Chapitre publié le 13 décembre 2023

Je reprends cette fic, cette fois pour de bon ! J'ai bientôt fini d'écrire les derniers chapitres. Je pense que je publierai un chapitre toutes les trois semaines.

Bon, je m'en excuse, mais il n'est pas improbable de trouver des incohérences par rapport à des chapitres précédents, puisque ça fait des années que j'écris cette fic, souvent avec des arrêts de plusieurs mois.


Chapitre 37 : Retour aux Îles

« Hé, on a un problème. »

Les conversations autour de la table du petit déjeuner moururent instantanément. Aeris et Cid relevèrent la tête de leur tasse de café. Yuffie continua de mâchonner sa tartine en dévisageant avec curiosité Léon qui venait d'entrer en trombe.

« Léon ? »

Pour une fois, Léon ne se donnait pas la peine de conserver le masque fermé et blasé qu'il collait ordinairement sur son visage. De la sueur perlait sur son front et son souffle était court. Fait inquiétant, il serrait sa Gunblade dans son poing, détail qui mit aussitôt les autres sur leurs gardes. Ils se levèrent comme un seul homme, portant leur main à leur arme respective.

« Les Sans-coeurs se sont multipliés, dit-il d'un ton saccadé, dardant des regards perçants vers chaque recoin de la pièce comme s'il s'attendait à y trouver un ennemi se dissimulant. Ils sont partout dans les faubourgs !

-Hein ? Tu déconnes ? »

Sur ces mots, Cid bondit vers l'ordinateur massif dont l'écran clignotait doucement au fond de la pièce. Sans se donner la peine de se laisser tomber dans le siège prévu à cet effet, il se pencha sur le clavier et commença à tapoter rapidement sur les touches.

« Non mais regardez-moi cette merde... »

Les autres s'agglutinèrent derrière lui, fixant ce qui venait de s'afficher sur l'écran : un schéma très pixelisé et approximatif représentant les faubourgs, qui grouillait de petits points rouges s'agitant en tous sens. Et à chaque seconde, de nouveaux points rouges se matérialisaient. Ils étaient si nombreux à présent que leurs déplacements se faisaient hachés, comme si le logiciel peinait à fonctionner et prendre en compte tous ces ennemis.

« Hé, mais c'est quoi ce délire ? s'écria Yuffie. Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui ? C'est la réunion des Sans-coeurs ou quoi ?

-Ils sont en train d'envahir le quartier, répliqua Léon d'un ton pressé. Les habitants ne sont pas prêts à faire face à la situation. Les plus lucides se sont déjà barricadés chez eux, mais les autres...

-Vous voyez ça ? » dit soudain Aeris en pointant l'un des points rouges. Ce dernier était accompagné d'un point d'interrogation de la même couleur. Il semblait s'être matérialisé sur les remparts, la zone dans laquelle s'accumulaient le plus de Sans-coeurs, mais, comme conscient d'avoir été repéré, disparut subitement.

-Voilà autre chose, bougonna Cid. Comme si la situation était pas assez catastrophique. »

Les points rouges relevés d'un point d'interrogation représentaient les étranges êtres en manteau noir, les maîtres des Similis. Ceux chez qui Kairi s'était infiltrée, ceux qui s'appelaient l'Organisation XIII.

« Après ce qui s'est passé avant-hier, commenta sombrement Léon, ce n'est pas étonnant. »

Un silence lourd de sens s'abattit sur le petit comité alors qu'ils observaient les points rouges qui, toujours plus nombreux, envahissaient l'écran. Le souvenir de leur confrontation avec l'homme aux cheveux roux se rappela brutalement à eux. Le combat avait été... éprouvant. Finalement, l'issue n'avait jamais été décidée. L'homme s'était soudainement désintéressé d'eux et avait disparu. Mais Léon, même s'il ne l'avouerait jamais, savait que si leur ennemi n'avait pas fait de rattraper Kairi sa priorité et avait décidé de mener l'affrontement jusqu'au bout, ils y seraient restés. Le combat aurait tourné en leur défaveur bien rapidement. Il savait que les autres en étaient pleinement conscients, eux aussi.

Alors... affronter à nouveau l'Organisation... et peut-être plusieurs de ses membres... Les yeux d'Aeris, immenses sur son teint soudain blafard, croisèrent les siens et il y lut une appréhension similaire à la sienne.

Comme lisant leurs pensées, Cid marmonna distraitement :

« J'espère que la petite a réussi à s'en sortir.

-S'ils sont là, c'est sans doute le cas, suggéra Aeris. Ils essaient peut-être de la retrouver...

-... ou de nous faire payer sa disparition, tempéra Léon.

-Et merde, répéta Cid. Bon ! J'espère que vous êtes prêts, parce qu'on a du pain sur la planche !

-Qu'est-ce que tu comptes faire ? » demanda Léon en fronçant les sourcils quand l'homme s'installa lourdement devant l'ordinateur.

Ce dernier ouvrit un tiroir du bureau et en tira un talkie-walkie qu'il leur tendit.

« Qu'est-ce que tu crois ? On va pas se laisser faire ! Léon ! Yuffie ! Allez aux remparts, essayez d'éliminer le plus de Sans-cœurs possible. Mais si vous voyez un de ces types de l'Organisation, n'approchez pas et faites demi-tour. Je vais garder un œil sur ça – il pointa du pouce l'écran de l'ordinateur – et je vous avertirai en cas de changement ou d'apparition louche, d'acc ?

-Je vais essayer de chercher Tifa, déclara Aeris, d'une voix plus assurée qu'elle n'en avait l'air. Je crois qu'elle est partie vers le château, aujourd'hui.

-Ouais, c'est ça... alors, à vos postes ! »

Sur ces mots, Cid se retourna vers l'ordinateur, mais non sans sortir du même tiroir son pistolet fétiche, qu'il accrocha à sa taille, bien à portée de main. Yuffie se précipita vers le placard contenant ses armes, examinant différents shurikens sans sembler pouvoir choisir. Aeris attrapa son bâton posé vers l'entrée et emboîta le pas à Léon jusqu'au coffre soigneusement verrouillé, posé au fond de la pièce.

Léon déverrouilla rapidement le cadenas et tous deux se penchèrent vers ses profondeurs.

« Tiens, dit-il négligemment en lui tendant une matéria curative. T'en auras besoin.

-Oui... Donne-moi aussi des matérias offensives. Une pour chaque élément.

-Tu comptes te battre ? releva-t-il en lui lançant un regard en coin.

-Pourquoi pas ? J'ai bien été utile l'autre jour, non ? Vu le travail qui nous attend, tu crois pas que j'allais juste rester en soutien, non ?

-Non, mais... tu comptais pas aller chercher Tifa ?

-Elle est vers le château. C'est la même direction que vous, alors... ?

-Ouais, ok. »

Ils finirent leurs préparatifs, puis se dirigèrent vers la porte. Yuffie y avait déjà foncé, s'agitant sur le seuil en les attendant.

« Hé, dépêchez-vous !

-Du calme, Yuffie. On peut pas se lancer tête baissée là-dedans. Tu as vérifié tes matérias ? la reprit Léon.

-Ouais, ouais, pas de souci... »

Il lui mit une matéria curative sous le nez et elle s'en empara en faisant la moue.

« Les potions ne suffiront sans doute pas, cette fois, Yuffie, murmura doucement Aeris.

-On y va, Cid ! lança Léon d'une voix forte en ouvrant la porte.

-Ouais ouais... Tâchez de pas vous faire tuer ! »

Alors qu'ils s'élançaient à travers la place à l'extérieur de leur maison, le soleil radieux les accueillant de ses rayons, Aeris envoya une ultime prière au ciel, son cœur s'alourdissant.

« Oh, j'aimerais tellement que Cloud soit là. »


Dans un jardin paisible, une unique volute de fumée noire, étrangement dense mais également vaporeuse, s'éleva dans les airs. Une demi-dizaine de secondes plus tard, une colonne de la même matière se forma entre les haies proches et un large arbre, la soustrayant à d'éventuels regards curieux de la rue voisine ou des fenêtres de la maison à quelques pas. Elle s'élargit en une vague forme ovale, puis laissa place à deux individus entièrement vêtus d'un long manteau noir d'aspect sinistre, dont la capuche dissimulait même le visage. Enfin, elle disparut, ne laissant que les deux arrivants, qui parcoururent les environs du regard.

Le plus grand dit alors : « Tout est bon. Personne en vue. »

L'autre s'étira et retira sa capuche avec un soupir.

« Enfin ! C'était interminable », dit Kairi en écartant ses mèches noires de son visage.

Le voyage à travers les mondes jusqu'aux Îles n'avait en effet pas été une mince affaire. Il s'était éternisé à tel point que la jeune fille avait fini par soupçonner Riku de leur faire prendre des chemins alternatifs ou d'ignorer tout simplement le trajet. Certes, leur manteau les protégeait du toucher des Ténèbres, mais elle était tout de même bien soulagée d'avoir regagné la lumière du jour. Au sein des couleurs tourbillonnantes de l'infini des Couloirs des Ténèbres, elle se sentait comme une fourmi à la merci d'un ouragan et ne pouvait ignorer une certaine aura de malveillance qui suintait tout autour d'eux.

« Désolé, murmura Riku. J'ai évité les routes que je savais fréquentées par l'Organisation. Et les Îles du Destin... ce monde est très éloigné de la Cité du Crépuscule. »

Kairi lui sourit.

« Ce n'est pas grave. Je suis contente qu'on soit arrivé. »

Elle se retourna vers la maison dans le jardin de laquelle ils étaient arrivés et poussa un long soupir. Ah. Son chez-soi. Elle n'avait pas réalisé à quel point il lui manquait jusqu'à présent. Elle ressentit l'envie irrésistible de se diriger vers le seuil et d'ouvrir la porte, entrer et accueillir le sourire de ses parents. Ce fut à regret qu'elle se tint immobile. Ce n'était pas encore le moment. Elle avait encore une dernière chose à faire avant de pouvoir rentrer, une promesse à respecter.

Cependant, c'était presque douloureux d'ignorer ce désir et de se convaincre d'une indifférence envers le sanctuaire de son foyer.

« Toi aussi, ça te fait cette impression ? murmura-t-elle à l'adresse de Riku. Cette horrible nostalgie, je veux dire. Ce besoin de rentrer chez toi.

-Oui.

-Mais on ne peut pas encore, c'est ça, dit-elle avec un regard triste vers son ami qui retirait tout juste la capuche étouffante, dévoilant la cascade de ses cheveux.

-Tiens bon, Kairi. On est sur la bonne voie. N'oublie pas ce qu'on est venu faire ici.

-Je sais. »

Elle avait fait une promesse après tout. Elle se força à chasser ces pensées doucement amères de son esprit et à se concentrer sur ce qui comptait vraiment à présent.

« Bon, reprit-elle d'un ton plus confiant et déterminé, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? On va sonner pour demander à voir Naminé, ou...

-Cache-toi ! »

Surprise, Kairi ne le questionna cependant pas et se jeta derrière un buisson de roses. Elle retint sa respiration, tous ses sens aux aguets alors qu'il en faisait autant de son côté.

Des éclats de rire et des voix fortes. Oh, ce n'était que deux collégiennes qui passaient dans la rue, de l'autre côté des haies et du petit muret les séparant. Elle réprima un roulement d'yeux.

« Tu m'as fait peur ! Je croyais que c'était l'Organisation...

-Il ne faut pas que les locaux nous voient non plus.

-C'est vrai, je doute qu'ils réagissent bien en voyant deux personnes bizarres entrer par effraction chez les gens... »

De sa cachette, Kairi fixa les fenêtres de sa maison, cherchant une silhouette familière à travers les vitres sombres. Quel jour était-on, déjà ? Était-ce celui où ses parents descendaient au marché ? Est-ce que son père était déjà parti pour l'hôtel de ville à l'heure qu'il était ? Et Naminé ? Était-elle au lycée ? Ou... le lycée avait-il déjà fermé ses portes pour les vacances d'été ? Oh... si c'était le cas, avait-elle raté les examens de fin d'année ?

« Nous avons un problème », annonça Riku. Il fronçait les sourcils, et Kairi jeta un autre coup d'œil autour d'eux mais ils étaient bel et bien seuls. « Comment on va aborder tes parents ? Tu as la tête de Kairi, même avec les cheveux noirs ; ça soulèvera bien trop de questions.

-Je peux peut-être me faire passer pour une cousine lointaine ?

-Et tes parents n'auraient jamais entendu parler de cette fameuse cousine ? Non, ça ne marchera pas.

-Hé bien... pourquoi tu n'y irais pas, toi ? »

Riku hésita.

« Je suis censé être mort, pour les habitants des Îles. Si je réapparaissais soudainement...

-Il faudra bien pourtant, un jour, fit-elle remarquer.

-Certes, mais je ne tiens pas à me faire remarquer alors que nous avons une mission urgente. Ça attendra que tout ça soit réglé. »

Kairi voulut répliquer, mais jugea préférable de remettre ce sujet à plus tard.

D'un commun accord, les deux jeunes gens se dirigèrent vers la porte d'entrée. Kairi leva une main fébrile, la posa sur la poignée ; son cœur battait la chamade, elle s'attendait à rencontrer le visage de ses parents quand le battant pivoterait... ou son propre visage. Mais quand elle ouvrit la porte, ses yeux ne tombèrent que sur le vestibule désert, l'escalier en face d'eux grimpant à l'étage et le mur de gauche s'ouvrant sur la salle à manger. Les chaussures s'alignaient contre celui de droite, sous les vestes suspendues à leurs crochets et l'évidence lui sauta immédiatement aux yeux.

« Elle est pas là, annonça-t-elle sans détour. Mes... Ses chaussures ne sont pas là. Mince, où est-ce qu'elle a pu aller... ?

-C'est toi, Kairi ? »

Immédiatement, les deux jeunes gens se jetèrent sur le côté, hors de vue depuis l'encadrement de la porte. Les pas du père de Kairi leur parvinrent depuis l'intérieur de la maison, alors qu'il descendait l'escalier.

« Vite ! siffla Kairi. Qu'est-ce qu'on fait ?

-Comment ça ? On ne se fait pas repérer, de toute évidence !

-T'es sûr ?

-Hein ?

-Il faut bien qu'on sache où elle est passée, non ? Papa doit bien le savoir.

-Et … donc ? Tu veux lui demander ? »

Kairi hésita.

« Non. J'ai la tête de euh... moi, alors il comprendrait pas, il faudrait tout expliquer, chuchota-t-elle. Essaie, toi.

-Quoi, mais... ? Kairi, on a dit que...

-Oh, allez ! »

Mue par une impulsion soudaine qu'il lui ferait sans doute regretter plus tard, elle le poussa brusquement en direction de la porte. Pris au dépourvu, Riku ne résista pas et avança de quelques pas en trébuchant, apparaissant devant le père de Kairi qui était sur le point de refermer la porte. Ce dernier sursauta et dévisagea le jeune homme.

« Mais... ! Excusez-moi, je peux vous aider ? Qui êtes-vous ? »

Riku prit une profonde inspiration et se reprit miraculeusement vite.

« Bonjour, monsieur, dit-il d'un ton posé et poli.

-Ça alors... » Bien qu'elle ne pouvait le voir, Kairi pouvait se représenter son père bouche bée. « Ce ne serait pas... Vous ne serez pas, par hasard... Riku ?

-C'est moi, en effet, confirma-t-il sans une once d'hésitation.

-Ça alors ! répéta le maire. Je n'arrive pas à y croire... C'est vraiment toi, mon garçon ? Mais que... où étais-tu passé ? Ça fait des mois qu'on te cherche, on était tous persuadés que tu avais disparu avec la tempête !

-Je... C'est un peu long à expliquer. En fait, j'ai été emporté par la mer ce jour-là et... j'ai été recueilli sur une petite île, tout au nord de l'archipel. J'ai dû y rester tout ce temps, le temps de me rétablir. J'étais... grièvement blessé.

-C'est fou, c'est insensé ! Ne te méprends pas, je suis bien évidemment ravi que tu ailles bien et que tu sois en vie, mais pourquoi personne n'a prévenu l'île principale ? Au moins ta famille ? On te croyait mort, on avait même cessé les recherches !

-En fait... J'ai été recueilli dans un tout petit hameau, tout au nord. Je crois qu'ils n'ont aucun contact avec le reste de l'archipel. Ils vivent en autarcie, vous savez.

-Ah, je pense savoir de quelle île tu parles... Mais quand même, quelle irresponsabilité de leur part, s'indigna le maire. Je leur en toucherai deux mots la prochaine fois que j'irai les voir. C'est bizarre, pourtant, je suis plutôt sûr que les recherches avaient été menées jusque-là... Et ils n'ont pas pensé à signaler qu'ils avaient recueilli un naufragé ? Ça me dépasse. Enfin... Je suis content de te voir en bonne santé, Riku. Pardonne mon indiscrétion, mais qu'est-ce qui est arrivé à tes yeux ?

-Oh, euh... ils sont encore sensibles. J'ai été... plutôt bien touché à la tête quand j'ai été surpris par la tempête. Le médecin m'a dit de garder ce bandeau quelques temps, pour que mes yeux ne soient pas dérangés par la lumière du soleil et les aider à guérir. »

Kairi était admirative de la facilité avec laquelle Riku trouvait ses mensonges et les énonçait.

« Je vois... Tu es passé voir ta famille ?

-Oui, j'y suis allé plus tôt dans la matinée.

-Bien, bien. Ils ont dû être tellement contents de te retrouver... Je suppose que tu es venu voir Kairi ? La pauvre, ta disparition l'a mise dans tous ses états pendant des mois. Elle en mangeait même plus, c'est dire... Elle sera tellement contente, elle aussi. Surtout qu'elle s'est retrouvée toute seule, avec la disparition de Sora... Dis-moi, par hasard, il n'est pas lui aussi caché sur une île isolée ? »

Sora ? Kairi n'osa plus respirer, de peur de mal comprendre les propos de son père. Sora ? Pourquoi son père parlait-il de Sora ? Depuis quand... se souvenait-il de lui ?

Riku manifestement partageait ses pensées car il prit une seconde de trop pour répondre.

« Pas à ma connaissance, non, je suis désolé...

-Ah, très bien..., dit le maire d'un ton déçu. Bon. Alors, Kairi... Elle est sortie ce matin. Elle a rejoint des copines, elles se font une excursion.

-Une excursion ? répéta Riku. Elle n'est pas à l'école ?

-Oh, je comprends que tu sois déphasé, mais c'est les vacances depuis quelques jours.

-Bien sûr. Elle est avec qui, Selphie ?

-Oui, et d'autres de ses amies. Tu veux que je lui dise que tu es passé quand elle rentre ou tu préfères... ?

-Je vais aller la rejoindre, je pense. Où sont-elles allées ?

-Évidemment, c'est compréhensible que tu veuilles la voir tout de suite. Elles se sont donné rendez-vous au port. Je sais plus quelle île elles ont décidé d'explorer. Ça fait pas trop longtemps qu'elle est partie, si tu cours, tu pourras sans doute la rattraper.

-Très bien. Merci beaucoup, monsieur. J'y vais tout de suite.

-Je comprends. Je te souhaite une bonne journée, Riku, et je suis bien content de te revoir. »

Les deux hommes échangèrent encore quelques paroles, puis la porte se referma et Riku revint vers Kairi qui se tenait collée au mur de la maison. Même à travers son bandeau, elle sut qu'il lui adressait un regard noir. Elle eut un sourire penaud.

« Désolée, mais comme ça on a eu les informations qu'on voulait, non ? Et regarde, tu t'es débrouillé comme un chef.

-Ne me refais plus jamais ça.

-Oui, oui... T'as entendu ce qu'il a dit sur Sora ?

-Oui... » Riku hésita une fraction de seconde. « Je ne comprends pas, il ne devrait pas se souvenir de lui, pourtant...

-Oui, personne s'en souvenait à part moi quand je suis partie. Même sa mère a fini par l'oublier de nouveau après que je lui en ai parlé.

-Je ne comprends pas, répéta Riku. Qu'est-ce qu'il se passe ici ?

-C'est tant mieux, non ? » Kairi haussa les épaules. « Bon, on y va ? Direction, le port, et vite !

Ils quittèrent le jardin et descendirent la large avenue d'un bon pas. Kairi devait presque courir pour maintenir l'allure de son compagnon. Elle pouvait sentir qu'il ruminait.

« Qu'est-ce que... ? Sora est en train de se réveiller ? Non, pourtant, l'entendit-elle murmurer. Est-ce que c'est à cause de Naminé ? »


« Ah, les autres sont déjà là ! Vite, Kairi ! »

Naminé pressa le pas, suivant tant bien que mal Selphie qui s'élançait à travers la foule occupant la plage. Ce faisant, elle bouscula de plein fouet, bien entendu, un groupe de jeunes portant bouées et barques gonflables, et se confondit en excuses. Le temps qu'elle se retourne, Selphie avait disparu.

« Oh non... C'est pas vrai... »

Se hissant sur la pointe des pieds, la jeune fille tenta d'apercevoir son amie par-dessus les têtes autour d'elle, sans succès. Les gens allaient et venaient, des jeunes en habits de plage prêts à dénicher le coin parfait pour y poser leur serviette, des adultes aux paniers remplis de fruits et légumes se rendant au marché de poissons établi près des quais de pierre où accostaient les barques des pêcheurs, et les pêcheurs eux-mêmes qui transportaient tonneaux et filets en se frayant un chemin avec impatience dans la foule. La jeune fille tenta de faire de même, bousculée de tous côtés jusqu'à ce que Selphie resurgisse de nulle part et lui attrape le bras avec un claquement de langue.

« Hé, tu fais quoi ? Les autres sont par là, viens ! »

Naminé se laissa entraîner jusqu'à un coin de plage où attendait, les pieds dans l'eau, un petit groupe de lycéens. Enfin, pas que. Elle reconnaissait sans problème Tidus et Wakka, casquette sur la tête, bermuda, et sac sur les épaules, qui arboraient un grand sourire comme s'il s'agissait d'une sympathique sortie entre amis, et non de l'opération de sauvetage d'une disparue. A côté d'eux, Vanille et Fang, vêtues de la même manière, discutaient entre elles, l'air grave, mais se tournèrent vers elles en souriant.

« Ah, pas trop tôt ! s'écria Wakka. Vous faisiez quoi les filles ? Ça fait vingt minutes qu'on attend.

-Il exagère, évidemment, commenta Vanille avec un petit rire qui ne chassait pas complètement l'inquiétude au fond de ses yeux. Vous êtes prêtes ?

-Bien sûr ! approuva Selphie, et Naminé imita son hochement de tête. Plus que prêtes, même. Ah, c'est...

-Oui, je vais vous présenter. » Vanille se tourna vers les deux dernières personnes du groupe groupe qui, remarqua Naminé, paraissaient légèrement plus âgées que les autres. « Voici Lightning, la grande sœur de Serah, et Snow, son copain. Lightning, Snow, c'est Kairi et Selphie, dont je vous ai parlé. »

Lightning, une grande femme aux traits semblables à ceux de Serah mais empreints d'une froideur non familière, hocha la tête sans un mot, les dévisagea brièvement d'un regard inquisiteur, puis parut se désintéresser d'elles. Snow, lui, fut plus expansif. C'était un grand jeune homme musclé arborant étrangement un bandana sur ses cheveux blonds et un grand manteau blanc en dépit de la chaleur ambiante, tenue lui donnant un aspect légèrement voyou aussitôt démenti par son grand sourire jovial.

« Enchanté, les filles ! Content de voir qu'on va avoir du monde aujourd'hui.

-Vos parents sont d'accord pour ce qu'on va faire ? s'enquit la jeune femme.

-Oh, allez, Light, sois pas rabat-joie ! »

Lightning lança un regard agacé au jeune homme puis se tourna de nouveau vers les jeunes.

« Euh, bien sûr, dit Tidus en haussant les épaules. On va toujours se promener toute la journée sur les îles, c'est pas un problème, vous savez.

-Pareil pour moi », renchérit Selphie.

Lightning hocha la tête.

« Bien. Je propose qu'on passe en revue ce que nous savons déjà, alors, et que nous décidions d'un plan d'action.

-Ouais. » Snow redevint soudain sérieux. Ce fut l'air grave qu'il prit la parole en premier. « Alors, Serah a dit qu'elle voulait visiter la petite île, n'est-ce pas ? Elle a dû prendre une barque pour s'y rendre, comme d'habitude. J'ai demandé au gars qui gère les barques, il a rien pu me dire. M'a dit qu'il pouvait pas se souvenir de toutes les têtes qui passaient dans le coin toute la journée.

-Mais ça ne veut pas dire qu'elle n'est pas passée par là, n'est-ce pas ? s'enquit Vanille.

-Non, bien sûr. C'est étonnant, quand même, qu'elle y soit allée toute seule. Vous connaissez pas d'autres de ses amis qui...

-J'ai déjà fait le tour, coupa Lightning. Ses autres amis proches n'ont rien pu me dire.

-Ok, je vois. Bon sang ! » Snow serra le poing, l'air défait. « Je comprends pas. Pourquoi elle m'a rien dit à moi, au moins ? Qu'est-ce qu'elle voulait faire sur la petite île, en plus ? »

Naminé garda la silence. Sa théorie, davantage un mauvais pressentiment en vérité, qui ne l'avait pas quittée depuis le début, s'installa doucereusement en elle. Mais ce ne pouvait être vrai, n'est-ce pas ? Cette île... était sûre...

« Pour moi, le problème est réglé, trancha Lightning. On va explorer chaque recoin de la petite île. Si elle n'a pas voulu se montrer quand les équipes de secours l'ont parcourue, peut-être que si c'est nous...

-Vous parlez comme si elle se cachait », remarqua Selphie.

Lightning s'interrompit. Croisant les bras, elle se détourna à moitié, l'air buté. Naminé échangea un regard confus avec les autres. Snow rit et se gratta la nuque.

« En fait... commença-t-il d'un air gêné, juste avant qu'elle disparaisse, Serah et Light se sont disputées et...

-Ne m'appelle pas Light.

-Bref ! Elles ont eu une discussion mouvementée. Trucs persos, désolé les gars.

-Vous pensez que... Serah aurait fugué, en fait ? » risqua Naminé. Elle entendit Tidus et Wakka partager un soupir.

« Serah peut être... très têtue parfois, laissa échapper Lightning entre ses dents. Mais je ne l'aurais pas crue capable de faire une telle bêtise.

-C'est toi qui dis ça ? ironisa Snow, se prenant un nouveau regard noir. Bon. Vous avez de l'eau et de la crème solaire ? Parce que je pense qu'on va en avoir besoin, même si on va aller dans la jungle.

-Tu pourrais prendre ça plus au sérieux, soupira Lightning.

-Comment tu peux dire ça...

-Excusez-moi, coupa Naminé, n'y tenant plus. J'ai peut-être une idée d'où elle pourrait être... » Tous les yeux se tournèrent vers elle. « Euh... Vous avez pensé à la grotte sur la plage ? La grotte avec la porte de bois au fond ?

-Évidemment, soupira de nouveau Lightning. Mais il n'y avait personne. J'espère qu'elle n'a pas été assez sotte pour...

-Pour... ?

-Il existerait un réseau de grottes sous l'île connectées à celle-là, expliqua-t-elle sans les regarder. J'espère qu'elle n'est pas allée s'y enfoncer. Non, elle connaît les dangers. Elle ne le ferait pas. »

Pas volontairement, pensa Naminé. Mais...

« Allez, on y va. On a assez perdu de temps. » Sans un regard en arrière, Lightning s'éloigna à grandes enjambées en direction des quais où se trouvaient amarrées les barques à disposition des habitants. Les autres commencèrent à la suivre et Naminé se retrouva près de Snow. Elle en profita pour lui demander :

« Serah n'a jamais parlé de la grotte de la porte, par hasard ?

-Hein ? » Occupé à jouer avec un objet entre ses doigts, l'air sombre, Snow plaqua aussitôt un grand sourire sur ses lèvres en la regardant. « Non, je pense pas. Ça c'est plus un endroit pour les enfants, en plus. Ça fait longtemps qu'on y a plus mis les pieds. Pourquoi ?

-Non, rien... Je n'aime pas trop cet endroit, c'est tout.

-Ah bon ? Bah, il fait un peu sombre, mais c'est ça qu'est drôle, non ? »

Naminé baissa les yeux vers l'objet que Snow tournait entre ses doigts. Un pendentif, constitué d'une longue cordelette attachée à un petit objet en cristal bleuté d'une beauté presque divine.

« Qu'est-ce que c'est ?

-Ça ? » Il déplia ses doigts pour lui montrer l'objet. L'objet en cristal avait la forme d'une larme, chatoyante dans la lumière. « Le dernier cadeau de Serah. Elle l'avait acheté dans une brocante l'an dernier je crois. »

Naminé fixa le pendentif. Elle crut sentir quelque chose...

« Elle l'a laissé derrière elle quand elle a disparu. Je compte bien le lui rendre aujourd'hui ! » ajouta Snow en faisant disparaître le cristal dans sa poche.


Les rues, en cet ensoleillé matin d'été, étaient animées, d'une douce fréquentation qui fit monter dans sa poitrine une bouffée de nostalgie. Les promeneurs qui faisaient le tour du village en profitant des températures encore relativement fraîches, les résidents qui faisaient la queue devant la boulangerie ou l'épicerie, les effluves alléchantes s'échappant de la boucherie sur des lieues à la ronde, les jeunes en vacances qui se regroupaient en bandes près des distributeurs automatiques ou dans les espaces verts le long des rues... La ville n'avait pas changé pendant son absence, constata-t-elle.

« Tu as hâte ? demanda Riku d'un ton neutre.

-Pardon ? dit-elle, soufflant comme un bœuf pour le rattraper.

-Tu as hâte que tout soit fini ? Qu'on puisse tous revenir ici, reprendre notre quotidien ?

-Hé, arrête de parler comme ça, répliqua Kairi en fronçant les sourcils. On dirait que t'as pas du tout envie de rentrer. Et puis, c'est pas le sujet, là. On a du pain sur la planche, je te rappelle. »

Personne ne les arrêta, mais elle surprit quelques regards intrigués dans leur direction, sans doute à cause de leurs longs manteaux noirs si déplacés dans cet environnement. Heureusement, personne ne parut jeter plus qu'un regard passager à Riku ou le reconnaître – il fallait dire que ses longs cheveux et son bandeau n'aidaient pas à le reconnaître si rapidement.

Bien vite, ils atteignirent le port et se retrouvèrent dans un fourmillement d'activité qui les firent piler net. Devant eux, la rue s'ouvrait sur une vaste étendue de sable qui débouchait elle-même sur quelques quais de pierre, poursuivis de part et d'autre par de longs quais de bois. Les petits bateaux de pêcheurs essaimaient sur les eaux, quittant leurs attaches ou revenant se coincer parmi leurs congénères sur les quais grouillants de monde. Des étals de fortune avaient été dressés sur les premières marches de pierre ou dans le sable, abrités du soleil impitoyable par des toiles tendues. Des hommes et des femmes se pressaient devant chacun d'entre eux, panier à la main, jetant des regards inquisiteurs aux poissons fraîchement pêchés étalés sur les planches. Des bandes de collégiens et lycéens flânaient en tenue légère et maillot de bain, glaces à la main et serviettes de plage sous le bras.

Pas de « Kairi ». Ni aucune de ses amies parmi les lycéens qu'aperçut la jeune fille.

« Je crois qu'on arrive trop tard, murmura Kairi alors que tous deux observaient la plage depuis l'orée du sable. Ils sont déjà partis. Tu les vois, toi ?

-Non.

-Qu'est-ce qu'on fait ? On regarde vite fait et on va voir sur les îles... ? Hé ! »

Riku lui attrapa soudainement le bras et l'entraîna brusquement sur le côté. Après une seconde de saisissement, Kairi obtempéra et tous deux se glissèrent derrière le muret d'une maison voisine.

« Qu'est-ce qui se passe ? murmura Kairi. C'est... l'Organisation ?

-Oui, lui répondit Riku sur le même ton. Tout à droite. Je n'en ai vu qu'un seul, mais... »

Kairi releva prudemment la tête et jeta un coup d'œil à la plage, de l'autre côté du muret. Il lui fallut quelques instants pour apercevoir la silhouette en manteau noir, loin, très loin d'eux, à l'ombre d'une des dernières maisons avant le sable. Sa capuche était remontée sur son visage, d'après ce qu'elle pouvait voir, laissant ce dernier dans l'ombre.

Elle abaissa immédiatement la tête.

« Il nous a vus, tu crois ?

-Je ne sais pas. Il ne regardait pas dans notre direction quand je l'ai aperçu, mais il va falloir être prudent. Ils travaillent souvent par deux. »

Elle hocha gravement la tête.

« C'est vrai. En plus, avec cette tenue, on nous remarque facilement. On ne pourrait pas passer chez nous récupérer nos habits ? suggéra-t-elle, à moitié sérieuse.

-Je me demande ce qu'ils font là, dit Riku, apparemment plongé dans ses réflexions. C'est bizarre... Ils te cherchent ? Mais pourquoi ici... ? A cause de moi ? Ou alors... »

Kairi risqua un nouveau coup d'œil vers la silhouette en manteau noir, juste à temps pour l'apercevoir se détourner et disparaître dans un Couloir des Ténèbres. Personne d'autre parmi la foule sur la plage ne paraissait l'avoir remarqué.

Mais cette silhouette... elle ne lui était pas inconnue.

« C'est... Oh, non... Non, rien », dit-elle quand Riku tourna un regard interrogateur vers elle.

Pourquoi Axel ?

Et... Roxas ? Était-il ici, lui aussi ?


Il y avait beaucoup de monde sur la plage. Alors que les autres amarraient correctement leur barque au quai, elle ferma les yeux, se concentra... mais ne ressentit pas la sensation étrange précédente. Il fallait dire que le remue-ménage des centaines d'âmes qui hurlaient et poussaient des cris de joie et bavardaient entravait ses sens.

« Oulà, attention, Kairi ! »

Avec un cri de surprise, Naminé chancela et serait passée par-dessus bord si Selphie ne l'avait pas rattrapée. Elle s'était levée, toujours les yeux fermés, mais Tidus avait alors tiré d'un coup sec sur la corde qu'il enroulait autour d'un poteau de bois, déplaçant la barque qui était venue cogner contre le quai de bois, secouant le petit monde qui l'occupait.

« Ah ! Merci, Selphie.

-Vous voulez de l'aide ? » proposa Fang depuis le quai. Lightning, Vanille, Wakka et elle avaient déjà débarqué de leur propre embarcation.

« Non, c 'est bon ! » Tidus noua la corde avec l'aide de Selphie et Snow puis tous quatre descendirent.

« Bon, on commence par quoi ?

-De toute évidence, Serah n'est pas ici, commenta Wakka qui scrutait la plage noire de monde. Elle aurait déjà été repérée depuis longtemps.

-C'est pour ça que je pensais aller explorer l'intérieur de l'île, renchérit Selphie. Vous êtes prêts, les gars ? »

Il s'avérait que cette question était à prendre au sérieux. Car de l'intérieur de l'île, Naminé n'avait vu que des souvenirs flous dans la mémoire de Sora, et pour cause. L'intérieur de l'île était une jungle fournie où s'entrelaçaient quelques chemins à peine marqués, probablement très rarement fréquentés et sans doute pas par les jeunes de l'île qui se cantonnaient aux plages. Les feuillages étaient si épais que la lumière peinait à atteindre les sentiers étroits envahis par de hautes herbes, de feuilles mortes et de racines, et leur progression à l'aveuglette était constamment ralentie par des mares de boue, des branches bases et buissons, voire des ruisseaux qu'ils devaient franchir tant bien que mal.

« J'arrive pas à croire que ça fait déjà une heure qu'on crapahute, et on a à peine avancé, se désola Selphie alors qu'ils faisaient une pause dans un endroit relativement dégagé près d'un ruisseau qui barrait, une fois encore, le sentier.

-Une heure, déjà », murmura Naminé. Accroupie près de l'eau chantante, elle tentait de déterminer comment ils allaient pouvoir traverser. Ces pierres qui affleuraient étaient-elles fiables ? Selphie avait déjà glissé en franchissant un ruisseau précédent et s'était éraflé le mollet. Heureusement qu'elle avait pensé à prendre des pansements.

Ils étaient tombés sur deux petites grottes durant leur périple que Tidus s'était fait un plaisir d'explorer, mais il en était ressorti les mains vides et le visage désappointé. Elle-même n'y avait rien ressenti. Et pourtant...

Elle prit une gorgée, referma sa gourde et retourna vers les autres qui en faisaient autant, assis sur de vieux troncs d'arbre couverts de mousse. Elle s'accroupit à côté de Selphie alors que Snow farfouillait dans son sac à la recherche d'un tir-tique pour Fang et que Vanille distribuait des fruits séchés pour leur redonner des forces.

« Comment va ta blessure ?

-Quoi ? Oh, ça c'est rien, c'est pas ça qui va m'empêcher de continuer ! » s'exclama Selphie avec un regard négligeant pour le pansement qui recouvrait son mollet. Elle ferma son sac et le balança sur son épaule. « On y va ? Vous faites quoi, les autres ? Vous pensez que c'est l'heure de manger, ou quoi ?

-Rhôô, ça va, laisse-nous souffler un peu », geignit Tidus, mais il se releva néanmoins. Alors que tous les imitaient, Naminé, qui les attendait sur le côté, se figea. Elle venait... de ressentir quelque chose. Quelque chose qu'elle avait recherché et craint depuis le moment où elle avait posé le pied sur cette île. Une odeur... Elle ferma les yeux. Oui, cette sensation... elle ne pouvait pas s'y tromper. Une odeur de Ténèbres. Et ce n'était pas l'odeur feutrée et électrique des Couloirs des Ténèbres, non plus. Non, c'était une aura putride qui n'appartenait qu'à un seul type de créature.

Elle n'osa d'abord pas se retourner. Les poils se dressèrent sur ses bras, sur sa nuque, alors qu'elle s'efforçait de ne pas trahir la peur qui recouvrait peu à peu son cœur. Puis, lentement, elle se retourna.

Elle crut voir quelque chose, pendant une fraction de seconde, au plus profond des fourrés. Des yeux jaunes brillants, qui les fixaient tel un prédateur.


« Ça ne sert à rien. S'ils sont sur cette île, ils doivent être à l'intérieur. Ou sur une autre plage. Ou peut-être même qu'ils ont changé d'île. Les chercher serait bien trop long. »

Épuisée, Kairi s'adossa à un palmier proche. La sueur coulait à grosses gouttes sur son front et les hurlements surexcités des enfants qui se poursuivaient ou s'agitaient dans l'eau de la plage principale de la petite île ne l'aidaient pas à calmer son mal de tête naissant. Ah, que ne donnerait-elle pas pour une boisson fraîche !

« Qu'est-ce que tu veux faire, alors ? lança-t-elle. Les parents de Selphie ont pourtant dit qu'ils étaient venus là, non ? »

Après avoir surpris la présence de l'Organisation sur la plage, tous deux avaient jugé préférable de mettre un terme à leur enquête sur ce lieu et avaient pris un Couloir des Ténèbres pour se rendre directement chez Selphie, espérant ainsi limiter leur présence directe sur l'île. A l'instar du père de Kairi, les parents de Selphie avaient été ravis de retrouver Riku en vie et, après leur avoir servi le même discours qu'au maire, il était parvenu à obtenir d'eux sans difficulté la localisation de leur fille. Apparemment, Selphie et Kairi étaient parties avec des amis du lycée en excursion pour la journée sur la petite île, celle où Kairi, Riku, Sora et bien d'autres enfants avaient l'habitude d'aller jouer lors des jours sans école, comme il s'agissait de la plus proche de l'île principale. Mais une fois arrivés là-bas, sur la plage principale noire de monde, ils durent se rendre à l'évidence : les autres ne les avaient pas attendus.

« Écoute, Naminé pourra attendre. » Il se tourna vers elle. « Ce n'est pas notre priorité. Nous sommes venus pour autre chose.

-Tu veux dire... » Quelque chose pétilla dans son cœur. « On va voir Yeul ?

-Oui. Si tu es prête.

-Je le suis. »

Elle revenait à son point de départ. Mais pas les mains vides. Et désormais, elle savait parfaitement ce qu'elle avait à faire. Elle se détourna pour éviter que Riku décèle dans ses yeux quelque chose qu'elle souhaitait dissimuler, car elle avait certains souhaits que lui-même ne connaissait pas.