Chapitre publié le 5 août 2022.

Enfin publié ! Désolée pour l'attente, ce chapitre n'en finissait pas...

Chapitre 33 : Dans les ombres de la Forteresse

Après avoir pris congé de la vieille dame qui s'était, à sa plus grande surprise, révélée être sa grand-mère, Kairi erra au hasard dans les rues animées de la ville. Un léger sourire avait fleuri sur ses lèvres ; elle avait peine à croire la rencontre qu'elle venait de faire. Elle n'aurait jamais cru que l'espoir de retrouver sa famille, dont elle n'avait plus aucun souvenir, serait davantage qu'une chimère. Elle venait donc du même monde qu'Aeris et les autres.

Et ses parents ? Qu'était-il advenu d'eux ? Elle avait failli poser la question à la vieille dame, mais s'était ravisée. Elle avait pressenti que si elle s'était attardée davantage, alors elle risquerait de ne plus repartir.

Elle devait se concentrer. Pour le moment, elle était dans le corps d'une étrangère. Elle devait achever sa mission et ensuite, elle aurait tout le loisir de tenter de retrouver sa famille et les fragments de sa vie passée. Pour l'instant... elle ne pouvait se permettre de se laisser distraire. Elle soupçonnait ne plus avoir beaucoup de temps.

Cette décision était d'ailleurs d'autant plus facile à prendre du fait de la disparition de ses souvenirs de cette fameuse vie. Elle était si jeune quand elle était arrivée sur les Îles du Destin... Elle n'avait plus aucun souvenir de ce qu'elle avait vécu avant.

Néanmoins, cette rencontre lui avait redonné et ses forces et sa motivation. La jeune fille s'assit sur un banc autour de la fontaine inactive au milieu d'une place. Tout autour de cette dernière, les stands des commerçants fleurissaient dans la bonne humeur et le brouhaha de la foule. C'était jour de marché, et de nombreux habitants étaient de sortie. Un panier à la main, ils s'agglutinaient devant les étalages de poissons ou de légumes, sous une odeur agréable de viande rôtie qui provenait de grosses volailles en train de tourner sur une broche, au-dessus d'un feu. Quelques pigeons curieux venaient mendier quelques miettes de nourriture sur les dalles grises de la place, sans cesse harcelés par des enfants braillards quand ces derniers ne louchaient pas sur l'étal du marchand de pâtisserie aux gâteaux dégoulinant de miel, chez lequel elle venait d'acheter un gâteau aux fruits rouges. Les commerçants alpaguaient les passants, leurs exclamations se mêlant aux discussions des familles venues se ravitailler. Deux femmes riaient aux éclats en remplissant de grandes cruches à un robinet mural, un peu plus loin. Une arche de pierre entre deux maisons conduisait directement dans la rue et laissait passer toujours plus de badauds.

Ce quartier, semblait-il, avait moins souffert que d'autres de la dissolution du monde dans les Ténèbres. Quelques tuiles manquaient çà et là ; un échafaudage branlant s'élevait contre la maison jouxtant directement l'arche de pierre ; la vitre d'une autre était fissurée et des lézardes mangeaient la façade de la plus petite maison. A part cela, rien ne portait la trace d'une quelconque catastrophe récente.

Kairi se laissa aller à la contemplation de cette scène pittoresque. Son monde natal... La Forteresse Oubliée avait d'abord été pour elle son lieu de captivité aux mains de Maléfique et d'Ansem. Et aussi l'endroit où elle avait cru perdre Sora pour de bon. Puis un lieu où elle se savait des alliés – Léon, Aeris, Yuffie... Et maintenant qu'elle connaissait la vérité, la cité qui se relevait lentement des décombres revêtait un visage plus avenant, presque familier.

La jeune fille avala les dernières miettes de son gâteau, se lécha les doigts, et se leva, prête à reprendre sa route.

Elle avait fini par comprendre, en demandant son chemin à plusieurs reprises au gré de ses pérégrinations, qu'elle était entrée dans la ville par un quartier à l'opposé extrême de celui où habitaient Léon et les autres. Ça expliquait qu'elle ait erré sans reconnaître les rues. Maintenant, elle se repérait un peu mieux ; elle suivit une des artères principales pendant un long moment, puis demanda à un gentil cochon parlant affublé d'un chapeau et d'une salopette la direction du quartier de ses amis. Elle traversa une rue dans laquelle des ouvriers, sous les toits de leurs ateliers sans mur, sciaient des planches, coupaient du bois ou préparaient des lames de métal ; les parages résonnaient du fracas de marteaux s'abattant sur du métal chaud, et une odeur âcre planait. Un peu plus loin, la rue descendait sous forme d'un long escalier aux marches de pierre, coincé entre de hautes bâtisses à colombage, jusqu'à un quartier résidentiel. Deux rues plus loin, elle reconnut enfin les lieux. Elle était presque arrivée.

Ce fut Aeris qu'elle croisa en premier ; alors qu'elle atteignait la place où le petit groupe avait leur repère, elle croisa la route de la jeune fille qui revenait d'une autre rue, les bras chargés d'un panier à linge. La jeune femme la contempla avec surprise, puis se fendit d'un grand sourire avenant.

« Kairi ! Comme je suis contente ! On avait un peu peur que... Comment vas-tu ?

-Coucou, Aeris, souffla cette dernière. Tu peux pas savoir à quel point je suis contente de te voir. J'ai... j'ai plein de choses à vous raconter. »

Les yeux verts d'Aeris la scrutèrent, intelligents et perçants au-dessus de son sourire franc.

« Viens, on va entrer. Tu nous diras tout à l'intérieur... attention ! »

Kairi se retourna dès qu'elle vit les yeux de la jeune femme dévier imperceptiblement pour regarder derrière son épaule. Un Sans-cœur sortait du sol à quelques mètres, étirant ses longues griffes noires dans leur direction et, incroyablement agile, se précipita vers elles avec une vitesse folle. Elle entendit vaguement sous le vent dans ses oreilles le bruit du panier à linge qui tombait par terre. Sa main effleurait déjà la première matéria venue, invoquant le sort qui était le plus rapidement venu à son esprit. Un éclair s'abattit, ratant sa cible mouvante de quelques centimètres et Kairi recula avec une exclamation étouffée. Aeris, de son côté, avait dégainé son bâton et courait la rejoindre, l'abattant avec vivacité sur la tête obscure du Sans-cœur qui poussa un cri perçant et balaya l'air de sa main, manquant la cheville de la jeune femme qui avait eu la présence d'esprit de bondir en arrière.

Un second éclair, qu'elle parvint à mieux contrôler, toucha sa cible, qui se dissipa aussitôt en un nuage sombre, relâchant l'éclat d'un cœur. Mais elles ne purent reprendre leur souffle : aux quatre coins de la place, de nouvelles Ombres naissaient entre les pavés, leurs yeux jaunes rivés sur elles.

« J'ai oublié de t'avertir, dit joyeusement Aeris en faisant tournoyer son bâton, mais on a dû faire face à plusieurs invasions de Sans-cœurs ces derniers jours !

-Pas de souci ! » Quoiqu'elle ne soit pas au meilleur de sa forme, Kairi trouva que la perspective d'un combat la revigorait.

« Très bien, alors je compte sur toi ! »

Kairi s'élança vers les Sans-cœurs, ses doigts cherchant à tâtons dans sa poche une autre matéria. Elle reconnut l'aura de celle du feu quand elle l'effleura, mais au moment où elle s'apprêtait à en invoquer le sort, une Ombre fondit sur elle et elle dut se jeter de côté, manquant se prendre le pied dans une coin de dalle qui dépassait du sol inégal. La matéria qu'elle venait de sortir de sa poche lui échappa en rebondissant joyeusement sur le sol avec des tintements clairs et Kairi la suivit des yeux, rouler jusqu'à un mur d'une maison opposée.

« Tu sais, ce serait plus pratique pour toi si tu fixais tes matérias à une arme ou à un accessoire », lança Aeris. Joignant le geste à la parole, l'une des pierres incrustées à la hampe de son bâton brilla d'un éclat émeraude et un jet de flamme rugit tout autour d'elle, repoussant les Ombres et en faisant partir une en fumée. « Il y a quelques boutiques en ville où tu pourrais trouver ton bonheur... Aïe ! »

Kairi tourna vivement la tête, mais le temps qu'elle se débarrasse d'un éclair d'une Ombre qui la talonnait, Aeris s'était déjà jetée un sort de soin. Elle se redressa, quelques mèches en désordre, et asséna un coup de bâton circulaire qui mit fin à la vie de ses adversaires.

Un sort de bouclier parfait repoussa l'une des dernières Ombres qui se jetait sur elle. Émerveillée par sa réussite, Kairi eut un instant de relâchement et put tout juste la transpercer d'un éclair, manquant de peu se foudroyer elle-même.

« Aeris ! C'est bon de mon côté ! s'écria-t-elle en rejoignant au pas de course l'autre femme qui jaugeait avec méfiance les deux derniers ennemis, reculant d'un petit bond dès que l'un tendait ses griffes dans sa direction.

-Parfait ! Prends ça ! »

La pointe de son bâton manqua de peu la tête de l'Ombre la plus proche, mais la jeune femme ne se découragea pas et enchaîna aussitôt avec un sort de glace. Kairi renchérit par plusieurs éclairs dans le dos des monstres, et bientôt, ces derniers se dissolurent avec un long couinement tragique.

« Pfou ! Hé bien merci pour ton aide, Kairi ! Tu es devenue très douée avec les matérias ! » s'écria Aeris en baissant son bâton et en remettant de l'ordre dans ses mèches.

Touchée par le compliment, Kairi rit un peu nerveusement.

« Merci... J'avais pas trop le choix, en fait. Oh, Aeris... Je suis tellement contente d'avoir réussi à venir. J'ai tellement de choses à raconter. » Elle était sincère. En fait, à sa grande surprise, des larmes venaient perler au coin de ses yeux, comme sous l'émotion d'avoir enfin retrouvé une alliée.

Aeris lui fit un grand sourire en repliant son bâton. Kairi se hâta d'aller l'aider à ramasser son linge.

« Je vois à ton regard que ces derniers jours n'ont pas dû être bien faciles. Ici aussi, on a eu du pain sur la planche, mais sans doute rien de bien comparable. Viens, entrons. Les autres sont là. On va t'aider. »

Effectivement, Kairi put sentir toute l'effervescence qui agitait le petit groupe quand elles poussèrent la porte de leur demeure. Rassemblés autour d'un ordinateur massif de forme grotesque, Cid, Yuffie et Léon étaient embarqués dans une discussion virulente. D'après les quelques propos fusant qu'elle put saisir, l'objet de la discorde s'avérait être le fonctionnement d'un logiciel qu'elle ne parvint malheureusement pas à apercevoir, les autres masquant l'écran.

Finalement, Cid tapa du poing sur le clavier. Les autres étant apparemment habitués à son caractère irascible, elle fut la seule qui sursauta.

« Maintenant ça suffit ! C'est mon ordinateur, c'était mon idée, c'est moi qui décide !

-Kairi est arrivée », glissa utilement Aeris, profitant du très mince silence qui suivit l'exclamation de leur aîné.

Tous trois se retournèrent.

« Kairi ! » Yuffie s'était élancée et lui avait pratiquement sauté au cou. Les deux autres furent moins démonstratifs mais la gratifièrent d'un sourire.

« Hello, petite, lança Cid. Alors comment se passe la vie avec les grands méchants de l'Organisation ? T'as appris quelque chose de nouveau ? »

Le visage grave, Kairi hocha la tête.

« Il y a plein de choses que je dois vous dire. »

Elle leur raconta tout. Ce qu'elle avait appris, sa fuite, ses doutes et ce qu'elle ignorait encore. Tout ce qui concernait Sora. Les plans obscurs de l'Organisation. La véritable nature du corps qu'elle avait emprunté.

« Ces individus sont bien aux trousses du pouvoir de la Keyblade, résuma sombrement Léon. Tout comme nous nous en doutions. »

Ils s'étaient assis autour de la petite table de la demeure. Cid avait fait chauffer de l'eau et avait distribué du thé et des biscuits qui avaient fait grand bien à Kairi, bien qu'elle n'ait initialement pas pensé avoir faim.

« C'est pour ça qu'il y a autant de Sans-cœurs ! Ils font en sorte qu'il y en ait toujours plus pour pouvoir récupérer des cœurs ! s'indigna Yuffie. Quels monstres !

-Mais pourquoi ces gars-là tiennent-ils tant à se construire leur propre Kingdom Hearts ? s'interrogea Cid en grignotant un bout de biscuit.

-Kingdom Hearts, même artificiel, leur apporterait un grand pouvoir, c'est évident, dit Aeris, le visage tout aussi sombre que celui de Léon. La question, c'est pour quoi auraient-ils besoin de ce pouvoir ? C'est de cela dont on doit s'inquiéter... On ne peut pas les laisser mettre la main dessus et même s'il n'était pas dangereux, toucher ainsi au cœur des gens est... un tabou.

-Oui, il va falloir s'en occuper... Mais pour cela, il nous faudrait le Porteur de la Keyblade. Au moins, on sait que Sora est hors de leurs griffes, remarqua Léon. C'est une... bonne nouvelle. »

Le silence retomba. Personne ne pouvait s'en réjouir, car, finalement, ils n'avaient aucune idée de l'endroit où se trouvait le jeune garçon.

Yuffie se tourna vers Kairi.

« Et tu es sûre de n'avoir aucune piste sur là où il est ? »

Kairi secoua la tête, le regard fixé sur la surface de son thé.

« Non... Les archives de l'Organisation disaient simplement qu'il leur avait été soustrait et qu'ils n'avaient aucune idée de l'endroit où on l'avait emmené.

-Mais je comprends rien, marmonna Cid. Il fait quoi depuis plusieurs mois ? Il se cache ? »

Kairi secoua à nouveau la tête, plus vigoureusement.

« Non ! Je n'ai pas eu le temps de tout regarder, mais d'après ce que j'ai compris, même si les manipulations de l'Organisation ont échoué... » Son sang se glaça à ce souvenir. Elle ignorait les détails exacts de ces « manipulations », ses recherches ayant été limitées par la quantité d'informations qu'elle avait découverte, mais ça ne sonnait pas bon du tout. « … il n'était pas... il n'en est pas sorti indemne.

-Donc euh... il doit se rétablir, c'est ça ? » hasarda Yuffie, son sourire crispé annonçant qu'elle n'était pas assez naïve pour y croire.

Kairi inspira profondément et releva la tête.

« Je... ne sais pas. Ça parlait de « hors d'état de nuire »... » Sa voix se brisa, et Aeris posa une main réconfortante sur son épaule.

« Il faut retrouver Sora, dit-elle d'un ton qui ne souffrait aucune question, comme prenant les rênes pour soulager la jeune fille. C'est notre mission prioritaire. Et pas parce que Sora est essentiel à la protection de l'ordre des mondes... mais aussi parce que c'est notre ami, souvenez-vous. »

Les autres échangèrent un regard.

« Justement, Aeris... On ne s'en souvient plus, c'est ça le problème, souligna Léon, mais il y avait une ombre de sourire au coin de sa bouche.

-Mais ce nom n'évoque-t-il rien en toi ? insista Aeris. Ne sens-tu pas que tu le connais ? »

Il haussa les épaules et marmonna quelque chose en détournant le regard.

« Moi si ! s'exclama Yuffie. Je peux pas dire comment, mais ce nom sonne comme un vieil ami qu'on aurait pas vu depuis longtemps...

-Quoi qu'il en soit. » Le ton posé d'Aeris ramena sur elle l'attention de tous. « Réfléchissons bien. Comment pourrait-on trouver un moyen de retrouver Sora ? »

Ils réfléchirent quelques instants.

« Si même l'Organisation n'a pas réussi, je vois pas trop comment faire, remarqua finalement Léon. Cela dit, tu disais qu'il avait été aidé par des alliés, Kairi. Tu sais qui c'était ?

-Euh... Ils parlaient d'une fille appelée Naminé, je crois. » Pour être honnête, Kairi avait été si secouée et absorbée par toutes ces découvertes qu'elle n'avait pas eu le loisir de se lancer dans des recherches similaires pour cette fille, bien qu'elle se rappelle que plusieurs dossiers du manoir Oblivion évoquaient ce nom. « Apparemment, elle travaillait pour l'Organisation et devait les aider à récupérer Sora, mais elle les a trahis... En tout cas, elle est considérée comme une traîtresse. Sora serait parti avec elle.

-Et tu sais qui est cette fille ?

-Non. » Kairi baissa à nouveau les yeux. Le reste de thé, au fond de sa tasse, commençait à être froid, mais elle n'avait plus soif. Ni d'appétit pour le demi-biscuit près de sa main. « Je n'en ai aucune idée. »

Le silence retomba à nouveau. C'était comme si tous étaient à court d'inspiration... jusqu'à ce que Yuffie relève brusquement la tête.

« J'y pense ! Et la forteresse ?

-La forteresse ? » releva Kairi avec inquiétude. Elle n'avait pas oublié ses mésaventures en ces lieux qui conservaient pour elle une aura sinistre.

« Oui, on y a déjà repéré des individus en manteau noir, compléta Léon. Mais impossible de savoir ce qu'ils y cherchent. Les recherches là-bas sont dangereuses avec tous ces Sans-cœurs et ils s'esquivent dès qu'ils se savent repérés. »

Le cœur de Kairi s'emballa sous l'espoir à cette nouvelle. Se pourrait-il que Sora... ? Non, elle ne pouvait se laisser aller à nourrir de faux espoirs.

Aeris se tourna vers elle.

« Pour l'instant, nous avons pu soupçonner la présence d'un vaste réseau de salles dans les sous-sols, quelque chose de massif. On pouvait deviner leur présence en consultant d'anciens plans, où en étudiant l'architecture du palais, mais nous n'avons toujours pas réussi à en découvrir une entrée.

-Et avec un Couloir des Ténèbres ? se demanda Kairi. Peut-être que...

-Je ne sais pas … Peux-tu ouvrir un Couloir vers un lieu que tu ne connais pas ? »

Devant la grimace de Kairi, ils soupirèrent.

« Enfin, ça ne coûte rien d'essayer... Pourquoi ne pas aller y faire une expédition tous ensemble ? proposa Aeris.

-Tu es sûre ? » Kairi la regarda, partagée entre l'enthousiasme de retrouver une équipe et sa réticence à impliquer d'autres dans ses ennuis qui ne résultaient que d'une décision dangereuse de sa part. « Si on tombe sur l'Organisation...

-Et alors ? On leur cassera la figure ensemble ! lança joyeusement Yuffie. Pas de problème pour moi ! »

Devant les regards francs et volontaires des quatre autres, Kairi sut qu'il n'y avait pas à protester. Elle sourit.

« N'aviez-vous pas des ennuis de votre côté ?

-M'en parle pas, grinça Cid. Les Sans-cœurs se multiplient et créent la panique parmi les habitants depuis quelques temps. Foutue Organisation !

-Mais Cid est en train de créer un programme de défense avec son ordinateur ! s'écria joyeusement Yuffie. Pour nous donner un coup de main !

-Un programme de défense ?

-Oui, qui détecte et détruit uniquement les Sans-cœurs », reprit Cid. Ses yeux brillaient avec un soupçon de passion. « Bon c'est encore loin d'être opérationnel, mais une fois que ce sera bon, on pourra le diffuser dans la ville entière. Comme ça, quand un gamin se fait attaquer en jouant dehors, pouf ! Le Sans-cœur se fait immédiatement descendre. »

Il avait l'air très fier de lui, mais Kairi se demanda comment il comptait « diffuser » ce programme dans une ville entière.

« Avec quelles armes il est censé fonctionner ? demanda-t-elle.

-Hé bien euh...

-De toute façon, il n'y a que la Keyblade qui permet de vaincre définitivement les Sans-cœurs, non ? releva-t-elle en fronçant les sourcils. Sinon, ils vont simplement réapparaître plus tard.

-On verra ça plus tard ! ronchonna Cid en croisant les bras tandis que Léon marmonnait quelque chose qui ressemblait à « C'est bien ce que je lui disais ». Là, il est temps d'aller botter le derrière de l'Organisation.

-Je me demande bien comment ils s'y prennent pour créer des Sans-cœurs, s'interrogea Yuffie, faisant s'assombrir le visage d'Aeris.

-Bon on devrait y aller et … Oups. »

En se levant trop brusquement, un léger tournis s'était emparé d'elle et Kairi leva une main à son front en grimaçant légèrement. Son trouble ne passa pas inaperçu.

« Ça va, Kairi ?

-Ça va, c'est juste... Je ne suis pas au mieux de ma forme ces derniers jours, dit-elle avec un sourire peu convainquant.

-C'est ce dont tu nous as parlé ? demanda Aeris avec douceur. Ton corps qui se dégrade peu à peu ? Je peux le voir, tu sais. Ton essence qui s'effiloche tristement. C'est sans doute la limite de ce que pouvait faire l'Organisation en matière d'existences artificielles. Tu ne dois pas rester dans ce corps trop longtemps.

-Je sais... mais...

-Mais attends, qu'est-ce qu'il va t'arriver si ton … ton corps tombe en morceaux ?! s'écria Yuffie.

-Je crois qu'on sait tous ce qu'il en est, commenta sombrement Léon. Kairi, n'y a-t-il pas moyen de retourner dans ton vrai corps ? »

Elle hésita et il ajouta en fronçant les sourcils.

« Ne me dis pas que tu t'en fais pour la véritable propriétaire de ce corps quand elle le retrouvera ?

-Ce n'est pas ça, mentit Kairi à moitié, c'est juste que... il faudrait que je retourne auprès de Yeul... la sorcière qui m'a transférée. Je sais ouvrir des Couloirs des Ténèbres maintenant, mais je ne peux pas me rendre à un endroit dont je n'ai pas les coordonnées. Je n'ai aucune idée de comment se rendre aux Îles du Destin à partir d'ici.

-Aïe aïe aïe c'est sûr que c'est embêtant... Et si tu retournais voir dans l'ordinateur de l'Organisation ? Tu y avais bien trouvé les coordonnées de ce Manoir Oblivion.

-Oui, dit Kairi sans grande conviction. Mais je ne pense pas que j'y serai la bienvenue. Ils doivent avoir compris que je me suis enfuie. Et puis... J'aimerais retrouver Sora, d'abord. Quand je retrouverai mon corps, je n'aurai plus le pouvoir de voyager entre les mondes, alors... je dois finir ma quête avant. »

Ils la regardèrent avec sympathie.

« C'est compréhensible, mais ne va pas prendre trop de risques inutiles non plus », lui rappela Léon.

Par la suite, ils se préparèrent à sortir. Cid retourna à son ordinateur, clamant qu'il avait quelque chose à modifier de toute urgence, et les autres entreprirent de débarrasser la table, Aeris et Kairi se chargeant de la vaisselle, Léon de l'essuyage et Yuffie, désœuvrée, prenant la décision d'arranger le contenu des placards de nourriture.

« Alors comme ça, dit soudain Aeris, tu habitais ici avant la catastrophe, quand tu étais petite ? »

Kairi hocha la tête.

« Mais je n'en ai aucun souvenir.

-C'est vrai que c'était il y a longtemps. Hé ! Si ça se trouve, on était voisines !

-Ça m'étonnerait, lança Léon. Tu as rencontré ta grand-mère dans le quartier des Arches, non ? C'est un quartier de riches, ça. Tu la vois vraiment vivre dans les faubourgs ? »

Kairi fit la moue.

« Moi je vois pas trop la différence entre les deux, hein...

-C'est parce que tout est encore détruit. Tu verras, dans quelques mois !

-Quelques mois ? Tu es bien optimiste, Yuffie. T'as vu l'ampleur des dégâts ?

-Oh arrête de faire ton rabat-joie, Léon.

-En tout cas, reprit Aeris d'une voix forte pour couvrir la querelle, je suis ravie pour toi ! Tu as retrouvé ton monde natal, et ta famille... Mais tu n'as pas l'air aussi ravie que je l'aurais pensé, je me trompe ?

-Si, se défendit Kairi avec un sourire crispé. C'est juste... je n'en ai aucun souvenir, tu vois. Pour le moment, ma famille, c'est ceux des Îles du Destin, Riku, Sora... C'est à eux que je pense pour l'instant. Après... quand je les aurais retrouvés...

-Oui. Tu verras à ce moment. »

Comme l'après-midi était bien avancée, ils décidèrent de remettre leur expédition au lendemain. Kairi passa le reste de l'après-midi à aider Aeris à trier des cartons d'objets divers trouvés dans les ruines abandonnées de tous coins de la ville, à la recherche de quelque chose qui pourrait leur être utile. Quoiqu'au final ce ne fut que de vieux vêtements en lambeaux et des jouets ou ustensiles de cuisine ébréchés, cela donna l'occasion aux deux filles d'échanger leurs histoires personnelles, ponctuées d'anecdotes amusantes. Kairi lui raconta ainsi la fois où Riku (et Sora) avaient été persuadés qu'un monstre aquatique, pieuvre géante diffusant du poison, rôdait autour de la petite île et avaient passé toute une semaine à la traquer, revenant finalement bredouille. Cela fit bien rire la jeune femme.

Ce soir, Kairi s'écroula dans le lit d'une minuscule chambre sous les combles. Elle avait sous-estimé le bonheur de pouvoir dormir à nouveau dans un lit, de même que la bonne douche qui avait précédé, quoique tiède. Elle ne tarda pas à fermer les yeux.


Le lendemain, après un rapide petit déjeuner, Yuffie lui donna peu après un petit sac marron en bandoulière dans laquelle on l'avait ravitaillée en potions, mais où on avait également glissé un peu d'argent, des pommes et du pain, et une gourde fraîchement remplie. Puis, après que chacun se soit équipé de son arme fétiche et de ses matérias favorites, Cid tourna la clé dans la serrure, et ils partirent.

Il commençait à faire chaud. Le soleil tapait tout son saoul sur les rues animées, sans un nuage pour le contrarier. La matinée était bien avancée, et ils durent parfois se faufiler dans une foule dense entre les échoppes. Kairi avait du mal à ne pas perdre ses compagnons de vue tout en regardant autour d'elle, s'imprégnant des multiples détails qui constituaient la ville – les sculptures compliquées qui ornaient le coin des maisons, les piliers décoratifs des places, les plates-bandes de fleurs, les fontaines toutes plus originales les unes que les autres ou les bassins de tailles diverses, parfois de longues étendues d'eau miroitant sous le soleil et reflétant les mille passants. Une part non négligeable de ces fontaines et bassins était, cela dit, hors service. Quand elle en fit la réflexion, Léon lui répondit :

« Le système de plomberie et d'acheminement de l'eau n'est pas encore réparé partout, c'est normal. Les artisans préfèrent se concentrer d'abord sur l'acheminement de l'eau vers les maisons avant de s'occuper des fontaines décoratives.

-Cela dit, quand tout sera en état de marche, il y a quelques coins qu'il faudrait vraiment te montrer, intervint Aeris. Par exemple, la place des fontaines cachée, pas très loin du quartier du château.

-Pourquoi cachée ?

-Le chemin qui y mène est assez discret ! Beaucoup d'habitants ne connaissent même pas cette place, mais on y trouve des fontaines superposées aux sculptures incroyables. Il y fait toujours très frais, c'est un de mes coins favoris en été.

-La fontaine de l'Ange est pas mal aussi ! s'écria Yuffie en se retournant vers eux, manquant percuter un vieil homme qui portait un panier de pommes. Ah, oops, pardon monsieur ! Oui, c'est une fontaine immense ! On peut descendre dans le bassin avec des marches, il a la taille d'une piscine. Et l'eau sort de la main d'une statue d'ange très très grande !

-Ah, et il faudrait aussi lui montrer le temple de l'eau. Si on peut toujours y entrer. C'est... »

Ses compagnons se lancèrent dans une description détaillée et Kairi les écouta vanter les mérites des curiosités de la ville et de son système d'aqueducs. Autour d'eux, la foule s'étiolait peu à peu. Les maisons habitées se faisaient un peu plus rares, les demeures en ruines dont les fenêtres sombres indiquaient leur vacance prenaient le pas, portes béantes, fenêtres brisées et tuiles manquantes s'affichant un peu partout. Quand ils atteignirent la première marche d'un long et étroit escalier aux marches couvertes de débris de briques qui serpentait en montant entre deux rangées de maisons grises dont ne sortait aucun bruit, il n'y avait plus personne autour d'eux.

« C'est l'escalier qui monte à un chemin conduisant au château, dit Aeris avec douceur, mais Kairi l'aperçut raffermir sa poigne sur son bâton encore replié. Soyons prudents maintenant. »

L'escalade fut ardue mais plus rapide qu'elle ne l'aurait crainte, et bientôt ils se retrouvèrent au fond d'une faille étroite, chemin creusé entre les falaises de pierre bleue qui les encadrait. Des débris de pierre parfois aussi grands qu'eux gisaient un peu partout, parfois mêlés à des morceaux de ferraille divers. Il n'y avait pas âme qui vive et, si on oubliait les bruits des quartiers animés dans le lointain, pas le moindre son à part celui de leurs pas sur la roche.

Ses compagnons, elle nota, étaient bizarrement silencieux et tendus. Yuffie caressait la lame de son shuriken, ses yeux dardant des regards vifs dans toutes les directions. Léon paraissait confiant, mais ses mains étaient prêtes à dégainer son épée au moindre signe suspect. Aeris vérifiait les matérias de son bâton et Cid avait la main posée sur l'étui d'une arme à feu à sa ceinture. Elle les imita, cherchant à tâtons sa matéria de feu dans sa poche, redoutant à chaque coude du chemin de voir un ennemi les attendre au tournant.

Quand la silhouette du château se profila au-dessus de leur tête, les écrasant de toute sa hauteur, indiquant qu'ils n'étaient plus très loin, la première attaque eut lieu. Un peu plus loin sur le sentier, deux Ombres naquirent du sol. Kairi poussa une exclamation d'avertissement et se prépara à lancer un sort, mais Yuffie et Léon la prirent de vitesse. En un clin d'œil, ils avaient fondu sur les deux ennemis et les avait réduits en pièces.

Impressionnée, Kairi laissa un échapper un son méditatif.

« Ça fait très longtemps qu'ils s'entraînent », commenta Aeris d'un ton léger, comme pour la rassurer sur ses propres compétences.

Une volée de marches plus loin, la roche sous leurs pieds laissa place à un sol pavé aux dalles formant des motifs compliqués à moitié indistinguables car ébréchés ou couverts de débris divers. Et un tournant plus loin, et le petit groupe se retrouva à deux pas d'un des immenses murs aveugles de la forteresse. Kairi dut se dévisser le cou pour apercevoir cette dernière par-delà la muraille, mais n'aperçut pas la moindre fenêtre ou ouverture par laquelle ils étaient susceptibles d'entrer.

« On est derrière la forteresse, dit Léon, comme ayant lu dans ses pensées. La route principale n'est pas encore praticable. » Il fit un mouvement de menton vers l'avant. « Il y a une ouverture un peu plus loin. »

Ils suivirent le mur en silence. Kairi n'était guère rassurée. L'ombre de la forteresse massive, haute forme de murs hérissés de tours dont certains fragments ne semblaient tenir que par un fil, plongeait sur eux.

« Il n'y a personne ? chuchota-t-elle.

-Peut-être un groupe d'ouvriers ou deux sont dans les parages, mais avec tous ces Sans-cœurs, je crois bien que les opérations de restauration du château ont été repoussées jusqu'à nouvel ordre... »

Aeris s'interrompit soudainement et Léon fit signe aux autres de s'immobiliser. Et pour une bonne raison : à une dizaine de mètres devant eux, pas très loin du mur sans issue, une mince volute de ténèbres flottait dans l'air, présageant le Couloir de Ténèbres qui ne tarda pas à s'ouvrir.

« C'est l'Organisation ! s'écria Kairi en se mettant en garde, imitant ses compagnons.

-Tenez-vous prêts, ordonna Léon, se plaçant imperceptiblement en tête du petit groupe.

-Compris », s'écria Yuffie, toute trace d'insouciance juvénile disparue de sa voix.

Une grande silhouette élancée sortit du Couloir des Ténèbres qui se referma aussitôt. Une silhouette que Kairi reconnut aussitôt.

Elle laissa échapper un son peiné.

« Axel... »

Ce dernier, pour une fois, ne souriait pas. Il les fixait d'un regard alerte, le visage grave.

« Roxas avait donc raison quand il disait que tu avais des fréquentations ici, dit-il, comme pour lui-même. J'ai bien fait de retenir cette information. Au moins tu n'as pas été récupérée par l'Imposteur.

-Que voulez-vous ? » l'apostropha sèchement Léon.

Les yeux d'Axel se posèrent brièvement sur lui avant de retourner sur Kairi.

« Xion. On te cherche depuis des jours. Tout le monde est très inquiet et... Ah, mais pourquoi je m'embête. Tu ne crois pas un mot de ce que je dis, n'est-ce pas ? »

Il arborait ce qu'elle avait du mal à identifier comme un sourire amer ou ironique.

« Si tu viens me convaincre de retourner à la Citadelle, ne te donne pas cette peine, lança-t-elle sèchement. Je ne rentrerai pas. »

Axel posa les mains sur les hanches d'un geste de résignation exagéré.

« Je m'en doute, soupira-t-il. Ah, pourquoi les choses ont-elles à être si difficiles ? Dis-moi, Xion, tu as découvert la vérité, n'est-ce pas ?

-...

-Jusqu'à où, au juste, as-tu découvert ?

-J'en ai découvert bien assez », rétorqua la jeune fille, ravie de constater qu'elle maîtrisait le tremblement de sa voix. Elle serra les poings, se préparant à la bagarre qui allait sans aucun doute s'ensuivre. Ses compagnons, silencieux et vigilants, firent de même, brandissant légèrement leurs armes.

Axel ne leur accorda pas un seul regard. Il ne détourna pas ses yeux des siens, même quand il laissa échapper un nouveau soupir d'acceptation agacée.

« Si ça ne vous ennuie pas, je préférerais qu'on évite d'en venir aux armes, dit-il sur le ton de la plaisanterie, qui cachait un réel danger.

-Ça me va, rétorqua Léon, le jaugeant d'un regard supérieur. Partez immédiatement et tout finira bien pour tout le monde.

-J'ai bien peur de ne pouvoir le faire ! Bien. Ne tournons pas autour du pot, si vous voulez bien. » Il la regarda droit dans les yeux. « Xion. Tu peux penser ce que tu veux de l'Organisation, mais... tu dois revenir. C'est important.

-Et pourquoi donc ? » le défia-t-elle, se demandant quel mensonge il allait lui servir. Rien ne la ferait changer d'avis maintenant.

Il lui lança un regard grave.

« Sinon l'Organisation pourrait bien décider de t'éliminer.

-Je n'ai pas peur de l'Organisation », jeta-t-elle. Maintenant que le temps de la confrontation était arrivé, maintenant que les mystères de l'intrigue n'avaient plus de secret pour elle, elle se sentait revivre. Un feu s'embrasa en elle, et elle se redressa de toute sa hauteur, fixant dans les yeux l'homme en manteau noir. « Et je n'ai pas peur de toi. N'essaie pas de me barrer le chemin. »

Axel jura à voix basse, mais ne se découragea pas. D'une voix adoucie, il tenta un autre angle d'attaque qui, il l'ignorait, n'avait aucune chance de l'atteindre. Parce que si Xion avait été amie avec Roxas, et si elle, Kairi, en était venu à le considérer également comme tel, elle ne sacrifierait pas sa quête pour lui.

« Roxas s'inquiète pour toi. Il ne sait pas où tu es ni ce qu'il t'est arrivé, mais il te cherche partout. »

Ça sonnait volontairement comme un reproche, mais Kairi ne fut pas dupe.

« C'est mieux pour lui que je ne l'approche pas, pourtant, n'est-ce pas? »

Il tiqua.

« Oui, je sais cela aussi. Je sais qui est Roxas. Je connais tout de votre plan. Alors comment peux-tu penser que je puisse vouloir revenir ?!

-Si tu ne reviens pas, ce sera pire ! lança-t-il avec colère, d'un geste rageur de main, mais sa voix manquait de conviction.

-Si vous pensez que vous allez pouvoir me prendre pour une imbécile encore longtemps, vous vous fourrez le doigt dans l'œil ! s'écria-t-elle en même temps, sa colère réagissant à la sienne. Je ne vous aiderai jamais ! Votre projet est révulsant, et je ne veux plus rien avoir à faire avec vous ! Vous devriez avoir honte, de causer autant de souffrance dans l'univers pour votre gain personnel. Vous êtes des criminels... non, vous êtes des monstres. Tout ce que je souhaite, c'est retrouver Sora. C'est de votre faute s'il n'a pas pu rentrer chez nous !

-Alors bonne chance pour ça ! » Axel fit un geste rageur de la main, et les quatre autres levèrent leurs armes en réponse. « Nous-mêmes, on a aucune idée de là où il se trouve. Alors je vois pas comment toi, tu pourrais le retrouver. Ta quête est futile, Xion !

-Tu n'as pas entendu la demoiselle ? intervint soudain Cid qui n'avait pas quitté leur adversaire des yeux. Elle ne veut pas partir avec toi. Alors n'insiste pas, ou on sera obligé d'intervenir.

-Ouais ! T'auras pas Kairi ! » renchérit Yuffie sans se rendre compte de son erreur. Kairi, pour sa part, se figea et retint son souffle, son cœur sombrant dans sa poitrine, mais Axel se contenta d'un son irrité.

« J'ai bien peur que vous vous mépreniez sur l'identité de cette fille », dit-il. Il tendit les bras de part et d'autre de lui, et tous redoublèrent d'attention quand des flammes naquirent en crépitant au bout de ses doigts. « Elle n'est pas à vous. En fait, rien de tout cela ne vous concerne, alors, restez en-dehors de ça et ne vous mettez pas en travers de mon chemin.

-Ta gueule et viens te battre ! rugit Cid avec un rictus de défi. On va vous botter le derrière, à vous et vos foutus Sans-cœurs ! »

Des chakrams apparurent dans les mains d'Axel ainsi qu'un rictus féroce mais sans joie sur son visage. Cid, suivi de Léon et Yuffie se précipitèrent sur lui, brandissant armes et cris de guerre. Kairi, de son côté, marqua un temps d'hésitation avant de leur emboîter le pas avec un peu plus de prudence, matéria dans la main, Aeris restant à ses côtés.

Cid tira trois fois dans la direction d'Axel, mais ce dernier fut si rapide que Kairi eut peine à le suivre des yeux, et à en croire la réaction de Cid, ce dernier aussi. Il parut se téléporter sur le côté et fondit sur Yuffie qui lui envoya son shuriken, qu'il évita d'un simple mouvement de tête.

« Attention ! » rugit Léon.

Il abattit son épée entre les deux jeunes gens, passant à deux cheveux d'Axel qui recula précipitamment avec une souplesse et une rapidité inhumaines. Il repartit aussitôt à l'attaque, para l'attaque de Léon d'un coup de chakram et tenta de le blesser du second, mais fut contraint de se retourner de justesse pour bloquer les balles de Cid.

Yuffie, de son côté, avait récupéré son shuriken, qui s'allia à une tornade de glace alors qu'elle lui tombait dessus avec un cri furieux. Axel bondit de côté, lui décocha un sort de feu qui ne l'atteignit pas, et esquiva en un éclair les attaques simultanées des trois combattants.

De son côté, Aeris n'était pas restée sans rien faire. La jeune femme marmonnait une formule, les yeux fermés. Une énergie émeraude émana du sol autour de ses pieds et une fine barrière translucide de la même couleur enveloppa Kairi, Yuffie, Léon et Cid.

« Qu'est-ce que c'est ? » s'écria Kairi. Elle voulut toucher la barrière mais celle-ci disparut. Elle ressentait cependant une légère chaleur autour d'elle.

« C'est une barrière de protection ! répondit précipitamment Aeris qui chargeait déjà un nouveau sortilège. Elle pourra résister à une dizaine d'attaques ! »

Kairi hocha la tête puis reporta son attention sur le combat, regrettant un peu de ne pouvoir manier d'arme comme les quatre autres, se sentant un peu exposée. Elle tenta un sort de feu un peu incertain, craignant de toucher Yuffie, Cid, ou Léon, qui tourbillonnaient autour de leur adversaire. Axel, elle put noter, un brin admirative, se défendait bien face à ces trois combattants : il bougeait si vite, se baissant, sautant en arrière, fendant l'air et feintant, qu'on avait du mal à le suivre des yeux, mettant en évidence une souplesse non humaine qui tenait plus de ces Similis argentés qui déambulaient dans la Citadelle.

Il évita tout aussi facilement son mince jet de flammes et repoussa Léon avec tant de force qu'il trébucha de quelques pas en arrière. Un de ses chakrams fendit l'air, s'arrêtant à deux centimètres du visage de Cid. L'air vibra de vert émeraude à cet endroit. Axel jura et reporta son attention sur Aeris, l'auteure de cette déconvenue.

« Non, Axel ! » s'écria Kairi quand il fondit sur cette dernière.

Elle expédia quatre, cinq, six sorts à la volée. Il les esquiva presque tous – seul un sort de foudre le prit au dépourvu, un éclair touchant son épaule et laissant une tache fumante derrière lui. Laissant échapper une grimace de douleur, il ne battit néanmoins pas en retraite.

Aeris non plus. Les lèvres serrées, la concentration brillant dans ses yeux, elle brandit son bâton et para juste à temps le coup fatal que lui assénait son adversaire. Une pluie de coups semblables s'abattit aussitôt sur elle, mais elle ne faiblit pas, son bâton tournoyant aussi vite que possible pour contrer la rapidité d'Axel, quoique Kairi, au reste très impressionnée, la vit reculer de quelques pas.

Bon. Ses amis mettaient toute leur énergie pour la défendre. Elle devait se battre, elle aussi.

Elle exécuta donc l'ordre de sa volonté. Malgré sa maîtrise encore fragile d'une poignée de sorts, malgré sa réserve d'énergie magique diminuant à vue d'œil, malgré ses craintes qu'une de ses attaques de glace, de foudre ou de feu ne touche l'un de ses amis. Et, elle devait l'avouer parce qu'elle en était consciente, elle ne pouvait prétendre être dénuée de la peur de blesser sérieusement Axel, parce que, même s'il était désormais un ennemi, il ne l'avait pas toujours été, et elle le connaissait assez pour affirmer qu'il n'était pas un monstre – malgré les invectives qu'elle venait de lui lancer.

Et il semblait en retour faire preuve de retenue envers elle. Il ne lui destina aucun coup qui lui serait mortel s'il faisait mouche, bien que repoussant rudement ses attaques. Il ne faisait en revanche pas de quartier envers ses amis, et bien vite, Kairi comprit que bien qu'ils aient l'avantage du nombre et des combattants entraînés, ils ne feraient pas le poids.

Cette réalisation prenait la forme de la sueur qui perlait sur le front d'Aeris, qui peinait à maintenir son énergie, quoiqu'elle en dépensait des quantités astronomiques pour multiplier les sorts défensifs et curatifs et surtout ladite multiplication qui se révélait nécessaire.

Un chakram aussi rapide que la lumière avait cueilli Cid à la jambe, l'envoyant mordre la poussière avec un juron. Un coup cinglant avait projeté Yuffie contre le mur de la forteresse avec une telle violence que Kairi craignit pendant quelques secondes qu'elle ne se relèverait pas. Même Léon peinait, les traits tordus en une grimace qui révélait son désarroi. En voulant échapper à une cinglée de flammes qui ravagèrent le terrain, Kairi se retrouva dans la trajectoire d'un chakram qui lui mordit la hanche. La douleur vive lui arracha un cri et enflamma son corps. Perdant le contrôle de ce dernier, elle s'effondra à terre.

« Kairi ! » s'écria Yuffie, quelque part loin derrière elle.

Axel récupéra ses armes et sauta en arrière hors de la portée d'un sort de foudre. Il lui jeta un regard où la détermination combattait avec une sorte d'anxiété agacée.

« Xion, je le dis pour toi ! Laisse tomber immédiatement, ou ça tournera mal. Tu es blessée, il faut qu'on te soigne...

-Non ! » Les poings et les dents serrés, Kairi parvint avec difficulté à se redresser. Elle jeta un coup d'œil affolé à sa hanche, priant pour que la blessure ne soit pas grave. « Je ne laisserai pas tomber ! Pas avant d'avoir trouvé Sora ! »

L'ombre recouvrit le visage d'Axel, qui se remit en garde, prêt à repartir à l'attaque.

« Je crains que ce ne soit pas acceptable. »

Léon vint lui couper la route, mais la violence des coups d'Axel le fit vaciller. Les yeux de Léon s'agrandirent quand il comprit qu'il avait peu de chance de gagner la bataille. Cid, apparemment à court de balles, hurla :

« Aeris, attrape ! »

Il lui jeta une matéria rouge sang que la jeune femme, un brin échevelée et la robe déchirée ou roussie par endroits, attrapa au vol. Elle l'étudia un instant, puis recula de plusieurs pas précipités.

« Couvrez-moi ! »

Yuffie et Cid, qui venait de recharger, hochèrent la tête et se lancèrent à l'assaut avec un cri de guerre, distrayant suffisamment Axel pour donner un peu de répit à Léon. Yuffie atterrit soudain derrière Kairi d'un bond gracieux.

« Kairi, écoute, dit-elle d'une voix pressante. On va le retenir ! Pendant ce temps, tu fonces !

-Mais... ! voulut-elle protester mais Yuffie secoua la tête.

-Désolée, mais je pense pas qu'on puisse continuer comme ça très longtemps, avoua-t-elle avec une grimace. Il est trop coriace ! Mais toi, tu as encore une chance de le semer.

-Si tu crois que je vais vous laisser vous faire massacrer », siffla Kairi entre ses dents en suivant frénétiquement des yeux l'échange endiablé et mortel auquel se livraient Axel, Léon et Cid.

Yuffie secoua une nouvelle fois la tête et lui prit la main, l'aidant à se relever.

« Je pense pas, dit-elle d'un ton enjoué. Il est venu pour toi, il en a rien à faire de nous. Il essaiera de nous fausser compagnie dès qu'il te verra plus, et on le retiendra le plus possible pour te laisser de l'avance. » Elle serra sa main et se pencha vers elle, un grand sourire confiant étirant ses traits. « Alors fonce, Kairi ! Retrouve Sora ! Et dis-lui bonjour de notre part ! »

Kairi ne put tergiverser plus longtemps. Elle savait que Yuffie disait vrai – elle savait aussi que rester sur place ne pouvait que faire diminuer, minute par minute, les chances de survie de ses compagnons. Elle hocha la tête, et s'élança, puisant dans toute son énergie pour que ses jambes la portent aussi vite que possible.

Axel lui jeta un coup d'œil quand elle le dépassa.

« Pas si vite ! » s'écria-t-il et il voulut se précipiter vers elle, mais Léon et Cid, auxquels se joignait Yuffie, ne lui en laissèrent pas l'occasion. Il jura à nouveau et entreprit de se débarrasser d'eux, désormais préoccupé par autre chose que la bataille.

Kairi volait sur le chemin de roche, le vent battant dans ses oreilles éclipsant les bruits du combat. Elle sauta à bas d'un rocher et poursuivit sa course. La muraille marqua une courbe, la dissimulant aux yeux des combattants. Elle força l'allure alors même que la douleur lancinante dans sa hanche se manifestait à nouveau avec virulence.

« Aeris, maintenant !

-C'est parti ! » s'écria cette dernière avant qu'un grondement à en réveiller les morts ne couvre sa voix.

Le sol trembla sous ses pieds et Kairi chancela, manquant glisser. Des fissures naquirent autour d'elle tandis que la terre se déchirait dans son dos avec un fracas de tonnerre et que des voix d'outre-tombe à lui glacer le sang s'élevaient loin derrière elle. Elle dut se faire violence pour continuer sa course et ne pas se retourner pour observer les conséquences de l'invocation.

Ce fut alors qu'elle aperçut une anfractuosité dans le mur, étroite fissure dans la muraille infranchissable et s'y jeta sans réfléchir.


Il faisait noir comme dans un four. Le mince rai de lumière s'engageant par l'ouverture n'éclairait rien de plus que quelques graviers échoués sur le sol à vingt centimètres de l'entrée. Au-delà, le silence et l'obscurité.

Kairi avança lentement, une main sur le mur. Elle rentra la tête dans les épaules quand son front heurta la roche. Elle n'était pas rassurée... mais la perspective qu'Axel déboule d'une seconde à l'autre pour la tirer hors de son trou comme un chat avec une souris la persuadait de ne pas perdre de temps.

Elle se prit soudain les pieds dans des débris tombés à terre et glapit. Son cri résonna étrangement autour d'elle. Elle soupira, s'épongea le front, et continua à avancer, luttant contre le sentiment de culpabilité qui montait dans son cœur. Elle espérait plus que tout que ses amis étaient saufs.

Pendant quelques secondes qui lui parurent durer une éternité, seul le son de sa respiration et le bruit de ses pas sur les débris instables emplissaient le silence. Elle avançait toujours... puis le mur disparut sous ses doigts, et elle se figea.

« Lumière », murmura-t-elle en effleurant sa matéria de feu. Il lui restait encore un peu d'énergie magique.

Une flamme inoffensive s'alluma dans le creux de sa main. Le voile de ténèbres se déchira autour d'elle et Kairi s'aperçut que la brèche débouchait sur un escalier plongé dans l'obscurité, dont les marches de pierre montaient sur sa gauche et descendaient sur sa droite, s'enfonçant dans la pénombre. Elle était parvenue à l'intérieur de la Forteresse, réalisa-t-elle. Elle devait choisir une direction, et vite. Elle était encore trop près d'Axel.

Bien qu'elle en frissonnait d'avance, elle suivit son instinct et choisit le sous-sol.

L'escalier descendait en colimaçon. Ses pas claquaient sur les marches froides, se réverbérant dans le décor de pierre. Elle voyait ses pieds avec peine, aussi n'avançait-elle pas très vite, de peur de se rompre le cou. Il n'y avait pas un bruit et elle relâcha légèrement sa garde en constatant qu'elle n'était pas poursuivie.

Finalement, l'escalier prit fin et un long couloir de pierre se déroula devant elle, plafond haut invisible même à la lumière de sa flamme. Kairi hésita sur la dernière marche. Elle n'entendait rien d'inquiétant, mais n'apercevait rien non plus au-delà d'une dizaine de mètres devant elle. Impossible de dire si elle était en danger ou si elle n'avait pour seule compagnie que les souffles fantômes des souvenirs perdus d'une ancienne forteresse. Bon. Elle avait toujours ses matérias. Et si les choses se gâtaient, elle avait toujours la possibilité d'ouvrir un Couloir des Ténèbres.

Elle avança... et faillit hurler quand une ouverture béante se découpa soudain sur le mur à sa droite. Rien ne jaillit des ténèbres. Quand elle fit quelques pas vers le seuil et illumina l'autre côté de l'ouverture, se dévoila une pièce de petite taille, très rudimentairement meublée d'un unique lit aux couvertures moisies. Le sol et les murs en étaient de la même pierre grise et froide, et l'image d'un cachot de donjon s'imposa à elle.

Pas très rassurée, Kairi continua à avancer dans les ténèbres, passant de nombreuses autres cellules, bien que la plupart étaient toujours barrées d'une lourde porte de fer dont seule une ouverture barrée à hauteur de tête dévoilait l'obscurité.

Je suis dans les cachots, songea-t-elle. Dans les profondeurs de la terre... Je ne veux pas imaginer qui ces cellules pouvaient bien contenir.

Le couloir s'acheva sur une haute double porte de bois, dont un des battants était entrouvert. Elle s'y faufila pour découvrir tout un réseau de couloirs tout aussi silencieux et lugubres que celui qu'elle venait de quitter. Deux exceptions notables, cependant, lui mirent du baume au cœur : les portes qu'elle croisait étaient de simples battants de bois ou de métal, n'ayant plus rien qui n'évoqua l'entrée d'une prison, et de très légères pierres diffusant une lumière ténue étaient incrustées à intervalles réguliers le long des murs. Quelques-unes ne fonctionnaient plus, mais Kairi fit néanmoins disparaître les flammes de sa main pour économiser ses MP ; elle le fit à regret, comme se séparant d'un compagnon de voyage pour se retrouver seule à errer dans ce labyrinthe souterrain à peine illuminé par cette faible lueur bleutée.

Elle ne savait même pas ce qu'elle devait chercher... Les galeries fusaient dans toutes les directions sur semblait-il des kilomètres sous la forteresse et elle avait même aperçu à une ou deux reprises la bouche d'un escalier qui s'enfonçait encore davantage dans les sous-sols...

Pour l'instant, nous avons pu soupçonner la présence d'un vaste réseau de salles dans les sous-sols, quelque chose de massif. On pouvait deviner leur présence en consultant d'anciens plans, où en étudiant l'architecture du palais, mais nous n'avons toujours pas réussi à en découvrir une entrée.

Était-elle dans ces fameux sous-sols ? Il semblerait que oui, bien que la facilité avec laquelle elle s'y était retrouvée la laissait perplexe. Cela dit... le tremblement de terre de l'invocation d'Aeris... peut-être avait-il achevé d'ébaucher une brèche jusqu'à présent invisible, brèche par laquelle elle s'était ensuite engouffrée...

Kairi leva les yeux vers le plafond obscur et ressentit une pointe de découragement menacer de l'envahir.

« Comment je suis censée trouver quoi que ce soit dans ce labyrinthe ? »

Sa voix se perdit dans les galeries abandonnées. Elle secoua furieusement la tête. Non ! Elle n'allait pas abandonner. Elle était peut-être si près du but... Après tout, elle savait déjà que les niveaux supérieurs faisaient l'objet de travaux et d'explorations depuis des mois. Sora, ou un quelconque repère de l'Organisation, ne s'y trouvaient certainement pas. Cependant, des individus portant le manteau noir avaient été aperçus sur le site, et ses sous-sols demeuraient toujours un mystère. L'Organisation... ou bien...

Kairi rassembla et courage et détermination, et reprit sa route.

Le temps s'écoula. Elle ne sut dire combien de minutes, ou d'heures, elle passa à explorer les couloirs abandonnés avec pour seule compagnie la lumière des torches et le bruit de ses pas. La plupart des portes qu'elle testa ne lui apportèrent rien d'intéressant – la plupart donnaient sur des pièces pratiquement vides, ou étaient verrouillées – et elle acquit bientôt la quasi-certitude qu'elle était seule ici – pas de Sora ni de Naminé, qui qu'elle soit.

Elle rencontra cependant des salles plus étranges, qui intriguèrent sa curiosité. L'une d'elle, semblable à une crypte au mur opposé arrondi, contenait une douzaine de cercueils disposés en arc de cercle. La poussière s'y était accumulée – ils étaient très vieux, et elle ne pouvait déchiffrer les écritures qui y étaient gravées. Elle ne s'attarda pas.

Une autre salle, circulaire, et au plafond très haut, était dotée de véritables torches quoique sans doute surnaturelles : elle n'avait jamais vu des torches qui s'allumaient d'elles-mêmes au moment où elle franchissait le seuil. Fait surprenant, des vitraux ornaient le mur, flamboyant de mille couleurs sinistres sous la lueur des torches. Ce qu'ils représentaient la laissait perplexe – elle croyait discerner des silhouettes humaines, ici un immense oiseau, là un arbre. Mais ce qui la marqua le plus dans cette salle ne fut ni les torches enchantées ni les vitraux nébuleux mais les très légers souffles d'air qui semblaient la traverser de part et d'autre. Impossible d'en découvrir leur source.

« Alors ça, c'est incroyable », murmura-t-elle pour elle-même.

Entendre sa voix raffermissait son courage.

Une troisième salle, immense et toute en longueur, était occupée par des dizaines de rayonnages obscurs, supportant des tonnes d'ouvrages. Elle venait de dénicher une véritable bibliothèque, qui n'avait pas été consultée depuis des années. Cependant, l'heure n'était pas à la lecture, et elle tourna les talons.

Elle découvrit ensuite une pièce où l'éclat des torches se reflétaient sur le métal des chaudières, engrenages et tuyaux de toute la machinerie immobile qui y était installée. Était-ce le système de défense de la forteresse, ou les commandes du chauffage ? Elle n'en avait aucune idée.

Dans d'autres pièces, des caisses de vivres étaient entreposées. Doutant de la qualité de ce qui avait sommeillé dans les ténèbres depuis une décennie, Kairi jugea préférable de ne pas s'y intéresser.

Au détour d'un chemin, un son ténu parut percer le voile de silence qui oppressait les lieux. Kairi s'arrêta, persuadée d'avoir mal entendu, et tendit l'oreille. Non... un bruissement presque imperceptible s'élevait au-delà d'elle. Quand elle reconnut le son de l'eau, elle pressa le pas.

Une dizaine de minutes plus tard, le son avait monté en intensité et emplissait désormais ses oreilles. Qu'allait-elle trouver au détour d'un couloir ? Un tuyau percé ? Un lac souterrain ?

Non. Elle tourna à un angle et constata qu'une vingtaine de mètres plus loin, la galerie était complètement barrée par un rideau d'eau vertical, semblable à une cascade. Cette portion de couloir était moins sombre : un rai de lumière franchissait le voile d'eau. Avait-elle retrouvé l'extérieur ?

Kairi s'approcha lentement, considérant la cascade chantante avec méfiance. Elle avança un pied à travers l'eau puis ferma les yeux et franchit le mur aquatique. La force de l'eau pressa ses épaules, manquant la faire s'écrouler au sol... et elle se retrouve à l'extérieur.

« Wahou... »

Elle venait de mettre les pieds au sein d'une cour de taille carrée, complètement ceinte par les murs de la forteresse, murs sans ouverture sur l'équivalent de deux étages puis percés de hautes fenêtres dans leurs hauteurs. Des rideaux d'eau s'échappant de fentes grillagées ornaient les quatre murs de la cour, se déversant sur le sol qui était en réalité un unique bassin dans lequel elle évoluait à présent, de l'eau jusqu'aux chevilles. Quelques grilles discrètes dans le sol étaient chargées de l'évacuation de l'eau.

« Je me demande s'il y a d'autres passages cachés derrière ces cascades », se demanda-t-elle.

Avant de se taire. Elle avait un mauvais pressentiment.

Répondant à ce dernier, des Sans-cœurs se matérialisèrent avec un chuintement et une odeur de ténèbres de l'autre côté de la cour, flottant au-dessus de l'eau. Kairi réagit aussitôt, avec une rapidité qui l'aurait rendue fière : un sort de feu fusa, désintégrant deux des arrivants avant qu'ils aient pu faire un pas dans sa direction. Elle réitéra ses attaques, prenant de la distance avec les ennemis qui se rapprochaient d'elle.

« Et prenez ça ! » dit-elle en décochant son ultime sort, éclair réduisant en cendres les trois dernières Ombres aux griffes acérées.

Elle comprit son erreur à l'instant où elle libéra son sort, mais c'était trop tard. Guidés par l'eau emplissant la cour, les éclairs grésillèrent avec une violence exceptionnelle sur l'ensemble de l'espace cerné de murs et une décharge la traversa, l'envoyant face la première dans l'eau avec un cri de douleur au moment où le sort se dissipait. L'eau se teinta de rouge en goûtant le sang de sa blessure à la hanche. En vitesse, Kairi invoqua un sort de soin et le soulagement envahit ses veines, remplaçant la douleur.

« Je ne peux pas rester ici, murmura-t-elle en se redressant. Il faut que je bouge. »

En faisant le tour de la cour, elle constata que chaque cascade dissimulait un couloir obscur. Elle finit par en choisir un au hasard, arche de pierre conduisant à un réseau de galeries faiblement éclairées par la lumière du jour indiquant des ouvertures proches. Elle ne voulait pas s'enfoncer à nouveau dans les sous-sols.

Maintenant que les Sans-cœurs l'avaient repérée, ils ne la lâchaient pas. Kairi avait beau courir, ses chaussures spongieuses manquant déraper sur les pierres, elle commençait à s'épuiser, et ses ennemis à la rattraper. Elle s'en débarrassa d'un bon nombre, une dizaine, deux dizaines peut-être, mais toujours plus de Sans-cœurs émergeaient du sol, des murs, ou de l'air. Quand elle franchit une arche et se retrouva dans une autre cour, dont le bassin d'eau ne couvrait que la moitié opposée de sa superficie, elle constata qu'un petit comité de Sans-cœurs de toutes formes l'attendait, émergeant dans le bassin.

« Foudre ! »

Cette fois, elle mit à profit les spécificités de son environnement sans se blesser, les pieds bien au sec sur le sol de pierre, et désintégra les deux tiers de ses opposants, n'attendant pas les résultats de son attaque pour surenchérir avec deux sorts de glace et de feu. Elle était si concentrée qu'elle n'aperçut qu'au dernier moment le Sans-cœur tout rond, balle de ténèbres frémissante comme sur le point d'exploser, qui l'approchait de côté. Elle lui balança un éclair... et il explosa.

Le monde devint chaos. Un rugissement déferla dans ses oreilles, anéantissant tout tandis qu'elle était projetée dans les airs. La douleur terrible qui avait envahi son corps s'en retrouva décuplée quand elle atterrit lourdement sur le sol. Le souffle coupé, les yeux clos, elle dut serrer les dents pour ne pas hurler devant la souffrance qui s'était installée en elle.

« Soin », siffla-t-elle en utilisant le peu d'énergie qui lui restait.

Même le souffle régénérateur du sortilège n'apaisa pas complètement ses souffrances, et elle crut qu'elle avait perdu et l'ouïe et la capacité de se relever pendant de longues et horribles secondes.

Finalement, le chuchotement tranquille de l'eau revint à ses oreilles et elle ouvrit les yeux, se redressant avec précaution.

Une chance qu'elle soit parvenue à se débarrasser entièrement du comité, ou elle se serait retrouvée à la merci des monstres le temps de reprendre ses esprits.

Kairi soupira et tenta de se relever en ignorant les élancements de douleur de son corps... et retomba aussitôt sur les fesses.

Aïe.

Ce n'était pas bon. Elle ne pouvait continuer ainsi. Elle devait faire une pause. Mais pas ici. Pas à découvert.

La jeune fille trouva une potion dans son sac et la but, enchaînant directement avec la moitié de l'eau de sa gourde pour calmer sa gorge assoiffée. Elle se sentait mieux. Elle pouvait continuer un peu.

Ce qu'elle fit. Dès qu'elle dénicha un escalier remontant vers les niveaux supérieurs de la forteresse, elle s'y engagea immédiatement, priant pour que ces derniers ne soient pas le terrain de chasse des Sans-cœurs. Ce fut ainsi qu'elle parvint dans une cour apparemment collée aux remparts, dont les trois fontaines décoratives étaient vides.

Kairi examina l'un des recoins de la cour, dissimulé aux regards par une avancée du mur.

« Ça devrait faire l'affaire pour cette nuit, soupira-t-elle. De toute façon, le soleil est en train de se coucher, alors... » Elle s'avança précautionneusement dans le recoin, puis avisa un tonneau qui prenait la poussière tout près, le tira pour en barrer l'entrée, et se laissa tomber sur le sol avec un long soupir.

De toute façon, il était hors de question qu'elle retourne dans la forteresse obscure pour passer la nuit.

Elle mangea les provisions que contenait son sac, d'abord du bout des lèvres, puis goulûment quand son appétit bâti par cette rude journée se réveilla, tout en faisant le point sur sa situation. Bon. D'accord, elle avait échappé – temporairement – à Axel, mais elle n'était pas plus avancée. Elle avait exploré une partie – certes, sans doute infime – de la forteresse mais rien n'indiquait qu'elle soit habitée. Sora s'y trouvait-il vraiment ? Elle n'y croyait plus.

Elle enfouit la tête dans ses genoux, luttant contre les larmes. Elle allait dormir. Demain, quand elle serait reposée, elle reprendrait les recherches.


Kairi se réveilla donc le lendemain au son de cris d'enfants. Se relevant aussi vivement que possible, Kairi découvrit un garçon et une fille qui fuyaient à travers la cour, deux Ombres joueuses sur leurs talons. Ils n'avaient pas l'air d'avoir plus de neuf ans. Un peu plus loin, un autre garçon était à terre, visiblement pétrifié de terreur. Un sac se trouvait renversé devant lui, mais il ne tentait pas de le ramasser, ni même de fuir quand une Ombre naquit du sol et s'avança vers lui. Tout au plus tourna-t-il de grands yeux apeurés vers elle.

Kairi jaillit de sa cachette et se précipita vers lui, farfouillant furieusement dans sa poche jusqu'à tomber sur sa matéria de feu. Elle avait peur de toucher le garçon... mais s'efforça à l'ignorer et à se concentrer uniquement sur l'Ombre qui fonçait sur lui d'une démarche presque pataude. Un jet de flammes tomba sur elle, la réduisant en poussière, mais déjà Kairi avait tourné les talons, son attention accaparée par les trois autres qui pourchassaient les enfants, lesquels étaient désormais acculés contre la muraille.

Comparé aux hordes persistantes de la veille, et maintenant qu'elle avait retrouvé ses forces, ce fut un jeu d'enfant. En quelques secondes, le calme matinal revint sur les lieux. Légèrement essoufflée, Kairi essuya la sueur qui perlait sur son front et se tourna vers les enfants en souriant.

« Tout va bien. Ils ne vous embêteront plus. »

Pendant un instant, les enfants ne bougèrent pas, se contentant de la fixer d'un air médusé comme s'ils s'attendaient à moitié à ce qu'elle les attaque à son tour.

« Vous n'êtes pas blessé ? » leur demanda gentiment Kairi.

La fille fit non de la tête, puis sa langue parut se délier.

« Vous êtes qui ? demanda-t-elle. Vous n'êtes pas... » Elle hésita. « une méchante ?

-Qui, moi ? Bien sûr que non ! J'ai l'air d'une méchante ? s'étonna faussement Kairi, sentant l'hilarité lui monter à la gorge.

-C'est juste que... intervint d'un ton plus bravache le premier garçon qu'elle avait sauvé en les rejoignant. Il faut faire attention aux gens en manteau noir. Les autres disent... » Il hésita à nouveau et la regarda d'un air méfiant.

-Je ne fais pas partie de leur bande, en fait, tenta de les convaincre Kairi. J'ai juste pris un manteau noir pour voyager. Mais je vois de qui vous parlez. Est-ce que...

-C'est sûr que t'as l'air plus gentille que les autres ! s'écria le troisième. En plus, les autres, on a jamais vu leur visage.

-Merci de nous avoir sauvés, murmura la fillette.

-Ouais, merci madame !

-Mais au fait, fit Kairi en penchant la tête, qu'est-ce que vous faites ici ? Cet endroit n'est pas censé être habité... »

Ils eurent de concert une grimace gênée.

« On vient souvent ici, marmonna l'un d'eux. Pour chercher des trésors. On a trouvé des tas d'objets intéressants !

-Je vois...

-D'habitude, on va jamais aussi loin. On reste dans les zones où les ouvriers travaillent. Du coup, on a jamais été attaqués par les monstres ! Même si d'autres enfants en ont vus. J'ai hâte de raconter aux autres qu'on a été attaqués !

-Et ils ont vu des gens en manteau noir, ces autres enfants ? s'enquit Kairi.

-Ouaip ! C'est un peu une légende, par ici. Des silhouettes sans visage, habillées avec un manteau noir, qui errent dans le château... On sait pas du tout ce qu'ils veulent, ni qui ils sont. Il paraît que ça porte malheur de les voir.

-Et... vous savez où exactement, ils ont été aperçus ? »

Tous trois hochèrent négativement la tête.

« Apparemment, l'un d'eux a été vu sur les remparts. Et deux autres, dans les couloirs du neuvième étage », dit la fillette.

Kairi les remercia, un peu déçue.

« Bon, très bien. Par où vous êtes venus, les enfants, au fait ? »

Ils lui montrèrent un portail, à l'extrême opposé de la cour.

« Ça mène à une allée qui descend vers une sortie secondaire ! Les ouvriers ne nous voient pas entrer, comme ça, s'enorgueillit l'un des garçons, comme si ce fait n'avait pas failli signer son arrêt de mort quelques minutes auparavant. De toute manière, ils restent près de l'entrée en ce moment. Quels trouillards !

-Parfait. Alors maintenant, les enfants, repartez d'où vous êtes venus, leur intima Kairi. C'est dangereux, très dangereux par ici. Pas plus tard qu'hier, je suis tombée sur des monstres bien plus nombreux que ces quatre-là. Et je ne serai plus avec vous pour vous sortir d'affaire. »

Les trois enfants l'observèrent en silence. Elle se demanda s'ils l'écouteraient. Puis l'un des garçons hocha la tête.

« Ok, d'accord, bougonna-t-il. Je vais chercher le sac. »

La fillette s'approcha de Kairi et lui demanda, comme si elle avait déjà oublié la récente attaque :

« Comment tu t'appelles ?

-Oh... » Bon, il y avait peu de chances qu'Axel tente de tirer les vers du nez à ces trois enfants, non ? « Disons que mon nom est un peu secret. Tu sais garder un secret ?

-Oh oui !

-Je m'appelle Kairi, se présenta-t-elle en souriant. Mais c'est un secret, d'accord ?

-Ok ! » La fille rigola, l'air ravi. « Moi, c'est Madriane !

-Et moi je m'appelle Olion ! Et lui, c'est Vind.

-Bon, on y va ? » les apostropha le dénommé Vind qui les attendait, sac à l'épaule.

Les trois enfants finirent par s'éclipser, non sans lancer de longs regards à la fois curieux et admiratifs à leur sauveuse. Quand ils eurent disparu, cette dernière se retourna vers les hauts bâtiments de la forteresse qui jetaient leur ombre sur la cour.

« Bon, soupira-t-elle. C'est reparti. »

Ce fut sans grand espoir qu'elle pénétra à nouveau dans le château par la première porte venue. Mais aujourd'hui, il s'avéra que la chance était de son côté.

A peine une heure après la reprise de son exploration, alors qu'elle n'avait rien croisé d'intéressant, elle déboucha en haut d'un long escalier et sortit sur un balcon courant le long du bâtiment central de la forteresse. De là-haut, elle avait une vue plongeante sur les cours et bâtiments bas s'agglutinant autour de ce dernier, et plus encore sur les falaises de pierre bleue qui s'étendaient au-delà, fendues de chemins s'enfonçant jusqu'aux étendues sauvages à l'horizon. Logiquement, Kairi aurait dû reprendre son exploration des sous-sols – si Sora était ici, c'était probablement là-bas – mais il lui répugnait de s'absenter à nouveau de la lumière du jour.

Alors qu'elle observait l'horizon, profitant d'une légère brise, un mouvement attira son attention en contrebas. Elle baissa les yeux... et son souffle se bloqua dans sa gorge. Sur une grande terrasse deux étages plus bas, une silhouette vêtue d'un long manteau noir, le visage camouflé dans sa capuche, avançait lentement. Il ne l'avait pas aperçue.

Kairi se figea, ne sachant si elle devait s'accroupir derrière la balustrade ou demeurer immobile. Il continua son chemin, lui tournant le dos. Elle ne le quitta pas des yeux, tentant de deviner son identité en lisant sa silhouette. Pas assez colossale pour que ce soit Xaldin, et probablement trop petite pour que ce soit Saïx ou Xigbar... bien qu'elle n'irait pas jusqu'à le jurer. Trop grande pour Roxas, peut-être, et pas assez fine pour être Axel. Et si... elle n'osait espérer... et s'il s'agissait de Riku ?

L'individu disparut par une petite ouverture entre deux fenêtres, dont la porte gisait sur la poussière de la terrasse. Kairi se décida. Elle enjamba la rambarde, considéra la distance, puis se laissa tomber sur la terrasse en contrebas. Le son de ses bottes heurtant les pavés fit à ses oreilles un bruit de tonnerre, et elle se figea, guettant l'ouverture, s'attendant à voir surgir l'individu. Il n'en fit rien, et elle se redressa lentement avant de se lancer à sa poursuite, le plus silencieusement possible.

Elle devait être vigilante. Hors de question de se faire repérer avant d'avoir confirmé qu'il s'agissait de Riku – si tel était le cas. Sinon, elle se retrouverait dans le pétrin.

Elle avait presque atteint la porte lorsqu'un sifflement traversa doucement le silence ambiant. A sa grande horreur, elle ne le perçut que trop tard.

Une boule d'énergie s'écrasa au centre de son dos et le vent lui fouetta les joues alors qu'elle était projetée en avant. Elle s'écrasa face contre terre, pour la troisième fois en un jour, mais la douleur était telle qu'elle ne s'en rendit même pas compte. Le souffle coupé, Kairi lutta pour garder les yeux ouverts sur la vue des dalles poussiéreuses, des taches noires envahissant sa vision.

Finalement, elle était tombée dans un piège...

Furieuse, Kairi se tordit le cou, cherchant son attaquant d'un regard qui lançait des éclairs. Il était là, sur un toit proche, Simili doté d'une sorte d'arbalète... un Sniper si elle se souvenait bien. Sa bouche s'étirait à en faire peur, comme s'il avait l'air bien content de lui.

« Hé ben c'est pas trop tôt... Tu m'auras bien fait courir, Xion. »

Un Couloir des Ténèbres s'ouvrit à quelques mètres d'elle et elle sentit le désespoir l'envahir en en voyant sortir Axel qui, pour une fois, ne paraissait ni jovial ni nonchalant. Il paraissait presque affligé de la tournure des événements.

Non... ça ne pouvait pas se terminer ainsi..., songea-t-elle en le voyant se rapprocher. Le tournis la gagna et elle ne put empêcher sa tête de retomber sur la dalle de pierre crade. Hors de question qu'elle retourne à la case départ !

Les bottes d'Axel, compte à rebours sinistre marquant la fin de sa quête, s'arrêtèrent net. Elle l'entendit laisser échapper un sifflement contrarié. Cela lui donna suffisamment de force pour redresser à nouveau la tête.

La silhouette encapuchonnée était de retour sur le seuil de la porte, à seulement deux mètres d'elle, probablement attirée par le vacarme. Elle n'avait pas l'énergie de voir plus haut que sa taille.

De sa gauche, un chuintement métallique lui parvint, indiquant qu'Axel venait de matérialiser ses armes.

Ça signifiait... ça ne pouvait signifier que...

Au prix d'un gros effort, Kairi se redressa sur les genoux, plongeant le regard dans les profondeurs obscures tenant lieu de visage sous le capuchon de l'homme.

« Qui... ? » commença-t-elle.

Il dégaina soudain, parant les deux chakrams qui fondaient sur lui avec une rapidité mortelle, les renvoyant à leur propriétaire. Mais Kairi n'en avait cure – elle n'avait d'yeux que pour l'épée à la lame en aile de chauve-souris qui lui était plus que familière.

« Riku ! C'est toi ? C'est bien toi ? s'écria-t-elle.

-Ne l'approche pas, Xion, ordonna Axel à sa gauche. Il est dangereux. Recule ! »

Mais Kairi fit la sourde oreille. Elle ne pouvait détacher son regard de l'homme en face d'elle qui leva lentement sa main libre et abaissa sa capuche.

Un visage qu'elle ne connaissait que trop bien, rendu plus mûr par les épreuves récentes, encadré par de longs cheveux argentés qui cascadaient dans son dos. Ses yeux étaient certes masqués d'un bandeau noir – pourquoi donc ? Il faudrait qu'elle le lui demande – mais elle l'avait immédiatement reconnu.

Il les observait sans le moindre sourire.

« Ainsi avez-vous commencé à vous en prendre aux vôtres, dit-il d'une voix dure, à l'adresse d'Axel.

-Epargne-moi tes traits d'esprit, répliqua sèchement ce dernier. Et fiche le camp. Ça ne te regarde pas, gamin.

-Ce n'est pas à nous d'en juger. »

Il reporta son regard sur Kairi, qui l'observait, hébétée mais plus heureuse qu'elle ne l'avait été depuis longtemps.

« Je ne suis pas sûr de qui tu sois, mais... veux-tu m'accompagner ? »

Il ignorait son identité, mais elle aurait l'occasion d'y remédier.

« Oui, évidemment ! » s'écria-t-elle.

Il lui tendit la main et au moment où elle allait la prendre, Axel repassa à l'attaque.

Riku réagit vivement. Bondissant entre Axel et Kairi, il brandit son épée et fit barrage à la volée de coups qui pleuvait sur lui. Kairi les observa, constatant avec tristesse qu'elle n'aurait aucune chance si elle avait à prendre part à ce combat. Mais elle était déterminée à se montrer utile. Ignorant la douleur qui lui lacérait le dos, elle se remit sur pieds, et choisit son sort avec soin.

Un pic de glace jaillit sous les pieds d'Axel, le projetant en arrière. Il parvint à retomber sur ses pieds, mais il était clair qu'il n'avait pas anticipé l'attaque, qui avait fait mouche et l'avait éloigné de ses cibles. Une expression de trahison passa furtivement sur ses traits avant qu'il ne réalise que ces deux dernières étaient très proches l'une de l'autre... et désormais loin de lui.

Riku tendit le bras, et un Couloir des Ténèbres s'ouvrit dans leur dos, léchant les bottes de Kairi.

« Allons-y », dit-il simplement.

Kairi hocha la tête et fit un pas dans le conduit obscur.

« Non, Xion ! » Axel devait avoir réalisé qu'il n'avait aucune chance de les rattraper, car il ne bougeait pas. « Si tu pars avec lui, tu mourras ! »

Il avait l'air presque désespéré, et Kairi sentit la pitié l'envahir.

« Je ne suis pas... » commença-t-elle, mais le portail se referma.