L'HÉRITAGE NON DÉSIRÉ

Chapitre 10

Note : en italique, les paroles prononcées par la pensée


Bordure extérieure, Mandalore, temple Jedi de Mandalore


GROGU

Après le départ de Luke Skywalker et d'Ahsoka Tano, Grogu et le Mandalorien se retrouvèrent seuls. Ce n'était pas la première fois mais, cette fois-ci, beaucoup de choses étaient différentes. Grogu en était ravi.

D'abord, la première chose, qui avait changé, était le fait de pouvoir « parler ». Grogu n'arrivait pas à signifier tout ce qu'il voulait comme il le voulait, mais c'était un vrai progrès. Cela simplifiait beaucoup de choses.

La chose nouvelle, qui rendit le plus heureux l'enfant, fut la proposition que lui fit Din Djarin. Comme il avait pu discuter avec Maître Luke, Mando avait pu avoir les réponses à ses nombreuses questions. Il savait à présent que Grogu ne serait jamais un Jedi et qu'il ne souhaitait pas en devenir un.

Le Mandalorien était venu, de façon très solennelle, s'asseoir devant lui.

_ Grogu, te rappelles-tu la dernière fois où tu as vu l'Armurière, sur Nevarro ?

Grogu hocha la tête.

_ Elle avait dit que tu étais un orphelin sous ma garde. De par le Credo, jusqu'à ta majorité, c'est-à-dire capable de te débrouiller seul, ou jusqu'à ce que tu sois réuni avec ton peuple, elle avait dit que j'étais ton père. À présent, tu ne fais plus partie des Jedi. Je ne souhaite pas que tu restes un simple orphelin sous ma garde. C'est pourquoi je voudrais, si tu es d'accord, t'adopter officiellement selon les coutumes mandaloriennes. Ce serment ne changera pas grand-chose pour moi. Je veille déjà sur toi et je donnerai déjà ma vie pour te protéger. Et, saches que, même si tu refuses, je continuerai à m'occuper de toi. D'accord ?

_ Grogu veut ! Grogu veut ! Fit-il, en sautillant sur place tellement il était excité par cette proposition.

_ Attends, attends ! Être un Mandalorien, même enfant, implique certaines choses…

_ Grogu veut ! Travailler dur, Grogu fera !

_ J'admire ton enthousiasme. Laisse-moi d'abord t'expliquer les choses. D'abord, la langue. Tout Mandalorien se doit de savoir parler, lire et écrire le Mando'A. Je sais que j'avais dit que tu devais apprendre le Basique. On pourrait peut-être le mettre de côté, juste le temps qu'on reste ici, pour que tu puisses apprendre au moins les bases du Mando'A.

_ Apprendre Mando'A, Grogu veut.

_ Attention, il y a d'autres choses à apprendre. Ce sera intensif.

_ Grogu prêt !

_ D'accord, d'accord. Ensuite, il va falloir apprendre par cœur la devise des Mandaloriens. Il faudra aussi connaître l'Histoire de Mandalore et des Mandaloriens, les héros, les légendes… Et, bien sûr te comporter comme un Mandalorien, en respectant le Credo.

_ Prêt, plus encore, Grogu est ! Dit-il les poings fermement serrés, sous le regard ravi de Mando face à l'entrain de Grogu.

Ils firent une petite cérémonie. Le Mandalorien reconnut le prénom de Grogu comme étant celui de son fils et Grogu reçut son nom de famille. Il était à présent Grogu Djarin, du clan Mudhorn, fils de Din Djarin. Et, il en était fier.

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Le père de Grogu n'avait pas menti. Pour être un enfant de Mandalore, et faire honneur au nom de son père et au clan, il fallait travailler dur. La première chose, qu'il dut apprendre, fut de savoir écrire son nom en Mando'A. Le Mando'A avait un style graphique beaucoup plus plaisant pour Grogu que le Basique. Il en trouvait les formes rectilignes et verticales bien plus simples que les angles et les formes tordues de l'écriture commune. En plus, il pouvait facilement écrire en Mando'A du bout de ses griffes. Il s'entraînait à chaque instant : sur sa tablette, sur le sol couvert de poussière ou dans la terre des berges du lac.

Comme il ne connaissait absolument pas le Mando'A à l'oral, cette partie fut plus difficile à apprivoiser. Pour l'aider Din lui parlait presque exclusivement la langue mandalorienne, mais il n'hésitait pas à faire la traduction, lorsque Grogu ne comprenait pas. Cependant, comme Grogu connaissait bien son père, il devinait souvent la signification des mots. Mando prenait le temps de désigner les objets du quotidien et chaque geste qu'il faisait. Il était encore plus patient qu'à l'ordinaire.

De son côté, Din Djarin passait beaucoup de temps dans la bibliothèque. Il faisait part de toutes ses découvertes à Grogu. Lorsqu'il découvrit une édition du Resol'Nare, vieille de plus de mille ans, il fut particulièrement ému. Et soulager. Le Mandalorien expliqua à Grogu ce qu'était ce texte et tout ce qu'il représentait pour les Mandaloriens : c'était le texte de foi de Mandalore, le Credo, auquel ils devaient prêter serment. Le soulagement de son père vint du fait que, même si le port de l'amure faisait partie du comportement à avoir, il ne découvrit aucune obligation de dissimuler son visage à toute créature vivante. D'autres textes faisaient état de divergences entre plusieurs maisons claniques au sujet de l'interprétation du Resol'Nare. Notamment sur le fait de rester casqué en permanence ou non.

Pour autant, Din Djarin n'était pas tout à fait en paix avec lui-même pour ça. Il considérait quand-même avoir trahi le Credo de sa tribu. Il pouvait se racheter dans les eaux vivantes du lac souterrain, mais il ne s'en sentait pas digne. Grogu essaya de rassurer son père et de l'encourager, mais ce fut sans succès.

Din Djarin confia également à Grogu les détails des conversations qu'il avait eu avec le fantôme de Tarre Vizsla et le fait que ce dernier souhaitait voir le Mandalorien monter sur le trône. Bien que Grogu estima que son père pourrait être un grand chef, il choisit de le soutenir dans son refus et d'être fidèle à ses convictions. Tel était le rôle d'un fils.

Néanmoins, même si Mando était indécis à son propre sujet, il ne l'était pas pour Grogu. Il permettrait à Grogu de pouvoir prêter serment sur le Resol'Nare, avec l'interprétation de son choix, et surtout lorsqu'il serait capable de prononcer le serment, en Mando'A, à voix haute. Le serment était long et il fallait le prononcer avec précision et sans hésitation. « J'adhère au Resol'Nare. Le cœur de ce que signifie être Mandalorien. Une loi sacrée qui nous donne une direction et un but. L'éducation et l'armure, l'autodéfense, notre tribu, notre langue, notre chef, tout cela nous aide à survivre. Nous devons éduquer nos enfants en tant que Mandaloriens, obéir aux ordres du Mand'alor, parler Mando'A et défendre notre clan ». Tels étaient les mots du serment. Ce serait difficile d'apprendre ce serment. Encore plus de réussir à la prononcer à voix haute, sans erreur. Il se passerait du temps avant que l'enfant ne puisse y arriver.

Grogu était plutôt serein de son devenir en tant qu'enfant mandalorien. Il portait déjà une armure mandalorienne. Il était déjà prêt à se défendre et à défendre sa famille du mieux qu'il le pouvait. Il faisait déjà de son mieux pour contribuer au bien-être général de son clan et aider son père dès qu'il le pouvait. Il était prêt à répondre à l'appel du Mand'alor et à se rallier à sa cause, encore plus si le Mand'alor était son père. Il était en train d'apprendre le Mando'A. Et, un jour, il aurait peut-être des enfants qu'il était certain d'élever en tant que Mandaloriens.

Din Djarin et Grogu mirent le recueil d'histoires illustrées de côté. Le soir, le Mandalorien lisait à voix haute, une des nombreuses glorieuses histoires trouvées dans la bibliothèque. Mando lui-même ne connaissait pas la majorité des histoires. C'était passionnant, pour l'un comme pour l'autre.

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En plus de l'entraînement intellectuel, Grogu et son père travaillèrent leurs compétences physiques.

Trop faible physiquement, le Mandalorien ne portait plus son armure devenue trop lourde pour lui, ni son casque. Une fois de plus, Grogu pouvait constater à quel point sous père était un homme doux et souriant. C'était inscrit sur son visage.

Pour reprendre du muscle, Din courait dans les couloirs, faisait des aller-retours dans les escaliers en colimaçon, portait des choses lourdes. Il faisait aussi des mouvements, avec ou sans arme, en suivant des manuels de combat de la bibliothèque. Plus tard, lorsqu'il irait mieux, Mando avait prévu de continuer ses exercices avec le poids de son armure de Beskar sur les épaules.

Grogu n'était pas fait pour le combat « classique ». Il était trop petit et trop faible. L'Armurière avait eu cette réflexion longtemps auparavant. Le Mandalorien ne trouva rien dans la bibliothèque pour entraîner l'enfant. Même dans les textes qui parlaient de Tarre Vizsla et de ses capacités. Cependant, il eut une idée en voyant son fils jouer avec la bille du Razor Crest. Il installa de petites cibles et fournit à Grogu des pierres. Il demanda à l'enfant de frapper les cibles avec les pierres en les faisant bouger avec l'aide de la Force. D'abord, une pierre pour une cible, puis une pierre ricochant sur plusieurs. Au final, Mando voulait que son fils soit capable de manier plusieurs pierres en même temps et frapper des cibles différentes et en mouvement. L'exercice demandait une grande concentration et était très fatigant. De lui-même, car le Mandalorien ne pouvait pas l'aider, Grogu devait donc continuer à s'entraîner à la maîtrise des arts Jedi. Il devait aussi prendre un temps quotidien pour la méditation.

Le temple l'y aida : il était parcouru par d'anciennes prières Jedi, toutes prononcées en Mando'A. Cependant, il avait dû faire le tri dans les paroles du temple. En effet, Tarre Vizsla, le Mandalorien Jedi, parlait très souvent. La plupart du temps, il cherchait à s'adresse à Din Djarin, qui ne semblait pas l'entendre. C'était pour le mieux. Grogu n'avait pas envie que son père soit de nouveau happé par l'énergie de l'ancien Mand'alor. D'autres fois, plus rarement, Tarre Vizsla s'adressait à Grogu. C'était désagréable : il avait « une voix » rude et piquante. Mais, comme il lui demandait de suivre son père et de le soutenir, ce que Grogu faisait sans qu'on le lui demande, ce n'était pas dérangeant.

Grogu avait une autre raison de vouloir entretenir sa maîtrise de la Force. Maintenant que Mando pouvait l'entendre, il voulait pouvoir lui « raconter » sa vie avant lui. Mais, il voulait pouvoir le faire avec les détails et son ressenti. Pour cela, il avait besoin de pouvoir communiquer avec la même liberté qu'il avait eu avec Maître Luke ou Ahsoka. Son père ne pouvant pas améliorer son écoute, c'était à lui de progresser dans ses « paroles ».

Comme prévu, avec l'aide du Jet-pack, ils descendirent presque tous les jours jusqu'aux pieds de la montagne. Din Djarin faisait travailler la nage à Grogu. Lui aussi nageait pour se soulager son dos, puis pour s'entraîner. Dès que Grogu fut à l'aise dans l'eau, ces moments devinrent amusants, surtout quand cela consistait à s'arroser mutuellement en riant.

Profitant de la nature environnante, le Mandalorien transmis sans réserve son savoir de terrain. Même s'il savait que son père était un homme intelligent, Grogu était impressionné par la quantité de connaissance qu'il possédait. Le petit apprit à trouver des plantes et des racines comestibles, mais aussi des nids avec de bons œufs. Il apprit aussi la pêche et la chasse du petit gibier… enfin, en théorie. Grogu n'était pas très habile, et encore moins patient. Deux traits de caractères essentiels dans la pose de petits pièges et de collets. Din Djarin lui apprit aussi à faire du feu et à cuire les aliments, même si Grogu préférait certains mets lorsqu'ils étaient crus, et que Mando n'appréciait pas réellement que son fils s'approche trop près d'un corps incandescent.

De temps à autre, la terre tremblait et vibrait. Et, parfois, il y avait comme un bruit de creusement ou de fouissement à l'extérieur. Le temple n'était en rien ébranlée par cela. Les murs parcourus de Beskar faisaient qu'il n'y avait pas une fissure. Dans un premier temps, son père pensa que l'émergence du temple venait de forces géologiques d'origine naturelle. Mais, la chose avait été si localisée que cela paraissait peu crédible. Après réflexion, Din pensa que cela avait pu être Tarre Vizsla en personne qui avait déclenché cela. Il avait du mal à concevoir qu'un Jedi puisse faire une telle chose, mais les textes de la bibliothèque racontaient des faits tout aussi incroyables. C'était pourquoi le Mandalorien s'interrogeait sur les grondements du sol. Puisque le temple était déjà sorti pourquoi le sol tremblait-il encore ? Quant aux bruits, aucun d'eux n'avait d'idée pour les expliquer.

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Le temps s'étira et plusieurs semaines passèrent dans ces conditions, avant de se transformer en mois. Il y avait tant de choses à faire et à apprendre que Grogu ne vit pas le temps passer. Les deux Mandaloriens, père et fils, partageaient déjà tout avant, mais cela avait pris une toute autre ampleur à présent. Jamais Grogu ne s'était senti aussi bien. Il avait un peuple. Il avait un nom. Il avait un père.

Grogu travaillait avec acharnement et ne s'en lassait pas. De tout ce qu'il devait faire ou apprendre, en dehors des loisirs, l'étude du Mando'A était ce qu'il préférait. Cependant, il lui restait une petite frustration : il ne trouvait pas de mot, quelle que soit la langue, pour décrire à quel point Grogu était reconnaissant envers Din Djarin. Son père représentait tant pour lui. Il voulait absolument le remercier.

Après deux semaines de recherches acharnées, il trouva enfin le mot dans la langue mandalorienne. En cachette, pour faire la surprise au Mandalorien, il travailla encore et encore sur ce mot. Ce mot était le premier qu'il voulait prononcer. S'entraîner seul, à la prononciation était compliqué. Heureusement pour Grogu, il avait trouvé l'écriture du mot et Mando lui avait appris les sons de chacune des lettres de l'alphabet mandalorien.

Ce fut laborieux mais, un soir, presque comme un autre, il se sentit prêt. Alors que le clan de deux dînait, Grogu exprima ses sentiments, sa reconnaissance, son amour… Un seul mot pouvait traduire tout ça : « Buir ».

* (Buir = Père)

Din Djarin leva deux grands yeux ronds vers l'enfant. Il sembla paralysé. Grogu se demanda si son père l'avait entendu. Il avait peut-être fait une faute de prononciation. Alors, il inspira profondément et répéta le mot.

Cette fois, la main du Mandalorien lâcha la fourchette qu'elle tenait. Un immense sourire se dessina sur le visage de l'humain. Il gratifia Grogu d'une caresse sur la tête et lui répondit : « Ad'ika ».

* (Ad'ika = Fils)


à suivre