Mes petits chats,
Suite de l'amour en pleine mer :) Je l'ai relu plusieurs fois pour correction, ce n'est pas ma préférée mais je préfère vous la proposer et cesser de m'acharner au risque de faire encore pire. J'espère qu'elle sera à votre goût.
Je vous laisse en leur compagnie, le Naglfari navigue en pleine mer et il y a un peu de houle :)
Très bonne lecture
ChatonLakmé
Asgard Luxury Cruises
o0O0o o0O0o
Treizième partie
Le lendemain matin, le Naglfari navigue toute la journée en direction du golfe du Mexique. Il entame son trajet de retour vers Miami avant une dernière escale sur l'île de Key West, Floride. Thor s'est levé à une heure tardive de la matinée, un peu mélancolique. La fin des vacances approche et aujourd'hui, il veut s'étourdir de divertissements. Alors qu'il prend son petit-déjeuner sur le balcon de sa cabine, il réalise soudain qu'il a que très peu profité des avantages de son statut de client VIP. Thor retourne dans le salon et récupère une des luxueuses brochures de ALC posées sur le bureau. Il se réinstalle dehors pour commencer son étude attentive des différentes activités proposées à bord. Un stylo à la main, le blond entoure de nombreux éléments et commence à planifier mentalement sa journée. Thor envoie un message à ses amis pour les prévenir de son programme chacun ayant prévu des occupations, ils s'accordent pour se retrouver au déjeuner à l'agréable brasserie de style français du pont huit.
Il sourit.
Parfait, une journée presque entière pour lui.
Thor commence par une séance de sport à la salle du pont cinq. C'est un entraînement plus apaisé, sans rancœur, pendant lequel il applique son programme de travail tel que Emma, sa coach à Fort Lauderdale, l'a composé pour lui. À la fin, alors qu'il travaille ses muscles dorsaux, il entame même une agréable discussion avec un client et son épouse venus s'entraîner ensemble. Un peu impressionnés, ils lui demandent conseil et restent un instant avec lui pour s'entraîner sous sa supervision.
Thor retourne à sa cabine avec le sourire et le tiraillement familier dans ses muscles provoqué par un entraînement réussi. Les endorphines inondent son cerveau et ses veines, il n'a presque pas pensé à Loki pendant sa séance tout au plus, le brun a été un souvenir fugace quand il a jeté un regard aux tapis de course à son arrivée. La danse de ses mollets fins et nerveux, la ciselure de ses biceps contractés dans l'effort, sa nuque humide dégagée par ce chignon un peu flou très charmant. Juste une étincelle dans ses veines.
Ses pensées sur Loki se précisent un peu quand il passe la fin de la matinée au spa, entre l'espace thermal, le sauna et une luxueuse cabine de massage. Il confie ses épaules contractées aux mains expertes d'Anny, choisit le massage aux pierres chaudes recommandé par le brun et lâche complètement prise pendant une heure et demie.
Quand il retrouve ses amis au déjeuner, Thor a vingt minutes de retard et sourit d'un air contrit. Il s'est assoupi dans sa cabine. Appuyé contre Steve, qui a passé un bras sur le dossier de sa chaise, Bucky sourit d'un air narquois.
— « Tu as l'air d'avoir fait des folies de ton corps », dit-il en faisant danser ses sourcils.
— « Je sors du spa au pont sept. »
— « On dirait qu'on t'y a fait des choses indécentes », renchérit Clint d'un air moqueur.
— « J'ai juste fait un massage d'une heure et demie et j'ai traîné dans l'espace thermal. »
Natasha fronce les sourcils. Elle se penche fort vers lui et renifle dans son cou. Thor gigote légèrement de gêne.
— « … Tu sens le patchouli… Même l'odeur est luxueuse. Je suis sûr que le flacon était en plaqué or. »
— « Le monde des riches est un monde de fous », soupire doucement Bucky d'un air navré.
— « Mais tu en rêves, pas vrai ? », le taquine la rousse.
— « Tellement… »
Steve embrasse gentiment sa tempe puis ses lèvres en lui chuchotant quelque chose à propos de bonheur et d'argent. Le brun marmotte qu'il veut juste le couvrir d'or – un désir très raisonnable de son point de vue – et son mari rit tendrement. Thor prend la carte que lui tend le serveur faisant le tour de leur table.
— « Quelle est la suite de ton programme ? », demande gentiment Bruce.
Le blond hésite. Les prestations sont particulièrement luxueuses, elles sont de ces folies qu'on ne s'accorde que quelques rares fois dans sa vie pour des occasions particulières et qu'on prend en photos sous toutes les coutures pour se convaincre qu'on a pas rêvé. Il ne veut pas paraître déplacé mais ses amis le regardent avec une curiosité un peu gourmande. Thor sourit. C'est agréable d'être entouré de gens qui rendent les choses faciles.
— « J'ai pris rendez-vous au salon de coiffure-barbier après le déjeuner puis j'irais tenter ma chance au casino. »
— « Il y a un casino à bord ? Mince, je ne me souvenais pas de ça », demande Bucky d'un air stupéfait.
Thor jette un regard d'excuse à Steve qui se contente de hausser légèrement les épaules.
— « On a prévu d'aller assister au concert de jazz à seize heures et tu as dit que tu acceptais de m'accompagner à la galerie d'art avant. »
— « … C'est une exposition de photos dont tu as dit toi-même que le nom était très prétentieux », proteste le brun.
Steve esquisse une petite moue un peu déçue et Bucky semble au comble du supplice. Thor esquisse un rictus. Le blond est habile à entortiller son mari autour de son petit doigt.
Natasha entame son plat de poisson avec enthousiasme. Thor a un peu oublié ce dont il s'agit, le serveur a dit son nom en français.
— « Continue Thor, fais-nous encore rêver », le taquine-t-elle.
— « Je me suis inscrit à un cours de dégustation de cafés du monde au bar du pont sept en fin d'après-midi et j'espère pouvoir assister au spectacle de cabaret avant le dîner. »
Clint siffle doucement et il lève son verre entre eux.
— « Ton programme ressemble à tout sauf à des vacances pour moi. Si tu en as assez, je serais à la piscine intérieure », se moque-t-il d'un ton taquin.
— « Je m'en souviendrai », répond poliment Thor.
Pas dupe, le blond éclate de rire.
Thor entame à son tour son steak-frites parisien en songeant à la parfaite après-midi qui l'attend.
Ça va être bien, vraiment bien.
Quand il quitte le salon de coiffure une heure plus tard, il croise Steve et Bucky enlacés qui marchent d'un seul pas vers la galerie d'art il faut au moins ça pour réussir à y entraîner le brun qui traîne franchement des pieds. Bucky le remarque, lui jette un regard de martyr et Thor rit doucement. Quelques mètres plus loin, Steve les arrête. Il prend le visage de son mari en coupe, l'embrasse langoureusement et laisse sa bouche traîner jusqu'à son oreille pour lui murmurer quelque chose. Le brun s'agrippe à son tee-shirt avant de hocher farouchement la tête et de le tirer par la main vers l'entrée de la galerie d'art.
Au luxueux coffee shop du pont sept, il s'avère que Thor possède un remarquable palais pour déguste le café. Quand le barista tente de le piéger à la fin de l'atelier, le blond s'attire son admiration et les applaudissements enthousiastes des autres participants quand il parvient à reconnaître un très rare Kopi luwak d'Indonésie. Thor a été un des rares à oser goûter ce breuvage dont les grains sont récoltés dans les excréments du luwak, un petit mammifère d'Asie. À Fort Lauderdale, il suppose qu'il n'aurait jamais essayé – peut-être aurait-il un peu grimacé de dégoût aussi – mais il est en pleine mer, en vacances et il n'aura pas d'autre opportunité de déguster un café à soixante-quinze dollars la tasse. Thor le trouve excellent, il s'enhardit même à en acheter un petit peu à un prix franchement prohibitif. Il est en vacances.
Il se sent suffisamment au comble de la félicité pour être sincèrement déçu quand, à l'entrée de la salle de spectacle du pont quatre, une jeune femme en uniforme lui annonce d'un ton navré que la représentation est complète. Thor pourrait y assister en fin de soirée, après le dîner. Il préfère décliner avec une pointe de regret. Tandis qu'il remonte vers les ponts supérieurs, il songe que le bar du pont extérieur possède une petite scène sur laquelle se produit régulièrement un groupe de jazz. C'est mieux que rien, il ne laissera rien ni personne altérer le plaisir qui coule dans ses veines après une bonne journée.
Tandis qu'il monte le grand escalier, un petit groupe le croise dans l'autre sens. Thor s'efface poliment avant de reconnaître Tony en tête, très élégant dans son uniforme de capitaine en second. Le brun joue au guide touristique et il étouffe discrètement un rire.
— « Mr. Odinson », le salue Tony en l'apercevant.
— « Capitaine en second Stark. »
Le jeune homme lui sourit largement en lui tendant la main et Thor se sent vraiment bien. Il songe brièvement qu'une fois rentrer à Miami, Tony lui manquera probablement un peu. Il préfère ne pas trop penser à sa séparation avec Loki, sa journée est trop bonne pour devenir un peu mélancolique.
— « Je présente les merveilles du Naglfari à nos clients très privilégiés. Souhaitez-vous vous joindre à nous ? »
— « Je reviens de la salle de sport, du spa et du coiffeur, je pense être assez au fait des merveilles de ce navire. »
Tony s'esclaffe joyeusement.
— « C'est une visite technique concernant la navigation et ses outils. Le Naglfari n'est pas qu'un luxueux navire de croisière vous savez, il est aussi équipé d'une technologie de pointe », affirme le brun avec une pointe d'orgueil.
Thor n'a plus de spectacle à voir pour occuper la fin de son après-midi alors pourquoi pas. Il sourit et emboîte le pas au brun.
Il s'avère que Tony aime passionnément le Naglfari et se révèle être un guide remarquable. Le blond n'aurait jamais cru qu'il appréciera un café produit à partir de grains digérés par un autre être vivant il s'avère qu'il se passionne aussi pour l'histoire de la construction du navire et la technicité de ses équipements. La salle des machines l'époustoufle, cathédrale de pistons et de chaudières et la salle technique l'émerveille, envahit de panneaux de contrôle qui clignotent, de voyants et d'interrupteurs. C'est grandiose, c'est intimidant, c'est techniquement bluffant mais ce qu'il apprécie par-dessus tout est finalement la cabine de pilotage, située au-dessus du pont extérieur et sa vue presque à 360 degrés sur l'océan.
Quand il entre à l'intérieur, Thor est démangé par l'envie de prendre des photos… avant de remarquer que Loki est en poste à vingt mètres de lui. La vue est au moins aussi belle.
Le blond déglutit légèrement. Il reste à l'arrière du groupe et se passionne exagérément pour un appareil de mesure dont un membre d'équipage lui explique gentiment le fonctionnement. Plus loin, Loki est en train de prendre des photos avec la mer en arrière-plan toujours aussi bourré de charme et d'assurance, toujours renversant dans son uniforme sombre.
Une jeune femme accepte enfin de s'éloigner de lui en gloussant. Le brun rajuste les revers de sa veste Thor sent son regard couleur de pierre précieuse lui brûler le visage.
— « Mr. Odinson ? Est-ce que vous souhaitez – ? », demande-t-il doucement.
— « … Une photo ? Non, je vous remercie », croasse-t-il un peu.
Le blond se sent comme le pire des sales types quand il voit une lueur peinée passée brièvement dans le regard de Loki. Il déglutit. Il l'a embrassé bon sang, et plutôt chaudement le jour précédent. Loki mérite mieux, il est un con.
— « Je ne suis pas très bon quand il s'agit de poser », se justifie-t-il un peu maladroitement.
Le brun n'ajoute rien et élude d'un sourire simplement poli. Tony leur fait faire le tour du poste de pilotage, détaille les instruments. Thor sent que Loki ne le quitte pas des yeux. Les clients posent encore quelques questions plus ou moins intéressées avant de se faire raccompagner par le capitaine en personne. Sur le pas de la porte, il s'autorise à saluer le brun d'un signe de tête un peu timide et n'attend pas de réponse avant de s'engouffrer à la suite de Tony.
Les mains un peu moites, Thor a besoin de prendre l'air et il décide de tenter sa chance au bar de la piscine extérieure. S le groupe de jazz a commencé à jouer, il ne s'entendra pas non plus penser. Sur le palier du pont neuf, il croise Clint qui revient de la piscine intérieure et il lui propose de se joindre à lui.
— « Avec joie mon ami mais si nous y retrouvons nos jeunes mariés, demande-leur de garder leurs mains pour eux. Je n'ai jamais été renvoyé d'un bar même pendant mes années de fac, j'aimerais conserver ma réputation intacte », dit-il d'un ton pince-sans-rire.
Thor s'esclaffe et hoche la tête. Cela ne fait pas non plus partie des projets de sa parfaite journée.
— « Tu as l'air d'aller mieux », note-t-il en faisant quelques pas avec lui.
— « …Mariana m'a appelé hier après les enfants. Elle m'a dit qu'elle avait renvoyé son avocat et qu'elle allait réfléchir seule à la situation à présent. »
— « … Est-ce que c'est une bonne chose ? »
Clint pince brièvement les lèvres avant de hausser les épaules.
— « Je pense. Elle sait qu'elle a brisé quelque chose et que ça ne pourra pas être réparé mais si nous parvenons à un arrangement à l'amiable sans blesser nos enfants, je m'estimerai vraiment heureux. … Je pense qu'on peut y arriver si on se parle à nouveau comme deux personnes civilisées. Je n'ai pas vraiment envie de la détester au fond de moi, nous avons quand même été mariés neuf ans et je l'aime encore. »
Thor sourit et propose malicieusement de trinquer à la bonne nouvelle avec un jus de fruits sans sucres. Tandis que Clint troque son bermuda pour quelque chose de plus habillé pour la soirée, le blond décide aussi de repasser par sa cabine pour se changer. L'odeur de patchouli sur sa peau a imprégné ses vêtements et commence à devenir entêtante.
À peine entré dans la chambre, il se fige. Une enveloppe a été déposée en son absence sur le bureau. Son nom est calligraphié à la main, le même cachet à l'élégant logo de ALC orne l'épais papier.
« Cher Mr. Odinson,
Par la présente, vous êtes cordialement invité à la table du capitaine Laufeyson ce soir au Valhalla, au pont huit du Naglfari. Le dîner se tiendra à vingt heures. En cas d'impossibilité (…) »
Il cligne des yeux, parfaitement stupéfait.
L'invitation pèse très lourd dans sa main.
Thor entre dans le restaurant d'un pas assuré, salue le maître d'hôtel d'un signe de tête. Sans attendre que ce dernier lui demande son nom, il lui montre le carton et l'agite légèrement devant lui.
— « Je vous remercie mais je connais le chemin. Ne vous dérangez pas. »
L'homme ne bouge pas derrière son pupitre et se contente de lui indiquer la salle d'un élégant geste de la main.
— « Je vous souhaite une bonne soirée, Mr. Odinson. »
Son ton est très respectueux et le blond se retient de lever les yeux au plafond. Il suppose qu'une troisième invitation à la table du commandant au cours de la même croisière est une sorte d'événement au sein du personnel du Naglfari. Nadia a semblé penser la même chose quand il est passé rapidement à Élysée pour s'habiller pour le dîner. Elle lui a expliqué que le dernier grand repas à la table du capitaine est traditionnellement réservé aux meilleurs clients de la compagnie. Ce soir est donc le dernier soir pour Thor, modeste client VIP sans bracelet bleu et or celui de son dernier grand baroud d'honneur. Ce soir, il va remercier Loki pour tout ce qu'il a fait pour lui et peut-être lui avouer ce qu'il a sur le cœur, ces sentiments qu'il peine encore à définir quand il le regarde. Ça ne prête pas à conséquence, ils seront à Miami dans deux jours. Si le beau capitaine ne veut pas le revoir, Thor n'aura pas de regret et conservera les souvenirs agréables de leur rencontre il sera un peu plus en paix qu'à son départ pour les Caraïbes même si son cœur se creusera un peu de savoir que Loki ne veut pas de lui.
Le blond inspire et marche d'un pas décidé vers la table du capitaine, ornée d'un centre de table fleuri. Il sent que son smoking et son nœud papillon noirs font effet dans la salle de restaurant. Ça le rassure un peu.
Devant la table, il salue les invités déjà installés d'un signe de tête. Une main se pose dans le bas de son dos et Thor se retourne.
— « Bon sang, Thor… »
Bucky hausse un sourcil exagérément gourmand et sourit malicieusement. Steve et lui ont remis leurs costumes de mariage, chemises légèrement déboutonnées en haut et sans cravate plus jeunes et séduisants que jamais. Thor sourit affectueusement, sans jalousie ni rancœur. Il sait que c'est possible et qu'il pourrait l'envisager avec Loki dont il a embrassé les lèvres fines et roses. Il a fait beaucoup de chemin depuis leur départ de Miami.
— « Tu es très élégant », dit gentiment Steve en caressant la hanche de son mari.
— « Merci, vous aussi. Je ne pensais pas vous voir ce soir… »
— « C'est le privilège des jeunes mariés, le commandant Laufeyson nous a invité pour fêter notre union », répond Bucky en montrant sa main gauche. « Stevie, fais-le aussi. »
— « Thor était à notre cérémonie, il sait qu'on est marié. Il t'a vu pleurer. »
— « Je n'étais pas le seul je te rappelle et fais-le quand même. Tu sais que j'adore quand tu montres ton alliance », grommelle le brun en lui donnant un léger coup de coude dans les côtes.
Steve roule des yeux mais obtempère d'un air gêné. Thor s'esclaffe.
— « Je suis heureux que vous soyez là », dit-il en cherchant leur place sur les porte-noms posés sur la table.
— « Tu ne devrais pas avoir d'appréhension quand tu as l'allure que tu as maintenant… »
— « Ce que Bucky essaye de te dire avec toute la subtilité du monde est qu'il est aussi très heureux de partager ce dîner avec toi. Nous ne sommes pas très à l'aise dans ce genre de mondanité », confesse honnêtement son mari.
— « Je fais juste un peu mieux semblant que vous », répond Thor en haussant les épaules.
— « J'adore ce type », pouffe Bucky en lui donnant un petit coup de poing dans l'épaule.
Steve lui pince doucement la hanche et le guide vers leurs chaises. Les deux hommes s'installent à droite, côte à côte.
Thor cherche sa place avant de lire son nom sur l'élégant porte-nom en argent. Juste là. Il vérifie plusieurs fois mais il n'y a pas d'erreur possible. T. Odinson est à côté du Comdt L. Laufeyson. Mince. Mince ! Il jette un regard alentour. Loki est forcément au courant du placement à table, il saura que Thor a essayé de s'esquiver avec toute la maladresse du monde pour ne pas être proche de lui. Il ne peut pas faire ça et il n'est pas un lâche alors il décide bravement d'y voir un signe de bon augure. Sa parfaite journée va se terminer de la manière la plus parfaite possible.
Thor tire sa chaise avant de s'asseoir lentement, les mains un peu moites. Non loin, Bucky et Steve badinent agréablement avant d'entamer avec lui une conversation intéressante sur l'art du photographe exposé dans la galerie du pont six. Après le déjeuner, Thor a jeté un œil distrait à la brochure posée devant lui chez le coiffeur, peu convaincu par l'esthétique sombre de l'artiste. Selon Bucky, il s'avère que son titre n'était pas la seule chose prétentieuse de l'exposition et il n'a pas assez de mot pour expliquer réellement combien elle était horrible, pompeuse et vulgaire. Thor songe brièvement que le brun pourrait être un agréable partenaire de Scrabble. Steve essaye d'être un peu plus conciliant mais ses efforts sont parfaitement inutiles. Le jeune homme finit par soupirer légèrement.
— « … Bucky a raison, c'était un moment assez désagréable. »
— « Pourquoi as-tu voulu rester alors ? Tu es passé devant toutes les œuvres et tu as lu tous les cartels pendant que je souffrais en te suivant », s'offusque son mari en le regardant d'un œil de flamme.
— « J'espérais finir par comprendre quelque chose et y trouver un intérêt. »
— « Stevie, il y avait une photo de chat mort pour évoquer le caractère éphémère de la vie. Un chat mort. Ça m'a fait beaucoup de peine, j'ai pensé à Captain. »
— « Nous n'appellerons jamais notre chat Captain. »
— « Je trouve ça très bien, c'est un nom original et distingué. … Tu préférerais Catawba comme la partie nord de Lake Norman ? Ou Craig, comme Daniel Craig que tu as adoré dans le dernier James Bond ? », demande Bucky d'un air conciliant.
— « … Je suis sûr que nous pouvons trouver mieux. »
Steve hausse un sourcil très haut et Thor s'esclaffe.
Il perçoit un mouvement un peu vague face à lui et lève la tête. Tony et Loki viennent d'entrer dans le Valhalla ils marchent vers la table. Le blond se lève si vite pour les saluer que ses genoux heurtent maladroitement le dessous de la table et il jure douloureusement entre ses dents.
Loki adresse un élégant signe de tête à l'assemblée avant de rejoindre sa place. Thor est toujours debout, un peu nerveux et gêné. Il observe le brun marcher, le dos droit, la démarche souple et un peu ondoyante. Il déglutit.
— « Mr. Odinson. »
— « … Capitaine Laufeyson. »
Les deux hommes échangent un regard, en signe de tête avant de s'asseoir d'un seul mouvement. Le brun fait signe à un serveur et immédiatement, deux employés apportent de délicats amuse-bouches et remplissent les verres d'un vin clair et doux pour leur ouvrir l'appétit.
Thor s'empare du menu d'un geste distrait. La présence du brun semble irradier de chaleur à côté de lui son parfum est affolant. Il n'a plus rien à voir avec l'odeur de sa sueur dans la salle de sport mais il provoque en lui le même serrement dans sa poitrine et l'envie de se rapprocher. Encore.
— « … Je n'étais pas sûr que vous accepteriez mon invitation ce soir. »
Le jeune homme tourne la tête. Concentré sur la lecture du menu, Loki lui jette un regard accompagné d'un sourire un peu petit et fragile. Thor se racle la gorge.
— « C'est à vous que je dois ce dernier dîner à votre table ? », demande-t-il dans un souffle.
— « … Vous êtes retourné à Élysée, je suppose que Nadia vous a raconté les us et coutumes de ALC. En dix ans de croisière, jamais un seul tirage au sort n'a favorisé plusieurs fois la même cabine. … Je crains d'être le seul responsable et de l'avoir suggéré à mon maître d'hôtel. »
— « Avez-vous aussi demandé ce placement particulier ? »
— « Non mais je suis satisfait de ce heureux hasard et je n'ai rien fait pour le modifier. J'espère que vous me pardonnerez ce petit caprice de ma part. » Loki coule un nouveau regard dans sa direction. « Merci d'être venu… Je suis aussi heureux de vous revoir. »
— « … Je suis sans doute la dernière personne qui pourrait vous reprocher un acte inconsidéré et égoïste. »
Les deux hommes se dévisagent sans rien ajouter. Pas besoin, ils repensent tous les deux au baiser.
Leurs coudes s'effleurent doucement et Thor esquisse un sourire gêné. S'il y a de bons moments pour faire certaines grandes déclarations – une demande en mariage ou un aveu amoureux – il n'y en a pas pour présenter des excuses, elles doivent simplement être sincères. Le blond se dit qu'il pourrait tout aussi bien le faire maintenant alors qu'ils y pensent tous les deux. Il arracherait le pansement d'un coup sec et pourrait profiter de cette soirée qui, toute gêne mise à part, s'annonce très agréable. Le vin est excellent, le plat du jour est un filet de bœuf et c'est ce que Thor préfère. Loki est étourdissant dans son smoking, il lui sourit avec la même gentillesse qu'accoutumée. … Le brun aussi lui a manqué. Le jeune homme ouvre la bouche mais Mr. Sullivan se glisse au même moment à côté du commandant et se racle très légèrement la gorge pour attirer leur attention. Il a une main dans le dos, l'autre sur son ventre. Thor cligne des yeux quand il le voit s'incliner légèrement devant eux.
— « Commandant Laufeyson, me permettez-vous de vous détailler le plat principal concocté par le chef ce soir ? », demande-t-il d'un ton particulièrement onctueux.
Le blond jette un regard en coin sur sa gauche. Bucky dévisage de très digne maître d'hôtel avec ébahissement tandis que son mari, occupé à lire le menu, caresse distraitement sa nuque de son pouce. Loki esquisse un sourire poli mais un peu froid. De toute évidence, il n'apprécie pas non plus son intrusion.
— « Je vous remercie Mr. Sullivan mais j'ai déjà fait mon choix. »
— « Peut-être puis-je en informer votre invité dans ce cas ? »
Thor se mord les joues pour ne pas rire. Le maître d'hôtel le regarde et le blond le voit s'incliner à nouveau dans sa direction, juste pour lui.
— « J'ai également choisi, je vous remercie. »
Bucky étouffe un rire à côté de lui.
— « … Mince Thor, c'est presque aussi impressionnant que de te voir porter ce smoking », glousse-t-il.
— « Bucky ? », l'interpelle Steve d'un air distrait et son mari tourne immédiatement la tête vers lui. « Est-ce que tu as déjà fait ton choix ? »
— « Je n'ai pas encore lu le menu, j'étais absorbé par un truc assez étrange. »
— « Plus étrange que le risotto au chorizo et noix de saint-Jacques ? », demande le blond en esquissant une petite moue.
— « … Tu as envie de goûter, pas vrai ? Je suis sûr que tu as aussi envie du filet de bœuf. » Bucky ferme son menu et le pose à côté de son assiette. « Commande aussi pour moi et prend ce qui te fait envie, tu mangeras dans mon assiette. »
— « Je ne suis pas certain qu'on puisse pique-niquer dans un plat de noix de saint-Jacques. »
— « Si le maître d'hôtel trouve à redire au fait qu'on puisse manger dans la même assiette, Thor lui sourira et il nous oubliera. Il a l'air de penser qu'il est le PDG surpuissant d'une entreprise cotée en bourse ou un acteur très célèbre. »
— « En réalité, les rumeurs des équipes de service disent qu'il serait peut-être un prince », commente Loki d'un ton malicieux.
Bucky hausse un sourcil avant de s'esclaffer joyeusement.
— « Vraiment ? C'est l'effet des costumes je suppose. »
— « Vous supposez bien. … Ce smoking est une nouvelle fois un choix particulièrement judicieux, Mr. Odinson. »
Le brun lui jette un regard, un sourire aux lèvres et Thor acquiesce lentement. Il se retient de tirer un peu nerveusement sur son nœud papillon, c'est absurde mais il a l'impression que ça le serre plus qu'une cravate. … Est-ce que Loki flirterait avec lui ? À moins qu'il ne soit simplement aussi poli qu'à l'accoutumée. Thor doute, il n'en sait rien.
— « Je n'ai fait que suivre les conseils de Nadia. »
— « Vous ne l'auriez pas choisi ? »
— « Je n'aurai probablement pas osé seul mais c'est le dernier soir. » Thor esquisse un sourire un peu gêné. « … Je vous remercie. »
Loki esquisse un sourire tandis que Bucky se penche vers lui et tapote gentiment son avant-bras.
— « Tu as bien fait, j'ai déjà vu des gens plus désagréables à regarder en porter », le taquine-t-il. « J'aimerais tellement voir Steve porter un smoking… »
— « J'ai porté assez de fois le costume pendant cette croisière pour toute une année », maugrée un peu son mari à côté de lui.
Bucky lui jette un regard proprement offusqué et le blond hausse légèrement les épaules.
— « Tu ne peux pas te dire que c'est le début de quelque chose ? »
— « … Je ne me sens pas très à l'aise, j'ai l'impression qu'on me regarde beaucoup. Je ne porte jamais de costume pour aller travailler et le seul que j'avais dans ma garde-robe quand on s'est rencontré est celui de ma remise de diplôme. »
Bucky baisse les yeux sur son assiette, les épaules un peu basses et Steve se mord les joues. Il pose doucement une main sur sa nuque et la masse du bout des doigts, Thor voit le brun frissonner. Son mari presse gentiment son cou pour l'attirer à lui tandis qu'il se penche pour l'embrasser du bout des lèvres. Le blond jette un regard vers l'entrée du Valhalla. Le très digne Mr. Sullivan observe le couple d'un œil un peu noir. Il semble que s'embrasser aussi familièrement à la table du capitaine est un léger manquement au protocole même à plusieurs mètres, Thor voit qu'il fronce les sourcils. À côté de lui, il entend des bruits discrets de baisers mouillés et des chuchotements faits à l'oreille. Loki cache son sourire dans son verre de vin.
— « Mr. Sullivan, notre maître d'hôtel, est plein bonne volonté et de principes de politesse », dit-il en jetant un regard en coin à Thor.
— « … Je ne suis pas certain que lui sourire permettra de l'adoucir. »
— « Essayez donc », lui rétorque Loki d'un tac-au-tac.
Le blond le regarde longuement. Il cherche dans ses yeux verts une indication, une étincelle de malice, quelque chose de plus sérieux. Peut-être même un défi qui évoquerait autre chose comme le souvenir d'un baiser. Il déglutit. Thor cherche le majordome du regard mais l'homme a quitté l'entrée du Valhalla. Il se tient, toujours aussi digne et compassé, près de la table d'un couple auquel il commente la carte avec grande application. Thor reconnaît des clients bleu et or. Il semble qu'il ne soit pas le seul à avoir attiré très favorablement l'attention de maître d'hôtel.
— « Buck', je suis désolé. »
— « Je ne veux pas que tu sois désolé quand je te fais un compliment. Ce n'est pas ce que je veux t'entendre dire », marmotte le brun en jouant avec le manche de son couteau.
Loki boit encore une gorgée, la tête très légèrement renversée en arrière. Malgré le col de sa chemise, Thor trouve la ligne de sa gorge fascinante ses creux et ses reliefs pâles appellent ses lèvres pour les faire rougir.
— « Il est toujours bon d'écouter son mari, surtout quand il vous dit des compliments », dit doucement le brun en reposant son verre devant lui.
Bucky jette un regard particulièrement éloquent à Steve qui lève les yeux au plafond en souriant. Sa main toujours posée sur sa nuque, il la caresse doucement et enroule distraitement ses doigts dans les mèches sombres.
— « … Nous pourrions peut-être acheter de nouveaux costumes pour la cérémonie civile », suggère-t-il.
— « Ça me ferait plaisir, Stevie. J'aimerais vraiment te voir porter un smoking. »
— « Ça serait trop habillé pour aller à la mairie. »
— « Tu as tort. Tu ne te souviens pas de ce couple qu'on a croisé quand on est allé prendre rendez-vous ? La femme portait une robe de mariée et son fiancé, un complet avec un haut de forme. »
— « … Ils étaient habillés en style steampunk… »
— « Et tu les as trouvés très élégant. »
— « La fonctionnaire qui nous a reçu était habillée avec un jean de marque troué et un sweat au logo de l'équipe des Hornets de Charlotte. J'aurai vraiment l'impression d'être déguisé devant elle. »
Bucky claque sa langue contre son palais d'agacement. Il remercie d'un sourire le serveur qui dépose son entrée devant lui. Son mari louche avec gourmandise sur son assiette, tout particulièrement sur la tuile en parmesan qui décore élégamment le dôme de tomates et de chair de crabe. Le brun éloigne un peu le plat de lui, un sourcil haut levé d'un air de défi. Steve grogne.
— « Cette histoire de costume commence à tourner à l'obsession, Buck'. »
— « Ce sont mes obsessions et mes fantasmes. Tu me sautes toujours dessus quand je porte mon maillot de l'équipe universitaire de Charlotte à l'appartement. Depuis que nous sommes ici, j'adore quand on fait l'amour et que tu as encore ton pantalon de costume aux chevilles. Nous sommes quittes mon chéri. »
Le blond rougit violemment et jette un regard proprement horrifié à Thor. Le jeune homme hausse légèrement les épaules, mimant d'une terrible façon son incompréhension. Il n'a rien entendu, il ne sait pas ce qui le met dans cet état. À côté de lui, Loki rit joyeusement. Il prend son verre de vin et le lève devant lui.
— « Je propose de trinquer à l'amour et à la sensualité », dit-il en hochant imperceptiblement la tête en direction du couple.
— « S'il vous plaît, ne l'encouragez pas », grommelle Steve en participant au toast.
Bucky s'esclaffe joyeusement. Il fait tinter doucement son verre contre celui de Loki et de Thor puis contre celui de son mari. Non loin d'eux, Mr. Sullivan semble étouffer d'indignation. Le blond suppose aussi que trinquer avec la luxueuse vaisselle de table du Valhalla est au moins aussi impoli que de se dévorer la bouche dans un restaurant à plusieurs centaines de dollars le couvert. Thor hésite avant de lever à son tour son verre en direction de Loki. Il laisse le couple continuer à se chamailler tendrement et préfère ne pas tendre trop longtemps l'oreille aux paroles enfiévrées d'amour de Bucky. Son coude effleure maladroitement celui de son voisin qui relève les yeux sur lui. Loki fait délicatement tinter son verre contre le sien.
— « … Je suis vraiment heureux que vous soyez venu », répète-t-il en plongeant ses yeux verts dans les siens.
— « … Moi aussi. »
— « J'espère que vous m'autorisez aussi à vous offrir ce verre que je vous dois. »
Thor se mord légèrement les joues. Ah oui, sa soirée de beuverie peu glorieuse il y a deux nuits toutes ces choses qu'il a dites au brun sans vraiment réfléchir, presque des confessions comme il n'aurait jamais osé le faire aux oreilles pourtant attentives et tendres de Freya.
— « Je… »
— « Je crains de ne pas avoir d'autre opportunité que celle-ci », reprend lentement Loki. « Nous serons de retour à Miami dans deux jours et je dois présider le dernier dîner du capitaine demain soir. Je suis un homme de parole, Mr. Odinson et je tiens à respecter ce que je vous ai promis. »
Sa parole… Est-ce que cela concerne aussi ce qui s'apparente à des choix de vie ? Comme le fait de ne pas rechercher de nouvelle histoire sentimentale ? Ou de faire simplement preuve de politesse à son égard en oubliant complètement ce qu'il s'est passé entre eux ?
Le regard vert de Loki effleure doucement son visage. Thor répond d'un sourire un peu tordu au serveur qui pose son plat devant lui.
— « Le filet de bœuf est aussi un de mes plats préférés », dit-il doucement en étendant élégamment sa serviette damassée sur ses genoux.
Thor acquiesce lentement.
— « … Je crois que le Yggdrasil a une remarquable cave, n'est-ce pas ? »
— « Si vous êtes amateur, je serai ravi de vous offrir un verre d'un excellent cognac de vingt ans d'âge. »
Thor se retint de siffler d'admiration. Un cognac XXO – extra extra old – est toujours un chef d'oeuvre d'assemblage d'eaux de vie. Il hoche la tête.
— « J'accepte si votre service vous permet de m'accompagner. Je ne veux plus boire seul alors que vous êtes avec moi. »
Le sourire du brun est rayonnant et Thor se sent mollir un peu pour ce sourire.
L'homme assis à sa droite interpelle poliment Loki, le brun s'excuse d'un regard avant de se détourner vers son voisin. Thor entend les deux hommes parler du Naglfari et de la compagnie, il se tourne à son tour vers Bucky et Steve. Le couple est en train de picorer dans l'assiette de l'autre avec une parfaite décomplexion. Le blond a un peu de sauce à la commissure des lèvres, son mari rit tendrement et l'essuie de son pouce avant de sucer doucement son doigt. Thor roule des yeux. Toujours aussi exaspérant mais il peut survivre. Il s'avère que Bucky est comme lui un grand amateur de romans et Steve partage son intérêt pour le sport de compétition. Il participe activement à la conversation entre deux coups de fourchette à son délicieux filet de bœuf.
La table est vaste mais Thor a une carrure imposante. Au moindre mouvement de Loki, au plus infime de ses propres gestes, leurs coudes s'effleurent sur la nappe blanche parfaitement repassée. Il entend presque le froissement du tissu de sa veste quand le brun se penche vers son interlocuteur, il sent son parfum quand il secoue parfois la tête.
Quand Thor dîne chez ses parents avec leurs amis, il y a ce même bruit feutré de discussions, le même tintement discret de couvert et de cristal sur la table. Odin et Freya siègent toujours à l'extrémité droite, celle qui est devant la grande fenêtre sur le jardin et son grand cerisier. Le blond aime leur jeter des regards à la dérobée, observer leurs rires complices et leurs sourires, leurs corps toujours imperceptiblement penchés l'un vers l'autre. Il se demande quelle image Loki et lui renvoient à cet instant.
Le brun échange toujours très poliment avec ses voisins mais son coude, son avant-bras frôle encore le sien comme dans une sorte d'étrange danse. Thor ne sait pas si c'est voulu, si c'est une étape du flirt qu'il a un peu oublié. La sensation est chaude et douce, elle a un parfum un peu épicé et le toucher soyeux de son smoking. La perspective de ce cognac partagé au Yggdrasil lui fait soudain rudement envie.
Le souvenir de Loki dans ses rêves, nonchalamment assis dans un des fauteuils club du lobby bar et un verre à la main, est un souvenir brûlant dans son esprit.
Trinquer à l'amour et à la sensualité .
Thor pense que c'est une bonne maxime de vie, aussi bonne que le joyeux Carpe diem – Cueille le jour présent – ou le plus solennel Memento mori – Souviens-toi que tu vas mourir. « Trinquer à l'amour et à la sensualité » est au moins aussi légitime même si elle n'est pas en latin Loki a trouvé les bons mots. Le blond l'a pensé pendant le dîner au Valhalla, plongé dans l'atmosphère chaleureuse d'une agréable compagnie. Au dessert, Tony a raconté une histoire hilarante de dauphin et de jet-ski qui a acheté de faire couler un fleuve de bien-être dans ses veines ; le fou rire de Steve et Bucky est aussi communicatif que leur bonheur. Le rire de Loki était plus mesuré mais ses yeux brillaient comme des pierres précieuses. Le brun a posé une main familière sur son avant-bras tandis qu'il se penchait vers lui pour ajouter un bon mot. Thor l'a trouvé étourdissant tandis que l'étoffe de son costume irradiait sous la chaleur de sa main blanche et fine.
L'amour et la sensualité donc. Une bonne maxime de vie.
Une maxime de vie dangereuse quand vous buvez un verre d'un excellent cognac qui tient du chef-d'œuvre et que vous avez l'impression de vous enfoncer voluptueusement dans votre fauteuil club en cuir.
Ça frôle presque la catastrophe quand votre propre siège est placé à côté de celui de Loki, si proche qu'au moindre mouvement, Thor pense que leurs genoux vont s'effleurer comme leurs coudes à table.
Les autres invités se sont éclipsés au fur et à mesure après la fin du dîner, un mot poli et un sourire charmant de Loki. Les passagers restants se sont regroupés dans une sorte d'alcôve du lobby bar, formée par les fauteuils rassemblés en cercle autour d'une table basse de créateur en marbre. Thor la trouve laide et il savoure avec une joie de grand réprouvé de la société les infimes traces de condensation que son verre a laissé sur la surface parfaitement polie.
En face de lui, Tony est en train de raconter une autre histoire amusante à Steve et Bucky qui boivent ses paroles c'est en tout cas ce que Thor croit savoir, il ne leur a prêté qu'une attention distraite parce que Loki et lui commentent le cognac qui roule doucement au fond de leur verre.
Le blond tourne légèrement la tête, se tord le cou pour jeter un regard en direction du comptoir.
Malgré la distance, il distingue encore le flacon, mis en valeur sur une étagère derrière le barman. Cristal facetté, bouchon souligné à l'or fin et étiquette au nom d'une maison française un peu confidentielle dont il ne se souvient plus. C'est un cru de Champagne année 1998 au goût délicatement malté, à la belle robe ambrée. Le flacon coûte plusieurs milliers de dollars pièce, l'idée du prix au verre dans ce cadre luxueux lui donne des sueurs froides.
Pas à Loki.
Le cuir du fauteuil voisin du sien craque doucement, Thor se redresse. Le brun décroise puis recroise les jambes avec élégance, son verre délicatement posé sur l'accoudoir. Il passe nonchalamment son pouce sur le bord, joue du bout des doigts sur le cristal. Thor déglutit. C'est fascinant à voir plaisant à imaginer dans un tout autre contexte. Loki a de belles mains longues et fines, des mains de pianiste.
Un éclat de rire plus bruyant que les autres attirent son attention, le blond observe Tony, Bucky et Steve. Il a dû manquer bien plus de choses qu'il ne pensait car ce dernier est écarlate et son mari a lové son visage dans son cou pour l'embrasser chaudement. Il cligne des yeux, un peu interdit. Loki se penche légèrement vers lui. Le cuir couine une nouvelle fois, une sorte de craquement qui évoque à Thor un bruit sensuel suggérant les mouvements d'un corps. La mollesse d'une assise parfaite pour faire l'amour.
— « … Je crains que mon second n'ait un peu trop bu ce soir. »
— « Parce qu'il rit très fort ? »
— « Parce qu'il vient d'entraîner Messieurs Barnes-Rogers dans un jeu à boire et que cela commence à m'inquiéter… »
Loki a l'air un peu pince-sans-rire mais Thor s'esclaffe doucement. Tony roule des yeux et lève son verre de bourbon dans leur direction.
– « Tu bois un cognac de vingt ans d'âge en excellente compagnie, tu devrais avoir l'air un peu plus heureux que ça, mon ami », se moque-t-il gentiment.
— « Je n'ai pas besoin de manifester bruyamment mon plaisir pour pouvoir le savourer. »
— « … Intéressant… »
Le brun fait danser ses sourcils l'un après l'autre, l'œil pétillant de malice. Thor se mord les joues. Ouais, il trouve aussi que ça prête un peu à confusion. Il boit une gorgée et soupire discrètement de plaisir en se léchant les lèvres il ne sait pas être discret quand il déguste une telle merveille. Tony sourit en coin.
— « Tu devrais prendre modèle sur ton voisin, il est un homme de plaisir et de goût. »
Loki le fusille du regard tandis que le blond fait le dos rond. Ça prête toujours horriblement à confusion et il préfère ne pas encourager Tony sur ce terrain. Il n'est franchement pas prêt à faire des plaisanteries sur sa propre vie sentimentale et sexuelle, Loki assis à quelques centimètres de lui.
Thor se racle légèrement la gorge.
— « À quoi jouez-vous ? », demande-t-il avec intérêt.
— « S'il vous plaît, ne l'encouragez surtout pas », souffle Loki d'un air de dépit.
Le brun pose rapidement une main sur son avant-bras, ses longs doigts le pressent délicatement en une supplique silencieuse. Thor a envie de s'excuser mais c'est trop tard. Tony a soigneusement croisé les jambes, cheville sur genou opposé, il fait jouer son bourbon dans le fond de son verre en les observant avec soin.
— « Messieurs Barnes-Rogers sont d'excellents joueurs à Deux vérités et un mensonge. »
— « Tu es sérieux ? Je jouais à ça quand j'étais au lycée », grogne Loki en roulant des yeux.
— « Tu devrais retrouver un peu de ton âme d'enfant et de spontanéité. Tu n'as jamais fait de choses un peu folles pendant ce genre de soirées ? »
Le jeune homme tourne la tête vers les grandes baies vitrées. La lumière du lobby bar est chaude, agréablement tamisée mais la lune éclaire aussi leur alcôve d'une lueur nacrée. Elle crée des ombres un peu froides mais fascinantes sur le visage de Loki. Ses pommettes sont plus acérées, ses joues se creusent et la ligne de sa mâchoire devient particulièrement effilée. Sa beauté devient un peu étrange mais fascinante. Thor a envie d'effleurer sa peau pour lui donner sa chaleur et la faire rosir. Il a envie d'apaiser toutes ces arêtes aiguës par des caresses et des baisers.
Loki soupire doucement.
Il coince une mèche sombre derrière son oreille et pose son verre contre son front. L'oreille du brun a des dessins de coquillage et la teinte nacrée des volutes d'une conque. Thor trouve ça beau et l'embrasser aussi.
— « Pendant cette soirée j'ai eu ma première gueule de bois, j'ai embrassé pour la première fois un garçon et j'ai joué aux petits chevaux. »
Tony cligne des yeux, l'air proprement interdit avant d'éclater de rire.
— « Je n'y crois pas, tu es en train de jouer ?! Oh, Loki… »
Bucky hoche la tête et lève la main.
— « Est-ce que je peux demander une précision ? Est-ce que les petits-chevaux sont une métaphore pour désigner du sexe ? »
— « Buck' ! », proteste vigoureusement son mari.
— « Quoi ? Quand on a commencé à sortir ensemble, j'ai mis du temps à comprendre que quand tu disais que tu voulais qu'on aille travailler dans ta chambre, tu voulais parler de sexe avec moi. Si j'avais bien interprété les choses, nous aurions perdu beaucoup moins de temps et fait beaucoup plus l'amour Stevie. »
Steve gémit d'un air de martyr tandis que Tony rit plus fort, à demi renversé dans son fauteuil club. Loki regarde Bucky, un sourire féroce ourlant ses lèvres fines.
— « Je crois que les règles m'empêchent d'ajouter quoi que ce soit qui pourrait vous aider. Je suis sincèrement navré », dit-il avec un regret très hypocrite.
Thor rit doucement. C'est bien joué. Tony pose lentement son verre sur la table basse et se penche, les coudes appuyés sur ses genoux et ses doigts rassemblés devant lui. Il darde ses yeux noisette sur Loki qui hausse un sourcil arrogant. Les deux hommes se défient un instant du regard, Steve sourit doucement au brun.
— « Vous ne devez pas vous sentir obligé de participer, capitaine », dit-il gentiment.
— « C'est trop tard, Loki a parlé », rétorque Tony d'un ton sans réplique.
— « Ce qui est dit est dit », ajoute farouchement Bucky.
— « Mr. Laufeyson est le capitaine d'un navire de luxe… »
Le brun jette un regard en coin à son mari et tapote gentiment son genou.
— « Je suis persuadé que nous sommes tous autour de cette table des gens emplis d'humour et de second degrés, il ne s'agit que d'un jeu. »
— « Toi et le capitaine en second Stark êtes en train de compter les shoots à vous offrir plus tard au bar… »
— « Les bons comptes font les bons amis, n'est-ce pas capitaine ? »
Tony hoche lentement la tête, cillant à peine. Lui et Loki sont encore en train de se dévisager. Le brun boit nonchalamment une gorgée de cognac et se lèche distraitement les lèvres. Son ami plisse légèrement les yeux, reste silencieux encore quelques secondes avant de sourire.
— « … Loki. Tu sais que je sais tout de toi, tu es mon meilleur ami depuis plus de dix ans. »
— « Ma propre mère ne sait pas quand j'ai réellement perdu ma virginité, je peux avoir des secrets si je désire d'en avoir. »
Loki hausse doucement les épaules avant de passer une main dans ses cheveux. Thor le trouve horriblement sensuel. Tony esquisse une grimace.
— « Je sais que tu ne me dis pas tout mais j'ai appris à lire entre tes lignes. Je sais tout, y compris ce que tu ne me dis pas et surtout quand ça concerne ta vie personnelle. »
Le brun lui jette un regard noir mais Tony l'ignore. Il se renverse dans son fauteuil et croise les mains sur son ventre.
— « Ton jeu est presque trop facile Loki. Tu as menti quand tu as dit que tu avais joué aux petits-chevaux. Personne ne fait ça en soirée, personne. »
Loki reste immobile, son regard insondable. Bucky se love contre Steve qui pose une main sur sa cuisse et la caresse doucement.
— « Je suis joueur alors je vais dire que vous nous avez menti en parlant de votre première gueule de bois. Thor ? Ton avis ? »
Le blond cligne des yeux et se redresse légèrement dans son fauteuil. Quoi ? Il doit jouer aussi ? Il jette un regard en coin à Loki. Le jeune homme sourit doucement et dans ses yeux brillent une petite lueur malicieuse. Une autorisation. Il déglutit. Quelles étaient les possibilités déjà ? Il y a ce que Tony et Bucky ont choisi puis la dernière… Ah oui, le baiser. Il fronce légèrement les sourcils, hésite. Tony l'interrompe soudain en levant une main devant lui.
— « Attendez Mr. Odinson. Loki ne boit pas de shoot, il déteste ça. Je suggère donc d'imaginer un autre type de pénalité pour le perdant. »
— « Tony… », le menace le brun.
— « Ne t'en fait donc pas. Je ne proposerai rien que la morale réprouve, je sais que tu es en service et plus raide que la justice. Je propose que le vainqueur pourra te demander une faveur. »
— « Tu es vraiment retombé en enfance », grogne le jeune homme d'un air peu amène.
— « Est-ce que tu aurais peur de quelque chose ? »
Tony le défie d'un regard et Loki renifle d'un air légèrement méprisant. Le brun s'esclaffe.
— « Donc tu acceptes d'exaucer la faveur du gagnant. Dans le cas très hypothétique où tu remporterais la mise, le perdant accepte de boire un verre de vodka cul-sec. Juste le fond en réalité, je suis aussi en service. »
— « Je n'aime pas non plus le goût de la vodka », marmotte Thor.
— « Eh bien cela met donc deux faveurs en jeu. Mr. Odinson ? Quel est le mensonge selon vous ? »
— « … Le baiser. Je pense que c'est le baiser qui est le faux énoncé », dit-il doucement.
Bucky hausse un sourcil.
— « C'est dans ce genre de soirée avec des jeux à boire qu'on donne des baisers qu'on n'oserait pas offrir en temps normal. »
— « On s'est embrassé pour la première fois entre deux rayonnages de la bibliothèque universitaire », lui rappelle doucement son mari.
— « Tu n'allais pas aux soirées étudiantes de l'université, tu préférais travailler sur tes cours dans ta petite chambre sur le campus. Il n'y avait pas réellement d'autre choix qui s'offrait à nous. »
— « Tu n'étais pas non plus un oiseau de nuit. Le soir où on a travaillé sur ce devoir de littérature, tu t'es endormi sur la table entre tes dictionnaires. »
Bucky rit de bon cœur avant de l'embrasser tendrement. Il niche son visage dans son cou et frotte doucement son nez contre la peau chaude.
— « … Je suppose que t'embrasser lors d'une soirée trop alcoolisée n'aurait pas vraiment eu de sens. Ça n'aurait pas été aussi bon que de le faire dans la bibliothèque en se cachant de Mr. Hartcher. »
— « Il nous a trouvé quand même, tu as lâché ton énorme livre pour enrouler tes bras autour de mon cou. »
Bucky lui jette un regard faussement noir. Steve tente de le retenir contre lui en riant, Tony lève les mains devant lui en soupirant.
— « Messieurs, s'il vous plaît, Loki doit répondre et l'instant est important. Alors ? Loki ? »
Le brun fait tourner encore un peu le cognac dans son verre avant de boire une longue et lente gorgée. Son ami trépigne un peu et grogne.
— « Loki… »
— « Mr. Odinson a raison. Je n'ai pas embrassé mon premier garçon lors d'une soirée », répond finalement le jeune homme.
Ils échangent un regard, un sourire. Thor a juste eu de la chance en réalité, il a trouvé plus courageux de choisir la dernière proposition plutôt que de se ranger à l'avis d'un autre membre du groupe. Tony lève les bras en l'air et s'offusque bruyamment.
— « Je n'y crois pas… Tu as vraiment joué aux petits chevaux ? Loki, c'est indécent ! »
— « La soirée a commencé avec une partie de poker qui s'est transformé en strip poker et personne n'a trouvé ça réellement amusant. Les filles ont refusé de jouer, on s'est retrouvé entre garçons et c'était très ennuyeux. Matthew Bromfield a trouvé ce jeu dans un placard, l'ambiance a été bien meilleure que ce qu'on pouvait espérer. »
— « Tu es gay… »
— « Ce n'est pas pour autant que j'aime regarder tous les corps masculins à demi-nus que je croise », réplique Loki en roulant des yeux d'un air exaspéré.
Thor esquisse un sourire un peu vaniteux. À la fin d'un match des Huskies de Washington contre les Hurricanes de Miami pendant sa quatrième année, le blond avait retiré son maillot pour essuyer son visage en sueur. Deux jours plus tard, il était élu « plus beaux abdominaux du campus » dans un sondage mis en ligne sur l'intranet de l'université. Ça avait été son orgueil, sans doute un peu ridicule. … Est-ce qu'il aurait plu au brun à cette époque ?
— « Tes années universitaires semblent avoir été un abîme de souffrances », se moque Tony.
— « Pas vraiment. J'ai rencontré Matthew pendant ma deuxième année, nous étions voisins de couloir à la résidence. Il étudiait l'histoire, il était mignon et gentil. On s'est embrassé pour la première fois dans sa chambre alors que je l'aidais à réviser un devoir en histoire contemporaine. C'était mon premier vrai baiser. »
— « … Tu es entré à l'université à dix-huit ans, tu n'avais jamais embrassé quelqu'un avant ? », souffle son meilleur ami d'un ton stupéfait.
— « … Mon père n'est pas fermé d'esprit mais il déteste les surprises. Je n'ai jamais été attiré par les femmes et le fait que j'aime les hommes ne faisait pas partie de ce qu'il avait prévu pour moi dans son plan de carrière préétabli. J'ai attendu d'avoir quitté la maison pour m'émanciper. »
— « C'est un peu triste », remarque doucement Steve.
Bucky se mord les joues et se love à nouveau contre lui. Il passe un bras dans son dos, pose sa main sur sa hanche et frotte son nez contre sa mâchoire. C'est un geste de soutien et de réconfort presque criant et le blond le remercie d'un baiser sur sa tempe. Loki hausse légèrement les épaules.
— « Cela ne m'a pas manqué pendant ma scolarité au lycée. J'ai été un peu lent pour m'intéresser à l'amour et à la sexualité. »
Tony écarquille les yeux et passe une main fébrile dans ses cheveux.
— « Loki, ça fait trop d'informations inédites pour moi en une soirée. Bon sang, quand est-ce que tu as perdu ta virginité au juste ? », grommelle-t-il.
— « Quelle importance cela peut-il avoir ? Est-ce que tu penserais que je suis étrange si ça n'a pas été sur la banquette arrière d'une voiture lors du bal du lycée ? »
— « Bien sûr que non, c'est juste – Mr. Barnes-Rogers a raison, je trouve juste cela un peu triste. »
Thor se demande à quel moment au juste leur agréable conversation, amusante et chaleureuse, s'est transformée en confession sentimentale. Il cale ses reins contre le dossier de son fauteuil, inspire profondément. Le blond n'est pas particulièrement pudique mais parler de première fois – de toutes les premières fois – en présence de Loki le chatouille un peu. Il coule un regard en coin vers le brun. … Possible qu'il a aussi envie de savoir quand et avec qui Loki a fait l'amour pour la première fois quand il était jeune homme. Il peut vivre sans cette information, elle n'est pas vitale mais il aimerait bien l'apprendre. De là à imaginer la manière dont le brun soupire, gémit et ondule, il n'y a qu'un pas assez facile à passer.
Tony darde ses yeux noisette sur lui et le blond sent son visage chauffer un peu.
— « Quelque chose à ajouter Mr. Odinson ? », lui demande-t-il d'un ton taquin.
Thor hausse les épaules et observe avec grande attention le fond de son verre. Bucky tend une main vers lui et tapote doucement sa cheville, un sourire aux lèvres.
— « Aller Thor. Une croisière loin de chez soi, c'est aussi fait pour faire des choses qui sortent de l'ordinaire. »
— « Tu veux parler de choses qu'on regretterait ? », lui demande-t-il avec un regard noir.
— « Il ne tient qu'à toi de savoir où t'arrêter. Je me souviens qu'à notre premier dîner ensemble, tu as dit que tu avais commencé à sortir avec des hommes à l'université. »
— « Ce n'est pas vraiment important », grogne-t-il en passant une main dans ses cheveux mais le regard du trio en face de lui lui brûle le visage. « … J'ai grandi à Crosspointe, c'est une petite ville au sud de Washington où tout le monde se connaît. Ne commencez pas à vous imaginer quelque chose d'horriblement dramatique, c'est juste que ça aurait compliqué de rencontrer quelqu'un et de garder ça pour moi, Crosspointe n'avait pas à être au courant. J'ai attendu d'avoir quitté la maison pour me noyer dans la foule des étudiants de l'université de Washington. »
— « Tu n'es donc pas un être asexué », sourit Bucky.
— « Pas du tout, j'aime faire l'amour. J'ai toujours aimé ça mais j'ai juste attendu le bon moment pour être en accord avec mes désirs », proteste Thor.
Cette fois, c'est le regard vert de Loki qui lui brûle le visage, profond et insondable. Steve lui sourit d'un air doux et un peu nostalgique à la fois, le blond voit la main de son mari caresser encore sa hanche sous sa veste de costume.
— « Tes parents l'ont juste accepté, n'est-ce pas ? », dit-il doucement.
— « Ils sont merveilleux », acquiesce Thor.
Steve acquiesce, il frotte distraitement sa joue contre le crâne de son mari qui le serre encore plus fort. En les voyant si étroitement enlacés, Thor sent sa poitrine se pincer désagréablement. Il pense aux deux hommes et à leurs déconvenues familiales. C'est si moche, si injuste et si triste. Les bonnes choses devraient arriver aux bonnes personnes, comme une loi fondamentale et immuable de l'univers. Bucky chuchote quelque chose à l'oreille de son mari, des mots vraiment très tendres et amoureux si Thor en juge par le beau sourire qui revient ourler les lèvres pleines de Steve. Aussi facilement qu'ils ont tous tellement ri ensemble, le couple replonge dans sa petite bulle de bonheur, hermétique et protectrice.
Le blond termine son verre de cognac, la soirée commence à avoir un petit goût de fin.
— « Je crois que je vous dois une faveur. »
Thor tourne la tête et dévisage Loki, le ventre un peu tordu. Cette fois, le sourire du brun est juste pour lui, doux et… invitant. Invitant ? Les deux hommes sont en public, Thor se souvient que Loki a le plus grand respect pour son uniforme et son travail alors il ne peut pas décemment lui lui demander un nouveau baiser si Loki accepte. S'il le veut aussi comme lui. Il déglutit et tire nerveusement sur son nœud papillon. Son nœud papillon. Bien sûr, l'occasion est trop belle.
— « Je sais que j'ai refusé à chaque fois que vous me l'ayez proposé mais si vous le voulez bien, j'aimerais prendre cette photo avec vous », souffle-t-il.
Tony rit joyeusement tandis qu'il sort son portable de la poche de son pantalon. Loki hausse un sourcil.
— « Avoir ton portable avec toi quand tu portes un smoking est le comble de l'inélégance. »
— « J'ai mon bipper pour le travail et mon portable pour le plaisir, s'il te plaît ne m'empêche pas de mêler les deux. Levez-vous et mettez-vous dans l'alcôve, devant le piano. La lumière est très belle. »
Loki termine son verre cul-sec avant de se lever souplement. Il arrange élégamment les pans de sa veste sur son torse, lisse le pli de son pantalon. Thor se demande dans quelle mesure des gestes aussi anodins peuvent devenir aussi sensuels et invitants. Ça lui donne envie d'avoir plus qu'un baiser, de voir le jeu des muscles sous le tissu et de déshabiller son corps avec soin.
Le brun lui jette un regard par-dessus son épaule et Thor lui emboîte le pas. Il se place à côté de Loki, une main posée sur le piano, pas trop près ni trop loin de lui pour être poli sans être oppressant. Le souvenir de leur baiser flotte entre eux, de ce contact corps à corps. De ces sensations, de ces odeurs, de –
— « Loki, tu fais mieux que ça quand tu prends des photos avec de parfaits inconnus et vous n'êtes pas de parfaits inconnus », ricane Tony en les visant avec l'objectif.
Loki se rapproche de lui, son bras frôle son dos sur le piano.
— « Encore un petit peu Loki. Je t'assure que je t'ai déjà vu faire – »
Thor inspire brusquement. Le brun vient de se coller contre lui avec agacement se coller vraiment. Flanc contre flanc, cuisse contre cuisse. Il hésite avant de s'autoriser à poser délicatement une main sur ses reins. Il croit sentir Loki frémir sous son toucher.
— « Souriez encore un peu. Vraiment Loki, tu as l'air aussi emprunté que le jour où la direction de ALC t'a donné le commandement du Naglfari », commente Tony.
Derrière lui, Steve et Bucky se penchent pour observer l'écran du portable et ils hochent la tête en chœur.
— « Thor, si tu veux envoyer cette photo à tes parents pour montrer combien tu t'amuses tu dois vraiment te montrer plus convaincant », sourit le brun.
— « Je ne le fais pas pour ça. »
— « Eh bien pense à ton profil Tinder dans ce cas. … Peut-être que le capitaine Stark peut aussi faire ton portrait. Si j'en crois ce que je vois, il est plutôt bon et tu es très séduisant en smoking. »
Thor sent Loki se raidir légèrement contre lui et il déglutit lourdement.
— « Je ne vous utiliserai jamais pour ça », souffle-t-il au brun.
— « Je sais. » Loki sourit. « Faisons de notre mieux pour que les enfants aillent enfin se coucher. »
Thor rit doucement. Ils posent avec plus de naturel et s'il en croit le hochement de tête très affirmatif de Steve, le cliché est réussi. Tony leur donne son portable avec une certaine gourmandise le blond pense brièvement que Loki et lui ressemblent à une publicité gay dans un magazine de mariage.
— « Merci Tony, tu es un photographe… passable. »
— « Tu es un horrible meilleur ami. »
Steve demande un peu timidement à Tony de bien vouloir le prendre aussi en photo avec Bucky pour enrichir leur album souvenir. Le brun s'exécute volontiers, s'offrant le luxe d'un cliché en extérieur sur un fond de pleine lune. Atrocement romantique.
À nouveau assis dans leurs fauteuils, Thor et Loki observent la scène de loin.
— « Je vous ferai parvenir un tirage demain dans la journée. Je peux aussi vous les envoyer par mail si vous désirez en avoir une copie numérique. Ça sera plus pratique si vous souhaitez publier cette photo en ligne », dit doucement le brun.
— « Je ne vais pas le faire. »
— « Même si votre ex étale sa nouvelle vie sur les réseaux sociaux ? »
— « … C'est justement une très bonne raison pour ne pas le faire et je crains aussi qu'à ce jeu-là, Aidan ne soit toujours meilleur que moi. J'ai fait une chose stupide le soir de la Saint-Valentin et sa réponse a été au centuple de la méchanceté. Je ne veux pas m'engager sur ce terrain. »
Loki fronce les sourcils.
— « Vous m'avez montré les photos en question mais j'ignorais que vous l'aviez provoqué… »
— « Ce n'est pas – »
Thor sent sa nuque chauffer sous la confusion. Il jette un regard en coin à Loki. Le brun regarde le ciel par la baie vitrée, l'air un peu absent Thor pourrait en tout cas le croire s'il n'était devenu si sensible aux moindres expressions du beau capitaine parce qu'il passe son temps à le regarder. Loki est blessé. Il déglutit.
— « Ce que j'ai fait était stupide mais je ne parlais de notre discussion au lobby bar. J'ai apprécié ce moment en votre compagnie », souffle-t-il.
— « Vous étiez ivre. »
— « Je me souviens que vous m'avez dit des choses que j'avais besoin d'entendre. Vous avez été patient, compréhensif et attentionné en m'évitant de continuer à me noyer dans le whisky. Vous avez posé votre main sur la mienne et… c'était de jolies choses », avoue-t-il.
Loki passe une main nerveuse dans ses cheveux, son pied tressaute légèrement sur l'épaisse moquette.
— « … Est-ce pour cela que vous m'avez embrassé dans la salle de sport ? C'était pour me remercier ? »
Thor secoue la tête, il esquisse un geste pour se pencher vers le brun. Il veut lui faire comprendre, lui faire sentir tout ce qu'il éprouve quand il est en sa compagnie, ce maelström de… choses qui tourbillonnent dans son ventre et le font se sentir mieux plutôt que de l'effrayer. Loki ne s'éloigne pas mais il ne donne pas non plus l'impression de vouloir cultiver une quelconque nouvelle forme de proximité avec lui. Le blond soupire.
— « J'ai publié une photo du mariage de Steve et Bucky sur laquelle nous sommes ensemble. Je nous ai trouvé beau et… bien assorti », avoue-t-il. « Je vous ai embrassé parce que vous me troublez. Je n'avais rien prévu en venant sur le Naglfari, je voulais juste me changer les idées et oublier ma rupture mais vous avez tout bouleversé. Vous me faites me sentir à nouveau beau et désirable. »
— « Donc je flatte votre égo ? »
Thor grogne avec une pointe d'agacement. Le brun ne lui rend pas la tâche facile.
— « Je vous ai embrassé parce que je vous trouve aussi beau et désirable. Si ça avait été pour un autre homme que vous, je peux vous assurer que je n'aurai pas dépensé des centaines de dollars en caution pour des costumes que je ne pourrai pas m'offrir. »
— « … Vous l'avez fait pour moi ? »
Loki a l'air franchement étonné et Thor a envie de rire et de l'embrasser en même temps. Les deux hommes se dévisagent en silence puis le brun détourne finalement les yeux. L'éclairage du lobby bar est tamisé mais Thor voit son cou rougir un peu. Il ouvre la bouche, veut ajouter quelque chose d'un peu spirituel mais Tony, Steve et Bucky reviennent bruyamment vers eux.
— « Messieurs, mon mari et moi vous remercions pour cette délicieuse soirée mais nous allons prendre congé », dit le blond en tenant la taille de son époux.
— « Vous êtes sûr de vous ? Loki et Mr. Odinson semblent s'être réinstallés pour continuer encore un petit moment… », dit Tony en haussant un sourcil.
— « Je viens de promettre à l'instant à Mr. Odinson de lui faire découvrir un cognac très précieux de la cave Gold. Je doute que cela soit du moindre intérêt pour toi, tu détestes le cognac. »
- « Mon grand-père buvait du cognac, c'est suffisant pour ne plus vouloir ne serait-ce qu'en sentir l'odeur », grimace son ami. « Je vous souhaite donc le bonsoir. »
Le brun se relève et donne une poignée de main à tous. Silencieux, il observe le groupe s'éloigner puis baisse les yeux sur Thor. Ce dernier se sent petit devant lui.
— « Suivez-moi, allons nous installer au comptoir », souffle-t-il.
Le blond acquiesce et s'assoit à côté de lui sur un haut tabouret. L'espace est plus exigu que dans l'alcôve, leurs genoux s'effleurent. Coupé dans son élan, Thor ne sait pas comment reprendre leur conversation ils étaient en train de se dire des choses importantes. Loki interpelle le barman d'un geste et lui murmure quelques mots. L'homme s'éclipse brièvement dans un bruit feutré puis disparaît un peu plus loin. Le silence entre eux devient écrasant.
— « Qu'est-ce que la cave Gold ? », demande maladroitement Thor.
— « Il s'agit de la cave réservée à nos clients très VIP. Elle n'est proposée qu'à quelques connaisseurs et ne figure pas à la carte. »
— « … Je ne peux pas accepter, c'est trop », proteste-t-il.
Un autre barman dépose devant eux une petite assiette de délicats amuse-bouches au chocolat pour rehausser le goût du breuvage pendant leur dégustation. Thor et Loki se tournent l'un vers l'autre, leurs genoux se rentrent dedans, se fondent. L'intérieur de leurs cuisses s'effleure. Le blond ne se sent pas le courage de s'indigner une nouvelle fois, pas quand le capitaine le regarde comme ça. Il se contente de hocher la tête et d'attendre le retour du barman, plongé dans un silence toujours un peu épais de choses-pas-assez-dites.
L'homme revient, un somptueux écrin marqueté à la main. Il fait glisser le couvercle coulissant devant Loki pour dévoiler la bouteille.
— « Cognac d'Usée, année 1969 », annonce-t-il.
— « Je vous remercie Alonso. Servez-nous deux verres s'il vous plaît. »
Le barman s'exécute, les dépose devant eux posés sur d'élégants sous-verres en cristal taillé. Thor remarque que la transparence du matériau et le jeu de la lumière dans ses facettes mettent parfaitement en valeur la robe sombre de l'alcool. Ses reflets fauves et dorés ondulent sur le support comme de la lumière liquide. Fascinant. Comme Loki, il fait tourner le cognac dans le verre, le sent attentivement avant de boire une gorgée, bouche légèrement entrouvre pour faire rouler les arômes sur son palais. Le brun pose les bras sur le comptoir, referme ses doigts élégants sur son verre.
— « …Vous me troublez aussi », dit-il et sa voix est si basse que Thor pense l'avoir rêvé. « … J'ai tant culpabilisé à propos de ma rupture avec Lucas que je me suis interdit de regarder un autre homme. Je pensais que tout était condamné d'avance, que personne ne pourrait supporter la séparation qu'impose mon travail. Mon histoire précédente s'est achevée pour la même raison. »
— « … Vous vous êtes séparés il y a trois ans, cela fait une longue période sans essayer de se lier à nouveau à quelqu'un. »
— « Je ne me suis pas non plus vraiment autorisé d'aventure. J'ai presque quarante-cinq ans, je n'ai pas envie de coups d'un soir ou d'un partenaire régulier mais uniquement sexuel. … Vous n'êtes pas le seul à craindre la solitude, Mr. Odinson. »
Loki lui jette un regard. Thor déglutit. Le parfum du cognac est encore dans sa bouche, son amertume veloutée caresse sa langue. Sa gorge se serre.
— « … Vous n'avez pas fait l'amour depuis trois ans ? », demande-t-il doucement.
— « … Presque pas. Parfois j'ai cédé pour une nuit parce que j'avais envie de sentir un autre corps contre le mien. La plupart du temps du temps, cela ne me manque pas vraiment. D'autres fois, c'est plus… compliqué. »
— « D'autres fois comme lesquelles ? »
Loki cueille une goutte de condensation le long de son verre et sourit doucement.
— « Comme depuis que vous êtes monté à bord de mon navire, Mr. Odinson. »
Le blond sent sa nuque et ses oreilles chauffer. Seigneur. Oh Seigneur. Alonso rince et essuie des verres derrière le comptoir, ils sonnent doucement. L'eau qui coule, le frottement du tissu sur le verre, le léger tintement quand il les pose devant lui sur le plan de travail. Pour la première fois, Thor remarque qu'il n'y a pas de musique dans le lobby bar. Peut-être un pianiste a-t-il joué en début de soirée mais il est si tard maintenant. Si tard et Thor et Loki sont presque seuls.
Il se mord les joues.
— « Que faisons-nous alors ? », murmure-t-il.
— « Je ne sais pas. … Est-ce que Mr. Barnes-Rogers a raison de dire qu'une croisière est le lieu parfait pour faire des choses qu'on n'oserait pas dans d'autres circonstances ? »
— « Je ne sais pas non plus mais je sais que je ne le regretterai pas si c'est avec vous. »
— « Je suis sans doute un peu rouillé après trois ans d'abstinence », sourit Loki avec malice.
Il tente de plaisanter mais le blond sent la fragilité implicite dans sa voix. Cette incertitude, si semblable à la sienne, le doute de ne pas savoir s'il fera aussi bien que Dieu sait qui.
Thor hésite, juste une fraction de seconde.
Il ose.
Le blond pose doucement une main sur la cuisse de Loki, ni trop bas ni trop haut. Elle n'est pas une demande, encore moins une exigence. Juste une possibilité, polie et douce, et un aveu.Vous me plaisez vraiment. Loki baisse la tête, observe sa main sur lui. Cela semble durer une éternité puis il enveloppe doucement ses doigts des siens. Leurs mains liées sont cachées dans l'ombre de leurs deux corps, si proches l'un de l'autre que les deux hommes ressemblent déjà à deux amants.
— « … Je ne peux pas me permettre de passer une nuit hors de ma cabine », murmure le brun.
— « Je comprends. »
— « Je n'ai jamais fait ça depuis que je travaille pour ALC. »
— « Nous ne sommes pas obligés de faire plus, notre rencontre peut aussi rester un beau souvenir. »
Loki lève la tête et le regarde sous ses longs cils noirs. Il est si beau que c'est presque douloureux. Thor tourne lentement sa main dans la sienne pour faire se toucher leurs paumes. Sans un mot, il mêle leurs doigts. Il sent un frisson courir sur la peau du brun, quelque chose céder dans son corps. Thor sourit tendrement. Il n'offre toujours qu'une possibilité – rien d'autre – et un immense respect. Pas une baise ou un coup rapide et vulgaire. Juste eux et l'attirance irrépressible qu'ils ressentent l'un pour l'autre depuis le premier jour.
Loki prend son verre et le termine cul-sec. Sa main est toujours serrée sur la sienne, leurs doigts enlacés.
— « … Je crois que ce n'est pas ce que je veux. Suivez-moi. »
Thor s'empresse de finir à son tour son verre. Le brun patiente assis à ses côtés, son pouce caressant doucement ses jointures. Il se lève, presse une dernière fois leurs doigts ensemble avant de relâcher sa main.
Le blond prête à peine attention au salut poli du barman, son sang bat sourdement à ses tempes. Il sait que leurs mains à présent dénouées ne sont pas un refus, au contraire. Ça rend sa gorge sèche, sa poitrine un peu serrée tandis qu'une langue de feu vient lécher ses reins.
Thor marche à côté de Loki ils quittent ensemble le Yggdrasil.
Leurs épaules s'effleurent et leurs mains se cherchent.
Je sais, quel horrible moment pour terminer cette partie ;) Mea culpa mais la suite fait la même taille ; je ne voulais pas vous imposer une lecture aussi longue alors que je ne les apprécie pas moi-même. Je n'aurai pas réussi non plus à la corriger à temps, donc…
Merci pour votre compréhension et votre courage, la suite sera publiée la semaine prochaine, même jour ;)
Bien à vous,
ChatonLakmé
