L'HÉRITAGE NON DÉSIRÉ

Chapitre 7


Bordure extérieure, zone équatoriale de Mandalore, temple mystérieux


DIN DJARIN

Din Djarin ne comprit pas immédiatement ce qui lui était arrivé.

Alors qu'il cherchait Grogu dans un étrange lieu, il avait entendu une voix parler en Mando'A. Cette voix avait quelque chose d'effrayant et de fascinant à la fois. Elle lui avait semblé à la fois proche et lointaine, chaleureuse et froide. Il s'était senti attiré par la provenance de la voix.

Sans vraiment comprendre comment, la voix avait guidé ses pas. Il s'était retourné plusieurs, croyant entendre Grogu. À chaque fois, il s'était demandé comment il avait pu avancer sans s'en rendre compte. Puis, il s'était trouvé face à une arche au pourtours soigneusement gravé. N'arrivant pas à croire ce qu'il lisait dans sa tête, il avait prononcé les mots à voix haute.

Il s'était senti tout petit en entrant dans la chambre mortuaire de Tarre Vizsla. La dépouille du Mandalorien Jedi reposait depuis des siècles dans un sarcophage fait de Beskar et d'un verre de cristal volcanique. Le sarcophage à lui seul était une œuvre d'art. Il fut incapable de décrire ce qu'il avait ressenti en ôtant le vieux drap élimé et en découvrant le corps d'un des plus grands chefs de Mandalore.

Bien que fasciné et ému, Din Djarin avait conservé son envie de retrouver Grogu. Il s'était humblement excusé auprès du Mand'alor et avait voulu repartir à la recherche de l'enfant. Mais, quelque chose l'avait retenu. Littéralement parlant. Sa jambe avait été attrapée par une main invisible. Sa poigne était puissante. Elle l'avait traîné dans un cercle d'inscriptions gravées dans la pierre. Il fut soulevé dans les airs et mit face au sarcophage. Des filaments de lumière bleue se réunirent pour former la silhouette de Tarre Vizsla.

_ Sois le bienvenu, fils de Mandalore, dit Tarre Vizsla en Mando'A. Toi qui brandis mon fidèle compagnon, pour conduire à la renaissance de Mandalore, pour mener le peuple vers son glorieux avenir, je t'offre ce que je suis. Tu seras le guide de chacun.

« Non » pensa Din Djarin. « Je ne souhaite pas ça ».

_ Je te l'ordonne, reprit le fantôme de Tarre Vizsla. Tu régneras.

Les filaments lumineux qui formaient la silhouette de l'ancien Mand'alor se séparèrent, puis s'étirèrent vers l'homme. Il tenta de se débattre sans succès. Il fut entouré. Soudainement, les filaments entrèrent en contact avec son corps et il hurla de douleur.

o0o0oOo0o0o

Din Djarin perdit la notion de toute chose. La notion de temps, la notion de vie, la notion de réalité… Il ne savait pas où il était. Il ne savait pas s'il rêvait ou non. Tout était blanc autour de lui. Il se demanda même s'il était mort. Pourtant, il pensait. Mais, s'il pensait, cela ne voulait-il pas dire qu'il était en vie ? Il n'en était même pas certain.

Il se tenait debout, enfin, il en avait l'impression, dans un lieu blanc. Il n'arrivait pas à faire la distinction entre le sol et le reste. Pourtant, il avait l'impression que ses pieds touchaient un sol. Tout semblait infini. Il n'y avait pas d'autre horizon que du blanc. Cela lui donnait un sentiment de vertige. Il n'y avait que deux choses qui rompaient la monotonie de ce blanc.

La première chose n'était autre que lui-même. Il pouvait voir ses mains et son corps. Il avait conscience de lui-même. Il pouvait bouger librement. Marcher ou serrer les poings, par exemple. Ses sensations étaient bien plus perturbantes. Il savait qu'il était épuisé, mais il n'avait pas envie de dormir ou même de simplement s'asseoir par terre. Il savait qu'il avait mal. Terriblement mal. Mais, la douleur ne semblait pas l'entraver ou le gêner. Il savait qu'il avait faim et soif, mais il n'éprouvait ni le besoin de manger ou de boire.

L'autre chose qui perturbait le blanc était Tarre Vizsla. Il semblait vivant et mort à la fois. Bien qu'il porte une armure mandalorienne, son casque ne comportait pas de visière et il était possible de voir son visage. Il émanait, de lui, calme et détermination.

_ Où sommes-nous ? Demanda Din Djarin, en Mando'A, en se demandant pourquoi les mots, qu'il prononçait, lui venait dans cette langue.

_ Nulle part et partout à la fois, répondit calmement Tarre Vizsla, en Mando'A également.

_ Je dois partir d'ici. Je veux trouver la sortie.

_ Nulle sortie ici, car rien n'existe ici.

_ Est-ce vous qui nous avez mené ici ?

_ Nous sommes ici.

_ Libérez-moi, fit Din Djarin.

_ Libre à toi de partir, fils de Mandalore.

_ Alors, expliquez-moi comment faire.

_ Acceptes ce que tu es et tu trouveras la solution.

_ Je ne suis pas roi.

_ Tu le seras.

_ Je ne le désire pas.

_ C'est pourquoi tu es digne de l'être.

_ Ce n'est pas mon rôle.

_ Tu le devras, insista Tarre Vizsla.

_ Vous êtes mort. Vous ne pouvez pas m'imposer quoi que ce soit.

_ Le corps est mortel. L'âme est immortelle. La mort du corps n'est que le commencement du chemin de l'âme. Laisse mon esprit te guider dans ton règne.

_ Vous ne pouvez pas me contraindre à régner sur Mandalore et sur son peuple.

_ La contrainte est en toi, Mand'alor.

_ Ne m'appelez pas ainsi, répliqua vivement le Mandalorien.

_ Je te lègue mon héritage, Din Djarin.

_ Comment connaissez-vous mon nom ?

_ Il est en toi.

_ Peu importe. Je refuse votre héritage.

_ Prends ce que je te donne, insista Tarre Vizsla.

_ Non.

_ J'ai entendu les cris des Mandaloriens. J'ai perçu la détresse de notre peuple. Les nôtres se sont perdus. Il faut les rassembler.

_ D'autre s'en charge déjà. Bo-Katan Kryze, du clan Kryze, se bat pour reconquérir Mandalore et ressembler les Mandaloriens. Elle a déjà régné sur le peuple. Libérez-moi et j'irai la chercher. Je peux la guider jusqu'à vous et vous lui donnerez votre héritage. Elle acceptera.

_ Je sais ce que tu ne dis pas. Je sais qu'elle a régné. Je sais qu'elle a échoué. Elle a mené Mandalore à sa perte.

_ Elle a dû affronter l'Empire et faire face à la Purge. Ce n'est pas de sa faute. Sa loyauté envers Mandalore ne peut pas être remise en cause. Elle est digne de régner.

_ Mensonge, que cela. Tu ne la juges pas digne.

_ C'est vrai. Mais, personne ne peut être digne de régner sur Mandalore. Cette planète est maudite. Nous avons été vaincus. Des peuples et des races s'éteignent en permanence dans la galaxie, quand d'autres se créent. Il faut accepter les choses. Il vaut mieux que les Mandaloriens restent fidèles au Credo et qu'ils s'éteignent dans l'honneur, plutôt que de se parjurer. Revenir sur Mandalore n'a aucun sens.

_ Pourtant, tu es venu ici. Plein d'espoir.

_ Et, c'était une mauvaise idée. J'étais juste perdu. Il fallait bien que je commence quelque part.

_ Et, tu as choisi de débuter ton chemin là où tout commence…

_ C'était un concours de circonstances. J'ai failli aller ailleurs.

_ Mais, c'est sur Mandalore que tu es venu… Mandalore bat dans ton cœur. Je le sens.

_ Je ne suis même plus Mandalorien. J'ai trahi le Credo.

_ Tu vis en respectant les lois de Mandalore… Je le sais.

_ Mais…

_ Ne portes-tu pas une armure de Beskar ? Demanda Tarre Vizsla.

_ Oui, mais j'ai…

_ Ne parles-tu pas Mando'A ?

_ Bien sûr, mais…

_ Te défends-tu ?

_ Naturellement.

_ Défends-tu ceux qui te sont proches ?

_ Évidemment, mais…

_ Ne contribues-tu pas au bien-être des tiens ?

_ J'ai été banni et je…

_ Ne fais-tu pas partie du clan Mudhorn ?

_ Nous ne sommes que deux et…

_ Élèves-tu ton enfant comme un Mandalorien ?

_ Il est trop petit pour suivre la formation des guerriers.

_ Lui enseignes-tu les préceptes de Mandalore ?

_ Je fais de mon mieux, mais…

_ Lui contes-tu nos légendes ?

_ Oui, mais…

_ Si tes frères et sœurs Mandaloriens étaient en danger, leur viendrais-tu en aide ?

_ Bien évidemment !

_ Si le Mand'alor faisait appel à toi, rallieras-tu sa cause ?

_ Naturellement, mais…

_ Alors, tu es Mandalorien.

_ J'ai trahi le Credo, insista Din Djarin.

_ Le Credo fait partie de toi. Ton cœur bat pour lui. Je le sens.

_ Non, j'ai trahi le code.

_ De tout ton être, tu es Mandalorien.

_ J'ai pêché.

_ Si tu ressens le besoin de te repentir, plonge-toi dans les eaux vivantes.

_ Ce n'est plus possible. Toutes les mines ont été détruites. Les eaux vivantes n'existent plus.

_ Quelle est l'origine des eaux vivantes, selon toi ? D'où vient leur vie ?

_ Je n'y ai jamais réfléchi, avoua Din Djarin.

_ Je vois en toi…

_ Je l'ai compris.

_ Qu'elle est la vision qui t'a apaisé, à ton arrivée en ce lieu ?

« Le lac souterrain ! » pensa le Mandalorien.

_ Oui, confirma Tarre Vizsla, qui lisait en lui.

_ Je… je ne sais plus ce que je dois faire…

_ Sois le Mandalorien que tu es. Prends ce que je te donne. Deviens Mand'alor. Guide ton peuple. Fais renaître Mandalore. Règne avec sagesse.

_ Je ne veux pas régner, répliqua vivement Din Djarin en reprenant ses esprits.

_ Je t'ai choisi, répondit tranquillement Tarre Vizsla.

_ Choisissez quelqu'un d'autre. Je dois partir d'ici, dit-il en se rappelant qu'il voulait trouver Grogu à l'origine, et non philosopher avec un fantôme.

Din Djarin se détourna du Mandalorien Jedi et se mit à marcher dans la direction opposée. Il ne savait pas où il allait, mais ce n'était pas en restant à parloter qu'il allait pourvoir retrouver Grogu. L'horizon blanc était sa meilleure option.

o0o0oOo0o0o

Comme il n'avait plus notion de temps et qu'il ne ressentait pas la fatigue, il ignorait pendant combien de temps il avait déambulé. Il finit par apercevoir une ombre qui brisait la monotonie du blanc devant lui. Instinctivement, il accéléra le pas.

Mais, il fut désabusé en voyant le Mandalorien Jedi se tenir de nouveau devant lui.

_ De mon vivant, moi aussi, j'avais l'habitude de marcher lorsque j'avais besoin de réfléchir… fit tranquillement Tarre Vizsla alors que Din Djarin arrivait à sa hauteur.

_ Comment êtes-vous arrivé ici ?

_ Je n'ai pas bougé, répondit Tarre Vizsla, comme si c'était une évidence.

Din Djarin regarda autour de lui. Il était certain d'avoir marché droit devant lui, en tournant le dos à l'ancien Mand'alor. Et, il était certain d'avoir marché pendant un long moment.

_ As-tu fini de réfléchir ? Es-tu prêt à accepter ce que je te donne ?

_ Réfléchir ? Je n'ai pas l'impression que vous me laissez le choix…

_ Tu es libre de réfléchir avant d'accepter mon don.

_ Mais, je ne suis pas libre de refuser ce don, n'est-ce pas ? Pesta-t-il.

_ C'est un cadeau.

_ En contrepartie de quoi ? Je refuse de monter sur le trône de Mandalore !

À nouveau, il tourna les talons et partit au petit trot. Bien plus vite que la première fois, il se trouva encore face à Tarre Vizsla.

_ Mandalore doit renaître. Le peuple a besoin d'être guider.

_ Sans moi !

Encore une fois, il repartit. Et, de nouveau, il se retrouva face à Tarre Vizsla. Il lui répétait ses derniers mots : « Mandalore doit renaître. Le peuple a besoin d'être guider ». Din Djarin partait. Et, cela recommençait…

o0o0oOo0o0o

Din Djarin avait perdu le compte de toutes les fois où il avait tourné le dos à Tarre Vizsla et de toutes les fois où il s'était de nouveau trouvé face à lui. Il ne put s'empêcher de pousser un long soupir en voyant pour la énième fois le Mandalorien Jedi devant. Mais, une chose différente se passa.

Alors qu'il s'attendait à entendre encore les mêmes mots, Tarre Vizsla resta muet. Il tournait la tête, comme s'il avait vu quelque chose. Instinctivement, Din Djarin regarda dans la même direction, mais ne vit rien.

_ La sortie est-elle par là-bas ? Demanda-t-il.

_ La sortie est partout… répondit distraitement Tarre Vizsla.

_ Et, nulle part, soupira le guerrier. J'ai saisi. Que regardez-vous ? Je ne vois rien.

_ Il n'y a rien à voir…

_ Venant de vous, cette réponse est logique. Alors, dites-moi ce qui a changé.

_ D'autres sont là…

_ D'autres ? Qui ça ?

_ Je l'ignore…

Soudainement, le blanc sembla vaciller. Durant quelques secondes, Din Djarin ressentit de nouveau son corps et il fut presque submergé par un flot de sensations physiques qui allait avec. Mais, ce qui l'aida à ne pas se laisser aller à la douleur fut un petit cri. Un cri faible. Plus proche d'un couinement. Un couinement de peur.

« Grogu ! » s'exclama le Mandalorien dans sa tête.

Les sensations et le couinement disparurent aussi subitement qu'ils étaient apparus.

_ Que s'est-il passé ? Demanda-t-il à Tarre Vizsla.

_ Ils essayent de rompre le lien.

Une nouvelle fois, les sensations revinrent. Le couinement était plus fort. Comme la première fois, ce fut fugace. Din Djarin connaissait Grogu. Il était capable de déchiffre les sons qu'il faisait. Il n'y avait pas que de la peur, il y avait aussi une certaine panique. Il fallait que Mando parte de là où il était, peu importe « l'endroit » où il était.

_ Laissez-moi partir, demanda-t-il au Mandalorien Jedi.

_ Tu sais déjà comment faire…

_ Non. Parce que, si c'était le cas, je ne serais pas ici, avec vous.

_ Il te suffit…

Le blanc vacilla bien plus fort que précédemment et un son strident émana de Tarre Vizsla. La douleur corporelle de Din Djarin fut plus importante que lors des deux autres vacillements. Bien qu'aucun d'eux n'ait bougé, une petite distance s'était installée entre les deux Mandaloriens. Ce n'était plus des couinements de Grogu qu'il entendait, mais de réels cris de peur. Il était terrifié.

Din Djarin ne supportait pas ça. De plus, il ignorait qui étaient les « autres ». Et, s'ils voulaient du mal à Grogu ? Beaucoup de personnes voulaient l'enfant. Que ce soit pour l'étudier, le vendre, lui faire du mal, ou le tuer… Il avança comme il put vers le Mandalorien Jedi.

_ La situation a changé, dit-il à Tarre Vizsla. Grogu a peur. Il a besoin de moi. Vous pouvez lire en moi et vous savez à quel point il est précieux pour moi.

_ Pourquoi ne l'as-tu pas adopté selon nos lois ?

_ Je n'ai…

_ Je sais que tu as été désigné pour être son père jusqu'à sa majorité ou jusqu'à ce qu'il rejoigne les siens. Tu as trouvé les siens…

_ Il est revenu auprès de moi.

_ Je le sais. S'il compte autant à tes yeux, pourquoi ne l'as-tu pas officiellement adopté ?

_ Par manque de temps.

_ C'est faux. Le serment est un acte rapide et simple… Tu es indécis.

_ Je ne le suis pas à son sujet.

_ Vraiment ? Il n'est pas ton enfant.

_ Je vous interdis ! C'est mon fils ! Et, je le rejoindrai peu importe le prix. J'ai déjà franchi des interdits pour lui et je recommencerai sans hésiter. Et, si je dois vous affronter… Peu importe. Je me battrai pour lui et je vous vaincrai.

_ Tu as du cran… C'est bien.

_ Je n'ai que faire de vos commentaires. Laissez-moi partir ! C'est un ordre !

_ Il n'y a qu'un moyen de partir d'ici…

Tarre Vizsla tendit la main en direction de Din Djarin.

_ Prends ce que je te donne, ajouta l'ancien Mand'alor.

Grogu était en danger et il était terrifié. Le choix de Din Djarin était fait. Il devait rejoindre Grogu, quel qu'en soit le prix. Il s'occuperait des conséquences plus tard.

Alors, il saisit la main de Tarre Vizsla.


à suivre