Bonjour bonjour !

Chose promise, chose due ! Voici la suite en ce mercredi 1 mai =) Bonne lecture !

Rar :

Guest : Merci ! =) Ah ça les jours fériés, c'est toujours un plaisir ! Hâte de voir ce que tu auras pensé de ce chapitre, c'est l'un de mes préférés sur cette fiction !

Celoone : Même si tu n'en es qu'au premier chapitre, et que tu ne liras cette réponse qu'après coup, merci beaucoup pour ton commentaire très gentil qui m'a fait chaud au cœur ! Contente de contribuer à ton retour sur FF ! Bonne lecture à toi !


Le reste de la nuit était passé à une vitesse saisissante pour Hermione. Après l'arrivée d'Alice, il avait fallu prévenir Pigmentus en urgence, alors même que ce dernier cherchait toujours à joindre Agatha. Puis prévenir la police, attendre l'arrivée de la patrouille, faire une première déposition. Prendre des photos des dégâts pour l'assurance, remettre tout en état, le tout en gérant les quelques patients envoyés par l'hôpital pour des médicaments.

Bref, elle ne s'était pas ennuyée.

Lorsqu'elle était rentrée chez elle, au petit matin, la jeune femme était rincée, et avait béni Merlin d'être en repos sur la journée qui arrivait, car elle doutait d'être en mesure de pouvoir faire quoique ce soit de sa journée. Pigmentus avait renvoyé un message à l'aube pour prévenir qu'Agatha allait bien, sans toutefois donner de détails. Hermione, était, de toute façon, bien trop fatiguée pour en demander. Elle aurait le temps de voir cela le lendemain.

Elle avait filé sous la douche, désireuse de sentir l'eau brûlante la délasser, et s'était glissée dans son lit sans délai. Elle avait craint de mal dormir du fait des événements de la nuit, et de rêver en boucle de l'altercation avec les quatre hommes ivres.

Non seulement elle avait dormi comme un loir, mais seul un homme était venu hanter sa nuit. Un certain Serpentard aux cheveux sombres et au regard saisissant qui, même dans ses songes, avait refusé d'avouer son inquiétude.

OoOoO

Agatha avait été victime de « Robin des Bars », comme on surnommait à présent dans la presse locale l'homme qui dépouillait les clients au sortie des débits de boissons de la ville, après les avoir drogués.

Hermione en était restée figée lorsque Pigmentus lui avait appris la nouvelle, au matin du jeudi, alors qu'elle venait d'arriver après avoir fait un détour par la boulangerie.

A la pharmacie, le moral était au plus bas. Ses collègues, qui avaient déjà été mises au courant de la nouvelle la veille, hormis Alice, avaient le regard grave et les traits tirés.

Personne n'avait les détails exacts, car la jeune femme était toujours à l'hôpital. Pigmentus leur avait dit qu'elle était sortie boire un verre avec des amis en ville avant sa nuit de garde, qu'elle avait quitté celles-ci en début de soirée pour prendre sa voiture et rejoindre la pharmacie, mais avait perdu connaissance sur la route, heurtant une borne à incendie non loin du bar qu'elle venait de quitter. Les analyses avaient révélé la présence de GBD dans son organisme. Autrement dit, si elle n'avait pas eu le temps d'aller jusqu'à sa voiture, elle aurait été braquée elle aussi. Sans doute le verseur de stupéfiant n'avait-il pas compté à ce qu'elle quitte la soirée aussi tôt et reprendre sa voiture dans la foulée.

Les amis de la jeune femme étaient toujours en garde à vue, même s'il y avait peu de chance que l'un d'eux soit responsable de la substance instillée dans le verre de la pharmacienne, d'après l'aveu même du policier qui était venu mener l'enquête de rigueur auprès des collègues d'Agatha.

Ce nouveau revers dans l'affaire des vols de stupéfiants, et le fait que cette fois l'une de ses connaissances avait été directement impactée, avait mis Hermione au plus bas. Non seulement elle était inquiète pour sa collègue et amie, mais cet accident n'avait été qu'un rappel piquant du peu de progrès qu'elle avait fait dans son enquête toute officieuse sur cette affaire.

Il fallait se rendre à l'évidence, elle piétinait. Elle n'avait toujours pas l'ombre d'une piste, et les journaux moldus qu'elle suivait concernant cette histoire ne relataient aucune avancée non plus du côté de la police moldue. Elle avait eu beau se répéter que si des enquêteurs expérimentés n'avaient toujours pas trouvé le coupable, il y avait peu de chance qu'elle-même, tout à fait novice, ne résolve cette énigme toute seule. Sauf qu'elle était une sorcière, et que cette différence suffisait, à ses yeux, à justifier qu'elle aurait dû savoir avancer plus vite sur le dossier.

Partagée entre inquiétude, impuissance et culpabilité, Hermione avait le moral dans les chaussettes. Et la visite à Agatha le samedi soir avec ses collègues, en sortant du travail, n'avait rien arrangé à ses états d'âme. Même si la jeune femme semblait plutôt en forme, elle gardait encore plusieurs hématomes au visage du fait de l'accident de voiture et du déclenchement de l'air bag, qui avait également entraîné la fêlure, ainsi que la fracture, de plusieurs côtes, obligeant Agatha à rester hospitalisée jusqu'à la fin du week-end.

- Ne fais pas cette tête Hermione, je vais vite être sur pieds ! Avait plaisanté la jeune femme en avisant le visage de six pieds de long de la sorcière. En plus, Pigmentus m'a dit que tu faisais n'importe quoi pendant les nuits de garde quand je n'étais pas là !

Elle avait commencé à rire, avant de grimacer de douleur quand ses côtes tuméfiées l'avaient vivement rappelée à l'ordre.

- Ca va, ça va, avait-elle murmuré à Alice qui s'était précipitée. Il ne faut juste pas que je ris. Ou que je tousse. Ou aussi que j'éternue.

- Comment vas-tu vivre tout ce temps si tu ne peux plus ricaner ? Avait charrié Mirabel, amusée.

- Surtout que j'attends toujours qu'Hermione me raconte son sauvetage par notre barman préféré, avait répliqué Agatha en tentant de rire le plus doucement possible.

Cette remarque avait eu le mérite de tirer un sourire à la Gryffondor. Depuis qu'Alice avait répété aux filles que Severus Rogue était venu à la pharmacie pour prêter main forte à la jeune femme après l'irruption des quatre soûlards, celles-ci n'en finissaient plus de se refaire l'histoire, en l'arrangeant à leur sauce en fonction de leur humeur du moment. Il fallait dire que cela avait ajouté de l'eau à leur moulin quand au béguin non officiel d'Hermione pour le brun ténébreux.

« Déjà qu'il était terriblement sexy avant cela, mais si en plus il commence à jouer les chevaliers servants, on ne va plus répondre de rien ! » s'était exclamée Mirabel à l'écoute de l'anecdote, plus tôt dans la semaine.

Hermione avait eu beau préciser qu'elle n'avait pas eu besoin d'aide pour assommer les quatre hommes, personne ne l'avait écoutée. Au final, seule la présence inopinée du Serpentard dans l'officine alors qu'elle était « en détresse » avait retenue l'attention de ses collègues en mal d'histoires croustillantes.

- Reviens nous vite et je te raconterai tout en détails, avait promis la sorcière, autant pour fuir le sujet que pour motiver son amie.

Les quatre femmes avaient chaleureusement salué leur collègue, avant de quitter l'hôpital et de rentrer chez elles. Hermione, rongée par la culpabilité et l'impuissance, n'avait pu s'ôter l'image du visage tuméfié d'Agatha, même une fois les couloirs immaculés et l'odeur d'antiseptique de la clinique laissés derrière elle. Elle se sentait tellement minable, tellement en dessous de tout, à mettre autant de temps à trouver qui et comment volait ainsi les stupéfiants dans les officines londoniennes !

Alors que les rues du quartier s'animaient d'une foule désireuse de se faire plaisir et de décompresser en ce début de week-end dans les bars et restaurants de la ville, ou simplement en allant danser ou voir un film au cinéma, Hermione s'était assise devant les coupures de presse et la carte des agressions qu'elle avait établie de son côté. Il y avait forcément un dénominateur commun qui lui échappait, quelque chose qui reliait les lieux de vol. Un informateur, une taupe. Elle avait bien songé aux représentants médicaux, mais ceux-ci étaient en général reçus dans un bureau et ne connaissaient pas suffisamment les officines. Quant aux livreurs, ils ne faisaient qu'aller et venir, sans connaître véritablement le contenu des cartons déposés, ou quelles quantités de stupéfiants étaient stockés dans les points de vente.

La Gryffondor s'était torturée l'esprit deux heures durant, s'agaçant de plus en plus, avant que le désespoir de ne jamais réussir à élucider ce mystère ne la submerge tout à fait. De sombres pensées, du genre de celles qui étaient propres à chacun et ne manquaient jamais de refaire surface dans les moments de faiblesses, l'avaient submergée soudain, et l'accablement s'était abattu sur ses épaules. Au fond, à quoi bon avoir les meilleures notes dans toutes les matières, et ce depuis le début de son cursus scolaire à Poudlard, si c'était pour s'avérer aussi inutile une fois confrontée à la vraie vie ? Elle rêvait de décrocher son diplôme et de révolutionner les législations du monde magique en matière de droit des créatures, mais au final, elle n'était bonne qu'à apprendre bêtement des cours par cœur et à les recracher sans même savoir les mettre en application.

Elle avait beau s'efforcer de briller dans ses résultats scolaires, il fallait se rendre à l'évidence. Quand Ron gérait déjà lui seul le deuxième magasin ouvert par son frère à Pré-au-Lard depuis quelques années, que Harry était déjà chargé de missions longues à l'étranger par le ministère, et que chacun avait une vie sociale et amoureuse bien remplie, elle n'en était toujours qu'à potasser des cours théoriques sur les législations sorcières et à câliner son chat en tâchant de se convaincre que cela suffisait à son bonheur.

Elle n'était qu'une incapable, doublée d'une gratte-papier en devenir qui ne tarderait pas à approcher l'âge fatidique où on la considérerait vieille fille.

OoOoO

- … forcément, je l'ai mis dehors, ce connard ! J'ai mis toutes ses affaires dans un sac et je l'ai balancé par la fenêtre, hop ! Du coup pour se venger il a cassé mon téléphone et niqué ma voiture. Si, si, je vous jure ! De toute façon je le savais que c'était un cassos, ma copine Stacy me l'avait dit, mais bon voilà, que voulez-vous ? Je l'aimais moi, et puis au début c'est toujours tout beau tout rose, hein ?… Vous pouvez me remettre la même chose ?

Severus avait soupiré, au bord de l'explosion. On était samedi soir et même si le week-end le 1911 fermait plus tard, il n'y avait pourtant pas grand monde en salle. Il fallait dire que depuis le début de la semaine, une atmosphère malaisante et oppressante régnait dans le quartier. Non seulement la nouvelle de l'agression de Granger par quatre hommes ivres le mardi soir s'était répandue comme une traînée de poudre parmi les habitants et autres commerçants du secteur, mais deux jours plus tard, on avait appris que l'une de ses collègues avait eu un accident de voiture après avoir été victime de Robin des Bars, comme on avait surnommé celui qui droguait ses victimes dans les débits de boissons de la vie avant de les dépouiller sans scrupules. Jacob, qui connaissait bien Pigmentus, avait pu avoir des nouvelles de la jeune femme. Si tout le monde au 1911, personnel comme clients, avait été soulagé d'apprendre qu'elle n'avait rien de trop grave, cela avait quand même jeté un froid sur la vie nocturne du quartier.

De fait, Jacob avait autorisé Ethan à quitter plus tôt en cette soirée du samedi. Le jeune homme s'était sauvé vers vingt-et-une heure, après avoir passé une chemise propre et s'être aspergé d'un parfum au musc entêtant, pour se précipiter au Calcio, situé à quelques rues de là. Depuis le début de l'affaire de Robin des Bars, l'établissement de Camilo ne cessait de voir sa fréquentation augmenter. Si, de l'aveu même de Jacob, son ami avait fait les frais des moqueries et des railleries lorsqu'il avait affiché sa volonté de ne plus servir d'alcool dans son nouvel établissement, et de le spécialiser dans les soirées dansantes, il était clair que n'était plus le cas, à présent.

Même s'il était avéré dans le milieu événementiel que les danseurs ne constituaient pas les clients les plus rentables, eux qui en général ne buvaient que du soft ou, pire encore, de l'eau, afin de garder les idées claires pour les pas de danse, ils constituaient néanmoins une clientèle fidèle et régulière. Et, même si le GBD pouvait tout aussi bien être versé dans un jus de fruit que dans un verre de vin, le caractère zéro-alcool de l'établissement de Camilo rassurait les clients. Quand la méfiance et les conversations inquiètes hantaient tous les bars traditionnels du quartier, le Calcio se démarquait par l'ambiance festive que la musique latine, pop, ou de variété, ne manquait jamais d'apporter avec elle, et par l'idée que chacun ressortait du pub avec les idées claires, ce qui n'était pas un mince argument par les temps qui courraient.

Bref, il n'y avait donc pas grand monde au 1911, et pendant qu'Ethan se trémoussait sur la piste du Calcio, sans doute en compagnie de Granger, qui fréquentait assidûment l'établissement, de ce qu'en avait compris Severus, lui était coincé là à devoir supporter les lamentations d'une cliente en dépression et les conjectures sportifs de trois habitués.

Lauren était passée près de lui pour récupérer un plateau de boissons pour une table plus loin, et avait souri de l'expression plus qu'agacée de son collègue.

- Tu as l'air au bout de ta vie ! Avait-elle glissé, amusée, en ramenant le plateau vide un instant plus tard.

- Si l'alcool ne l'assomme pas dans les cinq minutes, je vais finir par m'en charger moi-même ! Avait grincé Severus en faisant mine d'être affairé à recouper des citrons verts, histoire de soulager ses oreilles un instant.

Lauren avait pouffé, avant de s'éloigner pour débarrasser une table.

- … jamais de chance moi de toute façon. Déjà mon ancien copain il était pareil ! Il avait voulu tuer mon chien, je vous promets ! Du coup j'avais appelé les flics mais il avait dit que c'était pas vrai et que j'avais trop bu. Alors que lui il était bourré tout le temps ! Que moi non hein, je vous jure ! A peine deux verres de vin le soir je bois ! Et un petit le midi. Bon parfois une bière ou deux devant la télé mais c'est en mangeant alors c'est pas pareil ! Vodka qu'y s'appelait mon chien, c'est drôle hein ?

Oh bon sang, il n'allait jamais tenir jusqu'à la fermeture si cette serpillière restait là à pleurer sur son bar ! Avait songé Severus en prenant sur lui pour ne pas lui lancer un sortilège de mutisme à son tour. Pourquoi diable personne n'avait-il eu l'idée d'inventer un sort pour que les gens puissent continuer de s'entendre parler sans pour autant en faire profiter leur entourage ? Il allait vraiment falloir qu'il se penche sur la question. Après tout, la création de sortilège, il connaissait, et en avait déjà créé plusieurs. Cela ne devrait pas être bien compliqué, de combiner un enchantement de silence avec un sort d'insonorisation !

- … Celui-là, il me piquait des sous. Il avait volé ma carte bleue et le code et avait tout dépensé. J'avais plus que des dettes, même que ma banquière elle m'avait dit que c'était à moi de payer pour lui car c'était ma carte…

La cliente en question avait vidé d'un trait ce qu'il restait de son verre de vin, dont elle avait regardé le fond apparent d'un air presque étonné, avant de relever ses yeux pleins de néant et de vide sidéral vers Severus. Bon sang, on était loin de la lueur d'intelligence qui illuminait les iris dorés de Granger, avait songé le Serpentard avec un rictus dégoûté.

- Encore un ? Avait demandé la boit-sans-soif avec un sourire qu'elle avait sans doute voulu charmeur, mais qui n'avait révélé que des dents jaunies par le tabac, dont l'odeur persistante semblait imprégner tous ses vêtements.

- Je pense que vous avez eu votre compte pour ce soir, non ? Avait rétorqué Severus avec hauteur, ignorant son air implorant. Vous feriez mieux de continuer à l'eau, histoire de diluer un peu le tout.

- Oh allez quoi, soyez sympa ! Juste un fond de rosé ? C'est moins fort que le rouge, le rosé, non ?

- La dose d'alcool est la même dans chaque verre.

- Une bière alors. C'est pas fort ça, et ça dure longtemps !

Exaspéré, Severus s'était emparé du verre et s'était retourné pour le rincer et le remplir d'eau, doutant de sa capacité à maîtriser ses nerfs encore bien longtemps.

- Et toi beau-gosse, tu es célibataire, dis-moi ? Avait demandé la cliente derrière lui. Je vois pas d'bague à ton doigt, pourtant tu dois plaire aux filles, non ? Avec ton boulot, tout ça !

- Bon sang mais vous ne pouvez pas vous… ! Avait grondé Severus, excédé, en faisant volte face pour déposer brusquement le verre d'eau devant la femme bien entamée.

Les derniers mots s'étaient échoués sur ses lèvres quand son regard était soudainement tombé sur Hermione Granger assise sur la dernière chaise de libre près de sa cliente à la langue trop bien pendue. Par tous les Saints, mais que faisait-elle là ? N'était-elle pas censée être entrain de danser au Calcio, fief des non buveurs d'alcool du quartier d'Islington ? Il ne l'avait même pas vue entrer dans le bar, ni même entendue s'installer !

- Miss Granger, avait soufflé le Serpentard, saisi.

- Hey j'étais là avant elle ! Avait vivement protesté la bonne femme, impatiente de voir son verre arrivé.

Severus avait posé le verre d'eau devant elle sans même la regarder, en ignorant ses protestations lorsqu'elle avait remarqué qu'il ne s'agissait pas de vin. Au moins était-elle encore assez lucide pour faire la différence !

- Bonsoir, avait salué la jeune femme d'une voix morose qui avait désarçonné Severus.

Sa silhouette voûtée donnait l'impression qu'elle portait tout le poids du monde sur ses épaules, et elle dégageait un tel abattement que n'importe qui, sorcier au non, aurait pu sentir son aura négative qui diffusait comme une radio moldue. Lorsqu'elle avait relevé les yeux vers lui, sans prendre la peine de relever la tête, le Serpentard avait été frappé par leur absence notable d'expression. Le noisette était si terne qu'il en semblait délavé, comme si toute la malice qu'il y avait toujours vue depuis qu'il l'avait recroisée dans cette nouvelle vie en avait été aspirée, ne laissant que la tristesse et l'abattement.

- Qu'est-ce que vous faites là ? Avait-il demandé, sidéré.

- Vous auriez quelque chose de fort, s'il vous plaît ? Avait-elle demandé plutôt.

Décidément, elle n'était pas dans son assiette, car c'était bien la première fois qu'elle ne répondait pas à l'une de ses questions !

Severus n'avait pu masquer son incrédulité.

- Quelque chose de fort… vous voulez dire de l'alcool ? Avait-il répondu, abasourdi.

- C'est ce qui est recommandé pour les soirées déprimantes, non ? Avait-elle demandé en haussant les épaules, fataliste.

- Hey Chef, c'est pas du vin ça ! Avait râlé la cliente à côté d'elle, incommodée par son verre d'eau. Moi aussi je déprime, alors remplis moi ce verre de vin, tu veux ?

Severus avait jeté un regard polaire à la femme à côté de Granger, qui avait eu raison de son impatience. Elle avait fait la grimace, mécontente, et s'était levée pour aller rejoindre un groupe d'habitués assis plus loin, sans doute dans l'espoir de pouvoir siphonner le verre de l'un d'eux, ou de s'en faire offrir un. « Bon débarras », avait songé Severus en débarrassant le verre d'eau abandonné, avant de reporter son regard sur Granger dont l'humeur semblait se dégrader au fil des secondes qui s'écoulaient.

Par tous les Saints, de l'alcool ! Fort, qui plus est, alors qu'elle n'avait pas l'habitude d'en boire !

- Avez-vous finalement décidé que la vie de Miss Parfaite était trop ennuyeuse pour vous, pour désirer ainsi suivre la même voie que cette charmante dame qui vient de s'éloigner ? Avait-il demandé, ironique.

Il avait espéré la faire réagir un minimum, mais n'avait récolté qu'un regard profondément triste et dépourvu du moindre pétillement taquin. Par Salazar, c'était plus grave que ce qu'il pensait.

- S'il vous plaît, avait-elle murmuré en croisant son regard. Si ce n'est pas vous qui me le servez, je trouverais bien un autre bar où on ne me posera pas de question. J'espérais juste qu'avec vous dans les parages, je serais assurée qu'il n'y aurait rien d'autre dans mon verre que ce que j'ai demandé, avait-elle soufflé, dépitée, en baissant les yeux sur le bois noueux du comptoir.

Severus l'avait considérée un instant en silence. Des années durant, il avait tenté par tous les moyens d'étouffer cette flamme qui animait la Gryffondor, s'évertuant à la décourager de participer en cours, d'étaler sa science à tout bout de champ, ou de motiver ses petits camarades largués en cours. Il n'y était jamais parvenu. Et voilà qu'à présent, sans même que cela soit de son fait, la jeune femme lui revenait complètement démotivée, déprimée et accablée d'une telle amertume qu'il en s'en était presque senti triste pour elle.

Pinçant les lèvres dans une expression clairement désapprobatrice, Severus avait sorti un shaker pour entamer la préparation d'un cocktail plutôt léger. Au vu de l'inexpérience de la jeune femme en la matière, il ne faudrait pas grand-chose pour la distraire de ses idées noires.

- Tiens, mais c'est notre pharmacienne préférée ! S'était gaiement exclamée Lauren en passant près d'eux.

- Bonjour, avait répondu Granger avec un sourire forcé.

- Oh, mais ça n'a pas l'air d'aller, ma chérie ! Qu'est-ce qui se passe ? C'est à cause d'Agatha ? Tu as des nouvelles, comment elle va ?

Severus n'avait pas souvenir que les deux femmes s'entendaient si bien, du moins pas au point de se tutoyer. Ce n'était pas le cas lorsque Granger lui avait prodigué les premiers soins, après son altercation avec un client, quelques semaines plus tôt. Néanmoins, amitié ou pas entre les deux, le Serpentard s'était trouvé un peu idiot de ne pas avoir demandé des nouvelles de sa collègue hospitalisée. Évidemment, que c'était cela qui la mettait dans un tel état ! Bon sang, comment pouvait-il avoir été espion pendant vingt ans et être toujours aussi handicapé en ce qui concernait les relations sociales ?

- Bien, vues les circonstances, avait répondu Granger à Lauren. Elle a plusieurs côtes fêlées et une de cassée. Nous sommes allées la voir ce soir à l'hôpital.

- La pauvre, elle ne s'est pas loupée ! Avait compati Lauren, une ride d'inquiétude venant barrer son front. Hey mais ça va aller hein, elle sera vite sur pieds, tu vas voir !

La porte du 1911 s'était ouverte sur un couple, que la serveuse avait salué d'un sourire en leur disant de s'installer. Elle s'était excusée auprès de la Gryffondor, désolée de ne pouvoir converser plus longtemps, et s'en était allée accueillir les nouveaux clients après avoir serré amicalement l'épaule de la jeune femme. Occupé à sa préparation, Severus avait jeté un coup d'œil à son ancienne élève triste comme les pierres.

- Ce n'est pas de votre faute Granger, arrêtez de culpabiliser ainsi pour tout, avait-il fini par dire, exaspéré de la voir ainsi mortifiée. Vous n'auriez rien pu faire, et même si cela avait été le cas, vous étiez suffisamment occupée de votre côté, je vous rappelle.

Sa voix avait sonné à ses oreilles plus sèche qu'il ne l'aurait voulue, et au vu du tressaillement qui avait parcouru la jeune femme, elle l'avait perçue de la même façon. Décidément, il fallait mieux qu'il s'abstienne de tenter de réconforter les gens, ou même de parler tout à fait, lorsque ceux-ci étaient sujets à la déprime.

- Si vous le dîtes, avait-elle répondu sans conviction, en jouant avec un sous-verre en liège qui traînait sur le comptoir.

Le silence s'était étiré entre eux, tandis que la jeune femme restait plongée dans ses sombres pensées. Lauren, qui revenait avec le nouveau ticket de commandes, avait de nouveau posé une main amicale sur son bras, sous le regard circonspect de Severus. Bon sang, il ne comprendrait jamais pourquoi les femmes s'obstinaient à être toujours si tactiles ! Lui aurait détesté qu'on le touche ainsi.

- Au fait, avait repris Lauren avec un sourire, merci pour les croissants jeudi, ils étaient délicieux !

- Ah, de rien, avec plaisir.

Et pour la première fois depuis qu'elle était entrée avec toute cette morosité au dessus de sa tête, la Gryffondor avait jeté un coup d'œil vers Severus, un vrai regard, et non pas juste levé vers lui ces yeux tristes et dépourvus de vie. Le barman avait sourcillé, interloqué.

- Quels croissants ? Avait-il demandé à sa collègue, perplexe.

- Ceux qu'elle est venue apporter jeudi matin avant d'aller travailler, avait répondu Lauren comme s'il s'agissait d'une évidence.

- Je les avais déposés pour vous remercier d'être intervenu, mardi soir, avait précisé Granger d'une petite voix, presque timide.

Severus en était resté bouche bée. Pour le remercier ? Lui ?

- Les garçons ne te l'ont pas dit quand tu es arrivé le midi ? S'était étonnée Laurence, avant de lever les yeux au ciel avec exaspération. A tous les coups ils ont tout avalé avec Thomas et Jacob le matin et ils ont fait comme si de rien n'était ! J'arrive tout de suite Messieurs-Dames, avait-elle ajouté comme des clients la hélaient de plus loin.

Elle était repartie en salle, laissant son collègue stupéfait derrière elle, à dévisager la Gryffondor comme s'il la voyait pour la première fois de sa vie.

- Je suis désolée, avait repris cette dernière, embarrassée par son regard fixé sur elle. Je pensais qu'ils vous en auraient laissé un.

Severus se fichait bien des viennoiseries. Pour tout dire, il préférait le salé, contrairement à Ethan qui était une vraie gueule à sucre. Et puis le matin, il ne petit-déjeunait que très rarement, se contentant d'un café noir pour commencer la journée. Néanmoins, le fait que Granger ait pris l'initiative de lui ramener le petit-déjeuner au sur-lendemain de sa nuit de garde, simplement pour le remercier de s'être inquiété _ bien qu'il ne se soit pas réellement inquiété, bien-sûr _ le laissait sans voix. Jamais, d'aussi loin qu'il se souvenait, quelqu'un ne s'était montré si gentil avec lui. Du moins, pas depuis une éternité. Pas depuis une certaine rouquine, dont il gardait le précieux souvenir enfermé à double tours quelque part au fond de son cœur, lui-même verrouillé hermétiquement depuis des années.

Mais Granger… Jamais il n'aurait pensé… Bon sang, comment avait-il fait pour ne pas se rendre compte plus tôt que cette fille était dotée d'un caractère si exceptionnel ? Minerva n'avait pas manqué le lui faire remarquer, pourtant !

- Je n'ai rien fait, vous vous êtes parfaitement débrouillée toute seule, avait dit Severus, incrédule.

Sans qu'il ne comprenne pourquoi, cette réponse avait tiré un sourire à la Gryffondor. L'estomac du Serpentard s'était noué douloureusement à la vue de l'éclat malicieux qui avait refait son apparition dans les yeux noisette un bref instant. Non, décidément, il ne pouvait décemment pas la laisser se saouler. Granger devait rester telle qu'elle était, pétillante et lumineuse. Même si elle avait le droit d'avoir le cafard, il ne voulait pas participer à sa tentative d'oubli dans les abîmes de la boisson.

- Si seulement les filles pouvaient vous entendre, s'était elle esclaffée doucement. Elles sont persuadées que c'est vous qui êtes venu à bout des quatre hommes !

- C'est bien mal vous connaître, avait répondu Severus dans un murmure, incapable de détacher ses yeux de son visage un peu plus guilleret. De ce que je me souviens, vous n'avez jamais été du genre princesse en détresse, non ?

- Non, c'est vrai, avait-elle répondu avec un pâle sourire.

Elle avait fixé le sous-verre en liège dans ses mains alors que l'amertume balayait de nouveau toute trace de gaieté de son visage.

- Sans doute serait-il préférable que je le sois un peu plus, par moment, avait-elle ajouté dans un souffle, comme pour elle-même, les yeux tournés vers des pensées peu joyeuses.

Severus avait beau ne pas être expert en relations sociales et humaines, il avait été à peu près certain, à cet instant, que cette remarque n'était pas amenée par l'accident de sa collègue. Nom d'un vampire, elle était vraiment déprimée ! Pour un peu, il aurait presque pu voir la morosité tournoyer autour de sa tête, et il n'y avait assurément pas besoin d'être légilimens pour deviner le sombre trajet qu'avaient pris ses pensées.

Sans un mot, il avait versé le contenu du shaker dans un verre à cocktail, qu'il avait déposé devant elle.

- Merci, avait-elle dit en s'en emparant.

Elle en avait observé le contenu coloré, et humé le parfum avec circonspection.

- Qu'est-ce que c'est ? Avait-elle demandé, curieuse malgré tout.

- Tequila Sunrise. Grenadine, orange, et tequila, avait-il répondu en guettant sa réaction à la première gorgée.

Néanmoins timide, la jeune femme avait préféré jouer un instant avec la paille, et grignoter la cerise de décoration en premier lieu. Puis, avisant le regard du Serpentard sur elle, elle avait rougi, songeant sans doute qu'il allait penser qu'elle se dégonflait, et avait aspiré doucement une première gorgée. Il l'avait vue se crisper d'appréhension, puis se détendre finalement et écarter la paille de sa bouche. Elle avait léché ses lèvres dans ce réflexe que Severus observait chez de nombreux clients chaque jour sans que cela ne lui fasse ni chaud ni froid. Pourtant, ce soir-là, pour une obscure raison, voir Granger s'humecter ainsi les lèvres pour mieux savourer le goût de sa boisson avait manqué le rendre fou. Il s'était vivement détourné, feignant de rincer le shaker dans l'évier derrière lui.

Bon sang, ça commençait à devenir vraiment pénible, cette attirance insensée pour la Gryffondor !

- Dans mes souvenirs l'alcool avait plus de goût, le jour où j'ai essayé, avait-elle dit, étonnée.

- Vous aviez bu quoi, du champagne ? Cela n'a rien à voir. La tequila n'a pas de goût, et pas d'odeur. Elle sert juste à enivrer l'esprit, ni plus ni moins.

- Je comprends mieux pourquoi certaines personnes deviennent si vite dépendantes. Pour un peu, ça se boirait comme du petit lait !

Severus n'avait pu retenir un bref sourire, sidéré de cette remarque, et souhaitant du même coup qu'elle ne trouve pas là un prétexte pour se lancer dans l'alcoolisme.

- Alors, qui avez-vous appelé pour votre petit problème de mardi soir, finalement ? Avait-il demandé, curieux. Les Aurors, ou la police moldue ?

- La police. En soi, leur intrusion n'avait rien à voir avec la nature sorcière de l'un d'eux, avait-elle répondu distraitement entre deux gorgées de cocktail.

Severus s'était renfrogné quelque peu, contrarié qu'elle n'ait pas suivi ses recommandations, et agacé de cette confiance sans borne qu'elle vouait à un service de l'ordre incapable de résoudre cette affaire de vol à la sortie des bars.

- Je suis étonné de votre défiance vis à vis du département des Aurors. J'ai entendu dire que votre cher ami Potter y travaillait, non ?

Elle avait semblé étonnée qu'il évoque son meilleur ami, mais avait tout de même répondu à sa question.

- Harry est tireur de baguette magique d'élite, oui. Il est en mission à l'étranger depuis quelques semaines. Je reçois des nouvelles par hiboux de temps en temps, mais je ne peux pas lui répondre pour le moment.

Severus avait acquiescé en silence, lui qui connaissait bien les usages du département des aurors. Il comprenait aussi pourquoi la demoiselle n'avait pas été si pressée d'appeler le service policier sorcier. Sans doute l'aurait-elle fait si son meilleur ami avait été joignable.

La jeune femme s'était tue un instant, sirotant sa boisson en silence tout en observant distraitement le Serpentard préparer les commandes pour les clients installés en table. Alors qu'il n'était pas du genre à se laisser distraire par quoique ce fut, il avait eu une conscience aiguë du regard noisette posé sur lui, même s'il était clair que Granger était de nouveau perdue dans ses pensées, et ne le regardait que parce qu'elle était obligée de poser ses yeux quelque part.

- Professe.. Severus ? Je peux vous poser une question ? Avait-elle demandé une éternité plus tard, et Severus avait manqué renverser le verre de rosé qu'il venait de remplir.

- J'ai comme l'impression que c'est déjà fait, avait maugréé le Serpentard.

- Pourquoi avez-vous décidé d'exercer un métier moldu, finalement ?

Heureusement qu'il venait de poser le plateau chargé de boissons sur l'extrémité du comptoir pour Lauren, sinon les six verres auraient fini à terre, à n'en pas douter, tant il avait été saisi par la question. Par tous les Saints, elle n'allait quand même pas se montrer d'humeur philosophique en plus d'être déprimée, si ? Elle n'en était qu'au premier verre, par Merlin !

Il lui avait lancé un regard sombre, un peu agacé de s'être ainsi laissé déstabiliser par sa question, et la jeune femme avait rougi par dessus son verre de Tequila.

- Je ne suis pas sûr de saisir en quoi cela vous regarde exactement, Miss Granger, avait-il susurré d'une voix doucereuse, ironique.

Elle avait véritablement piqué un fard, cette fois.

- Pardon, je ne voulais pas être indiscrète, avait-elle bredouillé en plongeant dans son verre, honteuse.

Severus avait gardé le silence un instant, ruminant en silence contre la curiosité maladive des Gryffondor, ou de celle-ci en particulier, à y bien penser. Puis, voyant du coin de l'œil qu'elle semblait repartir dans ses idées noires, il avait retenu un soupir. Que dire qui n'en dévoilerait pas trop sur lui, alors même qu'il détestait parler de sa vie privée ?

- Ici, je ne suis personne, avait-il finalement répondu, d'un ton un peu plus dur que ce qu'il avait prévu. Ni professeur, ni espion, ni même héros de guerre, puisque cela semble être le dernier titre dont on m'ait affublé, à en croire les invitations à ces rassemblements pompeux au ministère que je reçois régulièrement, avait-il ajouté avec un mépris palpable. L'anonymat offre un confort et une tranquillité que je n'aurais jamais pu espérer en restant du côté sorcier, avait-il finalement conclu.

Lorsqu'il avait relevé le regard vers la Gryffondor pour observer sa réaction, le corps déjà tendu à l'idée de lui voir l'expression dédaigneuse ou pire encore, moqueuse, il avait été troublé de n'y voir que de la compréhension, et une bienveillance désarmante.

- C'est reposant, parfois, de savoir que personne n'attend rien de vous, de ce côté du monde, avait-elle murmuré, son regard noisette harponnant le sien, sombre comme l'obscurité qui régnait à l'extérieur du bar.

Severus avait senti son cœur chavirer face à ces yeux là, face à ce visage si doux, à ces mots qui faisaient parfaitement écho aux sentiments qui se bousculaient soudain en lui.

- C'est exactement cela, avait-il répondu dans un souffle,

Il aurait dû détourner la tête, se soustraire à ce regard perçant et sagace, qui lui donnait soudain l'impression de savoir lire en lui mieux que n'importe quel sort de légilimancie. Rompre cet échange silencieux, qui malgré l'absence de contact physique, était entrain de tisser un lien entre eux, dont il sentait chaque nouveau point s'imprimer dans son cœur comme s'il y était marqué au feutre indélébile. S'éloigner d'elle, avant d'en être définitivement incapable.

- Vous dîtes que vous n'êtes personne ici mais… , avait-elle repris d'une voix douce comme la caresse d'une plume. Peut-être n'être vous simplement que vous-même, en réalité. Débarrassé de tous ces rôles que vous avez dû endosser ces dernières années.

Elle avait marqué une pause, craignant sans doute qu'il ne s'emporte à cette remarque personnelle et intime, alors qu'il venait de lui signifier, un instant plus tôt, qu'elle n'avait pas à se mêler de sa vie privée. A ce stade, Severus avait été incapable d'articuler le moindre mot.

- Cela vous va bien, vous savez, avait-elle donc poursuivi, encouragée par son silence. Cette nouvelle vie, cette paix que vous semblez être enfin parvenu à trouver. Vous semblez plus serein. Plus… accessible, avait-elle fini dans un murmure decrescendo.

Elle s'était tue, réduite au silence par l'intensité du regard onyx posé sur elle, et malgré ses lacunes notables en matière de relations humaines, Severus avait su qu'elle ressentait soudain la même chose que lui. Cette impression fugace d'être sur la même longueur d'onde, d'avoir réussi à le comprendre malgré l'épaisseur de la carapace qu'il avait toujours endossée, d'avoir enfin entr'aperçu l'homme qu'il était réellement, derrière celui qu'elle avait côtoyé pendant toutes ces années. Le rouge avait joliment coloré ses joues tandis qu'elle s'empourprait, réalisant sans doute l'intimité du moment, et elle avait réussi là où Severus échouait depuis quelques minutes déjà, détournant le regard pour masquer son embarras.

- Évidemment, avait-elle repris d'un ton plus léger tout ceci n'est valable que lorsque je ne persiste pas à vous rappeler votre ancienne vie. J'imagine que je ne vous facilite guère la tâche dans votre recherche de l'anonymat et de la tranquillité, d'autant que je trouve encore le moyen de vous mettre dans des situations abracadabrantesques, comme mardi dernier, et...

Severus avait cligné des yeux, reprenant ses esprit alors que la jeune femme semblait soudain incapable de s'arrêter de parler, visiblement désireuse d'alléger l'atmosphère et de détourner son attention de la gêne qui était la sienne. Le Serpentard l'avait considérée un instant avec stupeur, submergé par ce flot de paroles rapides et insensées. Pensait-elle être indésirable, elle qui constituait, en effet, le seul souvenir vivant de son ancienne vie ?

Peut-être aurait-elle dû l'être. Sans doute l'avait-elle été, même, quelques semaines plus tôt.

Elle ne l'était assurément plus, à présent.

- Miss Granger, l'avait-il coupée alors qu'elle s'embourbait dans son monologue teinté d'excuses.

- … plus serein si…. Oui ? Avait-elle demandé, confuse.

Severus avait réprimé un sourire, amusé de voir l'appréhension envahir son visage.

- Je vous prie de croire que vous êtes bien plus supportable dans cette vie que dans les souvenirs que je gardais de vous, avait-il assuré, sans pouvoir réfréner plus longtemps son sourire en coin lorsqu'elle avait agrandi les yeux de surprise, sidérée.

Elle avait ouvert la bouche pour répondre, avait semblé hésiter sur la réponse à donner, ne sachant sans doute pas comment elle devait prendre cette remarque, et avait fini par baisser les yeux en rougissant derechef.

- Euh… merci, avait-elle bredouillé finalement. Enfin, je crois… J'imagine que c'est une bonne chose d'être plus supportable, non ? Avait-elle demandé avec un sourire hésitant.

- Ce n'est clairement pas une mauvaise chose, avait concédé Severus, dont le sourire s'était affirmé quelque peu. Bien qu'il vous reste encore des progrès à faire pour abandonner définitivement ce « professeur » dont vous vous obstinez à m'affubler à chacune de nos rencontres.

Cette fois, le sourire de la jeune femme avait été plein et entier, et le coin de ses yeux s'était plissé tandis que le sourire montait jusqu'au noisette de ses iris, dont le pétillement éclatant avait de nouveau mis à mal le cœur du Serpentard.

- Je vous promets que j'essaie de m'améliorer.

- Vraiment ? Avait-il demandé un arquant un sourcil circonspect, narquois. Je vous ai connue plus rapide pour d'autres apprentissages, et bien plus ardus que celui-ci.

Elle avait ri, cette fois, découvrant des dents blanches et parfaitement alignées. Il ne restait plus guère de morosité dans son aura, à présent, avait songé Severus avec satisfaction.

- Il faut du temps pour effacer six ans d'habitudes ! Avait-elle argué. Il n'y a que Rémus que j'arrive à appeler par son prénom.

- Par Merlin, cessons là l'évocation de si mauvais souvenirs, voulez vous ? Avait-il grimacé en se hérissant tout à fait à la mention du lycanthrope.

Tandis qu'elle s'esclaffait de nouveau, une cliente venue commander directement au bar avait accaparé l'attention de Severus un instant, puis profité qu'il soit occupé pour échanger quelques mots avec la jeune femme, qui était vraisemblablement une connaissance. Alors que le Serpentard s'affairait de nouveau autour du nécessaire à cocktail, Lauren était repassée près de lui, un sourire mutin aux lèvres qu'il avait décidé d'ignorer délibérément.

- Tu n'as pas mis d'alcool, dans ce verre, n'est-ce pas ? Avait-elle demandé à voix basse en se glissant près de lui, amusée.

Severus s'était raidi, et un bref coup d'œil à sa collègue lui avait indiqué qu'il s'agissait moins d'une question que d'une affirmation, en réalité.

- Non, avait-il avoué malgré lui, un peu vexé qu'elle l'ait si facilement deviné.

- C'est bien ce que je pensais ! Avait-elle souri de nouveau, plus largement cette fois.

Il y avait un silence alors que la quinquagénaire attendait sans doute qu'il ajoute quelque chose, mais comme rien n'était venu, et qu'il était évident que le barman était crispé, Lauren avait poursuivi, d'un air entendu qui avait achevé de mettre les nerfs de Severus à vif.

- Tu as bien fait. Je ne l'imagine pas du tout entrain de boire pour noyer sa tristesse. D'autant que tu as l'air aussi efficace que la tequila pour lui faire oublier ses tracas ! avait-elle ajouté avant de repartir en salle, son sourire sans équivoque vissé aux lèvres.

- Je vais y aller, avait annoncé Granger peu de temps après en étouffant un bâillement, vraisemblablement épuisée. Merci pour le cocktail et pour… la soirée, avait-elle ajouté après lui avoir jeté un coup d'œil, tâchant de déterminer ce qui qualifiait le mieux la conversation qu'ils avaient eue.

- Bonne soirée, avait salué Severus, appuyé sur l'extrémité du comptoir, son regard d'encre posé sur elle alors qu'elle enfilait sa veste.

Elle lui avait souri avant d'enrouler son foulard autour de son cou, s'apprêtant à sortir. Avant même de prendre conscience de ce qu'il faisait, le Serpentard l'avait rappelée.

- Miss Granger ? Les princesses en détresse, c'est surfait, vous savez, avait-il dit dans un murmure soyeux lorsqu'elle s'était retournée vers lui, curieuse.

Ses sourcils bruns s'étaient haussés de surprise tandis qu'elle ouvrait la bouche dans un hoquet muet, stupéfaite de cette remarque. Oh bon sang ! Pourquoi avait-il fallu qu'il dise cela ? Elle allait s'imaginer le pire le concernant, à présent ! D'ailleurs, elle semblait déjà s'assurer que personne d'autre n'avait entendu, car elle avait jeté un bref coup d'œil alentours, hésitante. Elle penserait sans doute qu'il voulait lui signifier que lui la trouvait tout à fait charmante. Ce qui était vrai, bien-sûr, mais il préférait autant qu'elle n'en sache rien ! Elle le prendrait assurément pour un marginal pervers et...

Toute pensée cohérente s'était dissipée de l'esprit de Severus lorsque, d'un mouvement rapide, la jeune femme avait parcouru les deux pas de distance qui les séparaient et s'était brièvement hissée sur la pointe des pieds pour déposer un bref baiser sur sa joue.

Cela n'avait duré qu'une fraction de seconde. Le temps que Severus réalise ce qu'il se passait, elle s'était déjà reculée. Il n'avait eu que le temps d'aviser le rouge qui avait gagné ses joues lorsqu'elle s'était vivement détournée, prenant soin de ne pas croiser son regard, avant qu'elle ne sorte précipitamment du 1911, laissant un Serpentard abasourdi derrière elle.

- Eh bien, avait tinté la voix rieuse de Lauren à ses côtés, quelques secondes plus tard, alors qu'il fixait encore presque sans la voir la porte par laquelle la demoiselle venait de s'enfuir. Je crois pouvoir dire sans me tromper qu'elle t'aime bien aussi, manifestement.

Severus n'avait pas répondu, mais n'avait rien pu faire pour étouffer le sentiment de culpabilité qui avait enserré son cœur à l'idée qu'il ne s'était pas montré tout à fait honnête vis à vis de la Gryffondor. Pourrait-il jamais l'être avec quelqu'un, en réalité ?

Et dire qu'il n'avait pas mis d'alcool dans ce fichu verre ! Ni alcool, ni aucune substance illicite, d'ailleurs.


Voici pour aujourd'hui, la suite ce week-end ! ;)
J'espère que vous aurez apprécié lire ce chapitre autant que j'ai apprécié l'écrire !

A bientôt !