Hellooo !
Ce chapitre est un peu étrange car il essaie de raccrocher des wagons ensemble, mdr. J'avais commencé (et donc amorcé) la grosse ellipse sur le chapitre suivant en réalité, et j'ai continué... mais à la relecture, je me suis rendue compte que c'était beaucoup trop abrupt. D'où le fait que je l'ai réécrit après coup et que je ne l'ai pas coupé en deux : avec le flashback des dizaines derrière, ç'aurait été étrange. Mieux valait reprendre la coupure avec l'ellipse pour de bon !
Enjoy !
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- Qui peut m'expliquer son interprétation du rôle de la femme dans Parfum exotique ? demande Issho d'sa voix traînante.
J'baisse un peu plus la tête sur mon bureau pour échapper à cette question des enfers. Qu'est-c'j'en sais moi, sérieux ? J'en ai lu du chabariât dans ma vie, mais Baudelaire, c'est le summum du n'imp à mes yeux.
Usopp lève énergiquement l'bras à côté d'moi et j'arrive encore à m'surprendre qu'il soit si attentif en cours de français quand on étudie des poèmes. Surtout les poèmes d'un vieux mec mort y'a deux millénaires (ou un truc dans l'genre) qui arrête pas d'parler de drogue et d'sexe.
'Faudrait que j'demande à Ace s'il aime bien, tiens.
Usopp part dans une explication passionnée sur le fait qu'y'a une transition de la femme au rêve où j'sais pas quoi, j'comprends rien. T'façon j'ai eu 7 en Littérature au Bac blanc et ça n'a étonné personne. Enfin, si : j'ai été étonné d'avoir autant. Si j'suis nul en maths, j'ai même pas envie d'parler des matières littéraires. J'suis bon qu'en sport, t'façon. Je sais pas comment j'vais avoir mon Bac. Ça sera juste un miracle du ciel et puis c'est tout.
Un autre miracle du ciel opère quand la sonnerie retentit et j'me lève d'un bond pour sortir d'cet enfer. La semaine a repris depuis hier que j'suis déjà au bout d'ma vie. L'état d'Ace depuis quelques jours doit pas aider non plus, et j'ai justement bien hâte de rentrer pour voir s'il a survécu à la journée d'aujourd'hui comme un guerrier ou pas.
J'fais l'effort d'attendre les autres et j'traverse les couloirs entouré d'Nami, Usopp et Chopper, Zoro et Sanji sont pas loin derrière. On est toujours en train d'causer de ce nul de Charles quand on arrive vers la grille du lycée.
- Nan mais 'faut arrêter d'croire que le gars avait une idée derrière la tête à chaque phrase qu'il a écrite, en fait, râlé-je, épuisé d'ma vie et des commentaires de texte.
- Et c'est exactement pour ça que tu vas effectivement redoubler ton année, me claque Nami d'un ton hautain, sans pitié.
- Pour un poème comme ça, il y a tout le temps des choses sous-entendues, m'explique Usopp alors que j'en ai rien à carrer. Il faut lire entre les lignes ! Tu voudras qu'on se fasse une session où j'essaie de te l'expliquer mieux que ça, dans la semaine ?
J'lâche un long soupir soulé.
- Ouaiiis, pourquoi pas... Merci Vieux...
- Pas d'quoi, ricane-t-il. Il faut bien que j'aide un peu Nami à te coacher, sinon on va t'entendre pleurer tout le long de l'année prochaine qu'on te manque trop...
- Vous allez m'manquer quoi qu'il arrive, j'grommelle, toujours pas enchanté d'être séparé d'eux quand on va tous rentrer à la fac. Z'êtes sûrs que vous voulez toujours pas faire STAPS avec moi ?
- Nop, répondent Nami et Usopp en chœurs - les salauds.
- Et toi Choppy ?! j'réessaie courageusement. Y'a de la médecine en STAPS, en plus !
- Ce n'est pas vraiment le niveau de médecine qui m'intéresse, ricane-t-il. Désolé Luffy, je passe mon tour.
- Vous êtes nuls... soupiré-je encore. On va être obligés de tripler nos soirées au Sunny, du coup on va tous foirer nos années et redoubler en boucle, et ça va être comme dans Un jour sans fin, sauf qu'y'aura pas d'marmotte.
Les trois s'marrent, mais on est interrompus par Sanji qui s'incruste comme une fleur malgré son air vachement sévère sur le visage.
- Hey Nami... Désolé, je vais pas te ramener aujourd'hui, je dois faire un détour. Ça va aller ?
- Oui, bien sûr... s'étonne-t-elle en haussant un sourcil. Pas de problème, j'espère ?
J'écoute pas vraiment, j'préfère dire au revoir à Zoro qui rentre aussi d'son côté.
À quoi bon m'concentrer sur c'que dit Sanji, de toute façon ? On s'parle quasi plus depuis deux semaines qu'il sait que j'sors avec Ace. Il tire la tronche les trois quarts du temps quand j'suis près d'lui, c'est à peine si j'entends l'son d'sa voix et on trouve carrément plus rien à s'dire. On s'est retrouvés seuls tous les deux quelques minutes en sport la semaine dernière, eh ben c'était méga malaisant. J'sais pas trop s'il trouve juste plus rien à m'raconter ou s'il me fait vraiment la tronche.
J'sais juste que ça m'soule. Ça m'prend la tête, même. C'est juste... douloureux. Qu'un d'mes meilleurs potes me fasse la gueule parce que j'me tape la queue d'mon frère adoptif... Qu'est-ce que ça peut lui faire, sérieux. J'oscille entre sensation d'injustice/colère et compréhension/tristesse à c'sujet, depuis deux semaines. J'y pense pas tout l'temps non plus, ça sert à rien de toute façon. Et ça m'prend la tête d'avoir ça sur les bras alors qu'j'ai déjà assez de trucs à gérer d'mon côté.
Genre Ace, justement.
- Luffy ?
J'cligne des yeux et jette un œil à Sanji, vraiment super surpris d'l'entendre m'appeler.
- J'te raccompagne... ? me demande-t-il prudemment, mais toujours avec son expression super fermée.
- ... Genre, chez moi ?
- Oui.
Il continue d'me fixer droit dans les yeux, relevant même pas ma question stupide, et j'pense comprendre le sous-entendu.
J'regarde Usopp et Chopper, cherchant je sais pas quoi venant d'eux. J'suis censé rentrer avec eux, mais j'pense qu'ils en ont rien à faire que j'prenne le bus avec eux ou pas, pour une fois. Comme ils ont même pas l'air perturbé qu'Sanji leur propose pas de les ramener dans la foulée.
Ils comprennent juste, eux aussi. Usopp sait plus trop où s'mettre et fuit vite mon regard, alors que Chopper fait une moue et hausse les épaules.
- Vas-y, m'incite-t-il assurément. On se revoit demain.
J'hoche la tête, échange un dernier regard avec Nami qui m'envoie un pouce en l'air. Je sais qu'elle lui parle de ça de temps en temps, histoire de voir où il en est dans sa tête. Et aux dernières nouvelles, ça commençait à aller mieux... Mais il s'est pas mis à m'reparler pour autant.
J'commence à stresser en l'suivant jusqu'à sa voiture. J'pense pas que la situation peut être pire qu'elle l'est maintenant, t'façon. Ça serait chelou d'la part de Sanji de m'dire « on arrête d'se parler pour de bon » alors que c'est déjà quasiment l'cas... Et on fera quoi, alors ? On ignorerait constamment l'autre en restant quand même dans l'même groupe de potes ? Ça n'aurait pas d'sens.
Ça serait giga nul, même. J'veux pas d'ça.
J'peux donc pas m'empêcher d'le regarder anxieusement quand on s'installe enfin dans sa voiture. Il fait pas attention à moi pourtant et il démarre dans un silence horrible. J'aimerais l'briser... Mais encore une fois, j'ai aucune idée d'quoi dire. « Parle putain ! » ? « Annonce-moi qu'tu veux plus jamais m'voir, comme ça, ça sera fait pour de bon ! » ? « Redis-moi encore que j'te dégoûte s'te plaît, j'adore ça ! »... ?
- ... Ces dernières semaines étaient un peu pourries, entame-t-il enfin.
- J'te l'fais pas dire, commenté-je amèrement malgré moi.
Il m'répond pas. Mais un nouveau coup d'œil vers lui m'prouve qu'il a un peu perdu son air fermé pour quelque chose de plus attristé. Il a l'air p't'être même soucieux, aussi...
Ça m'brise le cœur.
- ... Hey, Sanji... ça va toi ?
Il tourne la tête vers moi, un peu surpris.
- Oui... Oui oui, moi ça va... Enfin, dans ma vie de tous les jours, y'a rien à signaler...
- Ouais... ? insisté-je tout de même.
Même si y'a vraiment rien, j'sais même pas vraiment dans quel mood il est depuis l'Bac blanc s'il sent bien l'année et les révisions... J'sais qu'il a eu la moyenne parce que j'l'ai entendu l'dire à Nami, mais c'est tout.
Alors qu'on s'voit tous les jours. Qu'on passe en moyenne huit heures enfermés dans la même pièce cinq jours sur sept.
C'est nul.
- J'ai ralenti un peu le resto, m'explique-t-il d'un ton bizarre. Je sens que la période est pas adaptée pour bosser si je veux avoir le Bac. Mais... Je m'ennuie un peu, du coup.
- J'croyais que tu savais pas t'ennuyer... ? m'amusé-je en repensant à toutes les fois où il nous a dit qu'il avait la capacité de toujours trouver d'quoi s'occuper, même pour quelqu'un qui sait pas s'poser comme lui.
- La preuve que si, visiblement. Et ça me laisse beaucoup trop de temps pour cogiter.
J'réponds rien pour ça. J'suis toujours pas très doué pour comprendre bien les gens comme il faut, mais là tout d'suite, j'ai bizarrement aucun doute sur ce sur quoi il pourrait bien cogiter.
- ... Je suis désolé, Luffy.
J'me décompose un peu en entendant sa voix aussi honnête que chagrinée.
J'sais pas si je voulais des excuses en même temps qu'notre réconciliation... Parce que quelque part, c'est pas comme s'il m'avait déjà insulté frontalement. Me montrer qu'la situation le dégoûte, oui, ça il l'a fait plein d'fois. Mais il me l'a jamais dit d'vive voix. Il a toujours gardé ses véritables mots de dédain à propos d'tout ça pour lui.
- Je m'en veux de bloquer à ce point là-dessus... continue-t-il, les yeux rivés sur la route. Je m'en veux que ça soit en train de gâcher notre amitié. Je sais dans le fond que les autres ont raison : tu fais ce que tu veux. Tant que tu es heureux, qu'Ace est heureux, vous pouvez bien faire tout ce qui vous chante... Vous marier même, si vous avez envie de pousser le vice à ce point. Et j'aurais rien à redire. C'est votre vie, pas la mienne.
J'passe sur le choc que m'a provoqué un bref instant l'idée du mariage (il est ouf. Ace et moi, on fait déjà partie d'la même famille ! Ça s'rait stupide !). J'attends plutôt le « mais » qui va forcément s'enchaîner derrière, mais ça m'fait déjà un bien fou de l'entendre dire ça.
- ... Mais je fais une fixation dessus, c'est plus fort que moi. En ce moment, je revois pas mal Yonji, tu sais ? Et toujours Reiju au moins une fois par semaine. Et... ça fait deux semaines qu'à chaque fois que je les vois, j'essaie d'imaginer dans quel univers ça pourrait basculer assez dans ma tête pour que j'aie soudain envie de leur rouler une pelle...
- C'est pas pareil, j'veux préciser quand même. Vous avez l'même sang... et Yonji c'est pire, parce qu'il est genre ton jumeau d'quatuor ! C'est weird pour l'coup : il a carrément la même tête que toi...
- J'te le fais pas dire... Je sais bien que c'est pas la même chose et que le fait qu'Ace et toi n'ayez pas le même sang change beaucoup la donne, mais vous avez quand même grandi ensemble, vous viviez ensemble... Ace appelait vos parents « Papa et Maman » aussi, pas vrai ?
- Quand il en avait envie, ouais.
- Donc, vous êtes frères, quoi qu'on en dise.
- Bah ouais.
Il profite qu'on soit à un feu pour tourner la tête vers moi et m'observer. Y'a pas de jugement derrière sa clope, j'crois qu'il est juste en train d'réfléchir.
- ... C'est idiot de comparer avec ma propre fratrie, mais je peux pas m'empêcher de le faire et ça me dépasse. Ça me dépasse que ça te paraisse si naturel... Alors qu'au fond, ça devrait même pas m'étonner : tu fais jamais rien comme les autres.
Il ponctue sa phrase d'un p'tit sourire et j'lui en renvoie un mécaniquement. J'vois bien qu'il essaie vraiment. Et que même si j'comprends pas pourquoi, c'est dur pour lui de passer au-d'ssus...
Au moins, on est deux à pas comprendre l'autre, c'est bien.
- ... Je vais finir par m'y faire, reprend-il. Du moins, j'espère. Mais je veux pas que quelque chose d'aussi con brise notre amitié. Tu n'as absolument rien fait qui le mérite... Tu ne méritais pas que je t'esquive comme je l'ai fait ces derniers temps...
- C'est bien vrai ça, boudé-je ouvertement. C'était vraiment pas cool de ta part.
- Désolé... répond-il, mais il retrouve un petit sourire en coin. Je vais faire des efforts, je te le jure. Tant que le sujet Ace ne vient pas trop sur le tapis, ça devrait aller...
- J'essaierai de pas trop en parler... je promets, sans savoir si j'vais vraiment y arriver.
J'suis un gros relou qui dit toujours tout c'qu'il pense sans y réfléchir avant, 'faut pas l'oublier.
- Merci... Mais du coup... Je voudrais te demander autre chose.
J'le regarde, ne manquant pas son air un peu plus hésitant.
- ... Déjà, toi : ça va ? Tu-... Enfin... Il paraît que tu n'as pas revu les autres non plus en dehors du lycée, depuis le week-end de mon anniversaire...
- Ouais, j'suis pas ressorti avec eux depuis... marmonné-je en haussant une épaule.
- Comment ça se fait ? insiste-t-il. J'croyais que ça allait mieux avec Ace.
- Ça va mieux... lui assuré-je honnêtement. Mais... L'fait qu'on ait failli s'séparer était vraiment un coup dur pour lui, j'le sens. Entre ça et l'fait qu'il appréhende de ouf son rendez-vous avec sa nouvelle psy', il est vraiment pas serein en c'moment. J'ai jugé qu'il valait mieux pas qu'je sorte pendant quelque temps, du coup. Histoire d'lui épargner des prises de tête inutiles...
On arrive en bas d'chez moi au même moment. Sanji s'gare sur le parking et une fois le frein à main enclenché, il s'tourne vers moi avec un sourcil haussé, semblant réclamer des précisions.
- ... Ben, c'est chaud de ramener Ace au Sunny pour l'instant, expliqué-je alors à contrecœur. Et... lui est vraiment pas serein d'me laisser sortir tout seul.
- À cause de... de sa peur qu'il t'arrive quelque chose ?
J'retiens un soupir. Si seulement c'était pour ça.
- ... Nan. Parce qu'il est méga jaloux et parano.
Sanji fronce les sourcils. J'imagine bien que ça doit pas l'ravir d'entendre ça.
- Mais ça va s'arranger, m'empressé-je de préciser. Il travaille déjà dessus, c'est prévu qu'il parle de ça avec la psy'... Mais en attendant, du coup... je...
- Tu veux éviter de réenclencher une situation où il pèterait encore un plomb, complète-t-il, l'air sombre.
- Ouais... C'est pas d'gaieté d'cœur. Vous m'manquez... Mais même lui est pas forcément enjaillé à l'idée d'vous revoir tout d'suite. J'vais attendre encore un peu, voir comment s'passe son rendez-vous...
- C'est quand ?
- Demain, grimacé-je. Ça fait deux jours qu'il est en PLS, c'est horrible.
- À ce point... ?
- J'ai l'impression qu'il a vraiment des traumas avec ses psys d'avant, même s'il veut pas m'en parler.
J'rajoute rien, me rappelant d'un seul coup qu'j'ai promis à l'instant de pas trop parler d'Ace à Sanji, et c'est exactement c'que j'suis en train de faire. Même si c'est lui qui m'a demandé, après.
Un p'tit blanc s'installe entre nous. J'le vois encore réfléchir et j'décide de le laisser méditer s'il en a envie. J'sais pas trop quoi rajouter d'mon côté. J'espère juste qu'il va pas m'demander s'il peut monter pour aller parler à Ace, ou j'sais pas quoi... Autant un Ace vs Usopp peut passer si j'suis là pour faire l'gendarme, mais un Ace vs Sanji ? Mon appart' serait retourné une deuxième fois. Sanji est beaucoup trop nerveux aussi.
- ... Du coup, je voulais te demander autre chose, finit-il par reprendre, et franchement j'ai peur là. Au sujet d'Ace, justement...
- Ouais... ?
- ... Je me dis que c'est dommage, parce que je l'aime bien, ton frère... soupire-t-il, clairement ennuyé. Mais je ne suis pas sûr que j'arriverais à rester serein de vous avoir tous les deux en face de moi en même temps, au moins pour un moment. Du coup... Si tu me pardonnes de t'avoir snobé pendant deux semaines, bien sûr...
- Évidemment, le coupé-je sans hésiter.
On échange un regard, les yeux dans les yeux. Il finit par m'sourire, visiblement soulagé que j'réponde ça.
- La question s'pose même pas Sanji. T'es mon pote. Évidemment que j'te pardonne.
Il hoche lentement la tête.
- ... Mais avant de me répondre ça, écoute déjà ma demande : est-ce que tu le prendrais mal si je prends mes distances avec les soirées du Sunny, quelques temps... ? Du moins, si tu décides de réinviter Ace.
Aaah... C'était juste ça, en fait.
J'dis pas que ça m'fait pas mal d'imaginer qu'il est donc parti pour esquiver Ace un moment aussi, mais ça aurait pu être pire.
- Tu viendrais pas si Ace est là, du coup... ? redemandé-je pour être sûr.
- Ouais. Quelques temps, seulement. Je te le dis : ça va bien finir par me passer... Et si ça ne me passe pas, je reviendrai vers toi pour qu'on en parle. J'ai bien envie de continuer de voir Ace, de traîner avec lui... On se ressemble un peu dans notre manière de penser, c'est cool de parler avec lui. Donc encore une fois... ça m'emmerde de lui « faire la gueule » parce qu'il choisit les mauvaises personnes à foutre dans son pieu.
J'lui envoie une grimace amusée, trouvant la pique marrante.
- J'ai saisi l'idée... validé-je. J'espère que ça durera pas... et qu'tu vas pas mal vivre de pas faire soirée avec nous.
- Je m'en remettrai... sourit-il. J'ai une vie sociale contrairement à Ace. Je juge qu'il est prioritaire à moi, si ça lui fait du bien de passer du temps avec la team.
- Vu comme ça... ricané-je.
Il s'redresse et s'fait craquer l'dos, visiblement soulagé. Et j'vais pas dire que j'le suis pas non plus. Même si cet accord est pas super cool en soi, Sanji va plus m'faire la gueule. Il va faire un effort pour passer outre c'qu'il pense de notre relation... C'est pas l'idéal, mais j'préfère ça à perdre un ami.
- Merci d'accepter... Et d'être patient avec la tête dure que je suis, rajoute-t-il. Et j'espère que tu sais que ça change pas ce qui a toujours été : je reste là pour toi en cas de pépin. T'es un ami comme on en trouve rarement, Luffy. J'ferai ce qu'il faut pour t'aider si t'as besoin un jour, quoi qu'il arrive.
- Ouais... souris-je à mon tour, ému qu'il me le rappelle. Même si... J'te demande asile parce qu'Ace en a trop après mon cul, par exemple ?
- Va te faire foutre, siffle-t-il en retrouvant un air blasé en une seconde.
J'explose de rire. Bon okay, j'sens bien qu'il va pas trop falloir que j'rigole là-dessus, mais il m'accorde celle-là et il retrouve son sourire quelques instants plus tard.
- Allez casse-toi, espèce d'énorme relou, s'amuse-t-il. J'te dis à demain. Et envoie un message si tu veux parler.
- Ça maaaarche ! À demain, Sanji ! Et merci d'm'avoir ramené !
J'sors de la voiture et m'apprête à claquer sa portière derrière moi, mais j'ai une dernière pensée qui m'empêche d'le faire. J'me baisse pour le regarder.
- ... Merci d'être revenu vers moi. Et merci d'essayer, même si j'comprends pas pourquoi tu bloques autant...
- 'Me remercie pas pour ça, je suis plutôt une merde d'avoir autant attendu pour le faire... râle-t-il. Et te biles pas sur le fait de pas me comprendre : je me comprends pas trop non plus.
On échange un dernier sourire, plus ou moins entendu. J'referme derrière moi et avance vers mon immeuble sans traîner.
La sensation qu'j'ai est bizarre. C'est rare que j'sois pas d'accord avec un d'mes potes sur un sujet aussi important, mais qu'on accepte ce désaccord quand même parce qu'on a juste... pas le choix.
C'est bizarre de pas avoir le choix comme ça. C'est bizarre que Sanji soit aussi trigger par cette histoire, en fait. Mais j'suis pas dans sa tête, j'peux rien faire. Tant qu'il a décidé d'essayer d'passer outre et de reprendre là où on était, c'est déjà un progrès de ouf.
J'monte mes trois étages en m'disant que j'vais en parler à Ace, tiens. Ça lui fera p't'être du bien d'apprendre que Sanji le déteste pas et, qu'au contraire, il a hâte d'le revoir... Et qu'en soi, le dernier obstacle qui m'empêchait de ramener à nouveau Ace au Sunny a disparu.
Si j'compte pas Usopp, qui est pas super ravi non plus à l'idée de revoir le frangin.
Ça m'gave.
Mais mon cerveau part soudainement sur autre chose quand j'débarque chez moi et que j'tombe direct' sur Ace, complètement à poil, qui sort visiblement d'la douche.
- Tu tombes bien, commente-t-il armé d'sa plus belle expression de tueur.
Et sans attendre de réponse, il se casse vers notre chambre.
- Ah... ? demandé-je en retirant ma veste, sans manquer bien sûr d'suivre sa route, les yeux rivés sur son cul.
On parle pas assez du fait qu'il a vraiment un sacré cul.
- T'arrives bien tôt, m'lance-t-il alors qu'il disparaît d'ma vue, à mon plus grand regret.
- Ouais, Sanji m'a déposé. On a parlé, il s'est excusé... Il est prêt à essayer de passer à autre chose.
- « Essayer »... ? ricane-t-il au loin. Comme si c'était un putain d'obstacle insurmontable...
- Tu déconnes, mais ça l'est on dirait... Il dit qu'il bloque, expliqué-je en traînant mon sac de cours par terre jusqu'à ma chambre pour le rejoindre. Pourquoi tu dis que j'tombe bi-...
J'm'arrête au pas d'ma porte en l'voyant affalé d'tout son long sur le matelas. Il tend les bras vers moi dès qu'j'entre.
- Câlin, quémande-t-il hyper sérieusement.
J'ricane, dépité. J'balance mon sac un peu plus loin et j'saute sur le lit pour le rejoindre, lui arrachant une exclamation en lui tombant d'ssus. Mais il me chope direct pour me serrer de toutes ses forces dans ses bras. J'lui rends sans attendre.
Je sais qu'il en a vraiment besoin en c'moment.
- T'es un gros bébé, Ace... murmuré-je d'une voix attendrie en lui papouillant les cheveux. Mais l'plus mignon des gros bébés.
- Nique.
J'me marre pour de bon et m'redresse pour pouvoir le regarder. Ses mèches mouillées se battent en duel sur sa tronche, j'lui en dégage donc quelques-unes doucement, un petit sourire en coin.
- La journée a encore été longue... ?
- Nan mais t'inquiète, peste-t-il en détournant la tête, mauvais. J'vais finir par connaître chaque recoin de ce putain d'appart' de merde à force de tourner en rond. J'pourrais me reconvertir dans l'architecture, au pire.
J'pouffe de rire. 'Vaut mieux en rire qu'en pleurer, mais j'imagine même pas à quel point ça doit être chiant d'être en stress comme ça. J'vais p't'être être dans le même état le jour des épreuves du Bac...
J'm'amuse avec les cheveux d'Ace, lui caressant la tête de temps en temps sans m'éloigner d'lui. J'le vois encore fixer un point invisible en étant complètement ailleurs, mais j'note bien son expression légèrement tendue.
Il m'dit qu'il appréhende le rendez-vous de demain comme il a jamais appréhendé d'sa vie et j'le crois sur parole, vu la tête qu'il me tire. J'ai l'impression qu'il va vraiment finir par se faire caca dessus, à force.
- Ça ira mieux demain... j'essaie d'le rassurer.
- Pas sûr. Ça sera même probablement encore pire.
- Comment ça pourrait être pire ? m'inquiété-je. Ça fait trois jours que tu penses à ça non-stop et que tu flippes de ouf. Une fois qu'ça serait fait, au moins... Tu sauras si tu l'aimes bien ou pas et tu feras en fonction, quoi.
- Ouais, peste-il, amer. Si ça marche pas, j'vais donc être obligé de refaire la démarche et ça va être de la merde. Et si ça marche, ça voudrait dire que j'lui ai parlé... Putain...
... Ouais. C'est un truc de fou.
Parler, c'est ça qui fait le plus peur à Ace dans toute cette histoire de psy. Parler d'lui, entendre la personne en face parler d'lui, entendre ce qu'elle va trouver à dire sur lui. Il parlait aussi de « tronçonner son cerveau » : j'ai l'image, mais j'le trouve trop hardcore.
Je sais que j'suis aux antidotes de lui là-dessus, parce que moi, j'adore parler. De tout, de rien, de moi : j'm'en fiche pas mal, tant que j'parle. Les premières séances avec Madame Hina étaient un peu bizarres c'est vrai : avoir une conversation entièrement focus sur soi comme ça, c'est déroutant au début. Mais c'est agréable, aussi. L'autre est là pour écouter, conseiller, aider... Et apparemment, c'est quelque chose qu'Ace veut pas vraiment. Il a bien conscience qu'il a besoin d'aide et il a fait c'qu'il faut pour en avoir... mais dans l'fond, il en veut pas. J'ai fini par le comprendre entre les lignes, à force d'en discuter avec lui ces deux dernières semaines.
Et c'est p't'être bien parce qu'il a longtemps été habitué à pas en avoir, d'aide. Il refusait toujours celle de Maman et Papa déjà, j'm'en souviens bien. Même la mienne, et c'était Papa qui m'expliquait que c'était p't'être parce qu'à l'orphelinat, il en avait pas forcément autant eu qu'il aurait dû.
Mais il oublie pas qu'il fait ça pour moi. Pour nous. Et ça l'aide à pas craquer, malgré ses nerfs qui sont encore en mode pelote de laine en c'moment.
- T'as pu récupérer d'la weed auprès d'ton gars, là... ? demandé-je, sachant qu'il a épuisé sa réserve hier à force de beaucoup trop fumer.
Il pousse un long soupir agacé. Qu'est-ce que j'ai dit, encore... ?
- ... J'suis désolé, Lu'... finit-il par dire en s'passant une main sur le visage. J't'ai promis que j'allais faire des efforts, mais j'suis insupportable en ce moment à cause de cette attente de merde...
- Mais non, je ris doucement. Enfin... Si, t'es insupportable. Mais pas forcément plus que d'habitude... Et des efforts, t'en fais. J'le vois.
Il m'regarde, troquant enfin son expression vénère pour quelque chose de plus doux, limite honteux.
- J'essaie... me chuchote-t-il, comme s'il avait perdu sa voix en avouant ça. Et j'essaierais aussi demain, quand j'serai devant elle. Je sais que les enjeux sont plus les mêmes... J'suis plus tout seul face à ma merde.
- Non... le rassuré-je encore en redoublant mes gestes affectueux. J'suis avec toi. Et j'te soutiendrai pour combattre tout ça et continuer à t'améliorer...
Il me rend mon sourire, même si l'sien est plus crispé.
- Je vais m'améliorer, j'te le promets... « Plus jamais un coup comme ça ».
- « Plus jamais un coup comme ça », répété-je avec un sourire en coin, tout en enlaçant nos deux petits doigts ensemble.
On rabâche cette sorte d'incantation en boucle depuis deux semaines. J'crois que ça l'aide à se rappeler de pourquoi il fait tout ça, de c'qu'il a vécu à ce moment-là, quand il me suppliait de pas l'abandonner, à genoux devant moi.
C'est pas une image que j'vais oublier d'sitôt... Ça me serre le cœur à chaque fois qu'j'y repense. Et maintenant, vu comme la situation s'est améliorée malgré l'humeur maussade d'Ace, j'me dis que vraiment, j'ai été trop con de penser au pire tout d'suite.
On aurait pas pu se relever d'une séparation... En tout cas, pas Ace. Et même sans niquer notre relation fraternelle - maintenant que ça va mieux, qu'il m'a plus pété de câble depuis et qu'il bosse vraiment sur lui pour contenir sa colère, ses idées paranos et ses visions hyper noires -, j'me dis que ç'aurait vraiment été du gâchis de jeter c'qu'on a à la poubelle. Mon couple avec Ace est beau. Tellement beau qu'j'me sens de plus en plus m'envoler, à ses côtés. C'est tellement plus intense et fusionnel que c'que j'ai pu connaître avant. J'en ai encore la certitude à cet instant, alors que j'me penche sur lui pour l'embrasser et qu'il me répond avec une tendresse, une douceur, que j'ai jamais connues avant dans ma vie.
Je l'aime tellement, cet idiot. Peut-être pas encore comme il m'aime moi... Mais j'sens que ça va dans la bonne direction.
Notre baiser s'échauffe un peu et j'ricane contre ses lèvres en sentant sa main commencer à s'balader vers mon aine.
- Tu veux quoi... ? me moqué-je juste pour le faire chier.
- Toi, comme d'hab', répond-il de but en blanc en me regardant amoureusement dans les yeux. La weed c'est bien, mais un orgasme venant de toi, c'est encore mieux.
- C'est presque romantique, hey...
- Tout est dans le « presque », ricane-t-il. T'as envie aussi... ?
Il attend même pas ma réponse qu'il vient déjà me tâter le paquet pour s'en assurer. Le relou. Évidemment qu'il tombe sur une demi-molle, du coup. Il sous-estime toujours beaucoup trop l'effet qu'il provoque chez moi.
- J'vais pas dire non, surtout quand tu m'accueilles comme ça... susurré-je en commençant à mordiller son cou.
- C'était même pas prévu, s'amuse-t-il. Tu veux m'prendre... ?
J'me redresse pour le regarder, un sourcil haussé, bien que j'sois très intéressé.
- Oh... ? On l'a jamais refait dans ce sens-là depuis la dernière fois.
- Justement. Ça me dit bien de recommencer.
J'souris, content qu'il me le propose de lui-même alors qu'il m'avait bien dit qu'il était pas fan d'être en-dessous, en général. Mais apparemment, avec moi, ça a l'air de passer...
- M'oublier dans tes bras est la meilleure des drogues... rajoute-t-il bas, tellement bas que j'peine à le comprendre.
- ... Quel enfer. Tu causes comme Baudelaire... me marré-je.
.
.
Je tambourine à la porte comme un taré. Il a intérêt à être là, sinon je jure que je crame l'immeuble entier.
Ou peut-être pas. Peut-être juste celui d'à côté, histoire d'éviter de niquer l'appart' d'une des seules personnes qui m'apprécie un minimum... Ou alors, je crame plutôt un pâté de maison plus loin.
Ou carrément toute une ville, au pire ?
- Ace ?! lâche Sabo de ses yeux hallucinés en ouvrant la porte.
Je le pousse sans sommation pour rentrer dans mon ancien chez moi. Je n'ai même pas envie de m'attarder sur ce qui aurait pu changer ou pas ici, je traverse juste la pièce principale pour aller dans la cuisine et ouvrir tous les placards.
- Qu'est-ce que tu fais là... ? demande Sab' dans mon dos. Tu m'as appelé ? J'avais pourtant laissé mon portable sur vibreur...
- Nan, j't'ai pas appelé, claqué-je en continuant ma fouille. J'suis venu sur un coup d'tête.
Je trouve enfin le graal et sors une bouteille de whisky encore bien remplie pour la poser sur le plan de travail dans un claquement sonore.
- J'fais de la merde en fait, voilà c'que j'fais, expliqué-je amèrement. Mais toi t'as l'habitude, Sab' : tu vas me contenir. J'suis venu pour ça. Comme d'hab' en fait : j'suis venu parce que j'ai aucun putain de respect pour toi et que j'continue de t'utiliser sans aucune race parce que t'as le super pouvoir de me contenir.
J'ouvre le frigo pour voir s'il a du Coca, mais je ne trouve évidemment que du Zéro parce que Môssieur Outlook fait attention à son putain de taux de sucre comme un vieux. Il me gave. Monsieur Perfection et sa putain de gueule d'ange.
- Woh woh woh... essaie-t-il d'apaiser, qu'est-ce qui se passe, en fait... ? Et- PUTAIN, ACE !
Il m'empêche d'entamer la bouteille au goulot et je reconnais que je le déteste un peu plus, sur ce coup. Je lui envoie le regard le plus meurtrier que j'ai en réserve.
Mais il m'affronte, comme d'habitude. Et comme d'habitude, il fait les choses bien :
- Viens ici, ordonne-t-il en me chopant par le poignet pour me traîner jusqu'au canapé. Assieds-toi et explique-moi tout. C'est par rapport au rendez-vous psy', c'est ça ? C'était tout à l'heure, nan ?
- Ouais, sifflé-je en m'affalant comme une merde.
Je le vois poser la bouteille de Jack sur la table, mais le plus loin de moi possible. Il sait très bien que je pourrais la récupérer facilement en lui tordant le bras, pourtant…
Mais il sait aussi que je ne le ferai pas. Parce que je suis incapable de lui faire le moindre mal. Du moins, la majorité du temps.
- Et alors, ça s'est mal passé... ? continue-t-il en se massant l'arête du nez, clairement fatigué d'avance.
Ma jambe se met à tressauter malgré moi et je fixe un mur sans le voir.
J'ai bien conscience d'être absolument ridicule, à ne même pas arriver à répondre. Mais c'est encore une explosion, je le sais, et j'ai vraiment du mal à maîtriser celle-là.
En même temps, après avoir joué les cocottes minutes pendant deux putains de semaines pour ne pas m'énerver devant Luffy... C'était certain que cette journée allait se finir comme ça. Partir en couilles, j'entends. Ce n'était pas forcément prévu de prendre la caisse et rouler deux heures pour aller retrouver Sabo sur un coup de tête, en revanche.
- Ace... me rappelle-t-il doucement et je sens sa main se poser sur mon genou pour apaiser mes nerfs. T'es venu ici pour exploser, non... ? Alors explose.
Je lui jette un œil pour le scruter, limite le juger. Je ne sais pas si c'est la force de l'habitude ou du masochisme qui lui fait accepter ça aussi facilement. Peut-être les deux. Mais il me tanke vraiment trop bien. Dix ans qu'il me tanke avec une force et un sang-froid inégalés. Et encore là, alors qu'il espérait peut-être être débarrassé de moi, pouvoir souffler maintenant que deux-cents kilomètres nous séparent... Non, je trouve encore le moyen de venir le chercher lui pour lui casser les couilles.
- ... Ça s'est pas vraiment... « mal » passé... tenté-je d'articuler malgré ma gorge serrée. Mais...
Putain, j'ai vraiment envie de chialer. J'en ai putain de marre.
- Mais quoi... ? m'incite encore mon ange avec toute la douceur et la patience du monde.
- ... J'suis une putain de cause perdue, coassé-je. Elle m'a foutu sous médocs. J'ai trois merdes à prendre, dont deux cachetons deux fois par jour. Le troisième est en « cas de crise »... Mais c'est pas ça l'pire...
Je ricane nerveusement, je ne peux pas m'en empêcher.
- ... Elle m'a « largement encouragé » à voir un psychologue en même temps qu'elle. Elle dit qu'j'ai besoin d'une thérapie. Elle m'a bien confirmé la bipolarité et elle soupçonne aussi un putain de TDAH...
Sabo m'écoute patiemment en hochant la tête.
- Le TDAH, tu m'avais dit qu'un ancien psy' l'avait déjà avancé aussi...
- Mais on dit ça pour tout et n'importe quoi, putain ! m'énervé-je pour de bon. Est-ce qu'à la prochaine séance, elle va aussi dire que j'suis HPI ?! Ça me pète les couilles !
- Nan, t'inquiète pas pour ça Ace : tu es trop con pour être HPI.
Je freeze pour le regarder droit dans les yeux, révolté. Mais il finit par me sourire, de son horripilant rictus dont il use quand il se fout de ma gueule.
Le coussin qui repose sous mon coude est le premier truc que je trouve à lui balancer sauvagement dans la gueule. Mais j'aurais bien envie de lui envoyer carrément le canapé avec, tiens. Son putain de lit aussi. Et la cuisinière. L'appart' entier, même ! Connard ! Je récupère donc ce putain de coussin pendant qu'il se marre comme un gland, et vu qu'il ne s'arrête pas, je le tabasse avec, ni plus ni moins.
- Pardon, pardon ! se moque-t-il comme un énorme bâtard. Allez, stop ! Calmos !
Il réceptionne mon arme pour me l'arracher des mains et le serre contre lui en bouclier. Il a bien raison.
- Okay, récapitulons... reprend-il plus calmement. Tu es dégoûté parce que... La psy t'as dit ce que tu savais déjà ?
- Va te faire foutre, sifflé-je.
- Mais j'essaie de comprendre ! Tu sais très bien que c'est compliqué de te suivre, des fois...
Je lâche un long soupir. Oui, évidemment que je le sais. C'est même une horreur de me suivre pour un humain moyen, je l'ai bien compris. Rares sont ceux qui réussissent à décoder la moitié du fonctionnement de mon putain de cerveau. Sabo est sans conteste dans le Top 3, se déchirant la place avec Marco et Luffy.
- ... Le pire, c'est qu'on a pas parlé de grand-chose, maugrée-je. Elle m'a demandé un rapide résumé d'ma vie et de mon contexte familial. Donc, je lui ai précisé que c'était galère depuis la mort des Monkey, que j'me retrouve seul à gérer le petit frère, et que-...
Ma bouche se scelle à nouveau sans que je ne puisse rien y faire.
On peut reconnaître un truc à cette psychiatre de merde : elle était patiente. La moitié du rendez-vous s'est déroulé dans un silence total parce que ma voix refusait de sortir quoi que ce soit, comme maintenant.
Parce que c'est tellement dur de reconnaître mes torts et mes faiblesses en face de quelqu'un, quand je ne suis pas dos au mur.
- ... Et que ? m'incite à nouveau Sab' sans me lâcher des yeux.
- ... Et que-... Et-... que, putain... et que j'arrive pas à gérer. J'arrive pas à tout gérer.
Nuance importante, bordel. Bien sûr que j'arrive à gérer des trucs.
- C'est si dur que ça à avouer... ? soupire-t-il. Ace, évidemment que t'allais galérer à gérer Luffy. Ce gamin est une pile électrique montée à l'envers, alors le gérer en plus de toi... ?
Je le fusille du regard, même si je sais pertinemment qu'il a raison. Après tout, il a été aux premières loges dès le début de notre emménagement ici pour voir à quel point je fais de la merde d une fois que je me retrouve en roue libre. Seul face à moi-même.
Je n'imagine même pas comment j'aurais fini au bout de deux semaines si j'avais dû emménager seul, sans lui pour veiller sur moi.
- Je sais que ça sert à rien de dire ça, mais tu aurais dû faire ça depuis le début... me claque-t-il. T'as perdu tes parents, putain. Tu les aimais les Monkey, je le sais. Et pourtant, depuis octobre, je ne t'entends quasiment jamais parler de ça...
Il me pointe d'un doigt autoritaire, son mode daron activé.
- Tu vas leur parler de ça, hein ?! Aux deux psys. Enfin, surtout celui avec lequel tu vas faire ta thérapie... (Il s'arrête et fronce les sourcils) : ... Tu vas le faire, n'est-ce pas ? Si elle t'a dit de trouver une deuxième personne pour entamer une thérapie... Tu vas le faire, Ace ?
Je lui rends son regard, l'affrontant de toute ma hargne.
Pourquoi je suis venu le voir lui, putain.
Mais d'un autre côté... qu'importe qui j'aurais été voir. Shanks m'aurait dit la même chose. Ces deux-là se ressemblent bien plus que ce qu'on pourrait croire, aussi perturbant que ça soit. Peut-être que Bonney m'aurait un peu moins foutu la pression que maintenant, mais je suis certain qu'elle m'aurait engueulé aussi.
Finalement, j'ai peu de proches... mais ce sont tous des putains de grandes gueules entêtées de merde. Tout ce qu'il faut pour essayer de me tenir en laisse. Je dois l'avoir fait exprès sans même m'en rendre compte.
Preuve que j'ai un instinct de survie, finalement ? Incroyable.
- Ace. Si je suis bien d'accord avec toi sur une chose, c'est que les médocs, c'est de la merde. J'ai vu ma mère en prendre toute sa vie et ça n'a fait que lui griller un peu plus le cerveau qu'il ne l'était déjà... Une majorité des médocs dans ce genre sont des cache-misères, on est d'accord là-dessus. Donc... Tu sais très bien que la seule solution pour te sortir un peu de tes pensées merdiques, c'est la thérapie.
- Merde, claqué-je utilement en grognant.
Sabo lève les yeux au ciel, mais je continue à dire qu'il est beaucoup trop habitué à mes réactions de gamin capricieux et buté.
- Je pensais que tu étais « vraiment motivé pour la première fois de ta vie »... ? me rappelle-t-il en se relevant pour retourner dans la cuisine.
- ... Je le suis, craché-je. Je le suis vraiment. J'ai promis à Luffy.
- C'est mignon... sourit-il, revenant avec deux verres vides qu'il pose devant nous.
Je le vois prendre la bouteille de Jack et remplir le fond des verres, avant d'en pousser un vers moi. Quelle merveille, ce type. Il me fait chier juste pour le sport, mais il finit toujours par aller dans mon sens.
Je prends donc le verre et bois la petite dose cul-sec. Il était parti pour m'imiter, mais il m'envoie un regard meurtrier.
- Le cul-sec était pas obligé. Et t'as même pas trinqué avec moi, râle-t-il.
- Eh ben resserre-moi.
Il pousse un long soupir mais s'exécute quand même. On trinque dans les règles cette fois et je me calme sur le deuxième verre, profitant du goût amer du whisky.
- Donc... reprend Sab'. Tu as promis à Luffy... Encore une fois, ton comportement avec lui m'épate. Pourquoi est-ce qu'il faut que tu sois une putain de saloperie insupportable pour le reste du monde, mais une crème avec lui ?
Je lui jette un œil, un peu perturbé par son ton légèrement doucereux.
Ce n'est pourtant pas la première fois qu'il me pose cette question... Mais là tout de suite, j'ai l'impression qu'il y a un sous-entendu à comprendre.
Sous-entendu que je comprends, en soi.
... J'ai dû lui dire de la merde, le week-end où j'ai pris le GHB. Quoi, je ne sais pas. Mais je me posais justement la question depuis, surtout en entendant parfois des changements un peu étranges dans sa manière de me parler au téléphone, même légers. Des phrases qui traînaient plus que la normale quand le sujet revenait sur Luffy, ou des blancs qui n'avaient pas lieu d'être. Ce n'est pas arrivé assez de fois pour que je le note vraiment... Mais maintenant...
Maintenant... Je me demande s'il ne serait pas temps. Ça fait trois mois que je suis avec Luffy. Je sais que je voulais attendre sa majorité pour l'annoncer sereinement, histoire que personne ne trouve quoi que ce soit à me reprocher. Mais ça me pèse de cacher quelque chose d'aussi énorme à Sabo. Mon presque frère, mon double. Je n'ai aucun remords à mentir à quiconque, à part à lui. Il doit être la personne avec qui j'ai été le plus honnête dans ma vie depuis que je le connais. Même Luffy n'a pas le droit à un tel niveau de franchise de ma part.
C'est déjà un miracle qu'il n'ait jamais compris clairement que quand je rappelle, bourré, à quel point « j'aime Luffy », c'est bien dans le sens amoureux du terme, et pas dans le sens « frère un peu trop passionné ».
- ... Luffy a toujours eu un passe-droit unique, finis-je par répondre. Un peu comme toi, je te rappelle.
- Je sais. Et je sais que tu as beau tenir énormément à moi à ta putain de manière hyper toxique par moment, Luffy est pire. Le pauvre.
- ... Va chier putain, grogné-je.
- Je dis juste ce qui est, rappelle-t-il placidement. Tu peux autant être un amour et rappeler à la personne à quel point tu tiens à elle de la plus belle des manières, puis l'insulter limite à la menacer de mort la minute d'après. Je suis très bien placé pour le savoir.
- C'est juste avec toi que j'fais ça... marmonné-je.
- Super. Quel plaisir, vraiment.
- T'as qu'à arrêter d'assumer ta putain de place de garde-fou comme tu l'as toujours fait. C'est ta putain de faute, Sab'. Laisse-moi faire mes conneries et j'arrêterais de t'insulter.
- Tu serais déjà cané dans un coin si je te laissais faire tes conneries... C'est déjà un miracle que tu survives seul chez toi depuis octobre. Et je sais justement que Luffy est loin d'être un garde-fou. Il n'a ni les épaules ni la maturité pour ça. À ses côtés, tu te responsabilises juste miraculeusement plus.
Je m'apprête à gueuler parce que ce qu'il dit est totalement stupide - encore heureux que je me responsabilise face à mon petit frère, on rappelle que j'ai sa putain de garde -, mais il me coupe :
- Ne me fais pas dire ce que j'ai pas dit. C'est bien normal que tu fasses plus attention en ce moment... Mais le truc, c'est que tu as toujours fait ça. Depuis que j'te connais, ça a toujours été « Luffy par-ci, Luffy par-là »... Toi qui te calmes instantanément en voyant Luffy alors que tu pétais ta tête depuis une heure sans que rien d'autre ne t'apaise... Sans compter le nombre de fois où je t'ai ramassé en soirée quand on a emménagé ici, limite en train de chialer, parce que « Luffy me maAAaaAnque »...
Il a essayé d'imiter un ton ridiculement larmoyant pour appuyer cette dernière phrase et je sens vraiment une bouffée de haine monter en moi. Putain. Je sais qu'il est la seule personne que je laisse se foutre de ma gueule aussi librement, mais ça ne m'empêche pas d'avoir envie de lui faire avaler ses dents quand il me fait ça.
Et il ose me regarder avec une expression légèrement dédaigneuse et blasée. Connard.
- ... En fait, tu sais ce qui me trigger le plus depuis le week-end où Luffy était barré ?
- Allez... soufflé-je bruyamment sans le laisser finir. Je t'ai dit quoi ?
- Ce qui me trigger le plus, continue-t-il comme un enculé. C'est que je me suis rendu compte que tu m'as pas raconté la moindre histoire de cul une seule fois. Depuis facilement le Nouvel An.
On se toise en silence quelques secondes. Je ne sais pas quoi répondre à ça. Je lui dis tout et les baises n'ont jamais fait exception, surtout en prenant en compte à quel point je suis porté sur le sexe. Je ne lui parlais peut-être pas de tous mes coïts, mais il avait connaissance de la majorité des soirées que j'ai passé dans les bras d'inconnus.
- ... Je t'ai dit quoi ? répété-je lentement, légèrement menaçant pour qu'il me réponde.
- Que t'allais « plus jamais pouvoir te retrouver quelqu'un si Luffy te tournait le dos », siffle-t-il enfin, sans me lâcher des yeux.
... Intéressant.
Ça serait donc la seule chose que j'ai laissé échapper, dans ma fatigue et mon désespoir ? Ce n'est pas grand-chose, finalement. Bien peu par rapport à ce que j'aurais vraiment pu dire, vu mon état. Mais Sabo est loin d'être con, sans compter le fait qu'il me connaisse par coeur.
Le souci, c'est que je tire beaucoup trop sur la corde depuis beaucoup trop longtemps, avec Sab'. Quelque part, c'est un réel miracle qu'il ne se doute de quelque chose que maintenant...
Mais en fait, je connais pertinemment la nature dudit miracle. De pourquoi il n'a jamais réussi à conclure que j'étais réellement amoureux de Luffy, malgré mon comportement, malgré tout ce que j'ai pu lui dire. C'est juste un réflexe cognitif assez répandu. Un truc que je connais bien.
Ça s'appelle le « déni ».
- ... On sort ensemble, Luffy et moi, balancé-je donc sur la table sans préavis. On couche ensemble, même. J'préfère préciser avant que ton cerveau commence à minimiser le truc.
Je suis cruel avec lui, je le reconnais sans nier. Mais Sabo fait partie de ces gens que j'adore tester. Lui qui me connaît si bien, j'en tire toujours une certaine fierté quand j'arrive encore à le choquer. Et probablement que je ne pourrais pas faire mieux que ça. C'est presque un peu triste d'être déjà arrivé au maximum maintenant, quelque part.
Je l'observe donc se décomposer, même s'il ne me lâche toujours pas des yeux. Je peux presque entendre les rouages de son cerveau fumer dangereusement. Je me demande vraiment comment il va réagir. Par du dégoût ? De la colère ? De la panique ? Les trois en même temps ?
Il finit par prendre une grande inspiration. Ses yeux se ferment, il se passe une main sur le visage et relâche lentement son souffle.
- ... Est-ce que Luffy est-... Je veux dire... Comment ça a pu arriver... ?
- Est-ce que tu viens d'hésiter à me demander si Luffy était consentant, là ?! grincé-je, ne pouvant réprimer un sourire en coin bien vénère.
- Oui, avoue-t-il en recommençant à affronter mon regard sans flancher. Oui, Ace. Parce que je n'imaginais pas Luffy capable de partir dans une direction pareille.
- Tu serais surpris... ricané-je amèrement. Il s'est bien fait rouler dessus depuis qu'on s'est barrés à la fac.
- Eeeet je n'avais pas forcément envie de le savoir, commente-t-il impatiemment.
- Et ben tant pis pour ta gueule. Je te le dis : Luffy est bien porté sur le cul aussi. Tellement que c'est lui qui a enclenché les choses. À Noël, pour être plus précis. Il a commencé à m'embrasser, je l'ai pas repoussé.
Jusque-là, à part grimacer légèrement en m'écoutant, il ne réagissait pas trop. Mais il se lève d'un bond à cette dernière information.
- Et pourquoi tu l'as pas repoussé, putain ?! Nan, me réponds pas en fait...
Il commence à se marrer nerveusement, affichant un air clairement dégoûté.
- ... Parce que je l'aime, expliqué-je tout de même, d'un ton bien plus doux que ce que j'imaginais.
Putain... Ça me fait tellement du bien de le lui dire sans qu'il ne comprenne de travers.
Mais lui n'est évidemment pas de cet avis. Il fixe un point devant lui, sourcils froncés, bouche-bée, me donnant l'impression qu'il est en train de remettre l'entièreté de sa vie en question.
Ça doit probablement être le cas.
- ... Ace. Je t'ai entendu dire toute ta vie que tu « aimais » Luffy.
- Ouais.
Il revient enfin à moi pour m'envoyer une expression hallucinée.
- ... Ouais, Sab', insisté-je, bien plus calme de mon côté, tout à coup. C'est une nuance que t'as jamais voulu voir. Et pourtant, elle a toujours été là. Du moins... depuis la moitié du collège, facilement.
- ... La moitié du collège... ? répète-t-il d'une voix horriblement brisée par le choc. Mec... Luffy avait quel âge, putain ?!
... Qu'est-ce que je peux bien répondre à ça.
Je le sais. J'en ai conscience. J'en ai eu conscience dès le début. J'avais beau n'avoir que 14 ans environ, j'étais assez lucide pour réaliser que ce n'était pas normal. Ni sain. Surtout pas sain.
Je suis un putain de déviant dégueulasse qui mériterait juste d'être enfermé. La seule chose qui m'a toujours un minimum sauvé, c'est que je n'ai jamais tenté quoi que ce soit envers Luffy. J'ai toujours réussi à me contenter de sa seule présence, enfouissant ces pensées malsaines au fond de moi. Mais elles étaient quand-même là. Tournant en boucle. M'envoyant des images qui me dégoutaient moi-même.
Ces images, elles se sont réalisées aujourd'hui pour mon plus grand bonheur... Du coup, j'ai parfois du mal à me rappeler à quel point je pouvais me faire horreur, à l'époque. À quel point je m'étais juré que jamais je ne l'avouerais à qui que ce soit. Parce que ce secret-là mis en lumière, j'aurais définitivement été catégorisé parmi les pires humains que cette planète n'ait portés.
Finalement, Sabo n'a fait qu'imiter mon propre déni. Ce n'est pas parce que les choses sont cachées qu'elles ne sont pas réelles.
- Depuis... Noël... redit-il pour lui-même après s'être détourné de moi sans vraiment attendre de réponse.
Il cherche probablement à s'imprégner de l'information pour de bon.
Mais d'un seul coup, il explose de rire.
- Putain de merde ! C'est pour ça que tu m'as tellement pété un câble dessus au Nouvel An, par rapport à Marco ?! Mais putain, Ace ! Tu sors avec Luffy, et tu ne lui as même pas dit que tu sortais d'une relation longue ?!
Il se met à faire des cents pas rapides dans la pièce, plongé dans ses pensées, mais nerveux comme je l'ai rarement vu jusqu'ici.
- Et putain, je me disais bien que c'était tellement chelou de vous retrouver à moitié poil quand je suis venu vous réveiller, le lendemain matin... ! J'pensais que t'allais vouloir dormir avec Bonney, mais évidemment que non : évidemment que t'as voulu dormir avec ton... « mec »...
Il pile et bugue sur le vide deux secondes. Puis il revient à moi, m'offrant une expression horrifiée.
- ... Ton « mec », répète-t-il encore. Et évidemment, celui-là, tu l'aimes... Celui-là, tu le trompes pas, hein ?!
Je me contente de secouer lentement la tête. Le voir aussi agité m'a drastiquement calmé de mon côté. Mais je me retrouve également dans une sorte de curiosité morbide, l'observant réaliser toute l'ampleur de ma monstruosité avec une grande attention.
J'ai hâte que ça soit le tour de Shanks et de Garp, tiens.
- Évidemment... ricane-t-il. Celui-là... Luffy. Tu vas le choyer. Tu vas prendre soin de lui. Tu vas être tout mielleux avec lui... Tout ce que j'ai espéré pour Marco. Mais tu l'aimais pas, Marco.
- J'aimais pas Marco, confirmé-je. Ni aucun autre. Parce que j'aimais déjà Luffy.
Il se décompose un peu plus, envoyant un regard implorant au sol.
- ... Toutes ces années... C'était pour ça que tu me disais que tu étais... « bloqué » ?
- Ouais.
Il se prend la tête entre les mains et la secoue lentement. C'est aussi terrifiant qu'amusant à observer. Je vois presque d'ici sa pression artérielle exploser sous la réalisation de l'horreur dans lequel je le plonge.
J'ai du mal à imaginer. Ce que ça fait de découvrir que son meilleur ami est en réalité une énorme pourriture foutue jusqu'au tréfond de son âme.
- ... Mais comment tu espérais te sortir de ça, en fait ?! demande-t-il encore, son regard alarmé revenant à moi.
- J'espérais rien. Que ça passe un jour. Que quelqu'un me le fasse oublier... Marco, par exemple.
- Bah ouais, siffle-t-il. Le putain de phœnix pour te le « graver dans la tête ».
- Exact.
- ... T'espérais pas que Luffy...
Il ricane encore nerveusement. Amèrement.
- ... Que Luffy fasse exactement ce qu'il a fini par faire, du coup ?
Je hausse une épaule.
- ... Pas vraiment, je sais pas. J'osais pas imaginer que ça pouvait arriver...
Il ferme les yeux et se mord les lèvres. Puis il se met à enchaîner plusieurs longues expirations.
- Okay... Okay... D'accord. D'accord d'accord d'accord... J'ai été con et très aveugle pendant dix ans, mais tout va bien... Et maintenant, c'est chose faite... Luffy a enclenché les choses, tu n'as fait que l'accueillir à bras ouverts... D'accord...
Il se rapproche tout à coup de moi, s'appuyant sur le dossier du canapé pour me regarder droit dans les yeux.
- Et tu es heureux, alors ?! Tu n'es plus bloqué. Tu as ce que tu voulais. Putain Ace, tu as intérêt à me dire que t'es heureux... !
- Je suis heureux, confirmé-je.
Il acquiesce... mais il ne semble pas convaincu à cent pourcents... Probablement parce que je ne le suis pas moi-même.
- ... « Mais » ? enchaîne-t-il donc.
- ... Mais je reste moi. Je suis une merde qui fait de la merde. Qui pourrit la vie de Luffy. Encore plus maintenant qu'on est aussi proches.
Il hoche encore la tête, m'incitant clairement à continuer.
- ... C'était une crise de jalousie, ce week-end-là, avoué-je. Il est parti en soirée sans moi, habillé-... D'une certaine manière. Il s'est cassé comme ça, alors que je lui avais bien montré que je voulais pas qu'il le fasse. Ça m'a fait vriller.
- Putain, mec... ricane-t-il, toujours un peu mauvais. T'es déjà une horreur en tant que pote niveau jalousie et possessivité... En couple, j'ose même pas imaginer ce que ça donne.
- Et ben... Un appart' saccagé, une nuit en cellule de dégrisement... Et un Luffy énervé et barré pendant trois jours... énoncé-je en baissant enfin les yeux, toujours pas très fier de ça
- Génial, vraiment... Je comprends mieux pourquoi tu es soudainement si motivé à retourner voir un psy'...
- ... Il a hésité à me larguer, expliqué-je, ma voix perdant quelques décibels.
Sabo se passe encore une main sur le visage et ne bouge plus. Je le regarde en attendant patiemment.
Je me demande si je suis en train de perdre mon meilleur pote.
C'était une éventualité à laquelle j'ai pensé, évidemment. Sabo est trop droit dans ses bottes, malgré toutes les conneries que je lui ai fait faire ces dernières années. Et en plus, il n'est pas objectif envers Luffy : il le considère comme son petit frère, bien loin devant Sterry, avec qui il n'a jamais eu le moindre atome crochu. À l'instar de ce que Shanks et Garp vont forcément conclure, il doit être en train de penser que je l'ai perverti. Que je l'ai forcément influencé et que partis dans cette direction, je nous envoie tout droit dans le mur.
Il va peut-être me détester pour ça. Je vais probablement le dégoûter. Il y a de fortes chances qu'il ne soit plus jamais à l'aise de se retrouver entre nous deux. Peut-être que ça va être la goutte de trop.
Ne vous méprenez pas : je ne veux pas de ça. Perdre Sabo serait probablement l'une des pires choses qui pourrait m'arriver. Mais je suis lucide : j'ai toujours attendu que cette goutte tombe. Parce que ça va arriver un jour. Si ce n'est pas aujourd'hui à cause de mon couple avec Luffy, ça sera autre chose dans un futur plus ou moins proche. Sabo tanke trop, depuis trop longtemps. Aucun humain normalement constitué ne peut avoir les épaules suffisantes pour me supporter comme il le fait sans interruption depuis nos 11 ans.
À moins que Sab' n'ait vraiment une ascendance angélique ou divine. Je penche plus pour angélique. Je l'imagine beaucoup trop bien avec des petites ailes grotesques et une jolie auréole dorée, en train de répandre la paix et l'amour partout où il passe.
My angel.
- ... Okay, tu sais quoi ? finit-il enfin par dire en sortant de sa torpeur intérieure. Lève ton putain de cul de dégénéré de ce canapé.
- Ah... ? Pourquoi ? Tu me fous dehors, c'est ça ?
Mais je le vois sortir ses chaussures pour les enfiler. Il m'envoie un regard presque haineux par-dessus son épaule.
- Une part de moi aimerait bien, mais t'es un putain de boomerang, Ace. Tu reviendras quoi qu'il arrive. Donc ramène-toi : on va aller éponger ça au bar. Et tu vas en profiter pour me raconter ça plus amplement. Et plus de cachoterie cette fois putain : tu vas tout me dire.
... My fucking angel.
- ... Je te dégoûte pas ? cherché-je tout de même à savoir. Tu m'en veux pas ?
- On s'en fout de ça, annonce-t-il. Je vais m'en remettre. Mais en attendant, t'es en couple avec Luffy. Tu viens de péter un câble parce que tu dois reprendre une thérapie, et Dieu seul sait à quel point c'est putain de nécessaire pour votre santé mentale à tous les deux. Alors, tu vas envoyer un message à Lu' pour lui dire que t'es là et que tu dors ici ce soir ; on va poser tout ça à plat tu vas te mettre une caisse pour éponger et demain matin, tu vas repartir d'ici calmé et motivé pour te trouver un psychologue et l'entamer, cette putain de thérapie. Parce qu'il n'est pas question que Luffy te supporte tel que tu es actuellement un jour de plus. Et je parle même pas du soulagement de ma propre charge mentale si tu commençais enfin à aller un peu mieux.
Je me sens incapable de bouger pendant quelques secondes...
... My fucking and so precious angel...
- ... Je t'aime tellement Sab', me sens-je obligé de lui rappeler.
- Ta gueule et ramène-toi.
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- Avril Lavigne feat. Nicki Minaj – Dumb Blonde -
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Sabo n'est pas un personnage que j'adore particulièrement dans le manga parce que je trouve son existence et l'utilisation qu'Oda en a parfois fait assez maladroite, mais il a un potentiel incroyable. Dans cette fic, il n'est là que pour être le soutien indéfectible d'Ace, ce qui est un peu dommage pour lui, en soi... Mais heureusement qu'il est là. Il est l'un des héros de cette histoire, j'espère que vous en avez conscience !
DONC. Prochain chapitre : flashback. Le CINQUANTIÈME CHAPITRE, non de diou ! Puis au chap 51, ENFIN la première réelle grosse ellipse de l'histoire, qui va nous envoyer un mois et demi plus tard pour lancer un nouveau mini-arc... Dans ma tête, il va y avoir un véritable tournant dans l'histoire à partir de ce moment. Sans compter d'autres... « détails »... que j'attends avec impatience. Tant d'impatience. J'ai tellement hâte, si vous saviez.
Des bisous et à la prochaine !
