L'HÉRITAGE NON DÉSIRÉ
Chapitre 14
Bordure extérieure, Spatioport de Glavis Ringworld
L'ARMURIÈRE
Les corps des mercenaires furent jetés dans les évacuations du spatioport et furent envoyés dans le vide spatial. Les deux Mandaloriens rescapés de la ruche de Nevarro commencèrent à rassembler leurs biens. Paz Vizsla avait des difficultés à se mouvoir sans lancer des regards réguliers vers Din Djarin, toujours inconscient.
L'Armurière aussi faisait de son mieux pour ne pas regarder ostensiblement le paria. Elle n'avait que faire de son visage, mais elle se tournait vers lui à la recherche de réponses.
Din Djarin avait été un des Mandaloriens les plus fidèles au Credo. Elle aurait été prête à jurer que jamais il ne bafouerait les règles. Et pourtant… Elle l'avait senti. Elle avait senti sa Foi s'ébranler avec l'arrivée de l'enfant Jedi. Lui, qui ne montrait aucune émotion autre que la loyauté envers les siens, s'était ouvert aux sentiments, portes ouvertes sur le doute. Était-ce là l'une des raisons qui faisait des Jedi un peuple ennemi ? Quand la seule présence de l'un d'entre eux pouvait faire vaciller la Foi d'un fervent Mandalorien ?
Et l'enfant, nommé Grogu, pourquoi était-il là ? Il avait prononcé le mot « buir » en s'approchant de Din Djarin. Le paria lui avait enseigné le Mando'A. Cela voulait-il dire qu'il l'avait arraché aux mains de son peuple pour l'adopter ?
Aujourd'hui, Din avait bien combattu. Il avait toujours été l'un des meilleurs guerriers de la Tribu. Mais, le maniement du Sabre Noir lui avait posé problème. L'arme avait été trop lourde pour son maître actuel. Enfin, avant. Là, il l'avait maniée efficacement, malgré sa souffrance apparente.
Et ce mal qui l'habitait, qu'était-ce ? Était-il venu demander de l'aide ? C'était peu probable. Din Djarin respectait ses décisions et elle l'avait banni. Il ne se serait pas présenté à elle sans s'être absout de ses pêchés. Absolution qu'il ne pouvait pas obtenir.
Tandis que Paz était parti préparer leur vaisseau, l'enfant s'éveilla.
_ Patoo… fit la petite créature dans son dos.
_ Tu es réveillé… commenta-t-elle.
L'enfant tendit la main, la paume vers le ciel comme pour demander quelque chose.
_ J'ignore ce que tu attends de moi, dit-elle.
L'enfant sembla déçu mais n'insista pas. Il regarda autour d'eux à la recherche de quelque chose. Il finit par se lever. L'Armurière regarda l'enfant tremper dans de l'eau les manches de sa tunique. Il retourna auprès de Din Djarin et entreprit de lui laver le visage.
_ Quelle est la raison de son état ?
L'enfant babilla de façon inintelligible, alors elle ne dit rien. Il sembla se rendre compte qu'elle ne pouvait pas le comprendre. Il entreprit alors d'aller récupérer divers objets dans la pièce, des déchets et des détritus, pour la plupart.
Il commença par faire un cercle au sol et y déposa le pendentif qu'il portait autour du cou, avec l'emblème des Mandaloriens. Il attrapa ensuite un morceau de métal qu'il tint au-dessus de sa tête, en faisant de drôles de bruits. Il déposa ensuite l'objet dans le cercle et regarda la femme.
_ Vous êtes allés sur Mandalore ? Demanda-t-elle après un temps de réflexion.
L'enfant applaudit.
_ Mais, la planète est invivable…
L'enfant secoua la tête.
_ Vraiment ? On peut y vivre ?
L'enfant hocha la tête.
Ensuite, il trouva une petite boîte et y mit plusieurs objets. Il s'en éloigna et marqua un temps d'arrêt. Il s'en approcha, ouvrit la boîte et l'ouvrit en mimant une expression de surprise. Il dut recommença à plusieurs reprises.
_ Vous avez trouvé quelque chose ? Finit-elle par dire.
L'enfant applaudit mais plus modestement. Au milieu de la poussière du sol, il écrit quelques caractères en Mando'A. Elle s'en approcha et lit le mot « homme ».
_ Vous avez trouvé quelqu'un, corrigea-t-elle.
Cette fois l'enfant applaudit avec vigueur.
_ Mais, qui ? Demanda-t-elle.
L'enfant prit le sabre et le lui tendit.
_ Un Jedi ?
L'enfant oscilla la tête. Ce n'était pas tout à fait ça. Il désigna la forge et le sabre.
_ Vous avez trouvé un forgeron mandalorien ?
De nouveau, l'enfant oscilla la tête. Il insista sur le sabre. Il désigna d'autres armes, avant de faire un revers de la main comme pour les ignorer, et il revint sur le Sabre Noir et la forge.
_ Tu n'essayes quand-même pas de dire que vous avez rencontré celui qui a forgé le Sabre ?
L'enfant hocha la tête.
_ Le Mandalorien qui l'a forgé est mort depuis bien longtemps…
L'enfant dodelina de la tête.
_ C'est impossible, dit-elle.
L'enfant la regarda avec sérieux. Peut-être qu'il se trompait. Mais, il était évident que le père et l'enfant avaient rencontré quelqu'un et que quelque chose était arrivé à Din Djarin. Elle allait avoir besoin de s'entretenir avec le paria…
DIN DJARIN
Din Djarin ouvrit les paupières. Il lui fallut un temps pour que le voile trouble devant ses yeux ne se dissipe. Son casque lui avait été encore retiré. Ses oreilles bourdonnaient toujours, mais la majorité des voix s'étaient calmées et les autres étaient plus lointaines.
Il s'assit et Grogu se précipita sur lui, en couinant.
_ Hé ! Tu n'as rien ? Demanda-t-il.
Grogu tourna sur lui-même en agitant les bras avec vigueur.
_ Tant mieux. Qu'est-ce qui c'est…
Il ne finit pas sa phrase. En regardant autour de lui, il aperçut l'Armurière qui l'observait en silence. Il se leva tant bien que mal pour récupérer son casque et l'enfiler.
_ Pardonnes-moi, dit-il en s'inclinant légèrement vers la femme.
_ Tu ne devrais pas égarer ceci, dit-elle en lui tendant le Sabre Noir.
_ Je te remercie. Suis-je resté inconscient longtemps ?
_ Plusieurs heures.
_ C'est… Est-ce que quelque chose a changé à la surface ? Demanda Din.
_ Bien que Glavis Ringworld ne soit pas réellement soumis à un cycle diurne, on peut dire que la nuit est tombée. Il n'y a guère plus d'activité au-dessus de nous.
_ Les gens dorment… commenta-t-il.
_ Pourquoi un tel commentaire ? Demanda l'Armurière.
_ Et bien…
Din hésita. Il n'avait absolument pas envie que l'Armurière soit au courant des volontés de Tarre Vizsla. Volontés que le Mandalorien ne voulait pas suivre du reste. Mais, cette femme pouvait se montrer convaincante… Néanmoins, il allait être difficile de cacher le fait qu'il entendait des voix et que c'était la vraie raison pour laquelle il avait perdu connaissance.
Il resta donc silencieux. Ce fut l'Armurière qui reprit la parole.
_ J'ai parlé avec celui qui semble être ton fils, à présent, dit-elle.
_ Vraiment ? Il a parlé ? Avec des mots ? Demanda Din après quelques secondes.
_ Ses mots n'étaient pas clairs. Nous avons dû procéder autrement. Confirmes-tu l'avoir adopté ?
_ Oui, selon le Credo. Comment… Comment as-tu communiqué avec lui ?
_ J'ai parlé et il a mimé.
_ Je vois. Que t'a-t-il « dit » ?
_ Il m'a fait comprendre que vous êtes allés sur Mandalore, que la planète était viable, que vous y avez rencontré quelqu'un. Confirmes-tu cela ?
_ Absolument.
_ Néanmoins, je suis forte aise que tu sois éveillé. J'aimerais éclaircir de nombreux points.
_ Naturellement. Je suis à ton entière disposition.
_ Racontes-moi ta version de l'histoire.
_ Nous sommes allés sur Mandalore. Je n'avais pas vraiment espoir de trouver les mines et les eaux vivantes, mais nous y sommes allés. Nous avons trouvé… un lieu. Il semble réellement être sorti de terre depuis quelques années seulement. Je pense qu'il s'agit d'un temple Jedi. Celui de Tarre Vizsla selon toute vraisemblance.
_ L'enfant dit qu'il est en vie, dit-elle.
_ Non, pas vraiment. Mais, il n'est pas mort non plus. D'après Ahsoka et Luke, deux amis Jedi que Grogu a fait venir durant mon malaise précédent, il est physiquement mort. Mais, sa dépouille continue de véhiculer la Force. Et, son esprit demeure en ce lieu. C'est pourquoi je suis venu vous chercher. Je pense que quelqu'un doit rester près de lui. Je me suis dit que cela pourrait vous intéresser, Paz et toi. Paz a toujours apprécié les histoires du passé. En plus, il s'agit de son ancêtre. Et toi… Il y a une forge d'une taille colossale. Plusieurs forgerons devaient y officier. Il y a des filons de Beskar sur les murs. J'imagine qu'il doit y avoir d'autres filons exploitables pour la forge. Et, il y a une immense bibliothèque de textes anciens. C'est un lieu hautement spirituel, mais c'est aussi un lieu de vie. Je souhaite simplement ne pas en être écarté en raison de ma… en raison de mon déshonneur. Je fais de mon mieux pour trouver une solution pour me racheter. Je suis conscient que je suis un paria mais… j'ai commencé à éduquer mon fils selon le Credo. Il est important que je puisse continuer son apprentissage via le temple. Je t'en prie.
_ L'enfant…
_ Il se nomme Grogu, corrigea Din. Grogu Djarin.
_ Oui, il l'a écrit… en Mando'A. J'ai trouvé son écriture assez fluide d'ailleurs. Même s'il ne parle pas, c'est déjà un premier pas. Grogu a « dit » que tu avais parlé avec Tarre Vizsla.
_ Oui. Et j'ai failli en mourir. Il ne communique pas avec des mots : il utilise la Force. J'ai eu l'impression d'être broyer de l'intérieur. Il va falloir que Paz et toi preniez des précautions.
_ Puis-je savoir ce qu'il t'a dit ?
Din n'avait clairement pas envie de parler de sa conversation avec Tarre Vizsla et encore moins de parler de la mission que le Mandalorien Jedi voulait qu'il accomplisse.
Soudain, Din perçut un violent sentiment de frustration et de colère. Son attention fut alors attirée par la source de ses émotions négatives : Paz Vizsla était en train de se rapprocher d'eux. Sa démarche était celle d'un homme calme et posé, mais ce qui émanait de lui était extrêmement violent. Derrière son casque, Din plissa les yeux de douleur.
_ Je vois que tu es réveillé, traître, dit Paz d'une voix froide et lente.
_ Comme tu peux le voir, répondit Din en tentant de rester impassible.
_ Paz Vizsla, tempères-toi, ordonna l'Armurière, qui lisait dans le cœur des Mandaloriens comme dans un livre ouvert.
_ Pourquoi ? S'exclama l'homme en armure lourde. Il nous a vendus aux mercenaires de Moff Gideon !
_ Quoi ? S'exclama Din. Jamais je n'aurais fait un tel acte.
_ Si ! Pour te venger d'avoir été banni !
_ Mandaloriens ! S'exclama l'Armurière.
La forgeronne avait un tel charisme qu'elle n'avait besoin que d'un mot pour rappeler aux deux hommes de faire preuve de respect l'un envers l'autre.
_ C'est lui et sa bestiole qu'ils voulaient, pesta Paz.
_ C'est de mon fils dont tu parles, fit Din, le poing serré.
Paz tourna la tête vers l'enfant et fit un signe de tête pour s'excuser auprès de Grogu. Les liens de filiations étaient très respectés par les Mandaloriens.
_ Jamais je n'aurais vendu l'un des nôtres, poursuivit Din, après avoir desserré la main.
_ Tu n'es plus des nôtres, corrigea Paz.
_ Certes, répondit Din. Mais, je préférerais mourir que de vendre un Mandalorien à quiconque.
_ Din Djarin dit vrai, commenta l'Armurière. J'en suis certaine.
_ Il ne devrait pas être là… dit Paz.
_ J'ai été informée de la raison de sa venue, répondit l'Armurière. Même toi, tu seras fort satisfait de ce que tu découvriras. Continue les préparatifs de notre départ, ordonna-t-elle à l'homme en armure lourde.
Paz se tue et salua la femme d'un signe de tête avant de s'éloigner. Din soupira de soulagement.
_ Tu sembles souffrir à nouveau… commenta la femme.
_ Je vais déjà mieux, répondit-il.
Soudainement, Din se rappela qu'il percevait les pensées de tous, sauf de ses amis Jedi. Pourtant, il regarda l'Armurière, à quelques centimètres de lui, et ne perçut que le calme hypnotique du Beskar en fusion.
_ As-tu appris à manier la Force ? Demanda-t-il à la femme.
_ Pourquoi une telle question ?
_ Je…
Din réfléchit. Devait-il parler au moins du fait qu'il pouvait percevoir les pensées des autres ? Il n'avait que peu d'intérêt pour autrui. Mais, s'immiscer dans les pensées des siens lui semblait être un manque de respect.
_ Je crois que Tarre Vizsla m'a offert un « talent », dit-il faute de trouver un meilleur terme.
_ Un talent ? Répéta-t-elle avec scepticisme.
_ Un don. Mais, à mon niveau, c'est plus un handicap.
_ Qu'est-ce ?
_ Je perçois les pensées des autres.
L'Armurière eut un léger mouvement de recul.
_ C'est ce qui me cause des souffrances quand il y a trop de… pensées.
_ C'est pourquoi tu m'as dit que les habitants de la surface dormaient… Tu ne les entends plus.
_ À peine. Il doit y avoir quelques personnes éveillées.
_ Tu entendais les pensées des mercenaires tout à l'heure ?
_ Oui. Mais, entre eux et les « bruits » des autres, je…
_ Tu souffres, termina la femme.
_ Oui.
_ Présentement, perçois-tu ma pensée ?
_ Non. Cela ne m'était arrivé qu'avec les Jedi.
_ D'où ta question sur mon possible maniement de la Force.
_ Oui. Je ne perçois rien de toi. Si ce n'est une vision de Beskar en fusion.
_ Je sais contrôler mes pensées et mes émotions. Nul besoin d'être un Jedi pour cela. La forge du Beskar nécessite le calme et la neutralité des émotions. J'aime voir le Beskar en fusion. Cela m'apporte la sérénité.
_ Tu as besoin d'être sereine face à moi ? Demanda-t-il.
_ J'ai besoin de pouvoir analyser clairement ce qui m'entoure, répondit la forgeronne. Ce qui t'inclut présentement.
_ Les sentiments de Paz sont violents…
_ Ce n'est pas une surprise. Il a toujours été passionné. Le Credo lui a appris la retenue. Mais, il a toujours été évident qu'il se passait beaucoup de choses en lui.
_ Comment a-t-il pu croire que je serais prêt à vous vendre à quelqu'un ? Malgré nos différends, il me connaît.
_ Il te connaissait, corrigea l'Armurière. Tu as trahi le Credo. Il n'aurait jamais pensé cela de toi avant. Malgré ses critiques à ton égard, il te croyait être l'un des membres les plus respectueux de la Tribu. Tu l'as profondément déçu.
_ Et toi ? Ne t'ai-je pas déçu ?
_ Plus que tu l'imagines. Mais, comme je le disais, je sais contrôler mes émotions.
Bien qu'il fût conscient de la déception des anciens membres de sa Tribu, cela faisait mal de l'entendre dit à voix haute. Grogu dut sentir ses sentiments car l'enfant vint se coller à sa jambe.
_ Tout va bien, dit-il à son fils.
_ C'est un enfant Jedi… Perçois-tu ses pensées ?
_ Oui, mais seulement parce qu'il le souhaite.
La femme se tourna et commença à ranger ses outils de forgeage.
_ Mandalore est-elle vraiment viable ? Demanda-t-elle sans lui faire face.
_ La zone équatoriale uniquement. J'ai survolé la planète et un peu exploré les alentours. À mesure qu'on s'éloigne de l'équateur, les stigmates de la Purge sont de plus en plus visibles. Le climat est tempéré à l'équateur, mais la glaciation reprend vite ses droits. La zone la plus chaude, et la plus prospère à la vie, est celle autour du temple. La végétation y est abondante et les animaux nombreux.
_ Et, Concordia ?
_ Fidèle à elle-même.
_ Hum…
_ Acceptes-tu de venir au temple ? Tu pourrais même y établir la Tribu et faire venir d'autres de nos frères. L'endroit est propice pour…
_ J'en jugerai moi-même. À présent, vas aider Paz avec les préparatifs.
_ Telle est la voie, répondit Din Djarin.
à suivre
