Titre : Thirst

Disclaimer : Les personnages et l'univers ne nous appartiennent pas malgré un chantage à base d'expédition par la poste de pages de Death Note et de trognons de pommes cloués selon un rituel vaudou. Nous ne touchons bien entendu aucune compensation financière pour la publication de ce texte, là encore le chantage n'ayant pas suffi ^^ ( On nous a mentiiii x) )

Rating : M pour certains chapitres, bien que ce ne soit pas encore justifié.

Merci beaucoup pour vos commentaires, un pur plaisir comme toujours ! :D Et fidèles au poste ( * garde à vous * )

C'est le dernier chapitre dont vous connaissez globalement le contenu ^^ Bon on ne va pas se mentir, vous connaissez une partie du chapitre suivant, mais c'est tout, juste une partie ;)

Makubex :

Ravies de te retrouver aussi :D On peut dire que Raito se fait carrément griller les fesses maintenant XD Enfin tu verras dans ce chapitre (mais oui je sais que tu sais ce qu'il s'y passe lol) Le yaoi démarre après l'amnésie on a dit nan mais xd La patience est vertu essentielle pour lutter contre la crise cardiaque prématurée (dommage rien ne lutte contre le Death Note pour éviter la crise cardiaque prématurée, mais bon on fait ce qu'on peut xd) Misa va être là un bon moment encore, mais c'est parce qu'on en a besoin pas parce qu'on veut t'infliger son ignoble présence inutilement (et entre nous, qui ne rêve pas de la trucider ? ) Quant à se qu'on lui réserve, bien ou mal...tu resteras dans l'ignorance jusqu'au jour J, ne nous en veut pas ^^^ (smiley alien) En attendant si tu veux te défouler, n'hésite pas à nous parler de tes idées de trucidage x)

Merci pour ta review missette !


Chapitre 13

Châtiment


Mes nouveaux appartements. Je posai la carte magnétique sur une table. Au moins L ne m'avait pas expédié dans un placard. L'endroit ressemblait presque à une suite, trop petite pour contenir toute la cellule d'enquête sans y être un peu à l'étroit, suffisante pour une personne. Salle de bains, chambre, salon. Une décoration moderne et épurée. Ryuuku allait encore être de service pour repérer les caméras, nul doute de leur présence. L'important, connaître leur nombre, emplacements, angles de prises.

Mes affaires rangées dans l'un des placards muraux, un tapotement contre la porte. Matsuda de l'autre côté, la plaisanterie pétillante sous son air sérieux. « Yagami Raito, bonjour. Représentant du syndicat. » Il brandit sa carte de police, occultée d'un post-it. Son Excellence, Matsuda Tôta, Haut Maître et Grand Manitou Présidentiel Mondial du Saint Syndicat pour la sauvegarde des vélos intérieurs en cristal et des baignoires à pattes de lion en or massif.

Je haussai un sourcil, vaguement amusé. « Grand Manitou Présidentiel Mondial ? »

Il carra les épaules. « Le talent, cher monsieur, le talent. Je viens déterminer le classement de la meilleure chambre, mon rapport sera carabiné.

- Au sens propre ?

- Si ma suite termine en dernière place, je fusillerai ce rapport moi-même, en pleurant toutes les larmes de mon corps. »


Seul, j'ouvris l'ordinateur si gentiment donné par L, deux minutes après mon arrivée. L'affaire du coréen. Un test de plus ? Étais-je considéré comme une basse main d'œuvre ? Les deux ? À ce stade, réponse inutile. La victoire déjà mienne, la mort de L, inexorable. Je pouvais bien lui accorder une petite affaire : les jeux faits, les dés lancés. Quelle importance.

Je parcourais avec sérieux les documents présentés : la dernière enquête intermédiaire. La dernière. Sa résolution devait égaler la perfection.

À Séoul, sept victimes découpées à la scie circulaire. Âges et professions différentes, les deux sexes représentés. La découverte des corps dans des lieux très variés allant de l'église au supermarché en passant par le trottoir. Les enquêteurs coréens avaient d'abord privilégié la thèse d'un choix de victimes aléatoire et au troisième cadavre, avaient révisé leur jugement. Je partageais ce second point de vue, l'hypothèse d'un hasard très improbable : tous les éléments éparpillés, singuliers. Un lien, quelque part, forcément. Même la disposition des corps en morceaux, à première vue chaotique, était propre. Inhabituellement propre. Les coupures nettes, droites. Le sang essuyé dans les limites du possible.

La mise en scène elle-même, précise, intuition personnelle dépourvue de mots. Question de temps. Il suffisait de trouver le fil conducteur.

Tout ceci avait été calculé, pensé. Vengeance froide ? Recherche de justice ? Démonstration de pouvoir ? Inacceptable, la raison ne comptait pas. Kira ne s'évince pas. Kira ne s'égale pas. Kira ne se concurrence pas. Personne ne détourne L de Kira. Personne ne défie L sinon Kira. Termes simples.

Ce petit tueur en série n'allait pas cavaler longtemps. Mauvaise cour. Rares les novices capables de survivre dans ce théâtre de requins.

Combiner les dates des meurtres entre elles ne donnait rien d'exploitable, de quelque manière que ce soit. Les écarts de jours égaux, d'heures inégaux, les chiffres ne se référaient pas à des événements marquants. Mais les dates dans ce type d'enquête, souvent mûrement réfléchies, n'étaient pas matière négligeable. Par acquis de conscience, je vérifiais les pistes déjà testées par la police : impasses. Le seul élément probant – non évalué par les coréens – se révéla être les jours eux-mêmes. Lundi, Mardi… jusqu'à Dimanche. Une régularité aussi remarquable ne devait rien à la coïncidence. Sept jours, non consécutifs, mais dans l'ordre. Même avec la chance la plus insolente du monde, le pronostic positif était quasi inexistant. Une série d'assassinats en sept jours, connotation biblique flagrante. Je passais en revue les autres, le chiffre en fourmillait, mais celle-ci, la plus adéquate. Si la piste était bonne, un autre facteur pesait dans la balance, facteur qui expliquerait l'ordre, les écarts entre les heures, entre les jours, le choix des jours.

Dans le dossier figuraient sept cartes au grossissement extrême avec l'emplacement de chaque meurtre à la rue près. Une incursion sur le net et quelques bidouillages enfantins plus tard, j'avais une seule carte, opérationnelle, globale, et interactive. Les sept emplacements marqués, et ce malgré les distances plutôt aléatoires, l'évidence sautait aux yeux.

L'ensemble désignait une zone précise parmi les 25 arrondissements de Séoul. Plusieurs bâtiments importants dans la portion de terrain et de lieux renommés culturellement. Rien d'évident au premier coup d'œil. Mentalement je reliais les lieux entre eux, la formation la plus aisée dévoila une étoile. Dissymétrique, mal proportionnée, une étoile tout de même. Dessin voulu ? Peut-être. Étoile... Sept jours : la Terre éliminée d'office, sept planètes ? Il me semblait avoir lu quelque chose sur le sujet récemment : explication partielle mais plausible du facteur manquant. L'Université Kyung Hee comptait un observatoire, pile dans l'arrondissement. Pourquoi pas. Quelque chose à creuser, la cellule d'enquête était complètement passée à côté.

Ma rapide recherche internet m'amena sur l'entrefilet d'une revue d'astronomie numérique : pendant plusieurs semaines les planètes seraient alignées sur les points de croisement imaginaires méridiens et parallèles. 37°31'N latitude, 126°58'E longitude. Autrement dit, la Corée. L'agencement des morceaux de cadavres m'aiguilla un peu plus sur cette piste. Les regardant tout à tour, je finis par les superposer au schéma du système solaire actuel. La ressemblance était bien trop frappante pour être honnête. Criante.

Plusieurs fois, la présence de mon père et celle de Matsuda taquinèrent mon attention, lointaines. Une poignée d'alertes sms, mails. J'entendais, n'écoutais pas. Les perturbations repoussées par ma concentration, conscience vague du monde environnant. La mise en place des premiers schémas me résista vingt bonnes minutes. Les jours vraisemblablement calqués sur le rang des planètes par rapport au Soleil : Mercure pour Lundi, Neptune, Dimanche. Sauf que les scènes de crime ne correspondaient pas à la théorie des planètes.

Je finis par revenir sur mon idée première des jours bibliques, en vain. Voie sans issue. Je tenais quelque chose, les alignements sur les méridiens et parallèles ne pouvaient pas être négligés, trop gros pour un minable hasard. Sauf qu'après avoir associé jours et planètes… rien. Rien. Mes brouillons s'entassaient de notes complexes, inutiles. Agacé, je froissai les papiers et les enterrai au fin fond de la poubelle.

L'intuition est une chose étrange. Expression d'une forme d'intelligence pure, libre. Les feuilles amalgamées dans la corbeille. Éclair : sept. Bible et système solaire, entrecroisés sur plusieurs niveaux. Les lieux et les jours liés aux planètes, à la semaine biblique et aux péchés capitaux, le tout relevé d'un soupçon de mythologie. Tambouille personnelle de l'assassin.

Mercredi : Mars : la Colère : le corps retrouvé dans une caserne militaire. De même, Mardi pour Vénus, la prostituée retrouvée sur un trottoir, la Luxure. Jeudi, tout aussi enfantin, mêlé à Jupiter grâce à l'homme politique mort au Parlement. En un mot, l'Orgueil. Uranus attribué à Samedi pour la Gourmandise du Dieu, dévorateur de ses propres enfants. Gourmandise pour cet homme aussi, désarticulé dans une immense grande surface, lieu de consommation par excellence.

Saturne et Neptune malgré les apparences ne furent pas difficiles à départager, même représentant un Dieu identique dans deux cultures, avec des histoires extrêmement proches. Néanmoins à Neptune, Dimanche, correspondait l'Envie, pour avoir voulu l'amour d'une femme en usant de tous les moyens possibles. Tout comme cette femme décédée dans une maternité. Saturne, Vendredi, pour l'Avarice d'un Dieu qui chercha le pouvoir sans jamais le posséder, à l'image de cet homme, mort aux portes d'une banque.

Mercure, Lundi, demanda un contre-pied. Dieu Messager, ici représentant par opposition de la Paresse. Paresse au sens premier du péché : la paresse morale, d'où la victime sur le sol d'une Église.

En ce qui concernait les écarts entre les jours, l'explication, sans doute simple question logistique. Les planètes visibles plusieurs semaines, pourquoi se précipiter. En revanche, les heures des meurtres, elles, n'étaient pas si éloignées les unes des autres : les écarts, petits, d'autant plus significatifs. La corrélation entre l'heure du meurtre et l'heure optimale de visibilité de chaque planète, limpide. Obligatoire. Mais sujet à un autre petit jeu.

Mes yeux commençaient à fatiguer, je ne m'arrêtais pas avant d'avoir le fin mot de ce choix d'horaires. Ces horaires de visibilité ne se rattachaient pas immédiatement aux heures des meurtres, alors qu'elles devaient l'être, forcément. Déduction logique implacable, toute l'affaire portait sur l'astronomie. Utiliser des variables complexes comme lors du test de L sur l'affaire des B, ici, impensable. Cette investigation là, bien moins réfléchie que la précédente, bien moins intéressante par conséquent. Morose, une fois le dénominateur commun trouvé.

J'établis des combinaisons entre planètes et jours, la position des planètes dans le système. Encore trop élevé. Je passais au plus stupide que je puisse concevoir et une petite addition me donna les clés. Vraiment rien de sorcier. Risible. Il suffisait d' ajouter l'heure de visibilité optimale au nombre de lettres du nom de la planète. Ainsi Mercure, 7 lettres, visible à 3h45 donc 10h45.

Soupir dépité. Décevant, peu amusant. Je fermais l'ordinateur, conservant la suite pour le lendemain.


Un grincement s'insinua dans mon rêve, insistant. Un flash blanc. Le sommeil s'effilochait, filait lentement malgré mes efforts pour le retenir. Inexorable glissement. Le grincement plus présent, chaque miette d'univers avalée. Ma conscience se rattacha, à regret, contact de l'oreiller contre ma joue. J'ouvris un œil douloureux. Aussitôt refermé, brûlé par la lumière crue. Un faible grondement m'échappa, arabesques d'encre en surimpression sur la rétine. Ma paupière enfermée dans ma paume, une seconde, pour atténuer le désagréable résidu.

Deuxième essai. Ryuzaki, légèrement flou, ramassé sur sa chaise de bureau. Mon œil certainement rouge, éclaté de vaisseaux sanguins, la sensation cuisante parlait d'elle-même. Le second à l'abri dans l'obscurité du tissu.

« Qu'est-ce que tu fous. » Et je me trouvais étonnamment poli. « Je dor...mais. »

Ryuzaki fit un tour complet sur le dossier, le fauteuil se stabilisa devant moi en hurlant grâce. « J'ai cru le remarquer, en effet. Tu as souscrit un abonnement « je balance des évidences et je le vaux bien » ou c'est simplement une basse manière de signifier ton mécontentement ?

- Dégage.

- Option numéro deux, donc ? »

Je lui présentais mon dos, réponse en soi, et rabattis la couverture sur ma tête. Il fit grincer sa chaise tant et plus, et il l'avait bien choisie l'enfoiré. À tous les coups réservée et non entretenue juste pour m'emmerder. Ne serait-ce que d'imaginer l'imitation de toupie qui avait lieu dans mon dos me fit disparaître en plus sous les draps. « Être chieur est une vocation ou le fruit d'un entraînement extrêmement long et poussif ? »

Le bruit s'arrêta, remplacé par une voix traînante. « Tu peux répéter ? »

Je consentis à soulever un pan de drap pour répliquer un « Va te faire foutre. » aussi audible qu'élégant, suivi de la redite demandée.

« C'est un talent naturel que je cultive avec art, puisque la question te passionne tant. » Et le grincement reprit de plus belle, plus rapide. De moins en moins supportable.

Soupir. « Si tu vomis sur mon lit, je te tue. » Silence. Prolongé. Affreusement agacé, je finis par me tourner vers lui. Oh. Je roulai des yeux. « Tu as parfaitement compris le sens de cette phrase.

- Exactement. »

Roulement d'yeux deuxième édition. « Je. Ne. Suis. Pas. Kira.

- Tu as failli l'admettre, à l'instant.

- Mais bien sûr, et tu arrêteras dans la foulée la totalité de la population mondiale, histoire de n'oublier personne. Sait-on jamais, cette expression étant utilisée sur tous les continents, statistiquement Kira sera bien dans le lot. » En guise d'illustration je m'enroulai dans la couette et reprenais possession du côté opposé du lit. « Cette expression n'est rien d'autre qu'une expression, que ton cerveau malade de paranoïa essaye de tordre à sa convenance. Maintenant laisse-moi dormir et va compter les trophées de tes arrestations en essayant de ne pas envisager tes gloires comme un lointain passé oublié de tous.

- Quelle charmante formulation. Et dire que je t'accorde un logement et tout le confort matériel.

- Et dire. » J'ajoutai, plus bas. « Comme si j'avais le choix. » Long silence. Lentement, je commençais à me rendormir, plusieurs bâillements étouffés dans la couette.

Concert de couinements, chaise honnie. « Je ne suis pas venu par loisir. » L n'en dit pas plus, j'attendis, finis par me désintéresser.

Froissement de papier. Intrigué malgré moi : « Qu'est-ce que tu veux, dans ce cas ? Outre cette jubilation flagrante et déplacée à s'acharner sur mes rythmes de sommeil ? »

Son visage me renvoya une moquerie à peine déguisée. « C'est tellement plus drôle en présentiel qu'au téléphone. Tes yeux font peur à voir, Yagami-kun.

- Tu penses être en droit de critiquer, peut-être ? » Il ébouriffa un peu plus ses cheveux – comme s'ils en avaient besoin, franchement – et se plongea dans mes notes axées sur Séoul. « Pourquoi ne pas demander les résultats quand il faisait jour ?

- J'ai envoyé des gens pour le faire.

- Il te suffisait de parcourir une dizaine de mètres avec ascenseur pour les avoir. Appuyer sur un bouton ne figure pas dans tes compétences de super détective ? Au lieu de me tirer du lit à trois heures du matin. » Je le fusillai du regard.

« Et ce n'est pas dans tes compétences de lire mes mails ? Il te suffisait, à toi, de parcourir une dizaine de mètres pour me les donner. J'étais occupé sur l'affaire Kira. Une priorité. Je suis certain que l'information ne t'a pas échappé.

- J'étais occupé à faire ton boulot, je suis certain que l'information ne t'a pas échappé. »

Il sourit, ou montra les dents, au choix. « Mes certitudes sont des vérités. »

Je passais sur le sous-entendu. « J'ai la certitude absolue de m'endormir sous ton nez dans moins de cinq secondes, ne t'en déplaise.

- Et si tu m'expliquais plutôt cette fixation sur les planètes ? Il y a bien d'autres possibilités avec le chiffre sept.

- Tu veux vraiment me faire rater les cours ? » Visage lisse. Je replaçai ma joue sur l'oreiller. « Aussi étrange que cela puisse paraître, j'ai rayé les sept nains de la liste des suspects. »


« Et ce raisonnement sur les péchés capitaux... le thème doit te parler, je présume ? L'un des sept en particulier ? Non ?

- ...Dégage.

- La Colère en plus de l'Orgueil, c'est pas joli joli et Dieu sait combien ton ego est démesuré.

- Fascinante répartie, ta dyslexie inverse les pronoms personnels ?

- Elle ne provoque pas d'hallucination ni de confusion éthique. »

Je soufflai, excédé. « Encore Kira ?

- Tu es le seul a avoir prononcé ce nom, tes hallucinations persistent et se renforcent. » La raillerie dessinée sur ses lèvres. Petit con. Je fermais ostensiblement les yeux. Ses mots ignorés avec persistance, L finit par s'éclipser, tout sens du mot « discrétion » allègrement délaissé au profit d'un concert lancinant de dysharmonie, véritable pollution sonore. Ce type était, de toute façon, une pollution ambulante

Plus pour longtemps.


Mon père me passa la théière en silence, m'épargnant d'expliquer la cause de ma nuit exécrable. La cause susnommée dévorait justement une cargaison de chouquettes et de religieuses avec un entrain révoltant. Matsuda, lui, ne se priva pas d'un commentaire, coup de coude à l'appui. « Alooors, on a du mal à dormir ailleurs que dans son lit ? C'est normal la première fois. » Angélique, il attrapa une biscotte. Mes yeux s'étrécirent. Patience. Le couteau glissa, beurre et confiture de myrtille. La tartine plongea vers le café. Mon coude tapota ses côtes, la biscotte se disloqua, éclaboussa la nappe en tombant dans le bol.

« Raito !

Je me servis un petit déjeuner assez copieux – pas de dîner la veille – sans prêter attention au policier qui pouffait et pianotait sur son téléphone. L et Sôichirô pour leur part en pleine conversation sur un sujet quelconque. Je ne participai pas, observai L trancher une religieuse en sept. Peut-être, certainement, sa dernière. Son ignorance, mon grand avantage. La situation pas moins irréelle pour autant, L allait mourir et engloutissait des pâtisseries. Pas surprenant de sa part, mais irréel n'est pas toujours surprenant. Qu'il savoure jusqu'à la dernière bouchée, je savourerais ma victoire. L'ordre des choses devait être ainsi, chacun sa place.

La cadence de son repas ne faiblissait pas, Ryuzaki décimait les rangs avec gourmandise. Inconscient de la fuite des jours, aveugle au rythme distordu. Ses pas égarés, une boucle dans le vide. Il courait hors du temps, déjà, et il ne le savait pas. Son nom, son monde suffoqués sous la poussière. Bientôt. Il me suffisait d'un mot.

Avant de partir, je lui remis une feuille avec mes dernières conclusions. Le nom du tueur, sa profession : enseignant chevronné à l'Université Kyung Hee. Toutes les victimes avaient un lien plus ou moins direct avec lui. Des gens qu'il considérait comme mauvais, des gens qui lui avaient fait du mal d'une manière ou d'une autre. Même ses parents, dans le lot des meurtres (divorcés et remariés). Le père, aligné sur Mars pour la Colère. En farfouillant dans une tonne de rapports médicaux, le fils s'était révélé être battu par le père. Quant à la mère, Mercure, la Paresse, son rôle ne prêtait guère à l'interrogation. De plus, Mercure associé à Lundi en disait long sur le ressentiment de l'assassin, la femme retrouvée dans une Église, ainsi envoyée au jugement divin par son propre fils. Punition plutôt que jugement.

Bref, une vengeance personnelle. Personnelle donc sans envergure, sans idéal. Personnelle donc pathétique, futile.

Laide.

Ridicule.

L chiffonna le papier, son dégoût miroir du mien. « Étonnant.

- Étonnant ? Cette affaire n'avait rien d'étonnant.

- Je ne parlais pas de l'affaire. Tu me remets les informations. »

Sourcils froncés. « Ce n'est pas ce que tu voulais ? »

Pause. « Si. Mais je ne m'attendais pas ce que le tueur soit encore en vie. Il a enfreint l'hégémonie auto-proclamée de Kira, pourtant, il n'est pas décédé de crise cardiaque. »

J'enfilai machinalement une veste, attrapai mon sac. « Je ne cesse de le répéter et ça devient vraiment lassant à la longue, je ne suis pas Kira. » Devant la porte, je me retournai, revins vers Ryuzaki. « Et si je l'étais, je ne le tuerais pas tout de suite, sachant que tu es là. Je me contenterais d'attendre le bon moment. » Exultation contenue.

Un éclair d'émotion dans les gouffres noirs, un instant, anéanti.

Matsuda, que je n'avais même pas vu arriver, m'attrapa le poignet. « Avant que tu partes, faut que je te montre un truc. » Il m'installa son écran de téléphone sous le nez. « Tu vas voir, c'est bien fendard. » Kira meets Disney. Le policier éclata de rire dès les premières minutes, je ris légèrement à mon tour. Cette vidéo, contre poids parfait de La vérité sur L. Retour surprenant, irréprochable à tous points de vue et, tout simplement, drôle.

Je refermai la porte, la sonnerie de L, encore trafiquée par mes soins, retentit. Une comptine anglaise, beaucoup moins légère que sa musique.

« London Bridge is falling down, falling down, falling down. London Bridge is falling down,
my fair lady. »


Arrivé sur le campus, je m'arrêtai au lieu de rendez-vous défini la veille. Un lieu à l'écart de toutes caméras et regards indiscrets. Remu et Ryuuku présents, l'échange des Death Notes pouvait commencer. Des instructions claires pour la suite des événements. En cas de capotage du plan A j'avais toujours ma sortie de secours, à exécution plus lente. Mieux valait couvrir mes arrières. Hors de question de devenir l'un des ces crétins mis en échec à deux pas du but par un stupide imprévu, une variable non évaluée. Ce n'était pas moi. Pas pour moi. Toujours des solutions de repli, la clé du succès.

Remu repartit avec le cahier de Misa dont j'avais abandonné la possession. Ryuuku leva ses ailes déchiquetées. « Tu en es certain ? Tu veux enterrer ton Death Note ?

- Provisoirement. En cas de problème, si mon premier plan ne fonctionne pas, je dirai « J'abandonne ». Ce qui voudra dire, pour toi « J'abandonne la propriété du Death Note. »

- Tous les souvenirs qui y sont liés disparaîtront, Kira, les gens que tu as tués. Tu ne seras plus capable de voir nous voir Remu et moi. Tu es sûr ?

- Nous en avons déjà discuté, je sais tout ceci. Et oui, j'en suis sûr. Mais nous n'en sommes pas encore là, nous n'y serons peut-être jamais, d'ailleurs. Néanmoins je préfère nettement les longueurs d'avance. N'oublie pas mes directives.

- ...Pigé. »

Ses ailes claquèrent l'air.


J'avais du mal à me concentrer ce jour là. Tout paraissait d'une fadeur sans nom. Les cours, les conversations. Même Takada. Takada, dont l'intelligence n'était pas si catastrophique en tant normal, ne cessait de débiter une litanie de propos assommants, creux, prévisibles. Elle ne s'aperçut pas de mon exaspération, imputable selon moi à une exécrable nuit. Exécrable nuit, qu'elle remarqua, et me gratifia d'un commentaire plein de gentillesse et dépourvu de toute substance.

La pause de midi terminée, je me dirigeai vers l'amphithéâtre. Non loin de l'entrée du bâtiment,

Ryuzaki m'attendait, recroquevillé sur un banc. Il faisait mine de lire, pieds nus sur le bois recomposé. « Je croyais que tu avais peur de sortir.

- Si tu es Kira et me tue, tu es le seul suspect au courant de mon identité, le coupable sera tout désigné. Et puis... l'Université est grande et j'ai eu envie de me balader. »

À d'autres. Venu me surveiller, terme plus approprié. « Tant mieux, je m'ennuie terriblement. Personne d'intéressant à qui parler quand tu n'es pas là.

- Hum. Pas même la lumineuse et rayonnante Takada ?

- Non. » Pas la moindre hésitation.

« Tu m'en diras tant. » Sa bouche s'incurva, à peine deux millimètres. « … Ah mais je crois que tu préfères les blondes ? »

Sursaut intérieur, alarme. Garder la tête froide. Je haussai un sourcil. « Les blondes. Je ne vois pas ce qui a bien pu te faire penser ça. » Probablement trop tôt pour le tuer maintenant... juste quand je commençais à imaginer sa mort, il jouait la carte de la détente. À moins qu'il ne soit réellement détendu, auquel cas... piège ? Bluff ?

Ryuzaki chaussa ses baskets trois fois millénaires. « On va manger un gâteau ? »

Je haussai une épaule.

À peine dix mètres parcourus, une voix aiguë cria mon nom. Une voix connue. Volte face. Misa, espèce de sombre idiote. Mon cœur se débattait dans ma poitrine. Le mannequin s'arrêta à notre hauteur, roucoulant comme une dinde face à son œuf. Elle se pencha légèrement, mains jointes dans le dos, le visage éclairé d'un sourire niais. Sa croix balança une étincelle d'argent.

« J'ai une séance photo pas loin, alors je suis venue te voir. C'est diiingue comme on entre dans une fac comme on veut. Ma séance est bientôt mais je me suis dit... » Par miracle, Misa s'avisa de l'existence de L avant de lâcher une information compromettante. « Oh salut, tu es ami de Raito ? Je suis sa petite amie, Amane Misa. » Elle inclina la tête en avant, salutation japonaise, sans cacher une seule seconde son expression d'extrême satisfaction.

« Ryuuga Hideki.

- Enchantée. Raito ne m'a jamais parlé de toi. » Jolie entrée en matière...

Fulgurance.

Ma cadence cardiaque explosa. Misa venait de voir le visage de L, Misa savait son nom.

J'ai gagné.

Le Death Note permettait de contrôler ses victimes vingt-trois jours avant la mort. À partir de l'instant où j'écrirais le nom, je pourrais contrôler sa vie. Il continuerait son enquête, incapable de m'attraper, incapable de m'échapper.

« Hein ? – la jeune fille, déboussolée – Ryuuga Hideki ? Mais - »

Je fis pivoter Misa face à moi, les mains posées sur ses épaules, sourire. « Il porte le même nom que cette star de la J-pop, drôle de coïncidence, n'est-ce pas. » Contrôle, Misa. Elle tourna le visage vers Ryuuga, surprise, ne sachant que faire.

Elle puisa dans mon regard, rit et tira la langue. « Drôle de coïncidence. » Son étonnement appuyé avait ses chances de passer, L portait le nom d'une star, après tout.

« Yagami-kun ? » L'index dans la bouche, Ryuzaki se détacha lentement de Misa. Les iris béants, dévorés d'une lueur folle de gourmandise. La chair de poule fila sur ma nuque. « Je t'envie. Je suis un grand fan de Misa depuis le numéro d'Eighteen de Mars. »

Fan ? L pouvait être fan ? N'importe quoi, surtout de mannequins. Il me provoquait, voulait me faire marcher. Ou m'avertir. Mauvais. Très mauvais. Reflet de l'allusion sur les blondes. Il savait ?

Une étudiante s'exclama brusquement « Oh mais c'est Misa !

- Hein, Misa ? » Une autre. Et une autre. Et une autre... « Elle est encore plus mignonne en vrai, waouh c'est trop bien ! », « Je peux avoir un autographe ? », « Les mannequins vont à Todai ! », « Hey Misa Misa ! » Un groupe se forma en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Dix secondes, submersion dans la foule. L'attroupement brutalement fracturé d'un hurlement strident : « Qui a osé me toucher les fesses ? » Misa fouillait les alentours de sa mine outrée.

Ryuzaki se proclama sauveur de la situation, dans une étrange posture didactique. « Un tel acte est parfaitement répréhensible à la fac. Je prends la responsabilité d'arrêter le coupable, fais-moi confiance, Misa-chan. » Oui, vraiment semblable à l'un de ces enquêteurs de mangas ou de dessins animés jeunesse. Peut-être également une parodie de Sherlock Holmes, dans le lot. Ma petite amie – autant s'y habituer – salua l'intervention. « Merci, tu es drôle. Je crois que je t'aime bien malgré ton look bizarre. »

Ils venaient de se rencontrer et honnêtement je ne pensais pas les choses aussi faciles : Ryuzaki s'était pointé tout seul à L'Université. L aurait orchestré sa propre mort et je serais le seul à pouvoir goûter l'ironie de la chose. Il me suffisait d'attendre le départ de Misa hors de cette foule. Il me suffisait d'un appel. Et je connaîtrai ton nom.

Une femme providentielle s'extirpa de la mêlée et amena Misa à force de remontrances. Son manager. Sitôt l'événement du jour envolé, les étudiants se dispersèrent. Ne restaient plus que deux personnes, face à face. Je lissai les mèches devant mes yeux, geste machinal. Ryuzaki se racla la gorge. « Je vais aller en cours pour une fois. Nous avons psycho ?

- Ouais. Je te rejoins, je passe aux toilettes. »

Ma main dans ma poche se referma sur le portable de Misa. Adieu, L. Une pointe de regret débordée de jubilation, submergée d'une exhalation grisante. Plus addictive que l'adrénaline. Adieu, L.

Le temps que ça avait duré, c'était tellement mieux que ce que j'avais pu imaginer, soupçonner. Tellement plus fascinant que prévu. Tellement court. C'était le jeu. Un seul gagnant. Et le nom du gagnant, aucun doute depuis le début. Moi. Et seulement moi.

Toujours moi.

Mes doigts dansèrent sur le clavier, mon cœur saccadé de jubilation pure. La feuille arrachée au Death Note brûlait d'impatience contre ma cuisse.

Sonnerie... derrière. Froid brut. Impact jusqu'à l'os.

Je regardais L exhumer un mobile de sa poche. Le timbre monotone contre mon tympan.

« Aaallo? »


Thirst


La sonnerie niaise du téléphone avait confirmé ma certitude. Amane, blonde irritante mais tombée du ciel dans mon opposition à Kira. Sans elle, que Raito commette des fautes aurait été nettement plus improbable. Et elle m'avait permis des tests, d'être sûr de ne rien risquer ici. Premier point : suprématie de Raito dans la prise de décisions, prioritaire sur les initiatives cruches de la demoiselle. Au moins en ce qui concernait les meurtres et les actions en tant que Kira 2. Second point : Raito était suffisamment froid dans ses décisions pour attendre son heure. Il n'avait pas tué, même dans des circonstances ambiguës, l'assassin coréen pourtant à sa merci. L'extrapolation était facile ; il ne me tuerait pas tant que ma mort le désignerait comme unique coupable.

« Allo ? Tu te fous de moi, Ryuuga ? »

Voix tout juste maîtrisée, la colère perceptible derrière la fragile façade. Forcément, que j'ai piqué son téléphone à sa « copine » directement dans la poche arrière de son pantalon qui, à force d'être moulant finissait par être collant et désagréablement moite, ne devait pas spécialement lui plaire. À plus forte raison si cette manœuvre l'empêchait de tenir mon pauvre petit cœur encore palpitant au creux de sa main.

« Ah, il semble que quelqu'un ait laissé tomber son téléphone, dans l'agitation. Les gens sont vraiment inattentifs.

- C'est le portable de Misa. Je le lui rendrai. »

Je me retournai, étudiant avec gourmandise son visage agacé. Oh, il allait tellement me haïr pour l'ordre que je venais de donner par sms. Plus que quelques minutes avant qu'Amane soit neutralisée, aveuglée et rendue muette, enfermée dans un fourgon pour être transférée dans une des salles d'interrogatoire du QG.

Ses doigts attrapèrent l'objet rose hideux dont j'évitais le contact avec bonheur, puis le firent disparaître dans un repli de veste aux plis parfaits. D'un ton rêveur, ma remarque n'avait d'autre but que de jouer. « Tu dois vraiment être très amoureux pour appeler ta petite amie dès qu'elle sort de ton champ de vision, Yagami-kun. Je note que tes goûts commencent à s'orienter vers la plastique plutôt que vers l'intellect. Problèmes hormonaux. Manque, frustration ?

- Tes propos sont tout à fait déplacés. Ma vie sentimentale ne regarde que moi. »

Vie sentimentale entre lui et Misa Amane ? Risible. Aussi logique que s'il avait décidé subitement de partir élever des alpagas en Patagonie et d'y épouser une plante verte locale. « Ta vie sentimentale me regarde absolument, puisque tu me caches quelqu'un, et que je sais qu'il s'agit...

- Tais-toi. »

Il sifflait presque, roulant des yeux. Rapide coup d'œil aux alentours. Ah. À distance d'écoute discrète, quelques étudiants faisaient semblant de ne pas nous écouter.

« Si Sa Majesté veut bien se donner la peine de me suivre... » Nul besoin de continuer ou de menacer pour qu'il me suive. Je marchais tranquillement vers un recoin plus calme, dépourvu de vautours avides de ragots. « Comme je te le disais, je m'intéresse à tes fréquentations dans la mesure où le deuxième Kira s'y cache. Ou que tu l'y caches.

- Ce serait peut-être le cas si j'étais Kira, ce que, encore une fois, je ne suis pas. D'autre part, si c'était vrai, je serais bien naïf de rencontrer Misa à la fac, tu ne crois pas ?

- À moins que tu ne prennes en compte ma supposée estime pour toi pour la prendre à contre-pied et agir à l'inverse.

- Ta supposée estime ? Tu as pour habitude de confier des enquêtes à des imbéciles ?

- Une enquête. Ou alors, tu n'as pas eu le choix, quelque chose a pu perturber ton raisonnement.

- Oh ? Fais-moi rire. Quel genre de perturbation ?

- De la peur ? »

Reniflement dédaigneux. Bien sûr que c'était une insulte. Bien sûr que c'était un amusement.

« Peur de Misa ? Puisque c'est elle que tu sembles soupçonner. En effet, terrifiante. Que tu aies l'idée saugrenue d'avoir peur d'une petite blonde toute fine et féminine pourrait être intéressant dans une étude psychologique.

- J'hésitais entre la peur et l'amour. Mais connaissant un minimum ta psychologie, la seconde option me paraissait trop extravagante. Rapport à ton orgueil toujours mal placé.

- Allégations hypothétiques.

- Ou intuition géniale. »

Un « hmpf » dédaigneux n'eut pas le temps d'être complété par une pique, mon téléphone vibra.

Excitation courant dans mes nerfs. Le piège s'était refermé. Ma main remonta lentement puis glissa dans la poche, agrippant l'objet toujours actif contre ma cuisse. Plaisir du regard inquiet mais bravache de Raito. Il savait que je dominais le jeu, à cet instant. Là, il n'avait pas réussi à me coincer. La sonnerie se fit finalement entendre : Blow the fire and make the toast, put the muffin on the roast...

« Oui.

- Ryuzaki, mission accomplie. Amane s'est laissée faire sans difficultés, elle est en transfert. RAS.

- Bien joué. »

Regard faussement désolé vers mon Kira en sursis. « Pour toi, c'est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. » Débarrassé d'Amane – forcément une libération – mais pour une raison qui n'allait pas manquer de le mettre sous une pression monstrueuse. « J'ai fait arrêter Misa Amane, en tant que deuxième Kira. » La surprise sur son visage, tout sauf jouée. Spontanéité intéressante. Les pauvres muscles de son visage ne devaient pas avoir l'habitude d'être si sollicités. « Nous avons trouvé dans sa chambre des poils de chat, du maquillage et des fibres de vêtements identiques aux échantillons retrouvés sur le ruban adhésif ayant servi à fermer les enveloppes envoyées à Sakura TV. Preuves évidentes. Pour éviter des réactions trop vives, nous n'annoncerons pas son arrestation. Ni celle de son agent pour trafic de drogue. Ça évitera que Kira les tue, aussi. »

En matière de preuves, j'avais assez pour faire exécuter le mannequin. Et si Raito avait été assez imprudent pour rendre visite à sa « copine » chez elle, l'enquête aurait sans doute pu se clore.

Mais non. Alors le jeu n'était pas fini. Et curieusement, je n'en étais pas vraiment mécontent. Le retour à la normalité des enquêtes plates comme la poitrine d'Amane ne me tardait pas. Le retour à l'ennui ne faisait pas vraiment partie de mes rêves. J'avais pris goût à jouer avec le feu.

Le regard légèrement flou, Raito semblait plongé dans ses pensées. Dans l'expectative. N'avait-il pas prévu que je bouge si vite ? Pourtant, je l'avais déjà fait. J'en étais presque vexé. Deux fois la même manœuvre, et ça marchait toujours. Si je te trompe une fois, honte à moi. Si je te trompe deux fois, honte à toi.

Je me penchais, tentant d'attraper son attention enfuie au loin. Une main agitée devant ses yeux le fit cligner. « Yagami-kun, tu vas bien ? Ton amie arrêtée pour ce crime, j'imagine ce que tu ressens... »

Compatissant – ou dans une parodie de compassion – je tapotai son épaule, ravi de froisser légèrement le tissu en y crispant mes doigts.

« Ne t'inquiète pas, si elle est innocente, je ne lui ferai rien. »

D'après son air mi-moqueur mi-circonspect ( et pourquoi pas inquiet en plus de hautain ?) mon sourire était plus inquiétant que rassurant.


Depuis la voiture, j'assistais à l'installation d'Amane. Sanglée, yeux bandés, bouche entravée. Ses vêtements aux replis innombrables remplacés par quelque chose de plus neutre, sans arme dissimulée. Elle, rien ne me retenait d'user de tout ce qui était à ma disposition pour la faire parler. Sa psyché trop faible finirait par craquer. Elle me livrerait Kira, cracherait la culpabilité de Raito. La seule difficulté étant de ne pas briser définitivement son esprit avant qu'elle n'avoue. Petite chose fragile – au vernis à double couche, jeu du mignon et de la femme fatale dissimulée, mais noyau de verre que je me ferais un devoir, sinon un plaisir, de révéler avant de l'anéantir. Cette fille attachée, le chemin le plus court vers la vérité.

Watari jeta un regard dans le rétroviseur. « Tu as des noisettes grillées au caramel, tu sais. »

Délices, pépites dorées de sucre blond, réconfort pour la nostalgie déjà affleurante à l'égard d'un bras-de-fer qui m'aurait opposé à mon meilleur adversaire.

« Pour Amane, je te laisse carte blanche. Elle doit parler. Débranche les caméras si tu es borderline. »

Je n'aimais pas la politique. Les Droits de l'Homme étaient de la politique.


Tous les membres du QG étaient là, en effervescence. Depuis que la sœur de Raito m'avait donné le nom tant recherché, tout s'était enchaîné. Tout concordait. L'assassinat des parents, la vengeance par Kira, l'arrivée dans les environs, un emploi du temps flou le 22 même si elle n'avait pas été capturée par les caméras. Petite amie sortie de nulle part. Franchement. Raito ne pouvait tout de même pas croire un seul instant que je serais dupe ?

« Hey, Ryuzaki ! Comment a réagi Raito ? Pas trop effondré ?

- Effondré ? Matsuda, il ne connaît cette fille que depuis quelques semaines.

- Et alors ? Ah, l'amour ! L'amour n'a pas besoin d'affinage, c'est pas comme les fromages et les jambons.

- Ou le saké. »

Si même Mogi se mettait à répondre, c'est que vraiment l'ambiance était au beau fixe. Et pour une fois, je ne pouvais pas totalement leur en vouloir ; arrêter de manière quasi certaine le second Kira n'arrivait pas tous les jours. Et étant donné la charge de travail que la manœuvre impliquait les jours précédents, ils avaient gagné le droit à une blague pourrie.

« Mais du coup, il a réagi comment ?

- Normalement. Étonné. Comment réagirais-tu, Matsuda, si ta petite amie se faisait arrêter pour meurtre ?

-Hu ? Ma petite amie ? »

Son air niais était passablement écœurant. Lancer ce célibataire sur le sujet était souvent source de monologues soporifiques. « Si j'en avais une, j'imagine que je ferais tout pour la défendre. Sauf si, évidemment, mon cœur battait pour quelqu'un d'autre. » Rire étouffé. Encore une allusion idiote. Son petit cerveau passait beaucoup trop de temps à se faire des films pour encore arriver à analyser la réalité ensuite.

L'écran s'alluma, l'image d'Amane apparut, cadrée, stable. Lumière artificielle et froide, qui l'irradierait sans discontinuer. Son horloge biologique allait se dérégler, entraînant une fatigue permanente et un malaise constant. État d'esprit plus propice aux aveux.

« Mais... Ryuzaki, c'est quoi tout ça ?

- C'est... un truc de pervers, non ?

- Elle est suspectée d'être le deuxième Kira. C'est le minimum à faire. L'empêcher de voir, de connaître l'identité de ses geôliers, de se servir de ses mains et de parler. Nous ne savons pas comment elle tue. Mais elle va nous le dire. Tout nous chuchoter. Quel est le pouvoir des Kira, si elle connaît l'original, qui il est, tous les détails de l'obtention de cet Œil. Nous raconter des histoires de shinigami, aussi. »

L'Œil de la conscience serait son châtiment, si j'en avais l'occasion. Et le chanvre de la corde, le bras armé de la Justice.

« Yagami-san, je préfère vous le dire. Il y a de fortes chan... de forts risques pour que j'interroge Raito prochainement, en tant que suspect principal de l'affaire Kira.

- De... dans les mêmes conditions ? Il est innocent... »

Toute sa crispation se ressentait dans ses mouvements, mais plutôt que de débattre virulemment comme il en avait l'habitude, animé par un enthousiasme éclairé pour défendre ce en quoi il avait foi, il s'inquiétait des détails. Résignation ?

« Nous verrons selon ce qu'Amane va nous dire. »

Grimaces sur les visages.

« Les sangles, le bâillon...

- Ce qui sauve votre fils, pour le moment, c'est qu'elle soit toujours en vie. Mais il sait que sa mort le désignerait comme coupable. Reste à savoir combien de temps il aura confiance en son silence.

- Mais... tu veux qu'il la tue ? Alors qu'on n'est même pas sûrs qu'il soit Kira ! Raito-kun ne peux pas vraiment être un meurtrier... »

Non, je ne voulais pas qu'il tue. Mais qu'il ne le fasse pas m'offrait une alternative à l'hypothèse évoquée. Parce qu'il devait bien être conscient qu'elle finirait par craquer. Alors, s'il ne s'en débarrassait pas, c'était soit parce qu'elle lui était chère – elle pouvait parfaitement détenir un secret, en lien avec ses pouvoirs plus puissants – soit parce que la menace qu'elle représentait ne s'annulait pas avec son arrestation. Du côté de ma fourchette, je tranchai un mille-feuilles particulièrement appétissant. « Il ne la tuera pas. Et j'aimerais beaucoup comprendre pourquoi.

- Tu veux comprendre pourquoi mon fils ne tue pas une jeune fille. Bien sûr. Surtout quand la jeune fille en question est sa petite amie.

- Relation dont personne ne vous a jamais informé. Probablement à sa demande. Pour quelle raison ?

- Je... j'imagine que comme elle est mannequin, et que son style est un peu olé-olé...

- Vous « imaginez ». Très bien. Nous verrons que j'ai raison plus tard. »


Deux jours entiers s'étaient déjà écoulés, sans nouveauté. Les privations d'eau, de nourriture et de sommeil affaiblissaient Amane sans qu'elle ne craque pour autant. Ses cheveux étaient gras, pendouillant tristement contre sa peau sèche et terne. Le bâillon avait été retiré, ses lèvres gercées laissant passer un souffle fatigué. Elle faisait peine à voir.

Dehors, la nuit était calme. Semblable à toutes les autres. Quelques ivrognes rentraient chez eux, quelques paumés prenaient les derniers ou premiers bus, les premiers travailleurs se détruisaient la santé sur les trottoirs, quelques malheureux faisaient leur crise cardiaque.

Avachis sur les quelques fauteuils et canapés, mes trois policiers dormaient. Yagami avait pris la peine d'enlever ses lunettes, faisant prendre l'air aux cernes qui se creusaient sur son visage. Il avait maigri depuis quelques mois. Matsuda s'était allongé recroquevillé sur le cuir beige, attendant de se faire réprimander pour une faute quelconque. De temps en temps quelques mots ou phrases sans queue ni tête lui échappaient. Mogi s'était assoupi assis, figé comme s'il réfléchissait. Impassible, prêt à bondir au moindre appel. Au final, seuls les gâteaux et le café me tenaient vraiment compagnie.

Appel entrant sur mon téléphone, la sonnerie redevenue normale. Enfin.

« Ryuzaki, Amane parle. »

J'allumai la télévision, reliée à la caméra de la salle d'interrogatoire. Le son eut le mérite de sortir tout le monde du sommeil.

« Tue-moi ! Je n'en peux plus de tout ça, tue-moi ! Vite ! »

Un bâillement étouffé, et les hommes s'approchèrent de l'écran.

« Elle n'a rien bu depuis trois jours, la pauvre... Elle a à peine vingt ans, elle atteint ses limites. »

Parfait. C'était le moment pour qu'elle se fissure et parle.

J'attrapais le micro, le silence se faisant immédiatement. Pour ça, ils étaient bien dressés.

« Misa Amane, tu m'entends.

- Oui... tue-moi... je t'en prie...

- Dois-je comprendre que face à toutes les preuves qui t'accablent, tu renonces à te défendre et reconnais être le deuxième Kira ?

- Le deuxième Kira ? Non, c'est n'importe quoi. Il faut que tu me tues, que ça s'arrête... pitié... si, j'aurais déjà dû mourir à ce moment-là... »

Je relâchai le micro. Étais-je allé trop loin ? Avait-elle déjà craqué ? Pourtant, elle n'était pas détruite. Si ça avait été le cas, elle n'aurait pas été en mesure de parler du tout.

« La pauvre, j'ai de la peine...

- Si vous voulez sortir Matsuda, vous êtes libre.

- Euh... non, je veux savoir la suite. » Ce chien fou se croyait dans une de ces stupides sériés télé ? La suite au prochaine épisode, ou après la pub ?

Pourquoi demandait-elle sans arrêt à être tuée ? Elle aurait dû être abattue, brisée, pas suicidaire.

Raito avait-il finalement décidé de la tuer, et de la contrôler avant la mise à mort ? Je n'avais aucun moyen de m'en assurer, mais je craignais forcément qu'il triche une fois de plus. Watari apparut sur l'image, muselant la jeune femme pour l'empêcher de s'étouffer elle-même. Si elle devait mourir, ce serait de crise cardiaque. D'une mort qui me désignerait un coupable, pas d'un truc aussi sale qu'une langue tranchée à coups de dents.

Les larmes coulaient sur les joues sales. Les hoquets des sanglots s'apaisant petit à petit. Elle remuait la tête dans la mesure où elle le pouvait, puis eut un maigre sourire avant de s'évanouir, vaincue par le stress et la fatigue. La privation de sommeil avait ses limites, quand le corps tombait sans pouvoir rattraper la conscience.

C'est entouré de croissants au beurre et de confiture de goyave que j'eus l'immense privilège et bonheur d'assister au réveil de la demoiselle en détresse. Bouche de nouveau libre, sa nature féminine reprit le dessus et la poussa à déverser des flots de conneries. « Hu ? Qu'est-ce que je fais là ? Monsieur ? Vous êtes un stalker, hein, c'est ça ? » Froncement de sourcils. Qu'est-ce qu'elle fabriquait ? « Vous êtes là ? Ce que vous faites, ça s'appelle un crime. Aller, il faut me détacher maintenant. Le jeu a assez duré, vous ne trouvez pas ? »

Elle ne se rappelait pas avoir été arrêtée.

Téléphone. « Mogi ? Lorsque vous avez arrêté Amane, vous lui avez bien dit qu'elle était soupçonnée d'être le deuxième Kira ?

- Mais oui, et elle est restée calme, elle m'a entendu. J'en suis sûr. »

Je ne comprenais pas pourquoi elle changeait de comportement à ce point. Elle ne pensait tout de même pas jouer l'amnésie...

« Amane, pourquoi êtes-vous là ?

- Hein ? Parce que je suis une idole, non ? Vous voulez me prendre en photo ? Écoutez, si vous me laissez partir, je veux bien vous signer un autographe. C'est assez original, comme façon de me déclarer votre flamme, en fait. Mais ça suffit. Je suis d'accord pour vous serrer la main, à la limite. Ou pour un bisou sur la joue. » Déclarer ma flamme, en l'enfermant et en restreignant ses mouvements ? Vision bien étrange du romantisme, qui pouvait coller avec une idiote amoureuse de Kira au point de ne pas voir son aspect criminel.

« Reprenons notre discussion. Tu connais Yagami Raito ? Quelle relation as-tu avec lui ? Inutile de mentir.

- Raito ? Ben c'est mon petit ami, forcément je le connais. Tu es bien renseigné, bravo, ça doit faire un moment que tu me suis. Mais je vais te dire, je suis fidèle, et tu ne lui arrive pas à la cheville ! Je ne le quitterai jamais pour toi. D'ailleurs, il doit s'inquiéter... je veux voir mon Raito. Libère-moi ! »

Incohérente. Était-elle manipulée, maintenant ? Non, Raito n'aurait pas voulu qu'elle admette le connaître. Quelque chose allait trop vite, m'échappait. J'avais horreur de ça.

Une alarme retentit dans un coin d'écran. Raito était à la porte, devant les portiques de sécurité. Les derniers jours, je lui avais expressément interdit l'accès aux salles de travail, le cantonnant à sa chambre et à quelques lieux de loisirs annexes. J'éteignis les écrans, demandais le silence au sujet de la gamine, et le laissai entrer. S'il venait de son plein gré, c'était qu'il faisait son prochain mouvement dans le jeu. Insolent et manipulateur comme toujours.

Fier, droit, il entra dans la salle et se dirigea vers ma table de petit déjeuner.

« Alors, tu comptes admettre ton erreur et libérer Misa, ou pas ?

- Pourquoi le ferais-je ?

- Parce que tu as tort. Pour ne pas changer.

- Tu te souviens lorsque je t'ai dit que mes soupçons étaient de l'ordre de 7% ? Ils sont à plus de 97% maintenant.

- Je me demande encore comment tu fais tes statistiques. Pure invention, non ? À la tête du client ?

- Ce qui fait 98%.

- Bien sûr. C'est un tel bonheur de travailler avec toi.

- Pour moi.

- Avec toi. Je ne suis pas un sous-fifre. Et que tu me soupçonnes encore, et tellement, est juste insultant pour mon travail. Les heures que j'ai passées ici ne changent rien, n'est-ce pas. Quoi que je fasse, tout me rend suspect, puisque tu as décidé de te focaliser sur moi, au point que tu passes certainement à côté du vrai Kira, qui doit bien rire s'il te voit.

- Donc, toi, tu trouves matière à rire.

- Vu que je veux vraiment attraper Kira, moi, non, je ne ris pas. » Qu'il pouvait être énervant, quand il le voulait. Gamin insupportable. « Tiens, puisque tu es tellement persuadé de ma culpabilité, je te suggère de m'enfermer aussi. »

Son père explosa. « Quoi ? Mais Raito, enfin, écoute ce que tu dis ! Tu n'es pas Kira, tu n'as pas à subir ça !

- Si Yagami-kun veut se faire enfermer, c'est un aveu de sa culpabilité, pour moi.

- Non, c'est pour me débarrasser de tes insinuations douteuses, et que tu te prennes enfin en pleine face ton erreur. Tant que tu ne seras pas convaincu que je ne suis pas Kira, on ne pourra pas avancer. »

Matsuda s'approcha, inquiet mais joueur. « Oui, la confiance c'est la base de tout. »

Double regard assassin. Il repartit en sifflotant distraitement vers la cafetière, ignorant les ondes meurtrières qui l'assaillaient.

« Ne me tente pas, Raito-kun. Une cellule toute neuve attend que tu y emménages.

- Je suis déjà en prison. Tu ne me surveilleras pas plus, j'imagine. »

Il n'avait pas totalement tort.

« Mais enfin Raito, pense à ta mère et à ta sœur !

- Si le grand L décide de m'exécuter sans procès sur un coup de tête, ce sera pire que si elles me croient en voyage, non ? Cette accusation est du grand n'importe quoi, et s'il faut que je me laisse enfermer quelques temps pour que Sa Grandeur le roi des détectives se rende compte de son aveuglement et qu'ensuite nous puissions attraper efficacement le vrai meurtrier, c'est un sacrifice auquel je consens. »

Un sacrifice... sens de la mise en scène, petit martyr, bonjour.


Je refermai moi-même les menottes sur ses poignets. Ses yeux ne seraient bandés que pour le trajet jusqu'à l'étage dont le numéro n'était connu que de moi, de Watari et de Mogi, qui apporterait ses repas à mon captif.

Plus tôt, je l'avais envoyé se changer et enfiler des vêtements plus confortables pour une détention de longue durée – pull et pantalon de toile noirs. Peut-être, dans ma mansuétude, le laisserais-je se changer de temps en temps, par égards pour son obsession de la propreté. Là où le sort d'Amane m'indifférait royalement.

Raito ne se briserait pas aussi facilement. Et peut-être n'avais-je pas envie de le briser.

Les journées et les nuits s'enchaînaient, interminables. Misa chouinait, Raito fatiguait petit à petit. Yagami Sôichirô s'était enfermé dans sa chambre. Reclus jusqu'à la reconnaissance de l'innocence de son fils adoré. Presque dix jours d'écoulés. Les meurtres avaient continué, mais les nouveaux criminels ne mourraient pas. Coïncidence trop énorme pour être vraie. Les coïncidences n'existaient pas. Pourtant, j'aurais pensé que son incarcération n'aurait aucun impact sur les meurtres. Il avait forcément voulu se faire innocenter. Mais c'était plutôt sa culpabilité qui affleurait. Je profitai d'un moment de solitude pour m'emparer du micro.

« Yagami-kun.

- Ryuzaki. Du nouveau ?

- Kira n'a pas recommencé à tuer.

- Ah... qui a connaissance de mon enfermement ?

- Ça ne te regarde pas. Les noms n'ont pas à t'être révélés.

- Je suis volontaire pour attraper ce salaud, moi. Mais s'il joue de ma volonté de me faire innocenter pour me faire passer pour coupable et que tu marches, ça ne risque pas d'avancer. »

Je mordis dans un chou à la crème. Depuis le début, je n'avais dormi que très peu, quelques minutes de temps en temps. L'observant passer du sol au lit, de la position assise à couchée. Il ne faisait rien, mais cette inactivité autant physique que mentale devait être un vrai calvaire pour lui. Une paresse forcée, véritable torture pour un esprit comme le sien, toujours en éveil.

« Ryuzaki, tu ne veux pas venir, qu'on fasse une partie d'échecs ? Mes poignets vont finir par être vraiment marqués, j'ai besoin de me dégourdir les mains. »

Non, je ne viendrais pas. Il n'aurait pas de distraction. Même si l'idée de rejouer contre ( avec ? ) lui n'était pas désagréable.

« Raito, tu vas bien ? Ça fait bientôt deux semaines que tu es là. Comment te sens-tu ?

- Tu t'intéresses au moral des troupes, à présent ? … J'ai peut-être fait une sorte d'erreur en te demandant de prouver mon innocence en m'enfermant. Cette fierté mal placée, je l'abandonne. »

Premières paroles sensées depuis sa détention. Quelques secondes passèrent, et un changement radical trancha l'atmosphère. Sous ses mèches à peine plus désordonnées que d'habitude, ses yeux s'agrandirent légèrement, comme s'il était surpris. Ses muscles se détendirent imperceptiblement, et une tension s'évanouit.

Ma main resta en suspens au-dessus du dernier chausson aux pommes.


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