler. » j'ai un sourire amer, alors même que je ressens toute la force et toute la douleur en moi en même temps. « Je suis brisée, et je suis toujours debout. »

Je vois bien qu'Arthur ne sait pas quoi répondre, mais je ne pense pas qu'il y aie quoi que ce soit à dire de toute façon. Pourtant, il me surprend. Après un long moment de silence, il trouve quelque chose à dire.

« Je ne pense pas que je peux réellement comprendre. Mais je te remercie de m'avoir fait confiance. »

Je lève les yeux vers lui, prise au dépourvu, avant de lui faire un sourire ironique.

« On est amis, non ? »

Il secoue la tête avec un brin d'amusement avant de prendre une mine fatiguée complètement surjouée.

« Ne te moque pas de moi. Ça ne t'a jamais arrêtée auparavant quand tu voulais cacher tes problèmes.

-On ne se refait pas. » je réponds avec un sourire

« Sauf quand on est amie avec un Poufsouffle. »

Je lui donne un petit coup de poing amical dans l'épaule, et nous continuons à discuter, abordant des sujets plus légers sur le chemin du retour vers le château.

Le soir, je me surprends à penser avec un sourire à ce moment. J'ai aimé parler avec Arthur, et je suis contente de l'avoir fait, au final. J'espère qu'il pourra m'aider.

xxx

Une semaine s'écoule tranquillement après ma discussion avec Arthur. À l'entraînement de Quidditch, le samedi, je joue particulièrement bien, ce qui me vaut des félicitations d'Alphonse et une tête particulièrement frustrée de Jenkins, qui n'est pas sûr de jouer contre Serdaigle. En parlant des bleu et bronze, d'ailleurs, il semblerait que Lily Potter aie débuté une campagne de harcèlement pour convaincre Al' de me laisser jouer contre eux. Elle a toujours une revanche à prendre sur moi. J'avoue que je trouve ça un peu rigolo, et je passe un repas assez drôle en sa compagnie, une fois où je me suis assise avec Scorpius et ses amis.

Le mercredi d'après, Arthur me prend à part après le repas pour me dire qu'il a du nouveau. J'apprécie qu'il ne mentionne pas devant Ewald le sujet qui me préoccupe, car je ne lui en ai pas parlé, et que comme beaucoup d'autres choses je suis ok pour en parler avec une personne à la fois, mais pas plusieurs. Nous nous installons au QG et je lance de mon mieux un sort de confidentialité que m'a appris le Serpentard. Arthur me laisse à peine le temps de finir avant de m'annoncer, les yeux brillants :

« J'ai une bonne nouvelle pour toi ! C'est possible !

-Vraiment ? Merci beaucoup, Arthur. Qu'est-ce que tu as trouvé ? »

Le Poufsouffle se tortille un peu sur sa chaise avant de répondre.

« Apparemment, c'est un problème plus commun que je pensais. Il y a un traitement avec des potions qui permet d'arrêter définitivement la croissance d'une poitrine, et des sorts qui permettent de mettre en pause la puberté si besoin.

-Ah ouais... » je fais, un peu impressionnée

« Madame Pomfresh sait le faire. »

Je soupire, avant de demander :

« Tu voudras bien m'accompagner ? »

Mon ami relève la tête, surpris.

« Euh, bien sûr ! Tu es sûre de toi ? »

Je lui souris.

« Oui. Enfin… Je ne veux pas qu'elle sache, pour mes coupures. Est-ce que tu peux me dire si elle risque de me lancer un sort de diagnostic ? »

Arthur grimace.

« Ça risque d'être compliqué à éviter. Je ne sais pas quel niveau d'information elle a besoin d'avoir. Mais je ne pense pas que ça devrait cibler ta peau, si c'est un sort approfondi, donc ça devrait aller j'imagine… Enfin, tu n'as rien fait récemment, si ? »

L'air soupçonneux d'Arthur me fait un petit coup au cœur.

« Qu'est-ce que ça change, si c'est récent ? »

Le Poufsouffle voit clair dans ma semi-esquive, mais a la gentillesse de commencer par me répondre :

« Ça apparaîtra sans doute si tes plaies ne sont pas soignées, surtout si elles sont profondes. Tu t'es encore coupée ? »

Je hausse les épaules. Je n'ai pas envie de répondre, mais il se doute de la réponse. Même si je me coupe moins depuis ma discussion avec Ewald, je n'ai pas vraiment arrêté pour autant. C'est… une forme de loisir pour mon esprit tordu après tout.

« Vivian ? »

Arthur se rapproche de moi, et je lui propose :

« Lance moi un sort de diagnostic, on verra bien ce que ça donne. »

Mon ami n'aime clairement pas ça, mais il s'exécute. Le sort affiche les résultats sous ses yeux, et il les fait disparaître rapidement.

« Je ne sais pas si ça apparaîtra sur un sort non ciblé sur ta peau. Ça dépend du niveau de détail. Vivian... » il soupire, l'air peiné « Comment on peut faire pour que tu arrêtes ?

-Je n'ai pas envie d'arrêter.

-Mais tu te fais du mal ! »

Je soupire. Je n'ai pas envie de me disputer encore avec lui.

« Ça me fait du bien, d'une certaine façon. Écoute, j'essaye de le faire moins souvent, d'accord ? Chaque chose en son temps.

-Je n'aime pas ça. J'aimerais que tu me donnes tes lames, s'il-te-plaît.

-Pourquoi faire ? Tu sais très bien que j'en trouverai d'autres.

-Alors accepte de voir un psychomage. Ça pourrait vraiment t'aider, Vivian. Je ne peux pas te laisser souffrir comme ça.

-Ma vie privée ne regarde que moi. » je réponds, froidement. « Et tu n'as pas intérêt à en parler à un adulte. »

Arthur a un sursaut.

« Je ne le ferai pas. » il répond, d'une voix vibrante d'émotion contenue. « Je ne le ferai pas, parce que ce serai trahir ta confiance, et je tiens trop à toi. Et je me déteste pour ça, tu le savais ? Si j'étais pas aussi égoïste je l'aurais fait. Parce que tu as besoin d'aide, et que de toute évidence je ne suis pas capable de te l'apporter.

-Je suis désolée. » je réponds, malgré moi. « Tu n'as pas à t'en vouloir. Et tu m'aides, vraiment ! Les autres aussi. Mais certaines choses prennent du temps, tu comprends ? Tu n'es pas égoïste, au contraire. Tu me donnes ce dont j'ai besoin, de l'écoute et du respect pour mes limites. C'est parce que tu me laisses aller à mon rythme que je peux avancer. »

Arthur me dévisage, l'air un peu incertain

« Je ne suis pas sûr de faire les bonnes choses.

-Chacun fait de son mieux, Arthur. Mais c'est moi qui suis concernée, là, et je te dis que c'est ce dont j'ai besoin. »

Mes mots semblent réconforter un peu mon interlocuteur, même si il continue à faire grise mine.

« Je ne peux pas te laisser faire sans rien dire.

-Je sais. Je pense qu'on peut se mettre d'accord pour être en désaccord, non ? »

À part moi, je me dis qu'il faut que je cache mieux tout ça. Non, je n'ai pas l'intention d'arrêter, mais je ne veux pas que mes amis souffrent à cause de ça. C'est mon problème. Enfin, si on peut appeler ça un problème. C'est mon… Loisir problématique ?

Pendant que je pense tout ça, Arthur secoue la tête d'un air résigné.

« On peut, pour le moment. Mais je veux que tu me laisses te soigner, au moins.

-Maintenant ?

-Oui, maintenant. »

Je réfléchis rapidement. Mes coupures seront moins impressionnantes sur les jambes, je suppose. Mais si il peut les voir avec son sort de diagnostic, de toute façon, il saura si je lui mens. Et bon, si je dois aller voir Pomfresh j'ai besoin qu'il me soigne tout, ou attendre qu'elles guérissent toute seules. Autant ne pas perdre de temps.

Le soin est assez rapide, une fois qu'Arthur a surmonté son choc. Le fait qu'il aie déjà vu, une fois ou deux, mes cicatrices n'a pas suffit à le désensibiliser, et il cache moins bien ses émotions qu'Ewald. J'ai mal de voir que ça l'impacte. Je sais déjà que je me couperai, plus tard, pour expier ces tumultes émotionnels, tout en sachant pertinemment que c'est précisément ce genre de comportement qui a causé tout ça en premier lieu. Une fois que mes glamours sont à nouveau en place, je demande :

« Est-ce que tu veux bien qu'on y aille maintenant ? »

Arthur se dandine légèrement. Je comprends qu'il y a autre chose qui le chiffonne.

« Je veux bien, mais euh…

-Oui ?

-Je ne sais pas si tu, enfin… Est-ce que tu connais la transidentité ?

-Euh, je crois ? Je suis pas vraiment renseignée sur le sujet. C'est des mecs qui veulent être des filles, et l'inverse ?

-C'est pas exactement ça mais je suis pas la meilleure personne pour expliquer. » soupire Arthur.

Je ne comprends pas trop pourquoi il parle de tout ça, alors je lui demande. Il me répond que le plus simple est de discuter avec Pomfresh et je laisse tomber, pressée d'avancer par rapport à ma poitrine. Arthur est bizarre en ce moment.

Le chemin vers l'infirmerie se déroule globalement en silence, chacun d'entre nous ayant des choses à penser, apparemment. Je suis nerveuse. J'ai peur que l'infirmière ne découvre mes coupures. Je ne sais pas quoi faire dans ce cas là. Je sais qu'il y a peu de raisons que ça arrive, même si mes glamours tombaient il n'y aurait rien de visible, vu que je porte mon écharpe. J'ai quelques marques sur les mains, mais elles sont vraiment discrètes. Néanmoins, c'est un risque. Je suis encore en train de réaliser que je suis prête à le courir pour arriver à mes fins, même si je n'aime pas ça. Je le fais uniquement car je pense que ça passera.

Lorsque nous arrivons, l'infirmerie est à peu près déserte, à l'exception d'un lit aux rideaux tirés et d'un troisième année au bras bandé qui gémit doucement dans un coin de la pièce. L'assistant de madame Pomfresh est auprès de lui, et lui parle à voix basse. Madame Pomfresh ne tarde pas à faire son apparition, nous accueillant avec gentillesse et une pointe de surprise.

« Bonjour Arthur, comment vas tu ? Tu ne quittes plus l'infirmerie ! Bonjour, miss. » ajoute-t'elle en se tournant vers moi. « Qu'est-ce qui vous amène ?

-Vous vous souvenez de notre discussion sur les façons de bloquer la puberté, hier ? » demande Arthur « Je posais la question pour Vivian. » fait il en m'indiquant.

« Oh, je comprends ! » répond la matrone. « Et bien, suivez-moi dans mon bureau miss.. ?

-Mackson. » je réponds, la tension augmentant en moi. « Est-ce qu'Arthur peut venir ?

-Arthur ? Oui, bien sûr, si vous en avez envie. » me dit elle avec douceur. « Suivez-moi. »

Je m'exécute, le Poufsouffle avec moi, un peu incertaine de ce qu'il va se passer.

Le bureau de Madame Pomfresh est propre et bien rangé. Deux fauteuils nous accueillent, Arthur et moi, tandis que l'infirmière s'assoit face à nous, de l'autre côté d'un bureau encombré de différents documents, dans la plus pure tradition médecin moldu. Le seul indice qui montre que nous sommes côté sorcier sont les quelques fioles posées au bord du bureau.

« Alors, miss Mackson. Pouvez-vous m'expliquer votre demande exactement ? »

Je prends une grande inspiration, et je me lance. J'espère qu'elle ne va pas me trouver trop bizarre.

« J'aimerais faire en sorte de bloquer la pousse de ma poitrine. Je… Je n'aime pas l'idée d'en avoir, j'aime mon torse comme il est. Arthur m'a dit que c'était possible. »

Je n'arrive pas à lire le visage de l'infirmière, mais elle ne marque aucune surprise, se contentant de m'écouter tranquillement.

« C'est possible, en effet. Sauriez-vous m'expliquer ce qui vous dérange, dans le fait d'avoir de la poitrine ? »

Je jette un coup d'œil en coin à Arthur, qui réussit par je ne sais quel miracle à ne pas avoir l'air trop embarrassé. Le contexte infirmerie, peut-être ?

« Je ne sais pas exactement… Je n'ai pas envie d'avoir des poids inutiles devant moi… Je n'aime pas l'idée de voir mon torse changer.

-Est-ce que ça pourrait être lié à une peur du changement ?

-Non ! Le changement fait partie de la vie, c'est juste… J'aime mon torse plat. Il me va bien. »

Je m'agace d'avoir un peu haussé la voix. L'infirmière a l'air vaguement surprise de ma réponse, mais me répond de façon toujours aussi douce.

« D'accord. Je vais vous poser quelques questions, répondez franchement, d'accord ?

-D'accord.

-Est-ce que vous avez déjà eu l'impression d'être dans le mauvais corps ? »

Je hausse les épaules, un peu déroutée. Oui ? Non ? Je veux dire, ce n'était pas mon corps à l'origine, donc forcément que je ne m'y suis pas toujours sentie à ma place. Mais ça, madame Pomfresh n'a aucun moyen de le savoir, alors pourquoi me demander ça ?

-Euh… Je ne comprends pas trop votre question, je crois. » un éclair de réponse me traverse « Mais si j'avais de la poitrine, je crois que ça pourrait être une impression que j'aurai… Je ne sais pas.

-D'accord. Est-ce qu'il vous ai déjà arrivé de vous imaginer en garçon, peut-être ? »

Je comprends enfin la question d'Arthur, tout à l'heure.

« Non, madame. Mais je me suis toujours sentie plus proche des garçons que des filles, je crois. J'ai jamais compris tout le délire avec le maquillage ou les fringues. »

L'infirmière hoche la tête.

« Miss Mackson, que savez-vous de la transidentité ?

-C'est quand un garçon veut être une fille ou l'inverse ?

-D'une certaine façon, mais pas exactement. D'autres vous l'expliqueraient sans doute mieux que moi, mais c'est lorsque votre genre ne correspond pas à celui qu'on vous a attribué à la naissance. »

Je la regarde, un peu perdue. Je ne suis pas sûre de comprendre. Ça doit se lire dans mon regard, car l'infirmière développe.

« Par exemple, quelqu'un qu'on a considéré comme une petite fille à sa naissance, et qui se rend compte en grandissant qu'il s'épanouit dans les codes masculins, avec une apparence masculine, et qui s'identifie comme un garçon. C'est ce qu'on appelle un homme trans.

-Je ne suis pas sûre de comprendre… Chacun fait ce qu'il veut, non ? On s'en fiche, d'être un garçon ou une fille… Je sais juste que je ne veux pas de poitrine, mais ça fait pas de moi un garçon ! »

L'infirmière me regarde quelques instants avant de me sourire.

« Bien sûr que non, miss Mackson. Vous n'êtes pas venue pour ça de toute façon, mais je pense que le sujet pourrait vous intéresser. Bien, pour revenir au point qui vous préoccupe, je vais vous expliquer un peu ce qui est possible. Il existe différents traitements agissant sur le corps, pouvant bloquer la puberté ou même déclencher des changements habituellement observés chez le sexe opposé. En l'occurrence, votre seule demande concerne votre poitrine, si je ne m'abuse ?

-C'est ça.

-Bien. Nous pourrons rediscuter des traitements de transition à un autre moment, mais dans l'immédiat pour votre poitrine il y a certaines potions qui permettraient d'atteindre le résultat que vous souhaitez. Ce sont des potions et un traitement que je suis en mesure de vous fournir, néanmoins il me faut dans tous les cas l'accord de vos parents. Avez-vous déjà eu l'occasion de discuter avec eux de votre souhait ?

-Non madame. » je réponds, frustrée. Je n'ai aucune idée de ce que vont dire mes parents, mais la seule idée de devoir leur demander la permission pour quelque chose qui me regarde moi m'emplit de colère. C'est mon corps !

« Si vous êtes déterminée, il faudra que nous aillons une discussion avec eux.

-Je suis déterminée ! Mais je ne sais pas ce qu'il diront, et de toute façon ça ne les regarde pas, c'est mon corps ! »

L'infirmière me lance un regard perçant.

« Vous êtes mineure, miss Mackson, nous sommes obligés d'en passer par là. Avez-vous des problèmes familiaux ? »

Merde. J'aurais dû voir la déduction venir.

« Non madame, je n'ai pas de problème avec mes parents… C'est juste que… »

Le regard attentif de l'infirmière m'invite à continuer, et je saute sur la première excuse crédible pour expliquer ma réaction, excuse qui n'est même pas un mensonge en plus.

« Je ne sais pas comment ils vont réagir, et ma poitrine a déjà commencé à pousser, ça m'angoisse, je ne sais pas combien de temps ils vont mettre à répondre, si ils seront d'accord, et je ne veux pas que ma poitrine pousse pendant ce temps ! » l'angoisse dans ma voix n'est même pas feinte.

L'infirmière me sourit à nouveau.

« Je comprends. » répond elle avec bienveillance. « Ne vous inquiétez pas, nous avons une solution pour mettre votre puberté en pause pour vous donner le temps, à vous et vos parents, d'envisager sereinement les différentes possibilités. Si cela vous convient, nous pouvons commencer ce traitement rapidement.

-Merci ! »

Mon soulagement doit être très visible, car l'infirmière a un sourire rassurant.

« Avant ça, néanmoins, je dois m'assurer que vous ne présentez pas de contre indication au traitement. »

Je me tends imperceptiblement, mais je ne dis rien.

Finalement, les examens médicaux se passe sans encombre. Madame Pomfresh laisse Arthur me lancer les sorts lorsqu'il le propose, après que j'aie donné mon accord. À cet instant, je lui voue une reconnaissance monstrueuse. Ses sorts ne révèlent rien de mes secrets, et l'infirmière accepte de me donner le traitement. Elle me fait boire une potion avant de lancer un sort complexe sur moi, recommandant à Arthur de prendre des notes. Ça fait un peu spécimen de laboratoire, mais je lui dois bien ça. Je suis sommée de revenir à l'infirmerie la semaine d'après pour faire le point, et invitée à contacter mes parents. Je suis réticente, mais je sais bien que je n'ai pas vraiment le choix. Avant que moi et mon Poufsouffle de compagnie ne quittions l'infirmerie, madame Pomfresh me demande :

« J'aimerais parler de vous à un élève qui est concerné par la transidentité, je pense que ça pourrait être intéressant pour vous d'échanger. Est-ce que ce serait ok pour vous ? »

Je hausse les épaules, mais je décide de ne pas la contrarier. Après tout, elle me rend service.

« Oui madame. »

Elle me lance un regard scrutateur, semblant incertaine de ma sincérité, mais je fais ma plus belle mine innocente et nous sortons enfin. Je remercie Arthur pour son aide avant de me séparer de lui. J'ai beaucoup de choses à penser.

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« Pourquoi est-ce toujours ceux que j'aime qui me font le plus de mal ? Parce que je leur ai ouvert mon coeur. Parce que je me suis rendue vulnérable. Et c'est toujours eux, aussi, qui m'ont fait le plus de bien. Je suis comme du verre brisé, qu'on ne peut touché sans s'entailler la main, comme j'entaille mon corps, chaque jour, dans un espoir illusoire de survivre à moi-même. »

-Extrait du nouveau carnet de Vivian Éris, février 2019-


Et voilà pour le chapitre! C'est donc la transidentité que j'aurais jamais pensé aborder, mais vu que j'ai appris que j'étais trans c'était logique que Vivian soit concernée aussi xD
Il me tarde de lire vos retours (ou juste un merci, hein, ça fait plaisir).

À la prochaine!

Kuro