L'HÉRITAGE NON DÉSIRÉ

Chapitre 15

Note : en italique, les paroles prononcées par la pensée


Bordure extérieure, Spatioport de Glavis Ringworld


DIN DJARIN

Din Djarin n'eut aucun mal à trouver son ancien frère d'armes : il lui suffisait de suivre sa colère. L'Armurière avait demandé que Grogu l'aide de son côté, probablement consciente que les deux hommes devaient parler entre eux, seuls.

Paz soupira en voyant Din, mais s'abstint de commentaire. De son côté, le paria fit de son mieux pour ne pas écouter les pensées de l'autre homme.

_ Est-ce que je peux savoir de quel droit tu nous imposes ta présence, ou dois-je attendre que l'Armurière vienne me parler ? Dit sèchement Paz.

_ Je suis allé sur Mandalore, répondit Din.

_ Une perte de temps…

_ Bien au contraire.

_ Tu as pu te baigner dans les eaux vivantes pour absoudre ta faute ?

_ Non.

_ Donc, tu as perdu ton temps et tu nous fais perdre le nôtre.

_ J'ai trouvé un temple.

_ Et alors ?

_ Ce temple est aussi un tombeau. Celui de ton ancêtre.

Paz se stoppa et reposa la caisse qu'il avait en main.

_ J'ai trouvé le tombeau de Tarre Vizsla, reprit Din.

_ Impossible. Les Jedi ont conservé sa dépouille.

_ J'ignore comment il est revenu sur la planète, mais le corps de Tarre Vizsla repose au temple Jedi de Mandalore.

_ Comment peux-tu être sûr que c'est lui ?

_ Il y a de nombreux indices. Le Sabre Noir est la clé pour entrer dans le temple. Il y a des peintures et des textes aussi. Et…

_ Et ? Insista Paz.

_ Il parle.

_ Tu as bu trop de Spotchka sans doute.

_ De ce que j'ai compris, à sa mort, l'esprit d'un Jedi reste près de son corps. Le sarcophage de Tarre Vizsla aurait été fait pour lui permettre de se renforcer. Je l'ai entendu. Grogu aussi. Des amis Jedi aussi. Tu pourrais peut-être l'entendre à ton tour.

Paz le regarda en silence.

_ C'est pour ça que je suis venu ici. Je pense que des Mandaloriens… respectant le Credo, doivent se tenir auprès de lui. Il est ton ancêtre et l'un des anciens chefs de notre peuple. L'Armurière accepte de venir. Elle décidera si elle restera plus tard.

_ Qu'a-t-il dit ?

_ Il sait que les Mandaloriens se sont éparpillés et il déplore l'état de notre culture.

_ Est-ce tout ?

Din réfléchit un instant. Paz ne serait pas ravi de savoir que Tarre Vizsla lui avait donné la mission de rassembler le peuple Mandalorien et de régner. Comme, de son côté, Din n'avait nullement l'intention d'accomplir cette mission, il choisit de ne rien dire pour le moment, pour ne pas froisser l'homme à l'armure lourde.

_ Il souhaite la réunification du peuple Mandalorien. En dehors de cela, il n'a rien ajouté de pertinent. Viendras-tu ?

_ Telle est la voie, répondit Paz.


Bordure extérieure, Mandalore, temple Jedi de Mandalore


DIN DJARIN

Le trajet jusqu'à Mandalore et à son temple s'était déroulé sans encombre. Din présenta la salle d'entraînement en premier, pour montrer les peintures murales. Mais, ce fut en Jet-pack que le groupe rejoignit l'intérieur. Din fit visiter les lieux à son ancien clan la Grande Forge et le Resol'nare vieux d'un millénaire firent forte impression. Enfin, le paria finit la visite par la chambre mortuaire de Tarre Vizsla.

Après un instant de silence humble face à la dépouille de le feu-Tarre Vizsla, l'Armurière prit la parole.

_ Tu disais qu'il parlait…

_ Il ne s'est adressé qu'une fois directement moi. Le reste du temps, il « parle » de façon que seuls les Jedi l'attendent. Parle-t-il actuellement ? demanda Din à son fils.

L'enfant secoua la tête.

_ Et, lorsqu'il t'a parlé, comment cela s'est-il passé ? demanda la guerrière.

_ Je… J'ai commencé par m'adresser à lui et lui ai présenté mes respects. Je touchais son sarcophage à ce moment. Puis, j'ai voulu m'éloigner car, avant de le trouver, j'étais à la recherche de Grogu. C'est lorsque j'ai marché sur ce cercle, dit-il en désignant la zone du sol, que j'ai été en quelque sorte attrapé et que j'ai été forcé de lui faire face. Il est apparu sous une forme de brume lumineuse et j'ai perdu connaissance. La discussion a eu lieu pendant mon inconscience, directement dans mon esprit. J'avais perdu la notion du temps. A présent, je sais que ça a duré plusieurs jours. Et, j'ai failli en mourir.

L'Armurière tourna la tête vers Paz et celui-ci hocha la tête. Il posa la main sur le sarcophage de son ancêtre, le salua dans la langue Mandalorienne, puis il entra d'un pas franc dans le cercle. Rien ne se produisit.

_ As-tu dit quelque chose de particulier lorsque tu as touché le sarcophage ? demande la femme.

_ Non. Je ne savais pas qu'il pouvait parler. C'était plus des réflexions à voix haute, pour moi-même. Je n'aurais jamais imaginé découvrir sa dépouille. J'ai été surpris qu'il soit si bien conservé. J'ai également été attristé qu'il n'y ait personne pour prendre soin de lui.

_ Tu disais qu'en plus de ton fils et toi, deux Jedi sont venus en ce lieu. Leur a-t-il parlé ?

_ Il n'a pas semblé s'adresser à eux directement. Par ailleurs, il ne s'exprime qu'en Mando'A. Langue inconnue de mes amis Jedi. Et, après ce qu'il m'était arrivé, aucun de nous n'a pris le risque d'entrer dans le cercle. Je sais que le temple, probablement par l'intermédiaire de Tarre Vizsla, parle aussi à sa façon. Sa langue aussi est le Mando'A et ils n'ont pas été en mesure de comprendre.

_ N'as-tu pas chercher à savoir ce que l'ancien Mand'alor et le temple disaient ?

_ Pas un seul instant, répondit franchement Din.

_ Et ton fils, a-t-il pu comprendre quelque chose ? demanda la femme.

Avant que Din n'ait eu le temps de répondre, la voix de Grogu s'éleva timidement dans sa tête.

_ De comprendre, capable j'étais.

« Tu ne m'en as pas parlé. Est-ce qu'il t'a dit quelque chose de… problématique ? »

_ Prendre soin de toi et te soutenir, j'avais l'ordre. D'accord, j'étais. Alors, obéis j'ai.

_ Que dit-il ? demanda l'Armurière.

_ Grogu a eu l'ordre de prendre soin de moi et de me soutenir.

_ Rien d'autre ? demanda la femme directement à l'enfant.

Grogu dodelina la tête. Derrière son casque, Din fronça les sourcils : de toute évidence, l'Armurière sentait qu'il lui cachait quelque chose.

Comme rien ne se passait, Paz céda la place à l'Armurière. Tarre Vizsla ne se manifesta pas plus. Lorsque les deux survivants de la ruche Mandalorienne de Nevarro se tournèrent vers Din, celui-ci recula par réflexe. Il n'eut aucun mot à dire pour leur signifier qu'il n'avait pas l'intention de réitérer son contact avec le Mandalorien Jedi.

L'Armurière chargea Paz de commencer à décharger leur vaisseau en commençant par leur réserve de Beskar, en provenance des anciennes armures des défunts Mandaloriens de Nevarro, et de les stocker dans la salle de la Grande Forge.

L'Armurière invita Din et son fils à la suivre. Bien que cela soit sa première visite dans le temple, elle faisait preuve d'un grand sens de l'orientation. Ils retournèrent dans la salle au planisphère et la femme s'agenouilla en silence devant le lac souterrain. Elle sortit un flacon de sa poche, le découcha, le plongea délicatement dans les eaux, avant dans observer le contenu.

_ Sais-tu quel est cet endroit, Din Djarin ?

_ Oui, répondit l'homme.

_ Nomme-le.

_ Ce sont les eaux vivantes.

_ T'y es-tu baigné ?

_ Non.

_ Pourquoi ?

« Pourquoi ? » C'était une bonne question.

_ Din Djarin, pourquoi ne t'es-tu pas baigné dans les eaux vivantes de Mandalore ? fit l'Armurière d'une voix forte et claire.

Le paria réfléchit un instant. Les réponses étaient multiples, mais il en fallait au moins une qui puisse convaincre la forgeronne.

_ Parce que je ne m'en sens pas digne, répondit Din.

La femme n'ajouta rien et reporta son attention sur la surface calme du lac.

Ce n'était pas un mensonge. Din se sentait réellement indigne de pouvoir s'absoudre si « facilement ». Il reconnaissait avoir pêché, avoir trahi sa Foi. Il pensait sincèrement qu'il devait mériter de retrouver son ancien statut. Il avait besoin de prouver, pour lui-même, qu'il était digne d'être un Mandalorien.

Mais, il ne pouvait pas se mentir non plus. Son statut actuel lui allait bien pour le moment. Les projets de Tarre Vizsla à son égard ne lui plaisaient pas. C'était une voie qu'il ne voulait pas suivre. Jamais il n'avait désiré ce que l'ancien Mand'alor lui avait donné. Il n'avait accepté que dans le but de sauver Grogu d'un péril. En serrant la main de Mandalorien Jedi, il s'était dit qu'il allait voir plus tard pour se défaire de cet engagement. Mais, plus le temps passait, moins il savait comment il allait faire. Alors, son statut de non-Mandalorien lui permettait de gagner du temps.

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L'installation des deux nouveaux arrivants se poursuivit.

La Grande Forge fut rallumée avec difficulté. Elle n'avait pas été faite pour être éteinte, encore moins sur une si longue période. Malgré sa taille imposante, elle avait été conçue pour faire du forgeage de qualité, plus que de quantité.

Des canaux en récupéraient les vapeurs et la chaleur pour les convertir en énergie pour à la totalité du complexe : lumière, chauffage et filtration de l'air et de l'eau, cuisine… La partie habitation du temple était un condensé des meilleures de technologies de son temps et n'avait rien à envier aux systèmes récents. Pour autant, le temple gardait son authenticité. Tout avait été fait pour faire oublier la technologie. On ne faisait plus rien d'équivalent à présent que ce fusse en termes d'efficacité énergétique ou de discrétion esthétique.

o0o0oOo0o0o

Les menues réserves alimentaires faites par Din n'étaient pas suffisantes pour trois humains adultes et une petite créature verte à l'appétit… disproportionné par rapport à sa taille. L'Armurière envoya donc Paz Vizsla et Din Djarin chasser du gros gibier. Elle avait choisi de gardé Grogu avec elle. L'idée n'avait pas plu ni au père, ni au fils. Din n'aimait pas laisser son fils derrière lui. Grogu, quant à lui, était clairement intimidé par l'Armurière. Elle fit valoir les arguments suivants : Grogu ne serait d'aucune aide durant une chasse alimentaire, il pourrait même se mettre en danger par son insouciante jeunesse et mettre son père en danger. Enfin, et surtout, elle voulait pouvoir tester les connaissances mandalorienne de l'enfant, seul. Elle rappela que l'enfant était aussi un enfant de Mandalore et que, de par le Credo, elle donnerait sa vie pour protéger la sienne. Din et Grogu durent se résigner.

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Dans la zone équatoriale de la planète, Din n'avait croisé que quatre espèces différentes de gros herbivore.

Dans les plaines dégagées, loin du temple, il y avait des Reeks. Avec leur puissance, nombreux étaient ceux qui les utilisaient dans les arènes de combat, après les avoir habitués à se nourrir de viande, avant de les affamer. Même si les troupeaux de Mandalore semblaient paisibles, ces créatures restaient redoutables. Les mâles étaient assez forts pour se mettre en pièce au moment de la période des amours. Les plus insaisissables étaient les Ikopis. Ils étaient grands et charnus, mais extrêmement véloces et particulièrement méfiants. Ils s'enfuyaient au moindre bruit suspect et se déplaçaient trop habilement dans la forêt pour pouvoir être des proies faciles. Din avait quelques fois chassé des Motts aux abords du temple mais, présentement, il aurait fallu prendre deux à trois individus adultes pour commencer à faire des réserves de viandes. Un troupeau se serait enfui au premier animal mort et le temps de chasse d'un troupeau supplémentaire, ou deux, n'étaient pas rentables pour les deux hommes. Le choix des chasseurs se porta donc sur les Runyips, se déplaçant par-delà les forêts du temple, à la lisière des prairies des Reeks.

Les Jet-packs cachés dans la grotte au pied de la montagne pour limiter leur encombrement, Din Djarin et Paz Vizsla avançaient en silence. Enfin, en silence oral. Paz ruminait mentalement. Il était en colère parce qu'il était relégué à devoir aller chercher à manger. Il était en colère parce qu'il devait faire équipe avec Din. Il était en colère parce qu'il n'avait pas pu parler avec Tarre Vizsla. Il était en colère de devoir être guider à travers la forêt par Din. Il était en colère que ce voyage sur Mandalore ne lui ait pas apporté les réponses qu'il attendait. Il était en colère que Din puisse entendre ses pensées.

Le paria soupira. C'était insupportable.

_ Paz… Je n'y suis pour rien, dit-il.

_ Sors de ma tête ! S'exclama Paz.

_ Premièrement, je n'y suis pas. Si je pouvais, je choisirais volontiers de ne pas t'entendre. On ne peut pas dire que tu sois de bonne compagnie. Deuxièmement, moi aussi je préférerai être ailleurs qu'avec toi. Tout ceci ne me réjouit en rien. Moi aussi, j'avais des attentes quant à votre venue au temple. Je pensais que tu pourrais prendre le relai de…

_ De quoi ?

_ De rien… soupira Din. De toute façon, ça n'a pas fonctionné.

_ Arrête de faire des énigmes. On ne peut pas tous entendre les pensées des autres.

_ J'aurais préféré que ce soit à toi que Tarre Vizsla donne ce… don. Et, tout le reste.

_ Tout le reste ? Que t'a-t-il donné d'autre ?

_ Rien. Il m'a… Tu sais qu'il m'a ordonné de regrouper les nôtres…

_ Les miens, tu veux dire, coupa Paz. Pas les tiens, paria.

_ C'est pourquoi j'aurais préféré que cette tache te revienne, reprit Din en essayant de ne pas tenir compte du profond dégoût que le « vrai » Mandalorien éprouvait à son égard. Je ne pense pas être le plus à même pour cette mission. Et je ne pense pas que tu me contrediras.

Bien que cela ne fût pas nécessaire, Paz hocha la tête.

_ Si cela te va, je te propose que nous finissions cette chasse rapidement pour ne pas avoir à imposer notre présence à l'autre plus longtemps que nécessaire.

_ Telle est la voie, répondit l'homme à l'armure lourde.


à suivre