Chapitre publié le 2 septembre 2017.

Avec la rentrée, je préfère prévenir que mon rythme de publication risque (va) de considérablement se ralentir. J'aimerais bien arriver jusqu'au chapitre 29 d'ici la fin de l'année, mais je n'ai pas trop l'intention d'y passer trop de temps non plus.


Chapitre 21 : Ceux qui se cherchent

« … Et tu sais quoi, Aeris ? J'ai même réussi à vaincre un de ces gros Sans-cœur aujourd'hui, tu sais, un de ceux avec un gros ventre rebondi ? Ceux qui se jettent sur toi pour t'écraser sous leur poids ? La première fois que je suis tombée sur l'un d'entre eux, je n'avais pas fait long feu, mais aujourd'hui, j'ai réussi les doigts dans le nez ! »

Kairi dut interrompre sa tirade enthousiaste pour reprendre son souffle et elle en profita pour avaler une gorgée de thé de la tasse fumante à laquelle elle n'avait pas encore touché, trop occupée à raconter ses dernières réussites à Aeris. Cette dernière était assise en face d'elle, l'écoutant avec le sourire et tournant sa propre tasse entre ses mains.

« Et pour la matéria de foudre ? demanda-t-elle. Il me semble que tu m'avais dit qu'elle te causait quelques soucis... Est-ce que ça se passe mieux maintenant ? »

Kairi hocha vigoureusement la tête et tendit une main vers l'assiette de biscuits à l'autre bout de la table. Elle s'était précipitée ici sitôt sa mission achevée et mourait de faim. Léon parut avoir pitié d'elle car il lui tendit le plat.

« J'y arrive beaucoup mieux maintenant ! répondit la jeune fille en croquant dans un biscuit dur. Je ne me suis pas encore électrocutée, et j'ai battu quelques Sans-cœur avec... Je le trouve juste moins facile à manipuler et à diriger que le sort de feu, c'est tout.

-Certains Sans-cœur ne sont vulnérables qu'à certains types de magie, intervint Léon, qui lui-même n'avait pas touché à sa tasse de thé et suivait la conversation les bras croisés, son habituel renfrognement plaqué sur son visage. C'est pourquoi il est nécessaire que tu les maîtrises tous, si possible. »

Aeris lui donna un coup de coude taquin.

« Et c'est toi qui dis ça ? Toi qui es réticent à pratiquer la magie et préfère ne te fier qu'à ton épée, comme tu dis ? Tu as failli le payer cher la dernière fois d'ailleurs. »

Léon s'interrompit et soupira quand Yuffie ricana.

« J'ai essayé le sort de barrière, mais je ne suis pas très douée apparemment, continua Kairi, l'air peiné. J'ai du mal à en matérialiser un, et quand j'y arrive, quelques coups suffisent à le faire voler en éclats. C'est normal ?

-Je dirais que oui, répliqua Aeris avec un sourire contrit. C'est un sort un peu plus difficile à maîtriser. Plus tu auras d'expérience, plus tu parviendras à créer des barrières qui durent longtemps et arrêtent les coups. Crois-moi, contre certains ennemis, ça peut te sauver la vie.

-Ah, ces histoires de magie ! intervint Cid qui leur tournait le dos, n'ayant pas quitté son poste devant son ordinateur dans un coin de la pièce. Je fais pas confiance à ces tours de passe-passe, moi. Heureusement – il tapota la carcasse grossière de la machine – voilà quelque chose qui ne me trahira jamais ! »

Fidèle à lui-même, la première chose que Cid avait fait après ses retrouvailles avec Kairi avait été de lui montrer l'ordinateur qu'il venait de mettre au point, sa fierté actuelle, et il lui en aurait décrit le fonctionnement dans les moindres détails si Aeris n'était pas entrée dans la pièce à ce moment-là.

Cette dernière eut un sourire compréhensif, habituée aux remarques de Cid, et se tourna de nouveau vers Kairi quand celle-ci reprit la parole.

« Maintenant que j'arrive à me battre, dit-elle en regardant la nappe, je me sens plus... Je ne sais pas, utile, je suppose ? Je sais que je ne devrais pas penser comme ça, mais j'ai l'impression d'avoir un poids en moins sur les épaules. Je peux aider Sora maintenant. »

Un sourire s'esquissa sur ses lèvres.

« Peut-être que quand je les aurais retrouvés, lui et Riku, on pourra partir ensemble à l'aventure... »

C'est ce que je souhaitais : rester avec eux, qu'on partent tous les trois découvrir le monde.

Le silence s'installa, teinté de malaise, comme les quatre autres occupants de la pièce ne savaient que répondre à cela.

Cela faisait maintenant presque deux semaines que Kairi avait été relâchée après le test, et comme aucune conséquence ne s'était manifestée, comme elle reprenait ses missions comme d'ordinaire et qu'on ne l'avait pas inquiétée, elle en avait conclu qu'elle n'avait manifestement pas été démasquée et peut-être même était-elle hors de trouble. Elle avait repris sa routine – missions, rendez-vous crépusculaire avec Axel et Roxas durant lequel ils parlaient de tout et de rien, surtout de ce qu'ils avaient vu dans la journée, dîner, entraînement à la magie dans sa chambre et parfois, quand elle n'était pas trop fatiguée, exploration nocturne de la citadelle – comme précédemment, au détail près qu'elle faisait désormais toujours équipe avec Roxas. C'était logique, comme l'Organisation savait désormais qu'elle ne possédait plus de Keyblade et ne pouvait donc plus l'envoyer récolter des cœurs de son côté, et Kairi ne s'en plaignait pas : elle trouvait la compagnie du jeune garçon agréable. Sa naïveté et son innocence étaient un contraste plaisant avec les autres membres de cette Organisation qu'elle savait désormais criminelle, bien qu'elle ne sache toujours pas de quelle manière. Ils s'entendaient parfaitement bien et se parlaient maintenant avec facilité. Et il était vrai qu'il lui rappelait souvent un autre garçon... même si elle évitait de trop y songer pour l'instant. Elle n'était pas certaine de ce qu'impliquerait le fait que Roxas soit bel et bien son ami perdu.

Ils avaient de même appris à collaborer dans leur stratégie jusqu'à devenir terriblement efficaces : Kairi se chargeait de dénicher les Sans-cœur, de les affaiblir et de les rabattre vers Roxas, lequel se chargeait de les achever d'un coup de Keyblade. Ils remplissaient leurs quotas avec aisance, les dépassant largement bien que Saïx se gardait bien d'en manifester de la joie évidente.

Ce fut ainsi qu'ils avaient ce jour-là fini bien en avance, aussi la jeune fille avait-elle pris la décision de retourner voir Aeris. Elle s'y était rendue seule, cette fois-ci, s'excusant de ne pouvoir rejoindre Roxas et Axel au sommet de l'horloge. Mais quand elle avait retrouvé les rues de la ville, le ravissement avait remplacé les regrets. Elle avait déjà visité plusieurs mondes depuis le début de son périple et celui-ci était probablement son préféré. Ce monde était merveilleux dans sa persistance à se redresser de la ruine qui l'avait consumé. Elle s'y sentait à l'aise, comme dans son élément, comme si sa présence s'intégrait parfaitement à l'essence de ce monde. Une sensation étrange, différente et pourtant si semblable à celle qu'elle ressentait quand elle songeait aux Îles.

… Elle se demandait parfois si elle pourrait revenir aux Îles, ne serait-ce que pour quelques heures. Mais elle ignorait le chemin et, toute nouvelle à l'usage des Couloirs des Ténèbres qui étaient toujours réticents à lui obéir parfaitement, elle ne désirait pas tenter le diable.

Ainsi donc, elle avait retrouvé sans problème la maison d'Aeris, où elle avait été accueillie par les cris de joie de Yuffie, Aeris, Cid et Léon. Ils s'étaient inquiétés à son sujet, comme elle avait disparu brusquement pendant plusieurs semaines, et Kairi n'osa pas leur dire que même après le test, elle avait été tellement occupée que leur rendre visite lui était un peu sorti de la tête.

Pourtant, elle en avait besoin. S'installer avec des amis, avec lesquels elle n'avait pas besoin de constamment surveiller ses paroles pour ne pas se trahir, autour de thé et de gâteaux dans la chaleur du soleil de fin d'après-midi, loin du danger des Sans-cœur, lui faisait retrouver des sensations qui s'étaient peu à peu estompées de sa vie au fur et à mesure de son temps avec l'Organisation : des sensations d'amitié sincère, de réelle sécurité et de sérénité.

« Au fait, Kairi, dit soudainement Léon, le front plissé. L'autre fois, tu avais dit que tu étais venue avec un de ces gars en manteau noir, n'est-ce pas ? Est-ce... toujours le cas aujourd'hui ? Il y en a un qui t'attend, dehors ? »

Kairi savait pourquoi Léon posait cette question : il n'avait aucune confiance en cette Organisation, tout comme elle et le reste de sa bande, et n'appréciait pas de voir leurs membres traîner dans la ville.

« Non, je suis venue seule, répliqua-t-elle en secouant la tête.

-Oh vraiment ? » Yuffie paraissait presque déçue, tout en faisant tourner une matéria curative entre ses doigts. « C'est dommage, j'aurais bien voulu leur dire deux mots, moi !

-Mais si tu es venues seule, reprit Aeris, une main sur le menton, comment as-tu... »

Le sourire de la jeune fille s'élargit.

« J'ai utilisé un Couloir des Ténèbres », annonça-t-elle avec un brin de fierté.

Comme elle s'y attendait, cela tira quelques exclamations surprises aux occupants de la pièce.

« Vraiment ? Tu arrives à les créer ? demanda Léon, son haussement de sourcils témoignant seul de sa stupéfaction.

-Mmh, plus ou moins, avoua Kairi en jouant avec une mèche de cheveux. Je dois m'y reprendre à plusieurs reprises pour les matérialiser, et ça me fatigue très rapidement. Je ne peux me rendre que dans des endroits que je connais parfaitement. Mais je fais des progrès ! »

Yuffie pointa un doigt en l'air pour attirer leur attention.

« C'est bizarre, non ? Kairi est une Princesse de cœur. Comment peut-elle utiliser les Couloirs Obscurs ? Je croyais que c'était juste les Sans-cœur et les types louches qui voyageaient comme ça...

-J'y ai réfléchi, dit Aeris d'une voix douce, et je pense que j'ai une théorie. Je pense que dans le cas de la situation actuelle de Kairi, le pouvoir de manipuler ce genre de force obscure réside avec le corps qu'elle a emprunté. Ainsi, avec un peu d'entraînement, et en s'harmonisant avec le corps qu'elle habite, elle peut être capable d'utiliser certains de ses pouvoirs. Je pense même que si tu t'entraînais, Kairi, tu serais capable d'utiliser la magie de la même façon que cette Xion, sans utiliser des matérias. Je ne suis pas sûre en ce qui concerne la Keyblade, cependant. Il est fort probable que ce don ne soit accessible que par le cœur de cette autre fille. »

Kairi réfléchit.

« Tu veux dire... dit-elle lentement, que la Xion qui occupe mon corps maintenant ne peut donc pas utiliser de Couloir des Ténèbres ? »

Elle s'était efforcée de ne pas trop penser à l'idée d'une fille inconnue utilisant son propre corps. Elle songeait aussi qu'elle ne pouvait pas vraiment s'en plaindre : tout était de sa faute après tout.

Mais si cette Xion ne possédait plus ses pouvoirs, elle ne risquait pas de revenir à la citadelle, dévoilant à tous la vérité sur son identité et faisant s'effondrer ses plans. C'était un peu réconfortant.

Aeris confirma sa pensée.

« Non, pas plus que tu ne le pouvais quand tu étais dans ton corps habituel. Du moins je ne le pense pas. »

Après cela, la discussion retourna sur le sujet de cette mystérieuse Organisation, sur laquelle Léon ne cessait de lui demander des détails avec insistance.

« Je vous l'ai dit, je ne sais pas encore grand-chose, répliqua Kairi après avoir bu une gorgée de thé. J'essaie de chercher du mieux que je peux, mais je n'ai pas beaucoup de pistes. La citadelle est grande, mais la plupart des salles ont l'air vide, en vérité... Mais tu avais raison de te méfier d'eux : j'ai rencontré leur chef il n'y a pas longtemps. Un certain Xemnas. Il est grand, il a des cheveux argentés, les yeux dorés. Il vous dit quelque chose ? »

Tous ceux autour de la table firent non de la tête. Léon ne manquait pas une seule de ses paroles.

« Ce n'est pas un allié, j'en suis sûre, continua Kairi, les doigts serrés autour de la tasse. Son aura... je n'en avais jamais vue une aussi noire, à part celle d'Ansem. Il... a mentionné Sora.

-Hein ? Qu'est-ce qu'il a dit ?! s'écria Yuffie tandis que Aeris écarquillait les yeux et se redressait soudainement.

-Pas grand-chose, avoua Kairi. Il a dit qu'il avait disparu. La façon dont il en parlait... c'était comme si Sora était loin d'ici.

-Mais, pourtant, ta sorcière a affirmé que Sora était là-bas, non ? signala Yuffie en croisant les bras, l'air confuse.

-Je sais. Je ne comprends toujours pas ce qu'il se passe. Parfois j'ai l'impression... de ne pas avoir fait beaucoup de progrès depuis que je suis là. »

Où était passé sa bonne humeur et son optimisme d'un peu plus tôt ? Kairi soupira.

« Hé, Kairi, dit soudainement Aeris en lui tapotant le bras. Je comprends que ce soit important pour toi, mais sois prudente, d'accord ? Ne prend pas de risque inutile ; si ces gens sont réellement des ennemis comme beaucoup d'éléments l'indiquent, alors le plus important est que tu restes vigilante. »

Kairi hocha la tête. Elle savait parfaitement ce que ses amis pensaient de son plan. Ils la prenaient pour une inconsciente, ce qu'elle comprenait parfaitement.

« Ne t'inquiète pas, tout se passe bien. J'ai bien eu des ennuis il y a quelques semaines, mais ça s'est arrangé.

-Des ennuis ? » répéta Aeris en haussant un sourcil.

Assis devant son ordinateur, les doigts planant au-dessus du clavier, même Cid écoutait attentivement.

« Euh ils se sont rendus compte que je ne possédais pas la Keyblade, expliqua Kairi avec un sourire qu'elle voulait rassurant. J'ai dû passer une sorte d'analyse dans un laboratoire parce qu'ils voulaient comprendre d'où venait le problème. »

Le silence s'installa, tangible. Tous la regardaient avec de grands yeux.

« Et ? osa Léon.

-Ils ne m'ont pas démasquée, ne vous inquiétez pas, se hâta-t-elle d'annoncer en levant les mains. Ils pensent seulement que l'un de leurs ennemis est responsable... »

A ce moment-là, une pensée jaillit dans sa tête.

« A propos ! s'écria-t-elle. J'ai quelque chose à vous demander. L'Organisation a apparemment des problèmes avec un de leurs ennemis : je ne sais pas de qui il s'agit mais il a l'air de leur mettre des bâtons dans les roues. Selon ce Xemnas, il connaîtrait quelque chose sur Sora. Ils est surnommé l'imposteur parce qu'il porte le même manteau que nous... C'est tout ce que je sais sur lui. Est-ce que vous avez une idée de qui il pourrait s'agir ? »

En deux semaines, elle n'avait pas entendu davantage parler de ce mystérieux imposteur. Apparemment, personne ne l'avait vu, à sa grande déception. Elle savait que Xion avait été envoyée en mission par le passé pour l'affronter, bien que cela n'ait pas été une réussite, aussi avait-elle tenté de demander à Saïx de lui laisser une autre chance de l'affronter, pour ne récolter qu'un regard méprisant.

Yuffie, Aeris et Léon échangèrent un regard.

« Jamais vu de gars en manteau noir de ma vie, grommela Cid en se retournant vers son ordinateur.

-Moi non plus ! fit Yuffie en bâillant avec ostentation.

-Je suis désolé, Kairi, mais ta description est plutôt vague, dit Léon, les bras toujours croisés. J'ai déjà à plusieurs reprises remarqué des gens en manteau noir, surtout dans les environs de la vieille forteresse, mais je n'ai aucun moyen de savoir s'ils font partie de cette Organisation où s'ils sont un quelconque imposteur. »

Kairi ne s'était pas vraiment attendue à une réponse positive, mais la déception lui piqua néanmoins le cœur.

« Tant pis, dit-elle avec dépit. Je vais continuer à chercher. L'Organisation lui court après, alors je suppose que j'aurais plus de chances de le trouver comme ça. »

Alors que les tasses de thé refroidi se vidaient, la conversation se calma, s'attardant sur des sujets plus ordinaires : principalement, les quatre autres donnaient des nouvelles de leur monde, qui se remettait lentement sur pied. Yuffie évoqua avec enthousiasme les travaux de rénovation qui allaient bon train, son enjouement modéré par les répliques sarcastiques de Léon, tandis que Cid vantait les mérites de son système de sécurité de la ville qu'il était en train de mettre au point. Quand les premières lueurs du crépuscule s'engouffrèrent par les fenêtres, Kairi se décida à regret à quitter les lieux, ne tenant pas à attirer les soupçons de l'Organisation par une absence trop prolongée.

Quand elle ressortit dans l'air frais du soir, la jeune fille s'attarda pour observer au loin la silhouette obscure et torturée de la forteresse qui surplombait la cité. Elle frissonna tandis que de mauvais souvenirs remontaient à la surface. Des souvenirs de halls froids et sombres, de l'aura suffocante d'Ansem, de la souffrance de Riku, de la présence incertaine de Sora... Elle ne voulait plus y remettre les pieds.

Cependant... comme Aeris l'avait remarqué alors qu'elle les saluait et se préparait à partir, elle se sentait à l'aise dans ce monde. Il lui fallut du temps pour se décider à invoquer un Couloir des Ténèbres. Une sensation rassérénante de familiarité l'enveloppait, différence frappante avec la froideur creuse de la citadelle. Elle se demanda pourquoi elle se sentait ainsi.


Ce soir-là, Kairi repartit dans une de ses excursions nocturnes habituelles. Au bout de longues recherches dans les couloirs et salles vides qui se ressemblaient tous, elle était parvenue à retrouver la porte étrange qu'elle avait décidé d'examiner. La jeune fille sortit de sous son manteau une liasse de feuilles couvertes de lignes noires : elle avait entrepris, après s'être perdue plusieurs fois, de réaliser un plan méticuleux de la citadelle qui avait pris peu à peu forme au fil de ses explorations, couvrant ses feuilles d'un dédale de traits et de notes. A vrai dire, bien que la citadelle était un immense labyrinthe, elle s'était vite aperçue que la plupart de ses salles n'avaient aucun but particulier, existant simplement, délaissées, bien qu'elles soient toutes dotées d'un nom grandiose – elle se demandait toujours qui avait pu se donner la peine de passer toutes ces salles en revue pour leur donner des noms. Jusqu'à présent, les seuls endroits dignes d'intérêt étaient les chambres, le salon où ils se rassemblaient, la salle à manger, les douches, les salles d'entraînement, une petite bibliothèque où elle n'avait jamais croisé personne, le petit magasin où on pouvait se fournir en potions et autres objets utiles pour les missions, et le laboratoire où elle avait passé le test, et où elle ne pouvait pas pénétrer sans code. Elle avait également déniché ce qu'il lui semblait être l'entrée de la citadelle : une ouverture béante qui donnait sur le vide, au-dessus du gouffre lumineux sous la citadelle. Elle avait pris soin de ne pas trop s'en approcher.

Mais en parcourant le dédales de salles désertes à la fonction inconnue, elle avait retrouvé la porte qui tranchait avec le reste de l'architecture du lieu, une porte émettant une étrange lumière rougeâtre. Elle se trouvait dans les hauteurs de la citadelle, sur un balcon qui surplombait une salle. Elle effleura la surface froide du bout des doigts, collant son oreille au battant : selon toute logique, c'étaient dans les hauteurs de la citadelle que se trouveraient les pièces les plus importantes, n'est-ce pas ? Peut-être même là que résidait Xemnas... Si elle cherchait des réponses, celles-ci seraient sans doute détenues là-haut, derrière cette porte. Mais cela signifiait qu'elle devait redoubler de vigilance. Elle n'avait jamais croisé personne durant ses explorations, mais il n'y avait nul doute que les zones les plus importantes étaient plus soigneusement protégées et surveillées.

Comme elle n'entendait rien, Kairi se décida à entrouvrir la porte. A sa grande surprise, celle-ci coulissa sans aucune difficulté : elle s'était à moitié attendue à la trouver fermée.

Elle pénétra dans une petite salle déserte, au plafond bas, étroite car une douzaine de panneaux de pierre, plus grands qu'elle, en encombraient l'espace. Des tuyaux étroits couraient le long des murs, brillant d'un éclat sinistre dans la pénombre comme ils étaient parcourus par une sorte d'énergie rougeâtre, dont la lueur avait émané à travers la porte. Une seconde porte perçait le mur de l'autre côté de la salle, d'où provenaient les tuyaux, mais celle-ci ne comportait aucune poignée et Kairi devina que l'accès lui était probablement interdit.

Elle regarda autour d'elle. Le lieu était étrangement silencieux, pas comme les autres salles de la citadelle, qui étaient insufflées d'un silence creux et vide, mais comme doté d'une sorte de présence cachée, une aura invisible, qui murmurait sans un bruit à son âme. C'était étrange et inconnu, et elle ne sut dire s'il s'agissait ou non d'une bonne sensation. La jeune fille s'avança vers la stèle de pierre la plus proche, se penchant en avant pour l'examiner : il s'agissait d'une stèle gravée de la marque de l'Organisation. Devant elle, sur le sol, était gravé un dessin semblable aux cartes que manipulait Luxord, émanant une lumière bleue un peu sinistre. Étrange...

En poursuivant son inspection, il sauta rapidement aux yeux de la jeune fille que chacune de ces stèles étaient dédiées à chacun des membres de l'Organisation : elle découvrit ainsi rapidement celle de Roxas, qui surplombait la gravure de deux Keyblades. D'autres stèles gisaient cependant en morceaux dans une lueur rouge lugubre. Elle devina à la vue des gravures d'armes inconnues qu'il s'agissait des membres tombés avant son arrivée.

Quand elle eut fait le tour de la salle, elle parvint à la conclusion que ni le chef, ni même cette Xion, ne possédait de stèle personnelle. Étrange... Il était vrai qu'elle avait parfaitement compris que Xion était loin d'être haut placée dans cette Organisation, mais elle pensait qu'elle bénéficiait au moins du même rang que Roxas, qui lui pourtant possédait une stèle. C'était bizarre, et un peu triste d'une certaine manière.

Comme elle n'avait plus rien à explorer, elle sortit une feuille vierge et un crayon et se mit au travail. Il lui vint à l'esprit qu'elle n'avait aucune idée du nom de cette salle. Elle regarda autour d'elle. Une pensée dérangeante lui vint en tête, faisant dresser les poils sur sa nuque : ces rangées de stèles ressemblaient en tous points à des pierres tombales, maintenant qu'elle y pensait.

Un chuintement soudain s'éleva et Kairi sursauta violemment. La porte du fond était en train de s'ouvrir ! Les mains tremblantes, elle eut tout juste le temps d'enfoncer son matériel dans sa poche avant que les battants ne coulissent, livrant passage au nouveau venu.

Ce dernier n'était autre que – elle retint une grimace – Xigbar. Il entra dans la pièce d'une démarche nonchalante, étirant ses bras au-dessus de sa tête et se figea net quand il l'aperçut. Différentes expressions passèrent rapidement sur ses traits avant que son large sourire moqueur habituel ne s'y installe.

« Mais c'est la poupée ! ricana-t-il. Qu'est-ce que tu fais ici à une heure pareille ?

-Hum... »

Kairi ne savait que répondre à cela aussi se contenta-t-elle d'un sourire gêné. Heureusement, Xigbar n'avait pas l'air particulièrement choqué de la trouver ici et il s'avança d'une démarche tranquille tandis que les portes se refermaient en claquant dans son dos.

« Tu fais une petite promenade nocturne ? Je te comprends, c'est vrai que le travail peut être un peu monotone. Je pense pas que tu puisses aller bien loin cependant. »

Il pointa du pouce derrière lui.

« C'est pas pour les simples membres là-bas. Ce sont les appartements de Xemnas, si tu veux savoir. Tu n'as rien à y faire. C'est dommage, mais il va falloir que tu fasses demi-tour, poulette ! »

Il avait l'air plutôt de bonne humeur et ne semblait pas vouloir lui causer des ennuis, aussi Kairi se détendit-elle légèrement. Comme il semblait enclin à discuter, elle ouvrit la bouche.

« Euh... est-ce que vous savez ce que... »

Xigbar la prit de vitesse.

« Tu te demandes ce que c'est cette salle, hein ? Comme si ça te concernait ! Mais je suis de bonne humeur aujourd'hui, et je veux bien te le dire. On l'appelle la Preuve d'Existence. Tu vois ces stèles ? On pourrait dire qu'elles sont liées à notre existence, qu'elles sont la preuve que nous sommes en vie.

-C'est pour cela que certaines sont brisées ? devina Kairi qui n'était pas sûre de comprendre ce que l'autre racontait. Parce que ce sont ceux qui ont été...

-Exactement ! rigola Xigbar. Elles sont tombées en morceaux quand ils se sont évaporés. Normalement, ces stèles conduisent à des salles dédiées à chacun des membres, qui ne leur appartiennent qu'à eux, mais la plupart ne s'y rendent jamais. Quelle tristesse... Après tout le trouble que Xemnas a eu pour concevoir cet endroit...

-Hm... Je vois », répondit-elle poliment.

Le sourire de Xigbar s'élargit soudain.

« Tu te demandes pourquoi tu ne possèdes pas de stèle, hein ? A ton avis, poupée ? »

Mal à l'aise, Kairi détourna les yeux. Elle n'aimait guère la façon dont certains membres la traitaient, et ainsi traitaient Xion.

Comme elle ne répondait pas, Xigbar soupira en marmonnant une plainte sur son manque d'humour et reprit son chemin vers la sortie de la salle. Alors qu'il la dépassait, il se tourna vers elle, tout sourire disparu.

« Tu ferais mieux de partir d'ici. Tu n'as rien à y faire. »

Une lueur soupçonneuse brillait dans ses yeux, aussi Kairi se résigna-t-elle à le suivre hors de la salle. Après tout, il était vrai qu'elle ne pouvait pas aller plus loin.

Quand elle referma la porte derrière elle, la voix de Xigbar s'éleva à nouveau.

« Selon Saïx, tu aurais pris des nouvelles de l'imposteur, n'est-ce pas ? Tu le prends mal d'avoir perdu la dernière fois ? Et bah, devine quoi ? Il a enfin été aperçu par l'un de nos Reflets. »

Kairi se figea. Elle se retourna vers lui et il la dévisagea avec un grand sourire mais des yeux rusés.

« Et... où est-il ? » demanda-t-elle, bien qu'elle ne soit pas assez naïve pour penser qu'il allait lui fournir une réponse aussi facilement.

Comme elle s'y attendait, il émit un petit rire.

« Pourquoi, tu veux allez l'affronter ? Sans ta Keyblade ? Tu feras pas long feu. Ne t'inquiète pas pour ça, c'est pas comme si Saïx avait l'intention de te réenvoyer l'affronter après le fiasco de l'autre fois. Mais je pensais que tu serais ravie de l'apprendre vu ta rancune envers lui. »

Kairi soupira bruyamment pour marquer son agacement. Mais elle n'avait pas dit son dernier mot : elle harcèlerait Saïx jusqu'à ce qu'il lui donne une chance, si nécessaire, quitte à accompagner un autre membre.


Quelle est mon existence ? En ai-je seulement une ?

Est-ce que je possède une âme ?

Quel est mon but ? Qu'est-ce que je désire ? Est-ce que j'ai un destin ? Ou ne suis-je qu'une parcelle de celui de Sora ?

Et... qu'est-ce qui me rattache à l'Organisation ? Leur dois-je ma loyauté, après avoir découvert cela ? Ou la dois-je à... Sora ?

Telles étaient les pensées qui défilaient dans la tête de Xion, tandis qu'elle errait sans but entre les buissons du jardin abandonné. Les feuilles mortes et les brindilles craquaient sous ses pas, les ronces éraflaient ses jambes nues, mais elle ne s'en rendait même pas compte, absorbée par les doutes et les réflexions qui coulaient dans son esprit, se répétant en boucle sans interruption.

Parce qu'elle ne savait pas. Elle ignorait que répondre à toutes ces interrogations. Elle ne savait même pas ce qu'elle devait faire, ce qu'elle voulait faire à présent. Sora était là, elle avait été conduite à lui. Elle pouvait y retourner et achever son destin. Rien ne l'en empêchait...

Pourtant, elle était toujours là après plusieurs jours. Elle ne s'était pas rendue dans le sous-sol. Quelque chose la retenait, mais quoi... ?

« Naminé. »

Xion se retourna. Une fois encore, elle ne l'avait pas entendu s'approcher, mais elle ne ressentit aucune peur ou surprise. Elle ne ressentait rien depuis plusieurs jours.

Riku se tenait quelques pas plus loin, le visage neutre comme d'ordinaire. Elle nota distraitement, cependant, qu'une légère égratignure rouge vif zébrait sa joue, qui n'avait pas été là la dernière fois qu'elle l'avait vu.

Silencieuse, Xion attendit qu'il parle.

« Je suis désolé, dit-il.

-Tu n'as rien découvert », fit-elle d'une voix atone.

Ce n'était qu'une constatation.

Il se frotta la joue, comme si sa blessure à peine cicatrisée le démangeait.

« Je suis tombé sur un groupe de Reflets, expliqua-t-il, pensant qu'elle se posait des questions sur cette dernière. Rien de grave, ils n'ont pas fait long feu. J'ai aussi repéré un des membres en mission, mais il a disparu avant que j'ai eu le temps de le suivre. Au moins, je connais l'un des mondes où ils opèrent à présent. »

Xion se contenta de hocher la tête. Elle se demanda distraitement quel était celui que Riku avait aperçu, et si l'Organisation la cherchait à présent, mais elle se rendit compte que l'absence de réponse ne lui faisait ni chaud ni froid.

Bien que... il était vrai qu'elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce que faisaient Roxas et Axel à présent. S'inquiétaient-ils de sa disparition ? Roxas devait probablement être mort d'inquiétude, non ?

Elle chassa ces pensées quand Riku reprit la parole.

« Et toi... est-ce que... ? » demanda-t-il, un peu maladroitement, comme s'il avait perdu l'habitude de s'inquiéter à haute voix pour les autres.

Elle lui jeta un regard impassible.

« Tu sais bien que je ne peux rien faire. Pas sans eux. »

Riku soutint son regard pendant quelques secondes puis ses lèvres bougèrent.

« … Je sais. Nous n'avons pas le choix, donc. DiZ m'en a parlé tout à l'heure.

-Non, nous n'avons pas le choix », répéta Xion d'une voix vide.

Elle détourna la regard. Elle ne savait même pas pourquoi elle jouait le jeu.

Quand elle retourna la tête vers lui, elle constata que Riku avait baissé ses yeux vers ses mains, les lèvres étroitement serrées.

« Je vais sans doute avoir besoin du pouvoir des Ténèbres dans ce qui nous attend, marmonna-t-il. Je ne sais pas... Je ne sais pas ce qui se passera par la suite. »

Il releva la tête, croisant manifestement son regard.

« Tu te souviens de ce que tu m'avais dit la dernière fois ? De ne pas craindre les Ténèbres en moi, car elles sont une partie de moi. Je ne sais plus si je t'avais remercié pour ce conseil précieux. Si ce n'est pas le cas, alors merci. Sincèrement. »

Il n'avait pas terminé cependant, et Xion le dévisagea avec un regard curieux. Riku fronça les sourcils.

« Mais... Je ne suis pas certain pour autant que ce qui va suivre ne va pas laisser de traces en moi. C'est pourquoi... »

Il s'avança vers elle et elle le laissa faire. Les sentiments de rancœur et de dégoût qui avant s'enflammaient en sa présence s'étaient éteints à présent, comme le reste. Ou peut-être étaient-ils toujours là, enfouis sous l'état de profond abattement qui maintenait sa prise sur elle depuis plusieurs jours. Quand il s'arrêta devant elle, la tête baissée vers elle, Xion lui retourna son regard sans un mot. A présent, Riku était à la fois comme un étranger dont elle n'avait aucune raison de se soucier, et une personne familière, qu'elle avait toujours connue.

Elle l'entendit prendre une profonde inspiration.

« J'ai l'intention de retrouver Xion et Roxas, dit-il, et de les amener ici. J'utiliserai tous les moyens à ma disposition pour y parvenir. Je n'échouerai pas, sois-en assurée. La situation ne peut plus continuer ainsi, DiZ a raison. Je suis désolé d'avoir pris autant de temps. »

Xion ne réagit pas quand il la serra brièvement dans ses bras, touchant à peine ses épaules, avant de se détourner et de s'éloigner sans un mot.