L'HÉRITAGE NON DÉSIRÉ

Chapitre 12


Bordure extérieure, Nevarro, réserve de la Guilde des Chasseurs de prime


CARA DUNE

Carasynthia sursauta lorsqu'Omera s'assit près d'elle et lui demanda si tout allait bien.

_ Oui, tout va bien. J'étais en train de réfléchir.

_ Vous êtes sûre ? Vous aviez l'air ailleurs… commenta la paysanne.

_ Je me posais des questions sur ce qui vous était arrivé, mentit Cara. Racontez-moi ce qui est arrivé, ajouta-t-elle alors que l'attention des villageois se porta sur elle.

_ On était en train de vendre notre récolte à un acheteur de la Maison Commune, quand on a entendu parler d'une bande de Zygerriens, qui faisait du grabuge depuis un moment dans cette région de l'espace. Elle avait atteint Sorgan et que plusieurs villages avaient été attaqués, dit Caben. Alors, on s'est dépêché de rentrer pour prévenir les autres.

_ Personne n'a prévenu la Nouvelle République ? Demanda Cara.

_ Elle est au courant depuis des mois ! Pesta un vieillard.

_ Ils ne font rien ! Fit un autre.

_ On fait partie de petits systèmes. On ne les intéresse pas !

_ Écoutez, je me doute que vous êtes en colère. La République fait de son mieux pour gérer la galaxie. L'Empire a laissé beaucoup de choses en désordre et le travail ne manque pas, dit-elle doucement. C'est pourquoi elle fait appel à des gens comme moi pour la suppléer. Savez-vous sous qui est la juridiction de Sorgan ?

_ Vous voulez dire quoi ?

_ Qui est le Marshal responsable de Sorgan ?

_ On n'a pas de Marshal, dit Omera. On n'aurait pas eu besoin de votre aide et de celle du Mandalorien si ça avait été le cas.

_ Toutes les planètes sont sous les responsabilités de quelqu'un, que ce soit un Marshal ou un Magistrat. Pour les coins les moins peuplés, une personne peut avoir plusieurs mondes habités sous son aile. J'irai regarder dans la base de données pour savoir qui est en charge de votre secteur et je ferai remonter l'information.

_ Ça ne sert plus à rien maintenant, dit Stoke. Ils sont partis.

_ Il semblerait que ce soit leur façon d'agir, dit Omera.

_ Du temps de l'Empire, les Zygerriens étaient connus pour être des trafiquants d'esclaves, commenta Karga. Ils ont fait des prisonniers ?

_ Pas parmi nous, dit une vieille femme.

_ On a entendu parler le capitaine du vaisseau sur lequel on était, dit Omera. Ils attaquent une petite planète, détruisent les villages pour obliger les gens à partir et ils capturent un petit nombre de personnes, pendant leur fuite, puis ils changent de lieu. Les autorités, qui s'intéresseraient à ça, seraient trop occuper à gérer des déplacés pour s'occuper de quelques disparus...

_ Grâce aux enseignements du Mandalorien et de la petite demoiselle, reprit la vieille femme, on a compris que c'était un piège. Au lieu de partir à pied sur les routes, on a rassemblé nos biens les plus précieux et tout ce qu'on pouvait porter, puis on s'est caché dans la forêt.

_ Dans l'ancien campement de pillards, compléta Caben.

_ Ne me coupe pas la parole ! Fit la femme en donnant un coup de canne sur la tête de l'homme.

_ Excuses-moi, mama, dit Caben, alors que son meilleur ami se mordait la main pour ne pas rire.

_ On a essayé de convaincre d'autres villages de faire comme nous, mais ils ne nous ont pas écouté, dit Omera.

_ On est resté plusieurs jours dans la forêt, reprit la vieille femme, avant de se mettre à pleurer en silence.

_ Il ne restait rien à notre retour. Nos maisons ont été détruites, parfois le bois de construction avait même était volé. Les champs ont été remplis de terre et de détritus. On a envisagé de creuser de nouveau champs, mais le sol avait été empoisonné, dit Omera.

_ Ware et Tupp sont tombés malades et sont morts rapidement, dit Stoke.

_ Quitas s'est fait prendre dans un piège laissé sur place, qui lui a broyé la jambe, dit Caben.

_ Les Zygerriens avaient laissé certains d'entre eux en arrière et on s'est fait repérer.

_ Ils avaient des blasters et des fouets électriques.

_ On a réussi à les tuer tous les quatre, mais ils avaient eu le temps d'appeler du renfort. Alors, on est reparti dans la forêt aussi vite qu'on a pu, en laissant nos amis décédés derrière nous.

_ Pour se venger, ils ont mis le feu à ce qu'il restait et à une partie des bois proches du village.

_ Par chance, il avait plu peu de temps avant et le feu n'a pas pu progresser rapidement dans notre direction. Mais, avec les vieux et les enfants, c'était dur d'avancer rapidement.

_ Ça nous a pris plusieurs jours pour rejoindre la Maison Commune. À notre arrivée, on a appris que les Zygerriens étaient partis et que presque tous les villages aux alentours avaient été détruits et les champs rendus incultivables.

_ Il se disait qu'une trentaine de personnes avait disparu de la planète. Pas assez pour intéresser une personne de pouvoir.

_ Tout le monde voulait partir.

_ Même Dara Vish, l'aubergiste, envisageait de fermer son établissement.

_ Aucun d'entre vous n'a de famille dans les autres villages de Sorgan ? Demanda Cara.

_ Si, mais tous les villages étaient mal en point. Et, il aurait fallu se séparer pour trouver refuge dans les villages restants et on ne voulait pas faire ça, expliqua Omera.

_ Enfuite, c'est nous qu'avons bu l'aidé de noufelle planate, dit un petit garçon, plusieurs dents en moins dans la bouche.

_ « Ensuite, c'est nous qui avons eu l'idée d'une nouvelle planète », corrigea Winta, la fille d'Omera.

_ Oui, dit la mère de la petite en lui caressant les cheveux. Pendant qu'on discutait entre nous, les enfants étaient en train de jouer. Ils imaginaient un autre monde où on aurait pu refaire notre vie.

_ En fait, on avait imaginé un joli monde où on aurait retrouvé le bébé et son papa. Le gentil monsieur nous aurait protégé et on aurait pu passer les journées à jouer avec le bébé, expliqua la petite fille.

_ Comme le Mandalorien et vous aviez beaucoup voyagé, on s'est dit que vous pourriez peut-être connaître un endroit susceptible de tous nous accueillir, dit Omera.

_ Euh… En vérité, Sorgan n'était que la seconde planète que je connaissais si prospère et fertile. Ma planète natale, qui a été détruite durant la guerre, était la première. C'est pourquoi j'étais venue sur votre planète… Parce qu'elle me rappelait la mienne, avoua Cara.

_ Désolé pour votre planète, fit Stoke, avec sincérité.

_ On ne savait pas, ajouta Caben.

_ Ça ne change rien maintenant, dit-elle. Greef, une idée ?

_ Comme ça, non. Mais, je peux toujours demander à mes gars de garder l'œil ouvert. Mais, l'altruisme désintéressé n'est pas leur fort.

_ Et, le Mandalorien ? Demanda Omera.

Carasynthia Dune et Greef Karga échangèrent un regard lourd de sens. Ça faisait partie des choses dont ils évitaient de parler ouvertement.

_ Qu'y a-t-il ? Demanda Caben.

Le Magistrat soupira longuement.

_ Ça fait des mois qu'on est sans nouvelle de lui… dit-il.

_ Il lui serait arrivé quelque chose ? Demanda Omera.

_ Mais, il est super fort ! Fit Caben, alors que Stoke approuvait en hochant la tête.

_ C'est difficile à dire, expliqua Karga. Ça peut lui arriver de disparaître pendant quelques semaines, mais ça a toujours été en raison d'une ou de plusieurs traques.

_ Il cherche un criminel ? Demanda Caben.

_ Pas que je sache. Je sais qu'il a honoré son dernier contrat. Il a ramené la proie directement à Ishi Tib, un autre chef de Guilde qui l'avait mandaté par mon intermédiaire. Tib m'a fait parvenir le paiement de ma commission. Il s'est ensuite plaint que Mando ne soit pas resté festoyer avec lui et qu'il ait refusé une nouvelle prime. Ce n'est pas étonnant quand on le connaît. Il ne s'amuse jamais avec les clients et préfère les primes officielles, qui passent par la Guilde et par moi. Sauf que ça, c'était il y a plusieurs mois déjà.

_ Il n'a pas repris contact avec l'un de vous ? Demanda Omera. Ne pouvez-vous pas le contacter ?

_ Non, répondit Greef, alors que Cara soupirait. Et, son vaisseau a été détruit. Il n'en a pas retrouvé un et ne nous a laissé aucun moyen de le joindre sur une longue distance. Aucun autre chasseur n'a croisé sa route non plus.

_ Vous pensez qu'il est mort ? Fit Stoke, avec inquiétude.

_ Je l'ignore. Mais, je ne crois pas. Mando est le meilleur chasseur de prime de la Bordure Extérieure. Ça faisait des années qu'un chasseur n'avait pas atteint ce niveau de notoriété. Ça lui permet d'être capricieux : il peut se montrer très sélectif dans le choix de ses proies. Malgré son salaire prohibitif, les clients se l'arrachent car ils savent que le contrat sera honoré. S'il avait été tué, celui qui aurait fait ça, l'aurait crié sur tous les toits de la galaxie.

« Sauf s'il s'agit d'un vestige de l'Empire. Eux, ils ont tout intérêt à ne rien dire et à rester discret » pensa Cara.

_ Mando est une légende vivante, poursuivit Karga. Éliminer une légende vous propulse au rang de légende. C'est pourquoi il n'a aucun allié parmi les autres chasseurs : ils sont jaloux et le détestent tous. J'avoue que je ne suis pas serein. Mais, si ça se trouve, il a juste besoin d'un peu de temps pour remettre un peu d'ordre dans sa vie… ajouta l'homme, en regardant la Marshal.

_ Il a eu des ennuis ? Demanda Omera.

_ Le petit… commença Cara. Le petit n'est plus avec lui.

Tout le groupe de villageois accusa le choc. Les anciens habitants de Sorgan étaient bien conscients du lien entre le Mandalorien et l'enfant.

_ Il… il est arrivé quelque chose au bébé ? Demanda Omera, la voix tremblante, alors que sa fille était venue se glisser dans ses bras.

_ Non. Il est en sécurité, expliqua Cara. Il est retourné vivre avec son peuple. Mais, la séparation a été dure.

_ Vous étiez avec lui ? Demanda Omera.

_ Oui. On savait que ce jour arriverait. C'était sa mission de ramener l'enfant parmi les siens, mais… Aucun d'entre nous n'y croyait vraiment. Mando et le petit s'étaient adoptés mutuellement.

_ Ouais, fit Karga. J'avais bien dit que ce serait le petit gars qui prendrait soin de Mando. Je l'ai connu avant… Avant que le petit ne vienne mettre sa vie sans dessus-dessous. Je crois que le petit était la meilleure chose qui pouvait arriver à Mando. Il a tellement changé. Avant, Mando était un solitaire. Il ne partageait rien avec personne et ne se mêlait pas aux autres. J'ai appris plus de choses sur lui en quelques mois qu'en plusieurs années. Avant, c'était moi qui parlait et lui qui écoutait, et encore… des fois, je crois qu'il attendait juste poliment que j'arrête de parler tout seul. Avant, il ne se serait jamais lié d'amitié avec quelqu'un, ajouta l'homme en désignant Cara.

_ Ça me fait drôle que tu parles de lui comme ça, avoua la jeune femme. Celui qu'il était « avant ». Pour moi, il a toujours été lui.

_ Tu n'imagines pas à quel point il a changé, répondit Greef. Parler, échanger des anecdotes de combat, jouer au bras-de-fer pour passer le temps… C'est tout récent. J'ai cru que je faisais une attaque cardiaque le jour où je l'ai entendu rire et plaisanter avec toi. Je croyais qu'il en était incapable.

_ C'est un humain, dit simplement Cara.

_ Des fois, j'ai eu des doutes, dit le Magistrat. Il m'a semblé plus proche d'un cyborg ou d'une androïde. Tiens ! Parlons-en des droïdes ! Avant, il les haïssait. Mais, IG-11, le droïde infirmier du petit, était son ami. Et, il a été triste qu'IG soit détruit.

_ C'est drôle… Moi, je l'ai toujours connu attentif aux autres, dit Cara.

_ Vous étiez très proche de lui ? Demanda Omera.

Soudainement, tous les yeux se braquèrent sur elle. Tous les villageois de Sorgan devaient avoir conscience de l'affection d'Omera envers le Mandalorien. Carasynthia était en train de devenir une prétendante du Mandalorien… Et, à présent, Greef Karga allait se poser une question à laquelle il n'avait jamais pensé et il allait la taquiner.

_ Nous sommes amis, dit-elle.

Aux vues des regards braqués sur elle, personne n'y croyait. Mais, c'était la vérité. Après tout, elle préférait la compagnie des femmes.

_ Nous sommes de très bons amis. Mando m'a toujours fait penser à mon cousin.

_ Ton cousin ? Fit Karga.

_ Ouais. Je n'ai eu que des sœurs. Cinq pour être exacte. Un cauchemar. Enfant, ma vie n'était que jolies robes, dentelles, rubans et fanfreluches. Je n'ai jamais été ce genre de fille.

_ Vraiment, « petite demoiselle » ? fit Karga, avec un sourire malicieux.

« J'en étais sûre ! » pensa Cara. « Il a noté la façon dont la vieille m'a appelé et il ne va plus me lâcher avec ça ».

_ Vraiment, fit-elle. J'avais aussi plusieurs cousines. Fort heureusement, j'avais un cousin. À mes yeux, il était mon frère. Petits, on était toujours fourrés ensemble. On adorait jouer aux soldats et se taper dessus pour s'amuser… au grand désespoir de ma mère. On en a fait des bêtises… Escalader les murs du palais sénatorial et finir en prison pour avoir essayé de faire venir la princesse avec nous, voler des fruits dans les champs du vieux Mobius, faire des batailles de boules de boue et j'en passe. On a intégré les troupes de la Rébellion ensemble. Le jour de la destruction d'Alderaan, il était en permission là-bas. Je lui avais dit d'embrasser mon père pour moi, de dire à ma mère d'arrêter de me chercher un mari et de tirer les cheveux de la plus âgée de mes sœurs… Puis, tout le monde est mort.

_ Je suis désolé, dit Greef, alors que les autres exprimaient leur compassion.

_ Je suis passée pour une phase vengeresse. J'ai fait des choses dont j'ai honte, je l'avoue. Après la chute de l'Empire, il a fallu ramener l'ordre dans la galaxie. Réprimer des émeutes et m'en prendre aux civils, ce n'était pas pour moi, alors j'ai déserté. Je suis passée par plusieurs planètes avant d'arriver sur Sorgan. Puis, j'ai rencontré Mando et la première chose, qu'on a faite ensemble, a été de se battre. Depuis mon cousin, je n'avais pas rencontré d'homme qui m'avait respecté comme un égal. D'habitude, je devais coller une raclée à un gars pour qu'il me respecte. Sauf qu'après une raclée, son orgueil était froissé. Mando n'en a jamais rien eu à faire que je sois une femme ou un déserteur. Il m'a toujours respecté pour ce que j'étais. Et, je lui dois énormément. Avoir fait la paix avec moi-même, retrouver la foi en la vie, retrouver la volonté de me battre pour quelque chose… C'est même grâce à lui que je suis ici et que je suis devenue Marshal. C'est mon meilleur ami.

Le groupe resta un moment silencieux.

_ Les amis de mes amis sont mes amis ! S'exclama Karga. Si le Marshal et Mando se portent garants de vous, alors je sais que je peux vous accueillir sans réserve sous ma juridiction. Ne vous inquiétez pas de trouver un lieu pour vous réfugier. Vous êtes arrivés à destination. Vous êtes officiellement les bienvenus sur Nevarro. Je garantis, personnellement, un emploi honnête à chacun de vous.

_ De mon côté, dit Cara, je vais envoyer un message à Fennec Shand et Boba Fett, deux autres amis de Mando. Peut-être auront-ils eu des nouvelles plus récentes… ajouta-t-elle sans véritable espoir.


à suivre