J'aurai GALÉRÉ, une fois de plus, ha ha...

Bon, on va croiser les doigts pour que ça ne recommence pas o/

Bonne lecture !


En bon petit héros, Green ne mettait jamais son bien-être en premier. C'était toujours celui des autres avant le sien, le sort du royaume avant le sien propre.

Le sacrifice de soi, il connaissait. Sans en être un professionnel, il l'avait suffisamment pratiqué pour que cette option lui vienne à l'esprit au même titre que n'importe quelle autre. Et peu importe ce que lui reprochait son entourage, ils étaient du même bois.

En effet, Shadow avait fini par leur raconter l'attitude fière et téméraire de Zelda lors de son incarcération. Il n'en avait pas fallu plus pour que le Link vert ne quitte la maison pour courir ventre à terre jusqu'au château pour aller dire le fond de sa pensée à la princesse et surtout lui faire jurer de ne plus jamais faire ça ! C'était à eux, les héros, de se mettre en danger pour elle, pas l'inverse ! Ils auraient été bien, tiens, si la fin de leur aventure s'était couronnée avec une crêpe de princesse !

Son retour s'était fait entre deux chevaliers à l'armure brillante, n'en menant clairement pas large.

Heureusement, ç'avait été plus pour la forme et lui rappeler que, certes, leur grand-père et le roi étaient de vieux amis, et certes l'héritière au trône était une amie d'enfance, mais il était peut-être temps de remettre les pendules à l'heure niveau decorum. Et que donc, non, débouler dans la chambre princière en hurlant comme un goret n'était pas quelque chose de convenable.

Depuis, il s'était un peu fait oublier, aidé par les taquineries bon enfant de ses amis, mais aussi par la splendide remontrance décernée par leur père qui s'était dépêché dès qu'il avait croisé ses deux subordonnés revenant de sa maison d'enfance.

Mais voilà, il ne pouvait pas éternellement rester en-dehors du château qui avait été pendant si longtemps un immense terrain de jeu. Déjà parce que c'était là-bas que vivait leur amie d'enfance ainsi que leur père, qu'il y avait le terrain d'entraînement des chevaliers mais aussi le sanctuaire d'Hylia auquel leur grand-père les traînait une fois par semaine afin de lui y rendre grâce.

Sauf que, depuis la remontrance qu'il avait reçu, Green était incapable de garder le dos droit ou de croiser le regard de qui que ce soit là-bas, particulièrement ceux qui avaient assisté à la scène.

Et pour ça, il n'y avait qu'une seule solution.


— T'es sérieux ? soupira Blue.

— Je suis malade.

Se recroquevillant sous les couvertures, ledit malade évita convenablement le regard de doute que lui portait sans le moindre doute son frère d'arme.

Celui-ci soupira lourdement, prenant le ciel à témoin, et ferma la porte de la chambre derrière lui, s'y adossant en croisant les bras.

— Tu allais très bien, hier.

— C'est pas la première fois que ça se passe ainsi.

— En effet, concéda-t-il. Par contre, c'est la troisième cérémonie royale que tu rates parce que tu es soi-disant malade.

Merde. On l'avait grillé.

Sans attendre de réaction ou de réponse de sa part, Blue poursuivit :

— En plus, tu ne fais aucun effort, tu suis toujours le même script.

— Va chier, grommela-t-il de sous ses draps.

— Merci de t'inquiéter de mon transit, mais je vais bien. Moi.

Il s'assit sans gêne sur le lit, poussant même le soi-disant malade afin d'être plus confortable, ce qui ne fut pas bien accueilli par le concerné.

— Mais vire putain ! Rejoins ta foutue chambre si tu tiens tant que ça à te taper une sieste !

— La ferme. Je me suis coltiné cette foutue cérémonie pendant que tu te vautrais ici, supporte-moi encore un peu.

Green gigota encore un peu pour éviter de se faire écraser par l'autre crétin mais ne se retourna pas pour autant, s'enfonçant dans un silence boudeur.

C'était assez insultant que, sur tous ses frères, c'était le plus obtus qui venait à lui. Pour la peine, il allait s'assurer de tomber vraiment malade, rien que pour lui casser les pieds, tiens !

Pour la peine, il lui décocha un coup de pied à l'aveuglette, souriant largement au juron qui en découla, le perdant bien rapidement quand un poing lui fut décoché dans la colonne vertébrale, lui tirant les larmes.

Foutue brute.


Passer d'une seule personne à quatre personnalités avait été accompagné de la création de nouvelles habitudes. Parmi celles-ci, c'était Vio qui se chargeait de la réception et l'envoi des missives. Et ce fut donc lui qui décacheta le sceau royal durant le petit-déjeuner.

— Un bal va être tenu, annonça-t-il platement.

Roulant le parchemin, il le posa sur la table, retournant se noyer dans son café.

Loin de son comportement placide, les trois autres reflets du Link initial réagirent de manière plus bruyante.

— Encore un ? se plaignit Red. J'ai l'impression qu'il y a toutes les semaines ces derniers mois…

Plus démonstratif, Blue commença à se fracasser le crâne sur la table, de manière répétitive, grinçant des dents.

Green, lui, louchait sur son porridge, ses phalanges blanchies s'agrippant à sa cuillère comme à la garde d'une épée. Peut-être que… Peut-être que s'il se blessait avec, ce serait suffisamment crédible pour qu'il soit, de nouveau, excusé ?

Ignorant ses pensées, les trois autres débattirent sur le bal.

— Franchement, c'est n'importe quoi ! râla Red. On n'est même pas nobles ! Pourquoi devrait-on se coltiner toutes ces réceptions ?

— Nous sommes les héros d'Hyrule, rappela Vio. Il est du devoir du roi de parader en nous présentant à chaque nobliau.

— On a quinze ans. Personne ne nous prendrait au sérieux si la famille royale et les gardes n'avaient pas attesté de nos exploits, souligna Blue. Alors, des inconnus qui viennent au château une fois tous les cinq ans…

— Je déteste quand tu as raison… Heureusement que ça n'arrive pas souvent…

Très fier de sa pique, Vio se carapata prudemment dans son bureau, ignorant son frère écumant de rage langé à sa poursuite. Heureusement qu'il avait prévu une grosse serrure à sa porte, malgré la surprise de nombre de personnes.

Secouant la tête d'un blâme mêlé d'amusement, Red se tourna finalement vers le dernier Link attablé.

— Tout va bien Green ? Tu es un peu pâle. Tu couves quelque chose ?

En bon gars compatissant, Red avait remarqué la fréquence à laquelle son ami s'était fait porter pâle ces derniers temps, s'inquiétant pour sa santé. Pas comme s'il pouvait le traîner devant un guérisseur sans avoir à l'étourdir avant, bien sûr, mais rien ne l'empêchait d'agir à son échelle, comme surveiller son alimentation, aérer sa chambre quand il n'était pas là, s'assurer qu'il prenne des pauses…

Vio disait souvent qu'il jouait un peu trop les bons samaritains, mais c'était dans sa nature, donc il n'allait pas s'en excuser.

Mais rien à faire, Green continuait de se faire porter pâle et son état ne paraissait pas s'améliorer. Il allait falloir employer les grands moyens !

Fort de sa décision, il entreprit de débarrasser la table et commença la vaisselle, respectant le besoin de silence de son camarade. Lorsque celui-ci finit par se lever à son tour, il l'observa du coin de l'œil, un petit sourire aux lèvres.

Peut-être que cette fois il les accompagnera ?


— Okay, franchement, allez tous vous faire foutre.

La vulgarité de cette déclaration frappa plus que son ton lui-même, alors que les pas lourds de Blue paraissait retentir dans toute la bâtisse, rythmant son avancée au-travers, jusqu'au claquement d'une porte.

Restés seuls, Vio et Red s'entregardèrent, soupirant. Autant ils s'adoraient tous, autant le caractère explosif de certains usaient leurs nerfs.

Lors des réceptions précédentes, ils s'étaient présentés avec leurs tenues de héros, agrémentées d'une médaille, mais il avait été vite évident que ça faisait un peu trop « roturier » pour cette noble assemblée, et une décision avait été prise.

Le lendemain du jour où ils avaient appris pour le bal, leur amie Zelda s'était présentée avec une armée de tailleurs qui les avait submergé pendant des jours afin de réaliser les costumes de cérémonie qu'ils portaient actuellement. Et avait ainsi consommé les dernières miettes de patience du héros bleu.

La coupe était plutôt flatteuse sur leurs corps dégingandés d'adolescents et c'était ce qui avait alors vendu la mèche.

Contrairement à ce qu'avait pensé Vio, ils n'étaient pas attendu au château en tant que sauveurs d'Hyrule. Ils y étaient en la qualité de jeunes hommes célibataires avec un statut comblant leur absence de sang bleu.

Ce qu'avait très bien flairé Green et l'avait ainsi encouragé – avec sa réaction stupide suite au témoignage de Shadow – à compulser l'encyclopédie médicale pour y puiser son inspiration.

Lorsque Blue surgit donc dans sa chambre et non dans la sienne à lui, il ne fit que grimacer quand la porte fut rabattue avec fureur, appréciant peu qu'on la malmène, mais ne commenta pas. Pas plus suite au strip-tease gracieusement offert, avec chaque pièce ridiculement chère voletant n'importe où dans la pièce. Encore moins quand la couverture fut tirée pour faciliter l'intrusion.

Par contre, lorsque deux pieds froids furent appliqués contre ses jambes réchauffées, un piaillement pathétique quitta sa gorge pendant qu'il se tortillait hors de sa portée.

— T'as quoi ce soir ?

Croisant les bras après s'être calé contre les oreillers, Blue ne jeta même pas un œil en direction de son frère d'arme, le ton si plat qu'il aurait pu lui demander ce qu'il comptait prendre pour dîner.

— La varicelle.

— On l'a déjà eu. C'est même Zelda qui nous l'a refilé, quand on était à l'école.

— Mais ce n'est pas de notoriété publique et rien ne prouve que notre système immunitaire ne s'est pas remis à zéro et que nous devons le refaire.

Il eut beau faire de son mieux, l'œillade peu convaincue que son ami coula sur lui finit par le faire se tortiller d'inconfort. N'en tenant plus, il repoussa sur les draps le plan qu'il dessinait jusque-là.

— Je commence à sécher, cette merde est contagieuse et risquée pour les adultes. Voilà, content ? Personne ne devrait venir me faire chier à venir vérifier. Sauf toi, mais t'es un emmerdeur patenté.

Loin de s'en vexer, ledit emmerdeur patenté afficha alors un sourire satisfait qui s'accentua lorsque la porte fut de nouveau ouverte, les deux Link manquant les rejoignant.

Ils retirèrent aussi les costumes de cérémonie, bien que pas autant que Blue, juste de quoi être confortable, grimpant sur le lit pour glisser leurs jambes sous l'édredon, s'appuyant contre le pied de lit.

— Mais entrez, faîtes comme chez vous, surtout, grinça le propriétaire de la chambre. Vous prendrez du thé ?

— J'ai envoyé Shadow prévenir Zelda. Nous sommes officiellement confinés chez nous pour cause de varicelle. Nous ne pouvons pas nous présenter défigurés aux demoiselles célibataires du royaume, n'est-ce pas ?

Le sarcasme de Vio était définitivement sa meilleure arme, et bien souvent ses frères étaient-ils ravis de l'avoir avec eux que contre eux.

Surtout que ce changement de camp avait été vécu. Et mal vécu.

— C'était mon excuse, bande de copieurs, se défendit mollement Green.

— Eh bien, pour une fois que notre cher chef a une bonne idée, il serait dommage de la gaspiller !

Pour la peine, un coup de pied lui fut asséné à l'aveuglette, mais il en fallait plus pour qu'il perde son sourire sombre.

À ses côtés, Red se mit soudain à rayonner de joie, rebondissant pratiquement sur place.

— Finalement, comme personne n'est malade et que nous allons passer la soirée ensemble, on pourrait faire un jeu tous les quatre !

Aucun argument ne parvint à bout de l'enthousiasme du héros et il eut rapidement gain de cause, courant presque jusqu'au salon pour y saisir les cartes et retournant aussi sec sous l'épais édredon.

Il fallut attendre la troisième partie pour que Green mette enfin le doigt sur ce qui le chiffonnait – en plus d'avoir perdu deux fois d'affilé – et ne le vocalise :

— Attendez… Ça fait combien de temps que vous savez que je prétends être malade ?

— Depuis le début, répondit simplement Vio.

— Ouaip.

— Pareil.

Vexé d'avoir été si vite démasqué, il coupa brusquement, remportant la main.

— Et ça ne vous est pas venu à l'esprit de me le dire ?

— Green, t'es assez grand pour te gérer tout seul. À moins que tes décisions nous mettent en danger, toi tout seul ou la famille entière, je n'ai pas l'intention de te chopper par la peau du cou et te forcer à quoi que ce soit. Et ça vaut pour chacun de vous.

Blue se contenta de tirer la langue à Vio en réaction, provoquant un rire enjoué chez Red.

— C'est trop mignon ! s'exclama-t-il. Par contre, ne croyez pas que je vais vous laisser gagner !

Mais pourquoi était-ce le plus adorable et naïf qui avait hérité du démon du jeu de Link ?!


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