L'HÉRITAGE NON DÉSIRÉ

Chapitre 4


Bordure extérieure, système solaire de Mandalore, zone équatoriale de Mandalore


DIN DJARIN

Din Djarin avait posé le vaisseau dans une clairière, en lisière de forêt. Il poussa le vaisseau, en lévitation, vers les arbres. Il ramassa des branches bien feuillues et les déposa sur la carlingue pour dissimuler un peu son moyen de transport. Il songea qu'il serait intéressant pour lui d'investir dans une bâche de camouflage.

En se retournant, il nota que Grogu n'était plus en vue. Il fallait qu'il trouve un moyen pour le faire obéir un peu. Ou, au moins, lui faire comprendre de ne pas s'éloigner lorsqu'ils étaient en terrain inconnu. Il entendit l'enfant rire derrière les arbres. Ignorant ce qu'il trouverait, il attrapa un sac, dans lequel il mit quelques provisions, et le sac qui lui permettait de transporter Grogu. Enfin, il se dirigea vers les sons. Le petit être vert avait trouvé un petit ruisseau et jouait dans l'eau.

_ J'aimerais que tu ne t'éloignes pas trop de moi, Grogu.

_ Gaa ?

_ On ignore si la zone est sans danger. Je voudrais que tu sois plus prudent.

L'enfant tortilla les épaules en roucoulant. Din Djarin trouva que sa réaction frôlait l'insolence, mais, comme il ne le comprenait pas, il n'ajouta rien. C'était peut-être juste son ressenti. Le petit se dirigea en amont du ruisseau et Din Djarin le suivit. À mesure qu'ils se rapprochaient de la zone montagneuse, l'ancien Mandalorien notait que le terrain devenait de plus en plus accidenté. Il avait suffisamment voyagé dans sa vie pour connaître la géologie.

Au bout d'un quart d'heure, alors qu'ils atteignaient un grand lac, au pied des montagnes, il nota que les arbres avaient été arrachés. La forêt semblait jeune. Elle devait avoir une dizaine d'années, tout au plus. Mais, l'événement à l'origine de la déforestation, près du plan d'eau, était plus récent. Les arbres déracinés n'étaient pas tout à fait secs, mais de nouvelles pousses commençaient déjà à se développer sur les troncs couchés. Le lac était approvisionné en eau par plusieurs petites cascades et filets d'eau coulant des parois rocheuses.

Normalement, un climat humide, comme celui propice au développement rapide d'une forêt, aurait dû créer une forte érosion des roches. Les roches étaient rugueuses comme si elles n'avaient été soumises à la pluie et au vent que récemment. La couleur des roches était d'un noir volcanique, comme sur Nevarro, mais il n'y avait pas de vestiges de coulée de lave. Son hypothèse était qu'un phénomène géologique de grande ampleur s'était produit il y avait moins de trois ans. Un séisme, créé par la tectonique de la planète, avait dû faire jaillir la chaîne de montagne des profondeurs. Compte tenu de la superficie de la chaîne de montagne et la hauteur de ses pics, l'épisode géologique avait dû être cataclysmique. Le lac avait dû naître, après coup, suite à un affaissement du sol, soudainement privé de roches dures.

Les roches volcaniques étaient connues pour leur capacité à filtrer efficacement l'eau. L'eau du lac était cristalline et semblait pure. Il fouilla dans son sac et utilisa un kit de diagnostic pour sonder l'eau. Comme il s'en doutait, elle était potable. Il prit alors une gourde de vide et la remplit. Il se délecta d'eau fraîche. Ça n'arrivait pas souvent de pouvoir se désaltérer ainsi. Il sentit Grogu s'agripper à sa jambe.

_ Tu veux boire aussi ?

Il aida l'enfant à boire dans la gourde. Grogu soupira de plaisir. Un quart d'heure de marche, pour lui, c'était plus fatiguant que pour l'humain. Din remplit de nouveau la gourde et longea le lac vers la montagne la plus proche et la petite cascade qui s'en extrayait.

En vérité, ce n'était pas une cascade à proprement parler. C'était une succession de filets d'eau qui jaillissaient de la paroi rocheuse. Le ciel, déjà bien couvert à leur arrivée, devint plus sombre et des gouttes de pluie commencèrent à tomber.

Grogu passa entre ses jambes et alla se réfugier derrière les filets d'eau, dans une sorte d'alcôve. Din Djarin le rejoignit en se demandant si l'averse allait durer. Il contempla l'étendu du lac devenir irrégulière à cause des gouttes. L'enfant émit plusieurs sons pour jouer avec l'écho de sa voix.

Lorsque l'écho devint plus lointain, Mando se tourna pour découvrir que Grogu s'était encore éloigné.

« Cet enfant est impossible » pensa-t-il en soupirant.

À son tour, il se fraya un chemin entre les parois étroites. La lampe de son casque, allumée, éclaira son chemin jusqu'à l'enfant, qui semblait l'avoir attendu devant une ouverture.

_ Grogu… souffla-t-il. Combien de fois vais-je devoir te dire de…

_ Gaa ! Coupa l'enfant, en désignant l'espace devant lui.

Ils étaient arrivés dans une grande salle circulaire. Elle n'était pas d'origine naturelle. Le sol était dallé et les murs semblaient avoir été taillés dans la roche. Il y avait aussi du mobilier en pierre : des tables, des bancs et surtout une sorte de ring sur une estrade. La disposition lui fit penser aux salles d'entraînement des clans guerriers. Il restait de nombreuses armes d'entraînement, en bois, dans de vieux râteliers, sculptés dans la roche, et même quelques armes non factices. Au mur, derrière lui et sur les côtés, il y avait de grandes tentures éliminées, aux dessins trop usés par le temps pour être identifiés. Des fragments de vaisselle en terre cuite étaient éparpillés au sol. De grands cristaux rougeoyants, posés sur des socles hauts, apportaient une lumière chaude à la pièce.

Grogu sautilla et cria pour attirer son attention. Il montrait le mur en face de l'ouverture qui leur avait permis d'entrer. Il était, non pas couvert de tentures, mais de mousses barbues. Il s'approcha de l'enfant et découvrit des peintures sombres dissimulées par le rideau végétal. Il alla jusqu'à un râtelier et prit une longue lance. À sa grande surprise, il constata que la pointe de la lance était faite en Beskar, bien que l'Armurière lui ait dit que le Beskar ne servait qu'aux armures. La lame n'avait pas été émoussé par le temps et était toujours tranchante. Il la leva et s'en servit pour couper les plantes. Il reposa la lance et se recula pour observer la frise peinte. Elle représentait le même personnage dans différentes postures. Il avait déjà vu cette silhouette, noire sur fond clair, dans des livres. Il en reconnaissait la casque Mandalorien, il voyait la cape et surtout observa le sabre, dont la poignée lui était familière.

Cette fresque représentait Tarre Vizsla, le Mandalorien Jedi, le créateur du Sabre Noir. Il n'en avait aucun doute. La peinture était une succession de figures de combat : un enchaînement au sabre. Cet endroit était le lieu où Tarre Vizsla avait dû s'entraîner et, peut-être, entraîner des disciples. Ce fut avec humilité qu'il se rendit compte qu'il se tenait dans un lieu vieux de plus de mille ans.

Grogu tournoya sur lui-même dans une version maladroite de l'enchaînement. Din Djarin observa avec attention les postures et dégaina le Sabre Noir. Aujourd'hui, il ne semblait pas trop lourd à porter. En gardant un œil sur le mur, il s'essaya aux mouvements. D'ordinaire, un enchaînement devait être réalisé avec rapidité, mais ce n'était pas simple. Les mouvements étaient en réalité assez complexes. Il fit la séquence en préférant l'exactitude des mouvements à leur rapidité d'exécution.

Grogu applaudit joyeusement pour le féliciter.

_ Merci, Monsieur l'entraîneur Grogu, dit-il pompeusement, faisant rire l'enfant.

Il avança vers le mur et posa la main près d'une silhouette.

_ C'est incroyable que cet endroit soit resté débout. Tu te rends compte qu'on doit être les premiers à venir ici depuis un millénaire ?

_ Aaah ! Répondit Grogu.

Soudainement, un courant d'air, faisant bouger la mousse au sol, attira son attention. Il s'avança et découvrit un sombre couloir dérobé. S'il n'y avait pas eu le souffle d'air, avec la perspective, il n'aurait même repéré le passage.

Il avança lentement, balayant le sol avec la lumière de son casque, Grogu derrière lui. Après quelques mètres, ils furent bloqués par un éboulement de roches. Ce qui était étrange, c'était que cela n'avait pas l'air d'être les murs ou le plafond qui s'étaient écroulés. C'était plutôt comme si les éboulis, constitués de roches plus claires, avaient été déversés là.

Alors que Din Djarin et Grogu rebroussaient chemin, l'homme entendit comme un murmure venir du mur à sa gauche et s'immobilisa.

_ Hun ? Fit l'enfant.

_ Toi aussi, tu as entendu ça ?

Grogu dodelina de la tête. À la lueur de son éclairage, le mur ne semblait pas avoir quoi que ce soit de différent. Il le toucha et presque immédiatement, il sentit un creux. Encore une fois, entre le manque de lumière, la perspective et la couleur de la roche, il n'aurait rien vu. Néanmoins, la forme du creux était trop lisse et parfaite pour sembler être d'origine naturelle. Le trou avait été creusé et poli dans la roche.

Ce fut en apposant la main à plat, à cheval sur le creux, qu'il prit conscience de la forme précise de ce dernier. Face au mur, il prit alors le Sabre Noir à sa taille et le mit dans le trou, qui en épousait parfaitement la forme de la poignée. Il entendit un déclic mécanique et une porte de pierre s'ouvrit, lourdement, à sa droite. Il sentit Grogu s'accrocher à sa jambe.

Il récupéra le sabre, installa Grogu dans son sac à bandoulière et passa la porte. À son quatrième pas, il marcha sur une dalle qui s'enfonça légèrement dans le sol. La porte se referma brusquement. Grogu émit un couinement effrayé.

_ Dank farrik ! S'exclama-t-il, en frappant la porte du poing.

À tâtons, il chercha un mécanisme pour l'ouvrir ou une poignée pour la tirer. Mais, il ne trouva rien. Il se retourna et observa la dalle. Même en activant la capacité de détection de son casque, il ne décela rien. Que ce soit au niveau de la porte ou de la dalle. Il pressa le pied au sol et la dalle s'enfonça une nouvelle fois. La porte s'ouvrit de nouveau. Grogu gazouilla de soulagement.

_ Oui, dit-il. C'est bon de savoir qu'on aura un moyen de sortir d'ici.

Grogu roucoula.

_ On fait quoi ? On retourne au vaisseau ou on continue ?

Grogu n'eut pas le temps d'émettre un son de réponse. Din Djarin entendit des murmures et sursauta. L'enfant se tassa dans le sac. Le Mandalorien marcha volontairement sur la dalle pour refermer la porte. Il valait mieux ne pas laisser de trace du chemin qu'ils empruntaient. Il marcha encore quelques pas et arriva au pied d'un escalier en colimaçon.

_ Il y a quelqu'un ? Demanda-t-il.

Mais, aucun murmure ne se fit entendre et l'écho de sa voix fut le seul à lui répondre. Du bas de l'escalier, il ne pouvait pas apercevoir jusqu'où il montait. Puisqu'ils étaient là, autant continuer.

Din Djarin se lança à l'ascension des marches.

o0o0oOo0o0o

Après un temps qui lui parut interminable, Din Djarin arriva au sommet de l'escalier. Il avait même hésité à faire demi-tour, mais il s'était rendu-compte qu'il aurait mis autant de temps pour redescendre. Après une pause, il avait donc continué de monter. Il avait les muscles des jambes en feu, le tournis et une légère nausée. Il s'assit sur la dernière marche, se délesta de ses sacs, posant Grogu par la même, et se laissa tomber au sol. Il retira son casque pour reprendre son souffle plus facilement et boire de l'eau du lac.

Il se reposa plusieurs minutes, les yeux clos. Grogu, assis près de lui, commença à chouiner pour montrer qu'il s'impatientait.

_ C'est facile pour toi, dit-il. On voit que ce n'est pas toi qui viens de monter un escalier pendant une demi-journée !

En ouvrant les yeux, alors qu'il s'apprêtait à remettre son casque, il remarqua un reflet lumineux dans ce dernier. Il le remit sur sa tête et s'avança sous une arche. Grogu marchant près de lui, il entra dans une nouvelle pièce.

Celle-ci était incroyablement lumineuse. Il n'y avait pas de torches ou de braseros allumés. La lumière venait des murs et du plafond, parcourues de roches luminescentes, aux lueurs bleutées. Elles étaient si nombreuses, qu'on y voyait presque comme en plein jour. C'était un spectacle extraordinaire. Le plafond avait même l'air d'un ciel étoilé. Les murs n'étaient pas seulement parsemés de roches luminescentes, ils étaient aussi parcourus par de grandes traînées argentées. Mando cogna doucement, du dos de la main et écouta le son résonner.

_ Du Beskar, murmura-t-il.

Il y avait plusieurs arches, des portes, comme celle qu'il avait franchi, toutes encadrées par deux blocs cristallins, émettant une lueur rougeoyante. Sur la droite, il y avait un immense lac souterrain. Des gouttes, tombant du plafond, venaient en rider la surface ornée de reflets lumineux. Une partie de l'eau extérieure devait venir de là.

Au centre, de la pièce, il y avait une sphère de pierre en lévitation entre une stalagmite et une stalactite. Il s'en approcha. À l'aide de son casque, il détecta un champ magnétique. Il maintenait la sphère en l'air et lui donnait une légère impulsion la faisant tourner sur elle-même, à un rythme lent.

_ Non ! Fit-il à Grogu, alors que l'enfant allait toucher la stalagmite.

_ Hun ?

_ Cette chose lévite là depuis des siècles. Il ne faut pas qu'on y touche. Aucun de nous deux, insista-t-il.

Din Djarin souleva le petit pour que ses yeux soient à hauteur de la sphère.

_ Aaah ! Fit Grogu.

_ Oui, je trouve aussi que c'est beau. Attends une minute.

Il observa plus attentivement la sphère. Elle n'était pas lisse. Elle était couverte de reliefs et d'inscriptions.

_ Tu vois ces signes ? Demanda-t-il à l'enfant.

_ Patoo.

_ C'est du Mando'A. La langue de Mandalore. Tout Mandalorien, qui a prêté serment, se doit de savoir la lire, l'écrire et la parler.

_ Hum.

_ On dirait la carte d'une planète avec des noms de lieux. Mais, aucun de ses noms ne me disent… Celui-là !

_ Hun ?

_ C'est Bralsin ! Et là, Shuror ! Dank farrik !

_ Gaa ?

_ Ce sont des noms de vieilles villes de Mandalore. Ça veut dire que cette carte représente Mandalore et qu'elle date d'avant l'assèchement de la planète. À cette époque, Mandalore était un monde viable et plein de potentiel. Avant, il y avait des océans, des mers, des lacs et des rivières sur toute la planète. C'était un monde accueillant avec une végétation abondante. C'était aussi un monde sauvage, dominé par les grands Mythosaures. Notre emblème.

Din Djarin passa la main dans le cou de l'enfant et sortit un pendentif de ses vêtements.

_ Tu vois ? Ça, c'est le crâne d'un Mythosaure.

_ Huuum, fit Grogu en portant le pendentif à sa bouche.

_ C'est incroyable que cet endroit soit encore debout et bien conservé… murmura-t-il.

Il posa Grogu à terre. L'enfant commença à déambuler, la tête en l'air, en regardant les lumières.

_ Grogu ?

_ Hun ?

_ Ne t'éloignes pas trop, s'il te plaît.

Le petit être vert hocha la tête.

_ Merci, dit-il.

Din Djarin se dirigea vers le lac et s'arrêta au bord de la rive. Cette vision avait quelque chose d'apaisant. De plus près, il se rendit compte que le lac ne reflétait pas seulement le plafond. Il possédait ses propres sources de lumière. Il y avait de minuscules créatures, dans les eaux, nageant en bancs colorés. Cela donnait l'impression que le lac lui-même était vivant.

Il resta à contempler l'étendue d'eau pendant plusieurs minutes.

Soudainement, il entendit à nouveau les murmures. Ils étaient plus forts qu'au bas de l'escalier. Bien qu'il ne soit pas en mesure de les comprendre, l'intonation lui était familière et les sons étaient plus distincts et semblaient former des mots.

Din Djarin regarda autour de lui : Grogu n'était plus dans son champ de vision. Il s'avança près du globe planétaire.

_ Grogu ! Appela-t-il.

Mais, le silence fut la seule chose qu'il entendit.

_ Cet enfant va finir par me rendre fou, murmura-t-il pour lui-même, avant de soupirer.

_ Mandalore doit renaître, dit une voix en Mando'A.

_ Qui est là ?

_ Il faut restaurer la grandeur de Mandalore, continua la voix.

Il avança vers une arche delà laquelle la voix semblait venir.

_ La gloire et l'honneur doivent revivre, dit la voix.

Il se tourna et scruta de nouveau la pièce.

_ Grogu ! Cria-t-il.

Mais, il ne voyait, ni entendait l'enfant.

_ Le Mand'alor doit reconquérir son royaume, reprit la voix.

_ Grogu ! Cria Din Djarin.

_ Approches, être de Beskar, dit alors la voix, toujours dans la langue mandalorienne.

Le Mandalorien se tourna vers l'arche. Il sentait une irrésistible envie d'aller dans la direction de la voix. Mais, il était tiraillé avec son désir de trouver Grogu.

_ Viens à moi, fils de Mandalore, insista la voix.

L'intonation de la voix se fit plus pressante et l'appel devint une incitation. Malgré le fait qu'il voulait retrouver l'enfant, le corps de Din Djarin se mit en marche de lui-même.


à suivre