Chapitre publié le 15 juin 2018.
J'ai remanié mon plan et pour l'instant, 43 chapitres sont prévus, ce qui signifie que j'ai dépassé la moitié maintenant, hourra ! J'espère la finir avant fin 2018, mais il va falloir que je me secoue un peu.
Chapitre 22 : L'imposteur
Naminé laissa le bout de son crayon courir sur le papier, l'effleurant sans y laisser de trace. Elle fixa la page de son cahier à dessin, où ne reposaient que quelques croquis à moitié achevés. A quoi bon ? Elle avait tout essayé. Il y avait une raison pour laquelle Marluxia, pour mettre au point son plan, avait combiné ses pouvoirs à l'essence du Manoir Oblivion. Il y avait une raison pour laquelle Sora avait été en sécurité jusqu'à ce qu'il en franchisse les portes. Le don de Naminé était certes extraordinaire, mais il n'était pas non plus tout puissant.
« Oh, wouha ! C'est magnifique ! »
Tirée de ses réflexions, Naminé releva la tête. La fille de la dernière fois – Serah, elle se souvenait – s'était approchée de son bureau sans qu'elle s'en aperçoive et regardait à présent les dessins qui ornaient les pages du cahier ouvert sur ses genoux.
« Tu dessines très bien ! lui dit-elle avec un grand sourire. Tu prends des cours de dessin ?
-Euh, merci », répondit Naminé, un peu perplexe.
Serah remarqua sa gêne car elle rit et s'écarta d'un air embarrassé.
« Désolée, je ne voulais pas t'embêter. J'avais remarqué que tu étais restée à ta place pendant la pause et je me demandais ce que tu faisais.
-Oh, c'est vraiment mignon ! »
Une autre fille, dont Naminé ignorait le nom, les avait rejointes, probablement intriguée par leur discussion, et se penchait à son tour vers le cahier devant une Naminé interdite.
« Tu dessines mieux que d'habitude ! C'est incroyable ! Oh, excuse-moi ! » dit-elle soudain en levant une main vers sa bouche, réalisant que ses mots n'étaient guère flatteurs.
Quelques autres élèves demeurés dans la classe pendant la pause entre les deux heures de français regardaient à présent dans leur direction, et certains se dirigeaient déjà vers elles, les entourant avec curiosité. Naminé sentit le rose lui monter aux joues alors qu'elle se retrouvait au centre de l'attention. Elle n'était pas vraiment habituée à susciter autant d'intérêt positif.
Naminé ouvrit le tiroir. Une pile de papiers et de cahiers, dans lesquels étaient enfouies des babioles colorées en tous genres, accueillit son regard. Elle sortit délicatement une petite figurine d'un personnage probablement issu d'un film quelconque, et trois boîtiers de jeux vidéo qui se cachaient entre les feuilles et les plaça précautionneusement de côté avant de se pencher au-dessus du tiroir et de soulever les piles de papiers les unes après les autres.
Elle répugnait encore un peu à s'introduire de la sorte dans la vie privée de son double, mais elle n'avait plus trop le choix si elle devait continuer cette vie. Au départ, elle devait seulement retrouver l'un des cours de son originale qui manquait à l'appel, et puis la curiosité avait fini par l'emporter et elle avait laissé s'envoler son après-midi de dimanche pour explorer la chambre dans laquelle elle résidait à présent – qui aurait pu être la sienne si elle n'avait jamais quitté Kairi. Elle avait un peu honte, mais elle y trouvait de l'amusement.
Elle s'était plongée avec un sourire rêveur dans les marques qui témoignaient des quinze années de vie de la jeune fille. Des romans à la couverture épaisse et aux pages jaunies et d'autres qui n'avaient que quelques années, tantôt lourds, tantôt fins. Des jeux vidéo jetés pêle-mêle dans ses tiroirs. Des disques de musique. Des carnets couverts de notes en l'écriture fine de Kairi. Des crayons de couleur et des boîtes de peinture dont le nombre et l'état indiquaient que leur propriétaire s'en était beaucoup servi. Des coquillages, aussi, beaucoup de coquillages, de formes diverses et tous plus beaux les uns que les autres, que Kairi avait dû ramasser sur la plage au fil des années, mais Naminé savait que Sora et Riku lui en avaient également offert bon nombre.
Ces derniers jours... s'étaient bien passés. Elle s'était peu à peu habituée à sa nouvelle vie avec une facilité presque gênante. Parler avec ses parents, discuter avec Selphie, suivre la routine quotidienne d'une jeune lycéenne de quinze ans était devenu de plus en plus naturel et elle en avait été la première surprise : c'était comme si cet environnement qu'elle n'avait connu que dans des souvenirs qui n'étaient pas les siens lui étaient profondément familiers, ses gestes déjà habitués à ce monde et son corps comme marqué de l'essence de celui-ci.
Tout allait si vite qu'elle craignait presque d'oublier qu'elle n'était pas Kairi.
Sentant une pointe de culpabilité percer à nouveau son cœur, Naminé promena ses yeux autour d'elle à la recherche inconsciente d'un élément pour se distraire. Son regard tomba sur une vieille photographie glissée entre les pages d'un roman en guise de marque-page, et qui venait de s'en échapper pile à cet instant.
Il s'agissait d'une simple photographie comme elle en avait découvert des dizaines dans la chambre de la jeune fille. Un groupe d'enfants, dont elle reconnu immédiatement Kairi et Riku, fixaient l'objectif en souriant, éblouis par le soleil de plomb qui frappait la plage. Elle traça du doigt l'ombre légère qui subsistait à l'emplacement où s'était trouvé originellement Sora, formant comme un vide entre Kairi et Riku. Effacé du cœur de la propriétaire de ces photographies, il avait disparu sans laisser de trace des témoignages de leur passé commun.
Il lui vint soudain à l'esprit que Sora avait dû se sentir incroyablement seul quand il avait perdu tous ces souvenirs. Et c'était elle qui en était directement la cause.
Naminé releva la tête et jeta un regard vers le lit en se mordant la lèvre. Le carnet à dessin y gisait, clos, abandonné près la table de nuit. Malgré tous ses efforts, elle n'était parvenue à atteindre Sora. Tant de temps perdu, et aucun progrès... Pour la première fois, elle avait même ressenti en elle l'envie de balancer son instrument de travail à travers la pièce. Depuis, la jeune fille avait hésité à rouvrir le carnet.
Un lourd soupir lui échappa et elle replaça la photographie à sa place entre les pages du livre, plus d'humeur à contempler la vie de son double. Elle se releva de sa position accroupie et parcourut la chambre silencieuse du regard, cherchant quelque chose. Elle avait envie de quelque chose mais sans savoir quoi.
A cet instant, le téléphone de Kairi posé sur le bureau sonna, délivrant une musique harmonieuse qui emplit la pièce. Naminé hésita une fraction de seconde, la main à moitié tendue vers l'objet, puis le porta à son oreille.
« Allô ?
-Ah tu as répondu, génial ! »
C'était Selphie.
« Selphie ? Tout va bien ? demanda doucement Naminé en s'asseyant sur le lit, collant l'appareil à son oreille de ses deux mains.
-Hein ? Bien sûr pourquoi ? Euh je te dérange pas, j'espère ?
-Non, tu ne me déranges pas. »
Sa réponse parut déconcerter légèrement l'autre fille car Naminé entendit sa voix dérailler presque imperceptiblement.
« Parfait ! Je voulais te demander si ça te disait de venir chez moi ce soir. Avec Serah, on a décidé de faire une soirée cinéma-révisions ! »
Naminé hésita et Selphie se hâta d'ajouter :
« Tu fais comme tu veux, si t'as pas envie de venir... c'est comme tu veux ! Mais je pensais que ça te ferait du bien de sortir de chez toi un peu... Et puis Serah aussi a vraiment envie que tu viennes ! »
Serah... Il était vrai que la camarade de classe de Kairi semblait s'être prise d'affection pour Naminé depuis leur discussion à la cantine, le jour de son arrivée à l'école. Naminé se contentait en général de sourire et de répondre quand elle le devait, ne sachant pas très bien qu'elle était la relation entre les deux filles.
Mais Serah était gentille et avait fait preuve de beaucoup de patience avec elle depuis son arrivée. Le moins qu'elle puisse faire était de lui rendre la pareille, n'est-ce pas ? Et puis, elle avait passé presque tout le week-end dans sa chambre. Elle ne s'était pas posée la question ; au Manoir Oblivion ou à celui de la Cité du Crépuscule, elle passait ses journées entre quatre murs, parfois sans même quitter sa chambre. Mais maintenant qu'elle était libre d'aller et venir comme elle le souhaitait, qu'elle avait goûté à cette nouvelle liberté, elle s'y était attachée sans même s'en apercevoir.
Naminé revint sur terre quand elle s'aperçut avec quelques secondes de retard que Selphie avait continué :
« … et comme bien sûr le prof nous a mis un contrôle pour mercredi, en plus j'ai rien compris à son cours ! Je pense qu'on pourrait essayer de travailler un peu ensemble pour être au point d'accord ? Oui, je sais, tu te dis sans doute que c'est bizarre que je travaille autant pour un contrôle, mais j'ai décidé qu'au lycée j'aurai de bonnes notes. Enfin... Alors, tu en dis quoi ? Tu vas venir ?
-Oh, d'accord », répondit Naminé sans réfléchir.
La voix enjouée mais un brin surprise de Selphie s'éleva à nouveau du combiné tandis que la jeune fille réalisait ce qu'elle venait de dire. C'était trop tard pour refuser à présent.
« Parfait ! Alors tu peux venir pour six heures et demi ? Mes parents ne sont pas là, mais t'inquiète, ça ne les dérange pas. Oh, et tu aimes la tarte aux pommes j'espère ? Mon père en a fait une et il en reste plein. »
Après lui avoir affirmé que oui, en effet, elle aimait la tarte aux pommes – du moins elle ne pensait pas la détester – et assuré qu'elle serait là à l'heure indiquée, Selphie repartit à ses affaires et Naminé mit fin à l'appel d'un geste absent.
C'était la première fois qu'on l'invitait à une quelconque sortie ou soirée, bien entendu. Elle se demanda distraitement s'il y avait quelque code social qu'elle se devait de respecter. Devait-elle emmener quelque chose, par exemple ?
Elle réalisa alors qu'elle n'avait aucune idée de l'adresse de Selphie.
Oh, et bien. Ce ne devrait pas être si difficile à trouver.
Une branche craqua sous son poids et Kairi tressaillit malgré elle. A son côté, Roxas ne broncha même pas, gardant une attention soutenue vers les ténèbres qui s'étendaient devant eux.
Elle réprima un soupir et fit de même, un sort sur le bout des doigts, l'oreille à l'affût. Les yeux entraînés de Xion perçaient les ténèbres avec une aisance relative, mais avaient tout de même leurs limites en ces bois si obscurs dont l'épais feuillage leur dissimulait le ciel étoilé par une voûte remplie de craquements et de frissonnements, et depuis le début de leur mission elle avait la désagréable impression de sentir des regards hostiles et invisibles cribler son dos depuis les fourrés. Comme elle avait hâte de retrouver les couloirs de la citadelle et la blancheur familière de sa chambre...
C'était leur nouvelle mission, retrouver et éliminer un Sans-cœur très dangereux qui apparemment errerait dans les parages, bien qu'ils n'en aient toujours pas découvert la moindre trace, et Kairi était plus que soulagée que son partenaire soit de nouveau Roxas. Elle n'aurait pas supporté la compagnie de quelqu'un comme Xigbar ou Xaldin dans les bois obscurs et inquiétants au sein desquels se dressait le château de Belle et de la Bête. Ils devaient être un endroit agréable en pleine journée, quand résonnaient les chants d'oiseau, mais la nuit...
Roxas lui jeta un rapide coup d'œil soucieux sous la capuche qu'il avait rabattu sur sa tête et elle s'efforça de lui répondre d'un sourire rassurant, tandis qu'ils continuaient d'avancer en silence en prenant garde du mieux qu'ils le pouvaient de là où ils posaient leurs pieds. La jeune fille réprima un frisson, regrettant l'impossibilité d'invoquer de la lumière bien chaude par risque de dévoiler leur position à tous les ennemis aux alentours : il faisait froid et elle était glacée jusqu'aux os. Il avait plu récemment et les morceaux de bois et de roche qui jonchaient le sol de la forêt glissaient sous leurs pieds alors qu'ils pataugeaient dans la terre humide, voire dans des flaques visqueuses, éclaboussant le bas de leur manteau de longues traînées de boue, et des gouttelettes d'eau tombaient encore des feuilles par intermittence, s'écrasant avec un ploc dans les ténèbres autour d'eux, ou sur leurs propres joues avec froideur – elle aurait souhaité imiter l'exemple de Roxas et enfiler sa propre capuche, mais le tissu noir gênait malheureusement sa visibilité. La jeune fille manqua sursauter quand, à ce moment-même, comme ayant lu ses pensées, une goutte glaciale frappa son nez.
Elle frissonna à nouveau et retint un cri quand le talon de sa botte dérapa sur une pierre boueuse, manquant l'envoyer à terre. Oui, elle détestait ces bois.
Même dans l'obscurité régnante, sa morosité dut se lire sur son visage car Roxas lui envoya un regard plein de sympathie.
« On ne devrait plus être très loin », murmura-t-il avec l'intention évidente de la rassurer.
Cela devait bien faire plusieurs heures qu'ils marchaient ainsi, et autant de fois qu'il lui avait assuré cela. Il crevait les yeux qu'ils n'avaient fait aucun progrès.
Roxas sentit son découragement et poursuivit :
« Je sais que ce n'est pas une mission très réjouissante, mais il faut rester vigilant ! Ce Sans-cœur pourrait être tout près...
-Je sais », soupira Kairi.
Elle jeta un regard à la ronde, aussi loin que l'obscurité et les épais fourrés le lui permettaient. Elle se sentait perdue au sein de cette forêt immense, et le découragement commençait à lui peser.
« Pourquoi ne pas se séparer ? suggéra-t-elle soudain, tout en ayant conscience au moment où elle prononçait ces mots que c'était une très mauvaise idée. On aura deux fois plus de chances de trouver notre cible.
-Tu crois ? demanda Roxas d'un ton hésitant. Je ne suis pas sûr que ce soit très prudent.
-Oh, il suffira de prévenir l'autre quand on l'aura retrouvé ! Bien sûr, il serait imprudent de l'attaquer tout seul, mais si l'un d'entre nous le trouve, il pourra avertir l'autre ! Ce sera plus rapide comme ça.
-D'accord, mais comment je ferai pour te prévenir si je tombe sur ce Sans-cœur ? Je ne saurai même pas où tu es !
-Hmm... »
Kairi croisa les bras, réfléchissant, jusqu'à ce qu'elle eut une idée qui lui parut lumineuse.
« Celui qui découvrira où se cache le Sans-cœur n'aura qu'à envoyer un jet de feu dans le ciel pour indiquer sa position ! »
Roxas ne parut pas très convaincu.
« Mais le Sans-cœur aussi va le repérer comme ça... C'est trop dangereux.
-Oh... Bon, je suppose que celui qui trouve le Sans-cœur n'aura qu'à rester caché quelques instants le temps que l'autre le rejoigne, tout en ne perdant pas la cible des yeux, avança Kairi, qui avait plus que tout envie d'en finir avec cette mission et de retourner à la citadelle. De toute façon, on n'a pas d'autre choix, non ? Qu'est-ce que t'en dis ? »
Il était évident que Roxas n'aimait pas son plan mais lui aussi semblait céder sous le poids du stress et de l'inconfort de leur mission, aussi acquiesça-t-il finalement.
« D'accord, hum... Tu n'oublies pas d'envoyer un signal si tu trouves le Sans-cœur d'accord ? lui rappela-t-il nerveusement.
-Bien sûr ! lui assura-t-elle. Et je compte sur toi pour venir au plus vite ! »
Il eut un sourire anxieux puis se détourna, choisit une direction, et s'éloigna après un dernier regard vers elle.
Kairi le regarda disparaître dans les fourrés obscurs. Quand les craquements des brindilles et des branches sur son passage se furent tus, alors commença-t-elle à regretter son idée qui lui avait paru merveilleuse sous la fatigue et l'impatience. Les ténèbres glaciales et silencieuses de la forêt semblaient désormais se resserrer avidement sur elle, et elle frissonna, la nuque raide, avant de se forcer à continuer à avancer dans la direction opposée à celle qu'avait empruntée Roxas. Elle avait parfaitement conscience qu'elle ne pouvait plus compter que sur elle si elle venait à faire une mauvaise rencontre.
En réalité, son exploration fut bien plus tranquille que ce qu'elle avait craint, mais n'en était pas moins stressante. Son cœur battait si fort qu'elle avait l'impression qu'il allait jaillir de sa poitrine, et elle supportait de moins en moins de rester constamment sur le qui-vive, sursautant au moindre craquement, un sort sur le bout des doigts. Elle serait presque soulagée de se faire attaquer, ne serait-ce que pour relâcher un peu de sa tension dans le combat. L'attente, la peur du danger, étaient encore pires.
Mais il semblait que cette nuit-là, ils étaient seuls dans les bois. Cela devait bien faire une demi-heure qu'elle avançait, et elle n'avait encore pas discerné l'ombre d'un Sans-cœur, pas même l'un des plus communs.
Des plantes épineuses s'agrippèrent aux pans de son manteau, cédant avec réticence quand elle força sur sa jambe. A cet instant, un craquement brisa le silence de la forêt, s'élevant quelque part en avant d'elle dans l'obscurité.
Kairi se figea, les mains à moitié levées, prête à invoquer un sort de brasier. Son cœur cognait dans sa poitrine et elle s'efforça de calmer sa respiration pour ne pas trahir sa présence.
Quelque chose bougea dans les ténèbres au loin.
Aussi vive que l'éclair, Kairi se glissa derrière le tronc massif de l'arbre le plus proche. Indifférente aux épines d'un buisson qui lui chatouillaient le visage, la jeune fille se pencha sur le côté avec lenteur, ses yeux scrutant les ténèbres avec une attention décuplée.
Pendant de longues secondes, elle ne discerna rien. Et puis elle faillit laisser échapper un cri de surprise quand une silhouette toute de noir vêtue jaillit de la pénombre sur le sentier étroit et spongieux qu'elle allait emprunter, le traversa en deux grandes enjambées et s'enfuit dans les fourrés avant qu'elle ait pu cligner des yeux.
« Roxas ? »
Kairi sortit précipitamment de sa cachette et parcourut la distance la séparant du buisson dans lequel l'autre venait de s'engager. Elle l'aperçut fuir à toutes jambes à travers la forêt, à moitié masqué par les arbres. Pas de doute, il s'agissait bien du manteau de l'Organisation... Etait-il tombé sur un ennemi plus fort que lui ? Mais pourquoi n'avait-il pas appelé à l'aide ?
La silhouette se fondit dans l'obscurité, laissant une Kairi indécise fixer les ténèbres pendant quelques secondes avant de se lancer à sa poursuite.
« Roxas ! Attends-moi ! Tu as trouvé quelque chose ?! »
Personne ne lui répondit et Kairi força l'allure, craignant de l'avoir perdu, s'emmêlant les pieds dans le tapis végétal glissant qui répugnait à la laisser passer. Un cri lui échappa quand elle glissa soudainement et atterrit brutalement sur le dos, mais elle se reprit aussitôt avec une grimace de douleur. Un animal siffla dans la pénombre et s'enfuit à son approche, mais elle n'avait de yeux que pour la silhouette sombre qui courait loin devant elle, toujours sur le point d'être perdue de vue derrière les troncs obscurs. Il était sans doute trop loin pour pouvoir l'entendre avec le tissu recouvrant ses oreilles. Elle espérait qu'il ne lui était rien arrivé de grave...
Roxas disparut à sa vue et elle redoubla l'allure. Elle comprit son erreur quand le sol se déroba sous ses pieds et qu'elle fut précipitée le long d'une pente à l'herbe luisante de pluie avant de pouvoir réaliser ce qu'il se passait.
« Aïe... »
Une odeur de terre humide la prit à la gorge et elle entrouvrit un œil. Elle gisait de tout son long face contre terre, couverte de boue, et pour ajouter à sa malchance, une pluie fine et hésitante commençait à tomber. Un peu agacée, Kairi se redressa avec précaution et regarda autour d'elle.
Elle avait glissé jusqu'au fond d'un petit affaissement de terrain, une petite crevasse d'environ vingt mètres de diamètre entourée de pentes dont le degré allait d'une légère inclinaison à une petite falaise en face d'elle. De grosses flaques boueuses s'étaient formées autour d'elle, comme la voûte feuillue était ici plus espacée, constituée uniquement par les arbres au sommet des pentes.
Inutile de dire que Roxas n'était nulle part en vue.
« Et zut... ! »
Un bruit s'éleva près d'elle, sans lui laisser le temps de finir sa phrase. C'était le genre de bruit qu'elle avait guetté depuis le début de la mission.
Son corps réagit aussitôt. Elle bondit sur ses pieds et fit un bond en arrière, s'écartant vivement du Sans-cœur qui avait émergé du sol à quelques centimètres d'elle. L'Ombre se figea, la tête inclinée sur le côté, comme perplexe devant sa vivacité, et elle mit à profit ce temps pour préparer un sort de brasier entre ses doigts. Mais alors qu'elle était sur le point de l'envoyer à son ennemi, un mouvement attira son regard et elle faillit en lâcher la boule de feu.
De la boue émergeaient de petites formes grouillantes, au corps de ténèbres et aux yeux de braise. Ce n'étaient que des Ombres, mais elles arrivaient en masse, se multipliant en un clignement d'œil. Quelle malchance. Elle n'avait pas rencontré de Sans-cœur depuis le début de sa mission et voilà qu'elle tombait sur un nid !
Son sort de brasier servit à éliminer les Sans-cœur les plus proche et elle enchaîna immédiatement avec un sort de glace en utilisant l'eau qui recouvrait le sol, débarrassant le terrain de la moitié de ses ennemis, mais de nouveaux prirent aussitôt leur place. Kairi recula en jetant un regard derrière elle. La pente ruisselante qu'elle avait dévalée n'était qu'à quelques pas, mais les Sans-cœur semblaient bien décider à lui barrer le passage.
Mais elle allait y arriver seule.
Trois sorts de brasier plus loin, et les Sans-cœur semblaient toujours revenir sans se décourager, alors que la puissance de ses sort faiblissait. Elle était à court d'énergie magique, et prit quelques secondes pour sortir un éther de sa poche d'une main tremblante. Ses ennemis, eux, n'attendirent pas. Elle avait à peine fait couler les premières gouttes du liquide argenté dans sa gorge que l'un d'eux se jeta sur elle et avec un sursaut, elle laissa échapper sa bouteille qui roula sur le sol tandis qu'elle repoussait le monstre d'un revers de main.
Roxas devait être loin désormais.
« Et zut ! » s'écria-t-elle, cédant à son irritation en décochant un jet de flammes devant elle, désintégrant une quinzaine de monstres.
L'un d'eux se saisit de sa botte. Deux autres s'approchaient par derrière, bien qu'elle les ait aperçus. Et des dizaines d'autres naissaient du sol, grouillant comme une colonie de fourmis géantes, la fixant de leurs yeux affamés tout en convergeant vers elle, sentant sa peur montante tandis que la jeune fille réalisait subitement que la situation était bien plus compliquée que prévu.
Et ce fut alors qu'un cri perçant s'éleva dans le lointain, un cri qu'elle reconnut aussitôt.
« Roxas ?! » s'écria-t-elle en se figeant une fraction de seconde, une fraction de seconde de trop car une Ombre en profita pour bondir sur son dos et l'attraper par les cheveux.
« Espèce de... lâche-moi ! »
Elle parvint à agripper son opposant avec tant de force qu'il lâcha prise, l'envoyant voler à l'autre bout du petit fossé, mais les autres bondissaient à leur tour vers elle, et elle n'avait plus assez d'énergie magique pour se débarrasser de tous ses assaillants...
« C'est pas vrai... ! »
Quelque chose montait en elle, comme si son cœur commençait à se réchauffer, comme une sensation de courage et de détermination comme elle n'en avait jamais senti... et alors que la horde grouillante se refermait sur elle, elle enfouit son visage dans ses mains et ferma les yeux...
Une lumière vive, pure et aveuglante, perça à travers ses paupières closes. La jeune fille se replia davantage sur elle-même, certaine de sentir d'une seconde à l'autre les griffes des Sans-cœur déchirer sa peau... Mais quand rien ne vint, quand ne s'élevèrent que les cris de détresse des monstres en un chant sinistre, elle entrouvrit les yeux et en resta bouche bée.
Le bois baignait dans une lumière chaude et immaculée, qui pénétrait les arbres et réchauffait la chair et au contact de laquelle les monstres se désintégraient en une bouffée de poussière, délivrant leur cœur. Tout autour d'elle, les Ombres refluaient dans la plus grande panique, se fondant dans la terre avec la volonté d'échapper à la lumière étrange qui, il n'y avait pas de doute, émanait de son propre corps.
« C'est moi qui... ? » murmura Kairi, stupéfaite.
Aussi vite qu'elle était venue, la lumière reflua quand le dernier monstre eut disparu et Kairi posa la main sur son cœur, sentant encore la chaleur familière qui l'avait environnée. L'obscurité et le silence s'installèrent à nouveau dans les bois, mais la jeune fille se sentait étrangement sereine.
« Je ne savais pas... Je ne savais pas que je pouvais faire ça », marmonna-t-elle.
Après tout, il était vrai que son statut de Princesse de cœur devait bien lui conférer quelques avantages, non ? Elle aurait pu s'en douter... Elle esquissa un sourire. Il était rassurant de savoir qu'elle n'était pas si sans défense que cela, finalement.
La situation présente lui revint soudain en mémoire, brisant la tranquillité de sa victoire et de sa découverte subite.
« Roxas ! » s'écria-t-elle en écarquillant les yeux.
En quelques secondes, elle avait laissé de côté sa toute dernière aventure et s'était lancée à l'assaut de la pente boueuse, l'escaladant avec force glissements et pataugements. Quand elle se fut hissée hors du fossé, elle regarda autour d'elle avec inquiétude, cherchant le moindre signe de son ami.
« Roxas ! » cria-t-elle encore, sans recevoir la moindre réponse.
Où était-il passé ? Il ne devait pas être loin non ?
Elle s'apprêtait à s'engager dans ce qui lui semblait vaguement être la direction vers laquelle elle avait entendu le cri quand une lumière vive déchira le ciel noir dans une bourrasque de flammes. Surprise, Kairi leva les yeux pour apercevoir un jet de flammes s'élever dans les cieux en rugissant.
Il l'avait trouvé. Roxas avait trouvé leur cible, et il était proche.
Kairi ne perdit pas une seconde pour voler à son aide et se précipita à toutes jambes dans la direction indiquée, dérapant sur la terre boueuse, se protégeant d'une main le visage des branches basses et griffues qui tentaient de la saisir. Un silence oppressant s'était abattu sur la forêt, et il n'avait rien pour la rassurer. Elle n'entendait pas de bruit de combat, cela voulait-il dire que le Sans-cœur n'avait pas entendu son ami ? Ou Roxas était-il si blessé qu'il ne pouvait plus se battre ? Elle repoussa cette pensée glaçante et força l'allure, rebondissant contre le tronc d'un arbre et sautant à bas d'une pente courte.
« Vite... murmura-t-elle entre ces dents. Je ne dois plus être très loin... »
Ce fut à cet instant qu'elle l'aperçut de nouveau. Loin entre les arbres, courant comme si le diable était à ses trousses, la silhouette enveloppée dans le manteau de l'Organisation, capuche sur la tête. Mais il était seul.
Déconcertée, Kairi s'arrêta net, reprenant avec difficulté son souffle. Où allait-il ? N'était-ce pas Roxas ? Et où était le Sans-cœur ?
La silhouette disparut dans l'obscurité et Kairi reprit sa course, sentant l'incompréhension et l'inquiétude enfler dans son cœur. Elle n'aimait pas ça du tout. Rien ne se passait comme prévu depuis le début de cette mission. Et elle avait la désagréable impression d'être comme une marionnette aux moindres faits et gestes contrôlés par un marionnettiste invisible.
« Roxas, marmonna-t-elle en grimaçant contre son point de côté. Qu'est-ce que tu fais ? Où es-tu ? »
Elle plissa les yeux. Quelque chose de sombre et d'imposant, immobile, loin devant elle, perçait les ténèbres. Qu'est-ce que...
Elle s'arrêta net quand elle comprit qu'il s'agissait de la muraille de la propriété de Belle et de la Bête. Dans sa course folle, elle s'était rapprochée du château...
Une seconde observation remplaça la première et elle reprit sa course avec une exclamation quand elle aperçut Roxas, loin devant elle, courant vers la muraille et disparaissant à sa vue.
« Roxas ! Attends-moi ! »
Où était-il passé ? Il était devant elle quelques secondes plus tôt !
Elle comprit rapidement en approchant le pied de la muraille aux vieilles pierres sombres, qui semblait vouloir l'écraser sous son ombre. Une ouverture noire, à peine plus haute qu'elle, en perçait la base. Elle y jeta un coup d'œil hésitant : l'escalier étroit aux marches couvertes de feuilles mortes et de toiles d'araignée qui s'enfonçait dans les ténèbres les plus profondes ne lui disait rien de bon. Sans doute s'agissait-il d'une cave quelconque sous les fondations du château, mais pourquoi Roxas s'y était-il engagé ? Elle n'y comprenait rien.
« ...Roxas ? » murmura-t-elle encore.
Aucune réponse ne s'échappa du boyau obscur.
Kairi soupira, les poings sur les hanches pour se donner du courage.
« C'est toujours pareil avec toi, il faut toujours que je vienne te chercher quand on a du travail à faire », marmonna-t-elle, sans se rendre compte de la confusion qu'elle venait de faire.
Après une seconde d'hésitation, elle invoqua une petite flamme entre ses doigts pour lui donner un semblant de lumière, avant de descendre précautionneusement les marches. Autant savoir où elle mettait les pieds.
Sa descente lui parut interminable tant elle avançait avec lenteur, attentive au moindre mouvement et au moindre bruit. Mais ce n'était qu'un vieil escalier étroit en colimaçon, au plafond tapissé de toiles d'araignée, et sur les parois duquel la lumière de sa flamme lançait des ombres sordides. Roxas était-il blessé ? S'était-il réfugié ici pour cette raison ? Ou peut-être était-il à la poursuite de leur cible, ce qui avait du sens. Il n'aurait pu se permettre d'attendre qu'elle le rejoigne sans perdre de vue leur monstre.
L'escalier déboucha soudainement sur un petit balcon de pierre dominant une grande cave rectangulaire, où deux torches enchantées fixées au mur assuraient une lumière suffisante quoique bleuâtre et elle laissa sa flamme s'éteindre. En contrebas, sur le mur lui faisant face, deux grandes portes closes devaient mener vers le château lui-même, bien qu'elle était certaine que l'accès leur en soit interdit. A part cela, la cave était vide, à l'exception de...
Kairi se précipita vers la balustrade. Mais avant qu'elle ait pu crier le nom de Roxas, un second individu encapuchonné, enveloppé dans le manteau de l'Organisation, se précipita vers son ami qui traversait inconsciemment la salle vers les doubles portes. La lame qu'il brandissait dans sa main gantée brilla en passant devant la lueur d'une torche.
« Attention ! »
Elle réagit sans y penser. La boule de feu née de sa peur fusa dans la direction de l'étranger – et dans la direction de Roxas. Le premier se jeta sur le côté avec une maladresse causée par la soudaineté de son attaque ; les flammes ne lui éraflèrent que le bras. Le second, bien qu'il ne soit pas la cible première, fut heurté par une forte bourrasque quand la boule explosa au sol, l'envoyant voler de l'autre côté de la salle sous les yeux horrifiés de Kairi.
Kairi ne s'embarrassa pas de l'escalier et sauta directement par-dessus la balustrade, atterrissant dans la salle en contrebas, sous le regard de l'étranger, du traître, qui s'était tourné vers elle. Ses traits étaient plongés dans l'obscurité de sa capuche, mais sa silhouette semblait être celle d'un homme.
Kairi plissa des yeux.
« Vous êtes... l'imposteur ? »
Il ne lui répondit pas, mais cela lui suffit.
Elle le scruta avec curiosité entre deux regards inquiets vers Roxas qui n'avait pas bougé et gisait de l'autre côté de la salle, face contre terre.
« Qui êtes-vous ? Pourquoi... ? »
Son regard fut soudainement attiré par l'arme qu'il serrait dans sa main, pour l'instant tournée vers le sol et elle écarquilla les yeux. Cette arme lui était familière...
« Est-ce que vous... »
Elle ne put achever sa question qu'il se précipitait vers elle, arme brandie. Avec un hoquet de surprise, elle invoqua un sort de glace à moitié inachevé qui eut cependant l'effet de freiner la course de son adversaire, visiblement surpris, et elle en profita pour s'élancer aux côtés de Roxas.
« Roxas ! Ça va ?! »
Il ne lui répondit pas et quand la jeune fille s'agenouilla à côté de lui, elle constata que le choc l'avait rendu à moitié inconscient. Elle n'eut pas le temps de chercher une potion que déjà l'imposteur se dirigeait vers eux, lugubre dans la pénombre bleutée de la pièce.
« Restez où vous êtes ! » ordonna-t-elle en levant les mains, comprenant la futilité de son ordre mais prête à balancer un nouveau sort.
Il s'arrêta cependant, mais pour une fraction de seconde avant qu'il ne lève à nouveau son arme, celle qui tirait sur sa mémoire pour éveiller des souvenirs flous qu'elle n'avait vraiment pas envie de se remémorer à présent.
Kairi réagit la première. Elle avait peut-être des questions à lui poser, mais il était hors de question de le laisser menacer Roxas.
Une explosion de foudre heurta le sol autour de l'imposteur, à la grande satisfaction de Kairi devant la réussite de son sortilège, bénéficiant de la remontée naturelle de son énergie magique depuis son dernier combat. L'imposteur chancela, contra quelques éclairs de mouvements rapide de son arme étrange et fit quelques bonds en arrière, sifflant de douleur. Mais il ne dit pas un mot et en moins d'une seconde, il s'était remis en garde et fondait sur elle.
« H-Hé ! »
Kairi dut faire appel à toutes ses capacités pour esquiver l'attaque, bondissant sur le côté à chaque coup et parvint à peine à lui envoyer un sort de brasier qu'il contra sans la moindre difficulté. Dans sa panique, ses sorts s'échappèrent de son esprit et elle ne put que s'acharner à garder une distance suffisante avec son opposant.
« Je t'avais dit que tu ne devrais pas rester avec ces gens-là la dernière fois, dit-il soudain d'une voix monotone. Tu aurais dû m'écouter. »
Hein ? Oh, oui il était vrai que Xion avait déjà eu affaire à l'imposteur... Kairi s'apprêtait à répliquer quand il reprit la parole, mais on aurait dit qu'il se parlait à lui-même.
« Je n'ai plus le choix à présent. Les ravages du manoir Oblivion sont pires que ce que je pensais ; nous n'avons plus le temps. Je suis désolé, mais vous allez devoir venir avec moi. »
Curieusement, Kairi sentit la moutarde lui monter au nez.
« Et tu crois qu'on va venir quand tu le demandes comme ça ? » lança-t-elle.
Elle lui décocha un nouveau sort de brasier, qui ne sembla pas l'impressionner.
C'était... étrange. Elle comprenait que Roxas et elle avaient très peu de chances de s'en sortir, surtout puisque Roxas était inconscient – par sa faute – et qu'elle ne maîtrisait de son côté que quelques sorts depuis peu, et qui semblaient à peine faire sourciller son opposant. Mais un sentiment bizarre, qui n'avait rien à voir avec de la peur, montait en elle, un peu comme une excitation joyeuse. C'était comme si elle était heureuse d'entendre la voix de cet individu, qui lui était familière, réalisait-elle, mais comment ?
Kairi n'eut pas le temps de s'attarder sur cette pensée que l'autre l'attaquait à nouveau. Elle lança un brasier ; il rétorqua aussitôt avec un sort de glace. Elle ne s'y attendait pas et le choc des deux magies la projeta quelques mètres plus loin, lui faisant momentanément perdre son équilibre.
Avant qu'elle ait pu réagir, c'était terminé. Le côté non tranchant de la lame de l'imposteur heurta ses côtes ; le choc lui coupa le souffle et fit naître une douleur paralysante en elle, et elle s'effondra sur les pavés de l'autre côté de la salle avec un grognement.
Silence. Puis...
« Je suis désolé. Mais c'est le seul moyen pour que Sora puisse revenir parmi nous. »
La douleur et la confusion s'évanouirent aussitôt de son esprit. Elle ne pouvait plus penser qu'à une seule chose : Sora. Il avait prononcé son nom. Il savait où il était. Elle ne pouvait pas le croire, et pourtant...
Kairi s'efforça de redresser la tête. Quelque chose coula de son front – était-ce du sang ? – mais elle n'en avait cure.
« S... Sora ? Tu as dit Sora ? »
Il ne répondit pas, mais elle l'entendit s'approcher. Allait-il les conduire à Sora ? Si c'était le cas, elle l'accepterait volontiers, n'est-ce pas ? Et qui était-il, cet inconnu qui défiait l'Organisation et connaissait son ami ? Elle reconnaissait sa voix, elle savait qu'elle la connaissait, mais elle ne parvenait plus à réfléchir...
A cet instant, quelque chose siffla dans l'air, et l'inconnu s'arrêta net. Kairi le regarda faire avec confusion, encore à moitié sous le choc. Elle eut la réponse à ses interrogations quand l'imposteur brandit sa lame juste à temps pour repousser une attaque si rapide qu'elle ne l'avait pas vue venir.
Un Reflet fut rejeté de l'autre côté de la pièce avec un cri de détresse, taillé en deux.
Un... Reflet ? Cela signifiait-il que... ?
A cet instant précis, le chaos se déchaîna dans la salle. L'espace sembla exploser alors que de tous côté jaillissaient les Reflets dans des éclairs argentés, cernant le terrain et en barrant tout issue.
« Alors, tu pensais pouvoir t'en tirer comme ça, gamin ? On va t'apprendre à ne pas sous-estimer l'Organisation XIII ! »
Kairi ne put nier la déception amère qui perça son cœur quand elle entendit la voix de Xigbar. Elle y était presque ; pourquoi avait-il fallu qu'ils se montrent ?
Ses fusils nonchalamment posés sur son épaule, Xigbar se matérialisa dans la salle avec un rictus de fauve.
« T'es tombé dans notre piège comme un idiot ! » ricana-t-il en fixant l'imposteur qui n'avait pas esquissé le moindre geste.
Kairi, qui était parvenue à se redresser sur les genoux, aperçut avec une agitation croissante Demyx, Xaldin, Luxor et Axel apparaître par un Portail des ténèbres, ce dernier se précipitant aussitôt vers Roxas avec un regard méfiant vers l'imposteur.
« Hé bah ? On a perdu sa langue ? se moqua Xaldin en invoquant ses lances d'un geste menaçant. Enfin, comme tu voudras... Hé ! Il s'enfuit ! »
En effet, des lambeaux de ténèbres s'étaient soudainement matérialisés aux pieds de l'imposteur, mais les autres réagirent aussitôt. Les balles de Xigbar, au moins deux lances de Xaldin et quelques cartes de Luxor jaillirent aussitôt vers lui, et il n'eut d'autre choix que de bondir vers le plafond où l'attendaient ses adversaires. Un chakram enflammé surgit soudain devant Kairi qui tressaillit, mais elle comprit pourquoi quand celui-ci repoussa violemment les projectiles qui avaient continué leur course dans sa direction, comme elle s'était trouvée juste derrière l'imposteur.
« Faites attention à ne pas blesser l'un d'entre nous ! » retentit la voix furieuse d'Axel.
Personne ne lui prêta attention. L'imposteur s'était débarrassé des ennemis qui s'étaient jetés sur lui, mais était désormais la cible des attaques simultanées de Xaldin, Xigbar, Luxor et même Demyx qui pour une fois s'appliquait à sa tâche. Kairi le fixa, la mâchoire tombante, impressionnée par l'incroyable adresse de leur adversaire qui esquivait les attaques les unes après les autres avec une rapidité inouïe.
Mais... elle savait qu'il n'allait pas pouvoir tenir ainsi longtemps.
« A-Attendez ! » lança-t-elle.
Personne ne l'entendit, à part Axel qui tourna la tête vers elle.
L'imposteur grogna soudain de douleur et fut projeté en arrière, glissant jusque contre le mur sous le cri de joie de Xigbar. L'une de ses attaques l'avait touché et pas qu'un peu : de la fumée s'élevait de son flanc gauche et il se tenait le bras, les doigts crispés sous la douleur.
« On te tient ! »
Une explosion retentit et l'imposteur se jeta sur le côté, l'évitant de peu. Ce faisant, sa capuche lui fut arrachée par le souffle de l'explosion. Et ce sentiment, à nouveau, enfla dans le cœur de Kairi, et elle comprit finalement pourquoi elle avait ressenti ce qu'elle avait ressenti.
C'était peut-être l'un des jours les plus chanceux de sa vie. Elle ne s'était jamais attendue à ce que cette rencontre se fasse ainsi, et pourtant...
« Riku ! »
