L'HÉRITAGE NON DÉSIRÉ
Chapitre 13
Note : en italique, les paroles prononcées par la pensée
Bordure extérieure, Spatioport de Glavis Ringworld
DIN DJARIN
Au spatioport de Glavis Ringworld, dans un hangar à l'écart des voies principales de navigation, le Mandalorien coupa le moteur de son vaisseau. Il entendit des chuchotements inintelligibles et tapota sur le module vocal de l'appareil. Après des mois à l'arrêt total, il était sans doute normal qu'un vaisseau d'occasion ait des loupés. Ça aurait pu être pire. Il irait voir Peli Motto à l'occasion.
Grogu sauta à l'aide de la Force et déambula sur la carlingue. L'enfant maîtrisait parfaitement les sauts et passait un temps important à voltiger par pur plaisir. Projeter des pierres était moins évident. Une pierre, il y arrivait sans problème. Il parvenait même à lui faire faire plusieurs mouvements d'affilée, de façon presque fluide. Mais, lorsque Grogu devait se servir de deux pierres, aucune des deux ne bougeait.
Din Djarin prit le nécessaire et le mit dans un sac avant d'enfiler son sac à bandoulière. Il en écarta les bords et l'enfant y atterrit sans effort. Il ria, satisfait de sa propre habilité. Le petit avait aimé vivre sur Mandalore avec son père, mais il n'en était pas moins ravi de reprendre l'aventure et de découvrir de nouvelles choses, comme ce monde totalement artificiel. Il était aussi impatient de revoir l'Armurière et de pouvoir se présenter à elle comme un enfant mandalorien et il espérait être reconnu par l'inébranlable femme. Enfin, s'il arrivait à faire une phrase complète. Grogu n'avait jamais réellement eu affaire à Paz Vizsla. Alors, il n'avait pas vraiment d'attente concernant ce dernier.
Din Djarin était moins enthousiaste de devoir se représenter devant les membres de son ancienne tribu. Même s'il avait trouvé les eaux vivantes, il ne sentait pas senti digne de s'y baigner. Aux yeux de sa tribu, il serait toujours un paria. Mais, malgré tout, il allait à la rencontre de l'Armurière et de Paz Vizsla car il estimait que c'était son devoir. Il estimait qu'il devait leur faire part de sa découverte. Il estimait qu'il fallait quelqu'un pour s'occuper de la dépouille de Tarre Vizsla. Il espérait pouvoir les convaincre de s'installer sur Mandalore, au temple. Et, il espérait que l'endroit ne lui serait pas interdit en raison de son statut de non-mandalorien. Après plusieurs mois à y vivre, il considérait le temple comme ce qui pouvait être sa maison et celle de Grogu. S'il était banni de ce lieu, il s'y ferait. Mais, il voulait que Grogu puisse avoir un point d'ancrage. Après des années d'errance, Din voulait que son fils ait un lieu dans lequel il pourrait se réfugier en cas de besoin.
En s'éloignant du vaisseau, les chuchotements continuèrent et prirent même de l'intensité. Peut-être le problème venait-il des haut-parleurs intégrés au casque du Mandalorien. Mais, plus il avançait en direction du hangar 17, pour rejoindre l'allée de Kolzoc pour accéder au passage vers la ruche mandalorienne, plus les voix qu'il entendait étaient fortes et plus les mots étaient clairs. Dans la zone de transit, le bruit était si fort que la douleur lui faisait fermer les yeux et il devait s'aider des murs pour tenir debout. En regardant les personnes autour de lui, il se rendit compte que personne ne s'adressait à lui. Certains ne parler même pas. Et certains étaient trop loin pour qu'il puisse les entendre. Pourtant, il entendait des dizaines et des dizaines de voix, venant de partout autour de lui.
_ Buir, buir ! Appela Grogu.
La voix de l'enfant sembla se positionner devant toutes les autres. Din Djarin comprit alors. Luke et Ahsoka lui avaient dit que Grogu ne « parlait » pas, mais que lui, il l'entendait. Et là, il entendait son fils, mais aussi tous les êtres vivants autour de lui. Il entendait chaque pensée comme si elle lui avait été hurlée dessus.
_ Buir, écouter Grogu, tu dois. Écouter seulement Grogu.
Le Mandalorien se concentra sur l'enfant.
_ Parles, s'il te plaît. Ne t'arrêtes pas de parler, dit-il à son fils.
Grogu commença par essayer de réciter l'histoire qu'ils avaient lu la veille. C'était très incomplet, mais cela n'avait pas d'importance. L'humain se focalisa sur la voix de l'enfant et se redressa. Les autres voix étaient toujours là, bruyantes, mais comme il n'écoutait que celle de Grogu, Din parvint à se remettre en route. Le trajet fut plus long que dans ses souvenirs, et surtout plus douloureux.
o0o0oOo0o0o
Enfin arrivé dans les bas-fonds de la ville artificielle, Din Djarin s'adossa à un mur et se laissa glisser jusqu'au sol. Grogu sortit de la sacoche et pressa la jambe de son père.
_ Ça va mieux. Merci, petit, dit-il, la tête entre les mains.
L'enfant roucoula doucement.
_ Je les entends encore, mais les voix sont plus loin à présent. Donne-moi quelques minutes pour remettre mes idées en place.
Le petit être appuya le front contre son père, pour le réconforter.
_ C'était sûrement un stratagème de Tarre Vizsla pour m'empêcher de m'éloigner du temple. Je suis sûr que c'est lui qui m'a fait ça. Ça a le mérite d'être un sacré moyen de pression.
Grogu hocha la tête et caressa Din d'une main.
_ Pourquoi n'ai-je pas entendu les pensées de Luke ou celles d'Ahsoka ?
_ Protéger ses pensées, un Jedi sait.
_ Toi, tu ne le fais pas.
_ Partager ses pensées avec Buir, Grogu apprécie.
Le repos ne fut que de courte durée. La plupart des voix était loin. Mais, une voix vint s'imposer d'un coup. Une voix froide et grave, aux paroles menaçantes.
« Ces Mandaloriens prendront cher. On n'en fera qu'une bouchée. Et moi, j'aurais ma promotion et du Beskar. On va les massacrer. »
Din Djarin releva la tête et regarda en direction de la suite du trajet pour rejoindre son ancienne Tribu. Plusieurs personnes, sans doute dirigées par le propriétaire de la voix froide et grave, allaient attaquer les Mandaloriens. L'Armurière et Paz Vizsla étaient en danger.
Le Mandalorien expliqua rapidement à Grogu ce qu'il venait d'entendre et le remit dans le sac en bandoulière. Il dirigea rapidement vers la ruche mandalorienne.
o0o0oOo0o0o
Il arriva discrètement à l'entrée de la cachette. Il reconnaissait le bruit des coups portés à un homme. À présent, il entendait les pensées de tous les assaillants. Ils étaient nombreux. Le chef de la bande multiraciale voulait des informations. Des informations sur le mandalorien qui voyageait en compagnie d'une petite créature verte. Des informations sur lui. Le chef se doutait que l'homme, au sol, à qui il donnait des coups de pied, ne parlerait pas. Mais, il se délectait de la souffrance et de l'humiliation qu'il faisait subir à sa victime. Quand il en aurait assez, il soulèverait le casque de l'homme, pour que l'offense n'en soit que plus grande, et lui tirerait un coup de blaster en pleine tête. Il s'amuserait ensuite avec la femme. Rien qu'avec ça, l'homme était sûr de mourir de la main de Mando. Mais, dans les pensées de l'humain, le Mandalorien capta qu'il était un partisan de Moff Gideon. La certitude de la mort de l'homme devint une évidence.
Din fit descendre Grogu et lui dit de se cacher et de rester discret. L'enfant tenta de refuser, mais l'humain se montra ferme. Il s'avança ensuite aussi furtivement que possible.
Un mercenaire devaronien lui tournait le dos. Il s'en approcha, lui mit une main sur la bouche et l'égorgea avec sa vibrolame. Il posa le corps au sol, sans un bruit, et reprit son chemin. Le premier mercenaire fut le seul qu'il put attaquer discrètement. Il dût engager le combat de façon frontale pour les autres.
L'avantage était qu'il entendait les pensées de ses ennemis. Quand le chef pensa se servir de Paz et de l'Armurière comme otages pour qu'il se rende, Din comprit qu'il devait accélérer son avancée. Il rengaina son blaster et dégaina le Sabre Noir. Il fit confiance à son armure pour le protéger et il se lança dans la mêlée. Étrangement, l'arme Jedi se fit particulièrement légère et maniable.
Du coin de l'œil, Mando vit Grogu se glisser vers l'Armurière. Ce petit était trop téméraire. Mais, l'enfant longeait les murs et se fit discret. Il avait ramassé la vibrolame du premier mercenaire et tenta de libérer l'Armurière de ses menottes. La femme, qui avait aperçu le petit, essayait de se positionner pour aider à la manœuvre. Paz, pieds et poings liés, essayait de ramper vers la mandalorienne.
Puis, les positions furent échangées. Les captifs et l'enfant se trouvèrent dans le dos de Din qui faisait face au chef et à quatre mercenaires. Un bruit sec et mécanique, suivi d'un couinement de détresse de Grogu, indiqua à Mando que la vibrolame venait de casser sans que le petit n'ait pu défaire les liens de l'Armurière. Les menottes devaient être des modèles spécifiques, conçus pour résister à une tentative grossière de forçage. Avec ses outils, à quelques dizaines de centimètre d'elle, l'Armurière aurait été capable de libérer Paz et de se battre. Mais, il fallait que ses mains soient libres.
Après avoir pesé le pour et le contre, et estimer ses propres chances, Din Djarin rentra la lame du Sabre Noir et le lança pour qu'il atterrisse devant la femme. Les poings levés, il attaqua ses adversaires au corps-à-corps. Il n'avait pas pour but de vaincre les ennemis restants, mais seulement de gagner du temps jusqu'à ce que l'Armurière soit libérée. Grogu comprendrait. Il n'en doutait pas.
Le Mandalorien avait montrer à Grogu comment régler la longueur de la lame du Sabre Noir. L'arme n'avait pas vocation à être manipulée par l'enfant mais, pour éviter une blessure liée à la curiosité infantile, Din lui avait expliqué le fonctionnement du sabre. Il avait fait cela pour chacune des armes qu'il possédait. Néanmoins, il fut soulagé en entendant la voix de l'Armurière rappeler à Grogu de faire attention à la longueur de la lame.
À mains nues, face à cinq combattants armés, Din Djarin prenait plus de coups qu'il n'en donnait. À la douleur physique, il fallait ajouter la douleur mentale. Tuer les mercenaires avait, au début, fait baisser le nombre de voix qu'il entendait. Mais, petit à petit, les voix des personnes en surface recommencèrent à lui parvenir et il n'arrivait pas à en faire abstraction. Il fut surpris de voir la tête de l'assaillant le plus à sa gauche, un abednedo, se faire fracasser par le marteau en Beskar tenu par l'Armurière.
Un autre mercenaire se détacha de la mêlée pour affronter la femme. Quelques secondes plus tard, le mercenaire, sur la droite de Mando, se retrouva plaqué au sol par Paz Vizsla et ils échangèrent des coups à terre. Din n'affrontait plus que le chef et un autre humain. Mais, la douleur commençait à lui troubler la vue et ses coups devinrent erratiques.
Dans un effort démesuré, il réussit à planter sa vibrolame dans la poitrine du mercenaire. Le chef en profita pour le désarmé et le faire tomber en arrière. Malgré son casque, lorsque sa tête heurta le sol, le choc lui infligea une douleur importante. Il arrivait à peine à garder les yeux ouverts et ses oreilles bourdonnaient. Le chef de la bande de mercenaire se pencha sur lui et utilisa sa propre vibrolame et la pointer sur sa gorge. À terre, les bras en croix et paralysé par ses souffrances, aussi bien physiques que mentales, Mando était à la merci de son adversaire.
Rendu sourd par la douleur, le Mandalorien vit les lèvres de l'homme bouger tandis qu'il s'adressait à l'Armurière et à Paz Vizsla. Il aurait pu rire du mauvais choix : de tous les otages possibles, il était de loin le plus inutile. Din Djarin avait été banni de la Tribu et il n'était plus un mandalorien. L'Armurière et Paz ne baisseraient pas les armes pour lui sauver la vie. Mais, il n'avait pas envie de rire car s'il mourrait, personne ne s'occuperait de Grogu. Il n'avait pas eu le temps de parler à ses anciens camarades ou de leur demander de s'occuper de son fils. En temps normal, les Mandaloriens prenait soin des orphelins. Mais, Din n'était pas certain du destin d'un fils de paria, anciennement enfant d'un peuple adverse, au sein des Mandaloriens.
Pourtant, le sourire et l'air satisfait de l'homme menaçant lui indiqua de ses camarades étaient en train de rendre les armes. Cela n'avait pas de sens pour lui.
_ Buir, fit mentalement Grogu.
Les voix dans la tête de Din Djarin étaient si nombreuses que la voix de son fils lui semblait lointaine.
_ Confiance dans la lame, tu dois avoir. Le prolongement de ton bras, elle sera.
Une seconde plus tard, le Sabre Noir fut au creux de sa main droite. Il sentit Grogu, ou plutôt sa maîtrise de la Force, refermer ses doigts sur la poignée de l'arme pour l'aider. Il activa le sabre et lança son bras vers la gauche. Le chef de la bande de mercenaire s'était redressé pour toiser les Mandaloriens. Le bras de Mando ne l'aurait pas effleuré mais, comme l'avait dit Grogu, la lame du Sabre noir, avec sa longueur habituelle, et plus légère que jamais, trancha l'homme de part en part.
L'ARMURIÈRE
L'expression faciale du chef des mercenaires se figea sur la stupeur et les morceaux de son corps tombèrent lourdement au sol. Profitant de ce moment de surprise pour tous, elle brisa les cervicales de son adversaire d'un coup de marteau en Beskar porté avec précision. L'Armurière tourna la tête vers Paz Vizsla qui finissait d'étrangler le dernier mercenaire.
Son regard se porta ensuite sur Din Djarin. Son corps avait suivi le mouvement du Sabre Noir et il avait roulé sur le côté. Il avait lâché l'arme, qui traînait à quelques centimètres de lui. L'homme était secoué de tremblements et se tenait la tête en gémissant de douleur.
_ Buir ! Cria l'étrange petite créature verte, en se précipitant vers celui qui était visiblement redevenu son père.
L'enfant Jedi, qui avait été durant un temps un orphelin mandalorien, leva les mains au-dessus de la tête du paria. D'un mouvement de bras, il retira le casque de l'homme et le projeta au loin. De l'autre bras, il semblait soutenir la tête de son père. Les convulsions semblèrent s'aggraver. L'enfant posa directement les mains sur la tête de l'homme et ferma les yeux. En quelques secondes le corps de Din Djarin devint inerte. Plonger un homme dans une sorte de sommeil par la maîtrise de la Force avait dû demander beaucoup d'énergie à la petite créature, car elle s'affala sur l'humain, épuisée.
Un bruissement d'armure articulée indiqua à l'Armurière que Paz Vizsla en avait fini avec son adversaire, qu'il était debout et qu'il trépignait en attendant de savoir ce qu'il devait faire ensuite. Din Djarin était là, devant eux, à visage découvert. Même s'il avait avoué avoir retirer son casque lui-même, ce n'était pas une raison pour elle et pour Paz de le dévisager et d'accentuer son déshonneur. S'ils restaient à distance, aucun d'eux ne verrait son visage.
_ Que faisons-nous ? Demanda Paz.
_ Ce lieu n'est plus sûr. Il nous faut partir. Va, débarrasses-toi des corps, débranche la forge et commence à emballer nos affaires, dit-elle. Il nous faudra aussi préparer notre moyen de transport.
_ Et, lui ?
_ Il semble avoir perdu connaissance. L'enfant semble épuisé.
_ Le Sabre Noir est là…
L'Armurière avait conscience que l'arme forgé par Tarre Vizsla était convoitée par son descendant.
_ Il ne sert à rien de s'en saisir, dit-elle en avançant vers la poignée. Pour que le sabre ait un nouveau maître, le précédent doit être vaincu en combat singulier selon le Credo. Din Djarin n'est pas en état de mener un combat dans son état actuel.
Elle donna un léger coup de pied dans la poignée du sabre pour la faire rouler vers le paria. Du regard, elle suivit l'arme qui s'arrêta juste devant le visage de l'homme.
L'Armurière découvrit donc le visage de Din Djarin.
à suivre
