L'HÉRITAGE NON DÉSIRÉ
Chapitre 20
Bordure extérieure, Mandalore, temple Jedi de Mandalore
DIN DJARIN
Debout face la pierre du destin du temple Jedi de Mandalore, Din Djarin hésitait. A l'aide de cette pierre, en méditant, il devait entrer en communication ou, du moins, percevoir la présence d'autres Mandaloriens. L'Armurière l'avait pressé de se mettre à la recherche des membres de ce peuple dispersé aux quatre coins de la galaxie.
Même s'il méditait plutôt bien, il n'était pas certain de méditer assez bien pour percevoir un frère ou une sœur. Mais, surtout, il n'était toujours pas persuadé d'être la personne digne pour rassembler le peuple.
_ Un souci ? demanda Paz en arrivant dans son dos.
_ S'il n'y en avait qu'un… répondit Din en se tournant vers son frère d'arme.
Paz ne répondit rien. Il parcourut la pièce du regard.
_ Tu cherches quelque chose ? demanda Din.
_ Ton fils. J'ai ceci à lui donner, répondit Paz en montrant une bourse en cuir de belle qualité, abhorrant le symbole du crâne de Mythosaure. Je me suis dit que ce serait plus simple pour transporter sa bille en Beskar. C'est un objet précieux. Il ne faudrait pas qu'il l'égare. Le cordon est long et solide. Il pourra choisir de la mettre à son cou ou à sa taille. Je te laisserai voir avec lui ce qui lui conviendra le mieux.
_ Merci pour cette attention.
Paz haussa les épaules en guise de réponse.
Un silence s'abattit entre les deux hommes.
_ Je vais voir si je trouve Grogu ailleurs, finit par dire Paz.
_ Essayes la bibliothèque, conseilla Din. Comme il n'arrive pas à manier la bille de Beskar avec la Force, il regarde beaucoup les schémas de postures de combats et de maniement des armes en quête d'inspiration.
_ Merci du conseil.
_ Euh… Paz ! fit Din juste avant que le Mandalorien ne quitte les lieux.
_ Oui ?
_ Tu ne m'as pas dit ce que tu pensais de… de ce que ton ancêtre m'a confié comme mission.
_ Ce que j'en pense n'a pas d'importance, répondit Paz.
_ Ça en a pour moi.
_ Tu as rompu ton serment et tu as trahi le Credo. Tu n'es plus un Mandalorien selon moi. Alors, ton règne…
_ Pour que les choses soient dites, je n'ai absolument pas l'intention de monter sur le trône. Même si je parvenais à me purifier, ce n'est pas quelque chose de je désire, expliqua Din. J'imagine que cela ne te pose pas de problème que je pense ainsi ?
Paz ne fit pas de commentaire.
_ Mon problème actuel, reprit Din, est qu'on me demande de rassembler les Mandaloriens. C'est pour ça que je suis dans cette pièce, devant ce stupide caillou : je dois méditer dessus et trouver des Mandaloriens. Mais… Qui suis-je pour débarquer je ne sais où et dire à des Mandaloriens fidèles au Credo que moi, Din Djarin, paria, je veux qu'il abandonne tout ce qu'ils ont bâti là où ils sont pour me suivre sur Mandalore, pour y vivre dans une grande caverne, avec des lits de pierre aux couvertures élimées ?
_ Si tu brandis le Sabre Noir, ils devraient te suivre, dit Paz.
_ Je n'ai pas non plus voulu de cet objet maudit. En plus, le brandir pourrait vouloir dire que je revendique le trône alors que c'est faux. Ce n'est pas avec cet argument que je veux me présenter devant les autres.
L'homme à l'armure lourde redevint mutique.
_ Paz, j'accorde de l'importance à ton opinion et surtout je sais que tu me diras franchement ce que tu penses.
_ Tu veux savoir si j'apprécie que mon ancêtre ait jeté son dévolu sur toi, qui n'est pas Mandalorien de souche, alors qu'il ne s'est jamais adressé à moi qui suis de son sang ? La réponse est non. Est-ce que je pense que tu es digne de devenir Mand'alor ? Pas le moins du monde. Est-ce que tu peux rassembler notre peuple ? C'est possible.
_ C'est possible ? répéta Din.
_ Souhaites-tu que les Mandaloriens soient rassemblés ?
_ Bien entendu, répondit Din. En plus, nous sommes plus forts ensembles.
_ Je suis d'accord avec toi au sujet du fait de brandir le Sabre et de ce que cela peut signifier aux yeux de nos frères et sœurs. J'aurais même tendance à te conseiller de garder pour toi le fait qu'il soit en ta possession. Pas pour éviter la convoitiser. Mais parce qu'on ignore où est ta place parmi les Mandaloriens. En revanche, je pense que tu peux trouver des membres de notre peuple.
_ Après Nevarro, quand la Tribu nous a protégé Grogu et moi et qu'elle s'est dispersée par la suite, je vous ai cherché et je n'ai pas réussi à vous trouver.
_ Pourtant, tu nous as retrouvé sur Glavis Ringworld, fit remarquer Paz.
_ J'ai suivi des rumeurs et je me suis abaissé à travailler avec des gens pour lesquels je n'aurais pas travaillé en temps normal. Je ne vous ai pas trouvé. J'ai été aidé. Et, même ainsi, cela m'a pris un temps considérable.
_ Après Nevarro, tu devais t'occuper de l'enfant. Et avant de nous trouver sur Glavis Ringworld, tu venais de perdre l'enfant. Dans les deux cas, ton esprit n'était pas focalisé sur nous. Tu n'as jamais su faire deux choses à la fois… commenta le Mandalorien. Tu es un mercenaire et un bon chasseur. Vois cette tâche comme une mission : concentre ton attention dessus. Je suis certain que tu trouveras des enfants du Beskar.
_ Et ensuite ? Ils vont me prendre pour un fou quand je vais leur dire de venir ici.
_ Dans le fond, je crois que tous les Mandaloriens rêvent de revenir sur Mandalore. Maintenant, si Tarre Vizsla te pense capable de rassembler les Mandaloriens… Tu dois te montrer digne de cette attention.
_ Honnêtement, j'aurais cru que tu m'aurais dit de renoncer… avoua Din.
_ Je ne t'apprécie pas, mais cela ne m'empêche pas de reconnaître ta valeur. Par ailleurs, je sais qu'il ne faut pas juger les gens trop vite… dit Paz en caressant le cuir dans la petite bourse. C'était à ma fille, ajouta-t-il.
_ Tu as une fille ? s'étonna Din.
_ J'ai eu, corrigea Paz. Dans les bois, la jeune femme à l'allure fine et frêle, qui n'avait jamais vécu que sur Concordia et qui rêvait d'aller fouler le sol de Mandalore…
_ La Mandalorienne à laquelle tu avais pensé lorsque je pouvais encore lire dans ton esprit, fit Din.
_ C'était mon épouse, expliqua Paz. Elle était une Mandalorienne de sang, mais elle avait toujours eu une santé fragile. Personne ne la croyait apte à suivre la Voie du Guerrier. Je l'ai rencontré durant mon adolescence et j'ai été parmi les premiers à la mépriser pour sa faiblesse apparente. Elle m'a défié en combat singulier au motif que seuls ceux qui arriveraient à la battre seraient autoriser à lui manquer de respect.
_ Elle t'a battu.
_ En quelques secondes. Ça a été une vraie humiliation. Pour autant, elle n'a jamais été méprisante à mon égard alors qu'elle en aurait eu le droit. J'ai exigé ma revanche et elle vaincu à nouveau. Je l'ai défié tous les jours pendant plus de sept ans.
_ Vraiment ? Tu as fini par abandonner ?
_ Non, je l'ai vaincu en me servant de sa propre technique. Elle savait qu'elle était moins forte que moi, alors elle n'attaquait jamais. Elle attendait que je passe à l'offensive pour retourner ma force contre moi. Je l'ai battu en restant immobile. Elle a dû attaquer en premier. J'ai perdu l'équilibre et je suis tombé. Cependant, j'ai réussi à l'entraîner dans ma chute. Une fois au sol, elle était vaincue par mon poids.
_ Ça ne l'a pas vexé ?
_ Non, elle a explosé de rire. En me relevant, je l'ai demandé de m'épouser. Elle m'a traité de « idiot qui prend son temps », mais elle a accepté.
_ Comment est-elle morte ? demanda Din.
_ On venait d'arriver sur Nevarro. En raison de la santé fragile de ma femme, la grossesse a été difficile. L'accouchement a eu lieu en avance et il n'a pas été possible de consulter un médecin. C'est l'Armurière qui a mis au monde ma fille et qui lui a sauvé la vie. Mon épouse n'a pas survécu. Notre fille me ressemblait aussi bien physiquement qu'au niveau de sa santé, à une exception près. En raison de son avance à la naissance, ma fille avait des problèmes respiratoires assez sévères. Elle a voulu être une guerrière à son tour et j'ai commencé son entraînement. Mais, je la ménageais et ça l'a vexé. Elle m'a toujours trop ressemblé…
_ Il lui est arrivé quoi ?
_ L'Armurière avait suggéré qu'il était possible de renforcer ses poumons en les exposant à petite dose aux vapeurs des plaines de laves. Je m'y suis opposé. Alors, ma fille a choisi d'entraîner elle-même ses poumons, la nuit, quand je ne la surveillais pas. Les autres enfants, les orphelins, étaient au courant et dissimulaient ses sorties nocturnes. Une nuit, elle a dérapé et son pied s'est retrouvé coincé dans une crevasse. Les vapeurs des plaines l'ont asphyxiée. Ce n'est qu'au matin que j'ai découvert sa désobéissance, son absence et sa mort.
_ Mes condoléances, dit doucement Din.
_ Tout ça pour dire, ne laisse pas les autres te dicter qui tu dois être ou ce que tu dois faire. Tu ne veux pas être Mand'alor ? Ne sois pas Mand'alor. Tu veux que les Mandaloriens se rassemblent ? Va les chercher et rassembles-les ici. On n'est jamais mieux servi que par soi-même.
_ Merci Paz.
_ Fais ce que tu as à faire, mais ne lésines pas sur les moyens que tu te donnes, répondit-il avant de quitter la pièce.
Din commençait à mieux comprendre certaines des réactions de Paz. Son conseil de soutenir le choix de Grogu s'il venait à choisir la Voie du Guerrier malgré son physique peu adapté, son aversion mêlée de respect pour les faibles qui sont résilients, sa froideur envers les orphelins, son respect strict des règles… Pourtant, il ne comprenait pas pourquoi Paz était prêt à donner un objet ayant appartenu à sa fille à Grogu. Mais, il n'osa pas poser la question. Son frère d'arme s'était déjà montré plus bavard qu'il ne l'avait jamais été et Din ne voulait pas froisser Paz.
Bordure extérieure, Morak, village sans nom
DIN DJARIN
A travers la pierre du destin du temple Jedi de Mandalore, Din avait eu l'impression très nette que quelqu'un l'attendait sur la planète Morak. Il avait été sur cette planète à l'époque où Moff Gideon avait enlevé Grogu.
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Son vaisseau dissimulé sous une bâche de camouflage dans une plaine l'écart des sentiers piétons et des routes menant à l'ancienne raffinerie impériale de rhydonium, Din avait marché presque trois heures jusqu'au village qu'il avait traversé avec Migs Mayfeld, alors qu'ils se faisaient passer pour des soldats impériaux. Grogu avait d'abord été ravi de découvrir une nouvelle planète. En plus, la forêt était dense et les sous-bois humides. C'était un milieu que l'enfant aimait particulièrement. Cependant, la longueur du trajet eut vite raison de l'enthousiasme du petit et il ne tarda pas à demander que son père le porte dans son sac en bandoulière.
Le village sans nom, qui tenait plus du bidonville que du village à proprement parler, n'avait guère changé visuellement parlant. Là où les convois impériaux laissaient autrefois leurs empreintes dans la boue, il y avait les ravages des pirates et des pillards.
A la grande surprise de Din, les villageois regrettaient la raffinerie impériale. Non pas qu'ils étaient loyaux à l'Empire, loin de là. En revanche, du temps où les Impériaux fréquentaient Morak, c'était moins l'anarchie et les pirates et autres pillards ne s'intéressaient pas aux petits villages. Autrement dit, comme l'avait dit Valin Hess, les gens avaient accueillis l'Empire à bras ouverts, pour la stabilité et la « paix » qu'il apportait. Les villageois se moquaient de qui les contrôlait tant qu'ils étaient protégés. L'influence de la Nouvelle République ne s'étendait pas jusqu'à un petit village isolé sur une planète livrée à la sauvagerie.
Le pouvoir détestant le vide, sans Nouvelle République et sans Empire, les bandes de pirates et de pillards se livraient une guerre de territoire où les civils étaient systématiquement pris pour cibles.
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Lorsque Din et Grogu arrivèrent au village, chacun alla se cacher dans sa « maison » ou dans un abri de fortune. L'ancien Mandalorien portait son armure et son casque, comme à l'ordinaire. Il n'imaginait pas montrer ostensiblement son visage à de parfaits inconnus. Du coup, son apparence intimida la population, et la personne qui « l'attendait ». Cette personne était là, il le sentait au fond de lui. Ce fut Grogu qui, une fois sortie du sac en toile, réussit à amadouer les gens avec son innocence infantile. Les habitants les invitèrent même à partager leur maigre repas communautaire et à dormir sur place.
Il découvrit plusieurs choses. D'abord, il n'y avait pas de Mandalorien sur Morak. Din avait déjà vu la personne qui attendait sa venue. C'était un jeune garçon aux yeux bridés, leur donnant une forme d'amande, et d'un bleu profond. Dès sa première venue sur la planète, le garçon avait attiré l'attention de Din sans qu'il ait su pourquoi. A présent, il comprenait mieux. Ce garçon était indéniablement sensible à la Force. D'ailleurs, Grogu fut également attiré par lui.
Le jeune homme, nommé Jorah, était orphelin. Un jour, alors qu'il avait entre deux et trois ans, il était apparu seul, à travers les arbres. Les villageois avaient cherché les parents, sans succès. Il grandit, élevé par tout le monde et par personne.
Din avait parfaitement conscience qu'il n'avait pas les capacités pour s'occuper d'un enfant Jedi. Cependant, il connaissait un Jedi qui avait construit une école et qui serait sûrement ravi d'avoir un élève plus motivé que le précédent. De son côté, Jorah avait su que Din allait venir pour le chercher, mais il avait également toujours su que c'était pour aller ailleurs.
En revanche, Din fit une découverte à laquelle il ne s'était pas attendu. Les villageois se rebellaient de plus en plus face aux pirates et aux pillards. Mais surtout, il était aidé. Un homme au crâne lisse comme du verre poli et à la barbe rousse, fin tireur, bavard invétéré et grand connaisseur de jurons en tout genre, avait repoussé à lui seul une attaque de pillards en tuant tous les assaillants à distance. Din aurait pourtant juré que Migs Mayfeld aurait trouvé un moyen pour quitter Morak et qu'il se serait trouvé un coin tranquille pour rester en vie et s'endormir tranquillement le soir. Au lieu de ça, Mayfeld avait décidé de rester sur la planète minière.
Les villageois racontèrent à Din que, dans un premier temps, Mayfeld avait traqué les survivants de la raffinerie impériale. Très vite, il fut pris à partie avec des pirates et il n'apprécia pas. Naturellement, il les tua tous.
L'ancien tireur d'élite avait eu toujours la gâchette facile, mais il s'en servait à présent pour défendre les civils. D'ailleurs, l'inquiétude actuelle des villageois venait du fait que leur protecteur était allé délivrer un groupe d'habitants pris en otage par les pillards, et qu'il était resté en arrière pour leur permettre de fuir. Cependant, il n'était toujours pas revenu après deux jours.
Migs Mayfeld était peut-être quelqu'un de casse-pied, voire une pourriture, mais quelque part au fond de lui, ce n'était pas un mauvais bougre. Din Djarin ne pouvait décemment pas quitter Morak sans essayer de faire quelque pour cet homme.
à suivre
