Hey !
Oui, la tenue de Link est la célèbre tenue de facteur, dans Hyrule Warriors xD
Sinon, que dire ? Chacun est le soleil de l'autre
Bonne lecture !
Des années qu'il travaillait dans ce département, et jamais Jehd ne s'en était plaint.
Oui, bien sûr, c'était loin d'être tout rose, il était rarement fan des horaires et le café mis à disposition était répugnant, mais n'était-ce pas le cas de tous les métiers ?
Sa petite vie était bercée par le train-train de la routine, aucune surprise, tout avait la saveur du déjà vu, déjà vécu. Mais c'était rassurant, non ? Pas de surprise signifiait aussi pas de mauvaise surprise. Jehd savait où il serait dans une heure comme dans dix, dans deux jours ou dans trois mois.
Bien sûr, cette vie insipide avait le malencontreux effet secondaire de déteindre sur lui. Ses interactions sociales se raréfièrent avec le temps, se limitant aux quelques amis qui lui restaient, les prises de paroles nécessaires dans le cadre professionnel et les échanges avec les commerçants lors de ses courses.
Une vie sociale épanouie.
Mais rien de tout cela ne le dérangeait vraiment. C'était la vie à laquelle il s'était destiné des années plus tôt.
À vrai dire, il ne s'en était même pas rendu compte jusqu'à très récemment.
Et, comme lorsqu'on se noyait, sortir la tête de l'eau faisait plus mal que tout.
Ça n'avait pas été immédiat, pas une réalisation aussi brutale et vive qu'un verre éclaté dont les morceaux rentreraient dans sa peau alors qu'il les ramasserait. Non, ç'avait été insidieux, tel un poison, s'instillant dans ses veines et le dévorant petit à petit.
Tout avait commencé alors qu'un nouveau préposé aux courriers était entré dans leur département, poussant le lourd chariot rempli de lettres et de colis.
C'était quelque chose de normal, ici. Autant la venue que le côté « nouveau ». Personne ne restait très longtemps à ce poste, c'était plus souvent des étudiants ou en attendant de rebondir. Les nouvelles têtes étaient très fréquentes.
La plupart du temps, ils se contentaient de traverser l'étage en appelant les noms, ne s'arrêtant que pour livrer le courrier, puis disparaissaient aussi sec, renvoyant les employés à leurs routines. Bien sûr, il y avait quelques jeunes encore naïfs, le cœur plein d'espoir et le visage encore rond, qui tentaient d'ouvrir la conversation, d'échanger quelques banalités avec les destinataires de sa charge, mais ils abandonnaient au bout de quelques jours, rebutés par l'attitude froide et distante ou ne revenaient plus, peu importait la raison.
Non seulement Jehd n'était pas un fan des commérages, mais en plus il n'était jamais à porté d'oreilles quand ils étaient marmonnés lors des heures de travail. Pour ce qu'il en savait, ces jeunes recrues avaient tout aussi bien pu être sacrifiées à une divinité obscure.
Mais pas cette fois.
Lorsqu'il était arrivé, à la même heure que d'habitude, il avait été surpris de l'agitation qui régnait à son étage ordinairement calme. Surtout si tôt.
Mais pas cette fois. Ça s'agitait un peu partout, ça tentait de parler tout bas mais peine perdue. C'était une vraie cacophonie dans tous les sens et pendant une poignée de minutes, il se demanda s'il ne s'était pas trompé. Mais c'était pratiquement impossible, il avait parcouru ce chemin tellement de fois que ses pieds l'y emmenaient seuls, sans qu'il n'ait à y faire attention.
Un peu intimidé, il se fraya un chemin jusqu'à son bureau où il déposa sa sacoche, observant cette cohue, inquiet et curieux.
Il fallut attendre que sa voisine trébuche pratiquement sur lui pour être enfin informé.
Il la rattrapa par réflexe et l'aida à retrouver son équilibre, clairement mis à mal par la paire de talons qu'il n'avait jamais vu auparavant, mais décida de n'émettre aucun commentaire sur ce choix vestimentaire, vérifiant plutôt que son maquillage n'avait laissé aucune trace sur son veston.
Ça aussi, c'était nouveau.
— Oh, merci Shad, je n'arrive à rien avec ces trucs, c'est un enfer ! Heureusement que tu était là !
Ne relevant pas son prénom écorché – ce n'est pas comme s'ils travaillaient ensemble depuis cinq ans, après tout – il se contenta de lui présenter un sourire poli, retournant à sa sacoche qu'il ouvrit, se préparant pour une nouvelle journée de labeur.
— Tu as entendu les dernières rumeurs ?
Surpris qu'elle semble vouloir parler, et plus encore à lui, il releva la tête pour la secouer. Il n'avait aperçu aucune note de service, qu'avait-il pu rater de si important qui nécessitait qu'on lui adresse la parole ?
— La boîte a engagé un nouveau au service courrier. Et d'après les pipelettes de la RH, il était plutôt mignon. Et très majeur.
Elle avait pris un air conspirateur alors qu'elle lui annonçait ça, comme si c'était un grand secret alors que tous ceux confinés entre ces quatre murs avaient l'air d'être parfaitement au courant, s'il en jugeait la frénésie de mise en valeur de ses pairs.
Certes, il était dans un service à majorité féminin mais il n'aurait jamais pensé un jour assister à ce qui ressemblait aux prémices d'une parade amoureuse.
La journée allait être terriblement longue…
Heureusement, le calme finit par reprendre et l'habituelle ambiance studieuse revint, uniquement troublée par quelques toux ou éternuements. C'était si normal et ordinaire que Jehd oublia bien vite l'agitation de quelques heures plus tôt. Du moins, jusqu'à ce que le bruit agaçant des roulettes du chariot se fasse entendre. Mais ce n'était rien comparé au comportement de ses collègues qui arrêtèrent tout séance tenante. Certaines s'amassèrent à l'entrée de leurs bureaux en tentant de cacher la faim dans leurs yeux par des sourires, mais c'était peine perdue.
Une sueur froide parcourut son échine alors qu'il eut le malheur de croiser l'expression effrayante d'une d'entre elles, l'encourageant à se concentrer sur son papier plutôt que sur ce qu'il se passait actuellement.
Une sage décision.
Jehd eut une pensée compatissante au pauvre étudiant qui allait devoir faire face à ces… lionnes affamées. Premier jour, et sûrement dernier, à ce compte…
Mais ce n'était pas ses affaires.
S'abimant dans son travail, il se coupa de tout ce qui se passait en-dehors. Du moins était-ce ce qu'il avait, jusqu'à ce qu'une main sur son épaule ne le secoue afin d'attirer son attention.
Si c'était sa collègue, il allait commettre un meurtre…
Mais ce n'était pas elle.
C'était une matinée grise d'automne, de celles où les rayons du soleil peinaient à traverser les épais nuages du ciel pour parvenir jusqu'aux bureaux entassés, effleurant à peine les vitres à croisillons, les obligeant à allumer tout ce qui était possible, quitte à mettre le feu au bâtiment entier juste pour parvenir à déchiffrer les lignes les plus petites.
Mais en un instant, un sourire parut illuminer cette maussade journée. Un sourire si brillant qu'il semblait incarner le soleil à lui tout seul.
Et il appartenait à un hylien qu'il ne reconnut pas, contrairement à l'uniforme qu'il portait. Celui du service du courrier. Le nouveau préposé ?
— Votre courrier monsieur !
Loin de prendre ombrage de l'absence de réaction de son interlocuteur, il continua de lui tendre les enveloppes, patientant.
Il n'eut pas à attendre longtemps, Jehd finissant par se reprendre et par saisir ce qui lui était tendu, trébuchant sur ses mots et sa langue, bafouillant sans grâce. Ses oreilles flamboyaient alors qu'il était le centre d'attention de tout le département, mais surtout de celui face à lui dont le sourire n'avait pas failli un instant.
Il marmonna des remerciements et se détourna, retournant rapidement à sa tâche, n'osant plus relever la tête bien après que le grincement abominable des roulettes ait disparu et que la frénésie féminine de tantôt se soit apaisée. Il pouvait encore sentir des œillades meurtrières lui perforer le dos, provenant de partout.
Il avait tout intérêt à veiller sur sa gamelle, que personne ne la lui empoisonne durant la semaine à venir…
Link avait répondu à cette offre d'emploi sur un coup de tête.
Il n'y avait pas réfléchit plus que ça, se présentant le jour-même après que son regard soit tombé sur l'annonce, dans le journal. Tout juste s'était-il donné un coup de peigne avant d'enfiler ses chaussures !
S'il avait été surpris du manque de concurrence, il ne l'avait pas montré, se contentant de répondre sincèrement aux questions que les recruteurs lui posaient puis de repartir avec la promesse d'avoir des nouvelles.
Il n'y repensa pas non plus jusqu'à ce qu'à la réception desdites nouvelles, lui annonçant que sa candidature avait été retenue et qu'il était donc attendu mardi pour prendre ses nouvelles fonctions.
L'uniforme était surprenant et très court, mais il l'enfila sans se plaindre puis écouta attentivement les explications de son supérieur hiérarchique, avant de pouvoir commencer à travailler.
Les tâches physiques étaient loin de lui faire peur, même les plus ingrates, et il eut tôt fini de charger enveloppes et colis dans le chariot, puis de le pousser jusqu'à l'ascenseur afin de commencer la distribution.
Le côté social lui plaisait plutôt bien, même s'il ne pouvait pas converser autant qu'il le voudrait, devant laisser les employés retourner à ce qu'ils faisaient avant qu'il ne les interrompe. Il n'était qu'une pause de quelques secondes dans leur quotidien après tout !
En tout cas, c'est ce qu'il avait été jusque-là, car l'accueil à la section des archives avait été bien différente. Une bonne majorité des femmes présentes se tenait au garde-à-vous, les yeux rivés sur lui. Il se sentit mal en se rendant compte qu'il n'avait que peu de correspondance à transmettre. Sans doute attendaient-elles quelque chose de très important, mais ce n'était pas aujourd'hui qu'elles l'auront. Ou pas par lui ! À toutes il leur offrit son meilleur sourire d'excuse alors qu'il distribuait ce qu'il avait, jusqu'à ce qu'il ait à déranger un des rares mâles présents qui se tourna vers lui avec l'une des expressions les plus bougonnes qu'il ait pu voir.
Sa mère adoptive avait pour habitude de lui répéter qu'un sourire en appelait un autre. Alors il lui servit son plus enjoué, espérant ainsi dérider ce visage inconnu pendant qu'il lui tendait les trois lettres à son nom. Mais à défaut d'une réciprocité, il obtint des bégaiements et un rougissement qui parut le rajeunir alors que les traits crispés de son visage se détendaient en réaction.
Amusé, il continua de sourire, secrètement amusé, reprenant sa tournée et rejoignant bien vite l'ascenseur.
Seul dans la cabine, il laissa éclater son hilarité, se remémorant ce court intermède.
Son amusement n'avait rien de moqueur, bien au contraire. Il avait trouvé cette maladresse plutôt charmante et était impatient de réitérer l'expérience.
Par les déesses, espérons qu'il soit un correspondant assidu !
Malgré ses vœux, Link ne fit que l'apercevoir de loin les semaines suivantes. Il ne pouvait même pas l'approcher de manière innocente, son avancée empêchée par les employées qui tentaient de lui poser des questions variées.
Si, au début, il y répondait avec plaisir, ça commençait lentement à le lasser et il en était presque à les ignorer.
Il était peut-être naïf mais pas au point de ne pas comprendre le but inavoué de toutes ces femmes et ça devenait vite épuisant de jouer les ignorants, de faire comme s'il ne comprenait pas leurs allusions et d'esquiver leurs tentatives pour le toucher.
D'une certaine manière, il comprenait que ses prédécesseurs aient rapidement plaqué leurs démissions au bout de quelques jours ou semaines, excédés par ce comportement.
Mais contrairement à eux, il avait un objectif. Et comme le destin ne semblait pas vouloir l'aider à leurs réunions, il allait l'y forcer…
Fort de son idée, il attrapa rapidement un papier sur lequel il griffonna quelques mots, avant de le plier et de l'empocher, se dépêchant de quitter son appartement pour rejoindre l'immeuble triste où il travaillait. Il enfouit son message dans la poche étroite de son short trop petit, le froissant du bout des doigts dès qu'il y pensait, vérifiant qu'il était là de temps en temps, l'excitation et l'inquiétude se disputant son attention, jusqu'à ce que le doute surpasse tout le reste et qu'il commence à hésiter. Peut-être faisait-il une connerie ?
Mais il y était. Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent dans un crissement et il sortit un pied, tirant le lourd chariot derrière lui, son sourire déjà en place et saluant à la ronde, espérant ne pas être dérangé dans son avancée, outre les destinataires.
Ce ne fut pas sans mal qu'il parvint au bureau qu'il ciblait, mais au moins avait-il eu le plaisir d'être accueillit cette fois par les yeux bleu turquin déjà rivés sur lui et non uniquement par le haut de son crâne alors qu'il était penché sur un obscur document.
Pas qu'il n'aimait pas la vision de ses cheveux ! Seulement, qu'il raffolait plus encore de ce ciel d'orage niché dans ses yeux, la lueur qui s'y trouvait quand il l'apercevait paraissant s'étendre au-delà, illuminant son visage comme le soleil lui-même.
Il en avait été le spectateur qu'à de rares occasions mais en était déjà accro. Il était donc urgent de provoquer cette situation autant de fois qu'il lui était possible !
Et maintenant, il commençait à regretter son impulsion. Et s'il ne recevait pas l'accueil qu'il avait espéré ? Et s'il se retrouvait avec une plainte pour avoir outrepassé les limites ? Et si…
Les yeux toujours plongés dans les siens, il extirpa le papier plié de sa poche pour le lui tendre, l'accompagnant des quelques lettres qui lui étaient adressées, pour cette fois, retenant son souffle.
Le léger frôlement de leurs doigts était bien trop bref à son goût, mais son sourire ne faillit pas, le cœur gonflé d'espoir malgré les doutes qui l'assaillaient.
Et après ? Après, il devait reprendre sa tournée, continuer de distribuer le courrier.
Et patienter.
Le destin résidait dans les mains tâchées d'encre…
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